“Je crois qu’In The Air a fait des Mondiaux d’Aix-la-Chapelle mon objectif”, Jessica Mendoza
Avant cette année, Jessica Mendoza n’avait plus concouru en Europe depuis une brève apparition à Aix-la-Chapelle et Falsterbo durant l’été 2022. Révélée au milieu des années 2010 avec l’équipe britannique, dont elle a porté les couleurs aux championnats d’Europe Sénior 2015, la Britannique, installée de longue date outre-Atlantique, a donné un nouvel élan à sa carrière sportive ces dernières saisons. Désormais âgée de vingt-neuf ans, elle s’est forgé un piquet de chevaux intéressant, avec In The Air et Summerhouse, frère et sœur utérins, en têtes d’affiche. C’est d’ailleurs grâce à la première qu’elle a retrouvé les sommets cette année. Douzième de la finale de la Coupe du monde Longines de 2024 avec I-Cap CL, Jessica Mendoza a terminé onzième des Européens de La Corogne en juillet et empoché un mois plus tard sa première victoire en Grand Prix 5* aux rênes de sa fille d’Air Jordan. Au cœur d’un système bien rodé, où elle encadre de nombreuses jeunes et prometteuses cavalières et peut compter sur le soutien de leurs mères, la compétitive amazone semble avoir trouvé son équilibre. De retour sur le Vieux Continent pour vivre son tout premier CHI de Genève et saluer son public au CSI 5*-W de Londres, la trente-huitième mondiale s’est confiée sur sa saison, son fonctionnement ou encore sa rencontre avec ses deux meilleurs chevaux actuels. Entretien.
Ces deux dernières saisons, votre carrière a pris un nouvel élan. En 2025, vos performances, notamment votre onzième place individuelle aux championnats d’Europe de La Corogne et votre première victoire en Grand Prix 5* à Bridgehampton avec In The Air (Air Jordan x Indoctro), l’ont confirmé. Quel bilan tirez-vous des derniers mois écoulés ?
Le bilan est plutôt très positif ! Cette année a été incroyable. Je n’avais pas vraiment anticipé qu’elle se déroulerait ainsi. Je savais que j’avais une bonne jument avec In The Air, mais les championnats d’Europe ne faisaient pas du tout partie de mon plan. Elle a très bien sauté cette année, disputé quelques Coupes des nations (notamment celle du CSIO 5* de La Baule, en juin, ndlr) et tout est allé de mieux en mieux. Aux Européens, elle m’a vraiment impressionnée. Et un mois plus tard, elle a gagné le Grand Prix 5* des Hamptons ! Elle n’a fait que progresser.
Quel était votre plan en concourant en Europe cette année, pour la première fois depuis juillet 2022 ?
Tous mes clients souhaitaient venir en Europe, alors nous avons organisé une série de concours ici. J’avais envie de faire quelques Coupes des nations, pour lesquelles In The Air était prête. Elle a effectué sa première épreuve de ce type à Ocala, en début d’année (lors d’une étape de la Ligue des nations Longines, ndlr). Disputer un championnat ne faisait pas partie de nos ambitions, mais c’est toujours agréable lorsque les choses se déroulent de cette façon !

"Disputer un championnat ne faisait pas partie de nos ambitions en début d'année", reconnaît Jessica Mendoza. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Que représente votre première victoire en Grand Prix 5* représente pour vous ?
C’était incroyable ! Signer cette victoire dans un concours aussi important que les Hamptons était d’autant plus sympa. C’était cool de partager ce moment avec le public.
“Aborder un championnat en en ayant déjà fait un avant est agréable”
Avant de fouler la piste de La Corogne cet été, vous aviez déjà participé à une échéance continentale il y a dix ans, à Aix-la-Chapelle, alors que vous n’aviez que dix-neuf ans. Quelle influence a eu cette expérience, partagée avec Spirit T (Tornado x Carnaval Drum), devenue mère de deux produits de sept ans par What A Quick Star R, alias Big Star, avant sa disparition, sur votre carrière et votre rapport à votre sport ?
Ces championnats-là étaient encore plus importants que ceux de cette année. Ils étaient qualificatifs pour les Jeux olympiques (et étaient la dernière chance de la Grande-Bretagne de décrocher son ticket pour Rio, ndlr) et se déroulaient à Aix-la-Chapelle ! J’étais jeune et je me suis naïvement jetée dans cette aventure. Ma jument de l’époque était assez similaire à In The Air : elle avait un cœur immense. Je pense que cela lui a beaucoup demandé. Au moment où nous passions, nos parcours n’étaient pas décisifs pour l’équipe. C’était merveilleux de faire partie de cette échéance. Nous avions un super groupe de cavaliers (avec Joe Clee, Ben Maher et Michael Whitaker, ndlr). C’était très intéressant d’évoluer aux côtés d’eux et de profiter de leur savoir.
En 2015, alors qu'elle n'avait que dix-neuf ans, Jessica Mendoza a vécu son premier grand championnat aux rênes de Spirit T, disparue en 2019 après avoir laissé deux produits derrière elle. L'année suivante, toutes deux avaient été désignée réservistes de l'équipe britannique aux Jeux olympiques de Rio. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Cette première expérience vous a-t-elle aidée cette année ?
Oui, assurément. Aborder un championnat en en ayant déjà fait un avant est agréable. La pression est beaucoup plus simple à gérer que lors de la première fois. Je n’avais pas de pression à La Corogne, d’autant plus que j’étais cinquième et que l’équipe ne dépendait donc pas de mes performances. Bien sûr, j’aurais adoré être dans le quatuor titulaire, mais je suis tout de même très heureuse que les championnats d’Europe permettent de sauter en individuel.
En 2026, Aix-la-Chapelle accueillera un nouveau championnat, les Mondiaux. Est-ce votre objectif de faire partie de l’escouade britannique à cette occasion ?
Je crois que In The Air en a fait mon objectif ! Elle donne tout. Je ne vais pas la pousser, mais si nous parvenons à intégrer l’équipe, ce sera super.
Après des championnats d'Europe réussis, Jessica Mendoza se tourne vers les Mondiaux d'Aix-la-Chapelle. © Sportfot
“Je pense que l’équipe britannique est plus solide qu’elle ne l’a plus été depuis longtemps”
Comment jugez-vous les forces et faiblesses de votre équipe nationale, à qui tout semble réussir depuis un an et demi ?
Je pense qu’elle est plus solide qu’elle ne l’a plus été depuis longtemps ! Nous avons remporté quelques belles épreuves collectives cette année (celles des CSIO 5* de Calgary et Gassin, ainsi que la finale de la Ligue des nations Longines de Barcelone, ndlr) et deux médailles d’argent (par équipe et en individuel pour Scott Brash et Hello*Folie de Nantuel, ndlr) aux championnats d’Europe. Nous pouvons compter sur un noyau dur de cinq, six voire sept cavaliers qui sont excellents.
Quel rôle a joué et joue Di Lampard dans le succès de ce collectif ?
Elle était déjà là lorsque j’ai sauté à Aix-la-Chapelle en 2015. Cela fait des années qu’elle œuvre pour cette équipe. Depuis que j’ai l’âge de participer aux échéances Sénior, elle a toujours été notre cheffe d’équipe. Elle est géniale. Tout le monde s’entend bien avec elle et elle est aussi d’un grand soutien pour nous. Elle arpente les concours, regarde les chevaux, les cavaliers, prend note de tout. Savoir qu’elle est aussi impliquée est vraiment chouette.
Di Lampard est la seule femme à avoir occuper aussi longtemps et avec autant de réussite le poste de cheffe d’équipe. Est-ce inspirant pour vous ?
Oui, bien sûr ! J’adore les femmes qui disent aux hommes quoi faire ! Il devrait y en avoir plus.

"J'adore les femmes qui disent aux hommes quoi faire", sourit Jessica Mendoza, qui reconnaît l'inspiration que représente Di Lampard, la cheffe d'équipe britannique. © Sportfot
“Mon système est très familial”
Où étiez-vous installée durant votre virée européenne cette année ?
Durant notre série de concours en Europe, j’étais chez Nicolas Paillot, près de Chantilly. C’était charmant. C’était beaucoup plus calme qu’aux Etats-Unis, et c’était très agréable de passer du temps là-bas. En se réveillant, on avait un croissant, on pouvait déjeuner tranquillement et cela a rendu l’expérience très relaxante.
Comment fonctionne votre système outre-Atlantique ?
Je monte évidemment à cheval, mais je gère aussi tout un pan de commerce et j’ai beaucoup de clients. Nous passons la moitié de l’année à Wellington, et l’autre autour de North Salem. J’ai entre six et sept élèves qui voyagent avec moi. Assez souvent, mes clients sont aussi mes propriétaires. Les mamans me soutiennent et leurs filles s’entraînent avec moi. Notre fonctionnement est très familial.
L'amazone peut aussi compter sur l'excellent Guidam Sohn The Second, alias Summerhouse, déjà classé en Grand Prix 5*. © Sportfot
Qu’appréciez-vous le plus dans le fait d’entraîner d’autres cavaliers ?
J’aime le chemin. Les victoires sont évidemment formidables, mais le plus bel aspect de cette activité réside dans tout le travail effectué pour arriver à ces moments-là. La plupart de mes élèves sont à mes côtés dès leur plus jeune âge. Voir les petites filles de dix ans grandir jusqu’à sauter des Grands Prix 5* est trop cool !
Avez-vous vous-même un coach ?
Non, je fais tout moi-même. Je peux solliciter mon époux (Nicholas Dello Joio, cavalier de haut niveau et notamment au départ de la finale de la Coupe du monde d’Omaha en 2023, ndlr) pour des conseils et j’échange très régulièrement avec mon père, qui a, d’une certaine manière, toujours été impliqué dans mon parcours.
Qu’est-ce que le “moms club”, le groupe de mamans qui est propriétaire, à vos côtés, de vos deux meilleures montures, In The Air et son frère utérin, Guidam Sohn The Second (Guidam Sohn), alias Summerhouse ?
Avec quatre mamans, nous avons toutes cinq une part dans In The Air et son frère, Summerhouse. Nous appelons notre groupe le “moms club”. C’est agréable d’avoir le soutien d’autres femmes ! Je pense que c’est aussi pour cela qu’elles se sont lancées dans cette aventure : ce sont des femmes fortes, qui réussissent dans la vie et qui aiment soutenir d’autres femmes !

À La Baule, In The Air et Jessica Mendoza ont prouvé toutes leurs capacités pour affronter ce niveau. © Mélina Massias
“Quand j’ai abordé le premier saut lors de mon essai avec In The Air, elle s’est arrêtée”
Quelle est l’histoire d’In The Air et Summerhouse, tous les deux nés chez Cees den Boer ? Monter deux frère et sœur utérins au plus haut niveau et avec réussite, n’est pas commun !
J’ai acheté In The Air et Summerhouse en même temps. Ils vont en concours ensemble et s’adorent ! Johan Lenssens m’a d’abord envoyé une vidéo de Summerhouse, que je suis allé essayer. Alors que j’étais à dix minutes de notre lieu de rendez-vous, il m’a appelée et m’a dit qu’il avait aussi sa sœur utérine. Elle n’était pas vraiment à vendre, mais une autre personne souhaitait acheter les deux ensembles. Alors, il m’a laissé la possibilité de le faire moi-même ! J’ai d’abord essayé Summerhouse, comme cela était initialement prévu. Je l’ai beaucoup aimé. Et puis, lorsque j’ai voulu monter In The Air, on m’a dit que ce n’était pas la peine. J’ai vraiment dû insister. Lorsque j’ai abordé le premier saut, elle s’est arrêtée. Je suis revenue et elle a de nouveau refusé de sauter. Je n’avais plus le droit qu’à une tentative avant que les propriétaires mettent un terme à l’essai, et, heureusement, tout s’est bien déroulé ensuite. À la maison, elle ne veut pas sauter. Si j’installe un vertical, elle va le regarder et s’arrêter. Je dois commencer par des barres au sol, des cavaletti, puis éventuellement monter un peu les barres car elle est très sur l'œil. En revanche, elle est totalement différente en piste : elle ne regarde rien ! Je ne l’ai pas vraiment achetée en imaginant qu’elle devienne la jument qu’elle est aujourd’hui. Je savais qu’elle était talentueuse, mais elle a dépassé toutes mes attentes.

Après un été européen couronné de succès, la Britannique expatriée aux Etats-Unis a regagné le Vieux Continent pour le CHI de Genève, où elle a remporté trois épreuves : deux avec I-Cap CL, son partenaire de la finale de la Coupe du monde 2024 qui se consacre désormais à des épreuves de vitesse, et une avec In The Air, sa meilleure complice. © Mélina Massias
À quel point In The Air et Summerhouse sont-ils similaires ?
Ils ne pourraient pas être plus opposés ! Leur seul trait commun est leur grain de folie aux écuries et avec les gens. Du reste, ils sont incomparables. In The Air est une toute petite jument, très libre d’esprit. Summerhouse est un grand hongre, doté d’une belle amplitude et est beaucoup plus classique. Ils sont très différents, mais tous les deux talentueux !
Summerhouse, dix ans, vous semble-t-il avoir la trempe d’un cheval de championnat ?
Oui. Il a déjà terminé deuxième d’un Grand Prix 5* (à Ottawa, ndlr), deux semaines avant la victoire de sa sœur à Bridgehampton. Pour l’instant, il a surtout eu moins de chance dans la vie. Il a été opéré de coliques et parvient toujours à contracter de petits pépins de santé. Mais il est au moins aussi talentueux que sa sœur, probablement même plus, mais la générosité d’In The Air est extraordinaire et compense le reste.
Pour sa cavalière, Summerhouse dispose de qualités intrinsèques encore meilleures que celles de sa sœur utérine, In The Air. © Sportfot
Ascadina PP (Asca x Ginus), neuf ans, a montré de très belles choses cette année. Pouvez-vous en dire plus à son sujet ? La sentez-vous capable de sauter des Grands Prix 5* dans le futur ?
Elle a neuf ans. L’une de mes clientes l’a achetée en totalité en janvier dernier. Elle est très enthousiasmante. Elle nous a accompagnés en Europe cette année et j’avais prévu de l’engager seulement jusqu’à 1,45m. Elle a fini par sauter encore plus haut et gagner ! Elle a déjà pris part à des Grands Prix 4*. Elle s’est littéralement promenée dans le Grand Prix 4* de North Salem (dont elle a pris la quatrième place après un double zéro, ndlr), alors je pense qu’elle a tout pour les 5*. Je pense qu’elle gagnera à ce niveau.
À neuf ans, Ascadina PP a montré de très belles promesses pour l'avenir. © Sportfot
Vous vous êtes récemment mariée avec Nicholas Dello Joio. Cela a-t-il changé des choses dans la façon dont vous percevez désormais la vie ?
Non, tout est resté identique. Je n’ai pas changé mon nom ; je l’aime bien. Nick m’a accompagnée à Genève. Il concourt lui-même et entraîne aussi d’autres cavaliers : il est donc souvent très occupé. C’est la première fois qu’il fait un déplacement aussi important pour venir me voir ! Peut-être que c’est parce que nous sommes maintenant mari et femme ! (rires) Je ne sais pas ! Pour le reste, rien n’a changé. Nous avons juste profité de quatre semaines loin de tout le reste, pour notre mariage et notre lune de miel.
Il y a quelques années, vous étiez très impliquée dans l’art et créiez de nombreux tableaux. Avez-vous encore le temps de vous adonner à cette passion ou à d’autres en dehors des chevaux ?
Non, je n’ai du temps que pour les chevaux ! J’adore créer et l’art. Je m’y suis beaucoup consacrée il y a quelques années, à une période où j’étais blessée au bras. Mais je n’ai plus le temps de peindre. Cependant, je suis sûre que j’y reviendrai un jour. On dit souvent que les artistes créent par périodes, font une pause puis reprennent.

Cette saison, Jessica Mendoza semble avoir donné une nouvelle dynamique dans sa carrière sportive. © Sarah Bedu / GRANDPRIX Events
Photo à la Une : À Genève, Jessica Mendoza et In The Air ont remporté une épreuve à 1,55m. © Mélina Massias



