Pilier de l’équipe autrichienne, Max KÜHNER fait son grand retour après un mois d’absence suite à une opération à l’épaule. Cavalier, père de famille mais aussi à la tête d’une entreprise dans le monde de la finance, l’homme de quarante-cinq ans a une vie bien occupée mais a pris le temps de nous rencontrer afin que nous en apprenions plus à son sujet.
VOS DÉBUTS À CHEVAL SONT ASSEZ PARTICULIERS, N’EST-CE PAS ?
« Oui, j’étais censé aller skier et c’était durant l’un de ces hivers où il n’y avait pas beaucoup de neige. A cette époque il n’y avait pas de canon à neige et comme avec les autres enfants nous avions beaucoup d’énergie à dépenser, mes parents sont allés voir un centre équestre pour nous inscrire en Autriche, et c’est là que tout a commencé. Mes parents ont toujours eu un cheval et aimaient monter mais jamais en concours, juste en tant que loisir. »
VOS PARENTS N’ÉTANT PAS DES PROFESSIONNELS, L’ASCENSION VERS LE HAUT NIVEAU A-T-ELLE ÉTÉ DIFFICILE ?
« Quand vous ne venez pas d’une famille qui est totalement impliquée dans le sport, je pense que c’est plus difficile parce qu’il faut vivre beaucoup de choses, faire de nombreuses erreurs. A l’inverse, quand vous grandissez dans une famille de professionnels, vous pouvez faire des erreurs mais vous avez déjà à peu près la « bonne façon » de faire les choses et on ne va pas vous laissez vous enfoncer. J’ai dit à un bon ami à moi, qui n’est autre que Martin FUCHS : « Regarde, toi tu es sur l’autoroute vers le haut niveau, pendant que moi j’ai été longtemps perdu en plein milieu de la forêt sans savoir où était cette autoroute ». Mais au fond, être dans cette jungle et réfléchir à l’endroit où peut être cette route vers le haut niveau vous donne beaucoup d’expérience même si cela peut vous prendre plus de temps. Et en plus vous avez le temps de bien connaître votre cheval. »
QUI VOUS A AIDÉ À ARRIVER LÀ OÙ VOUS EN ÊTES AUJOURD’HUI ?
« Beaucoup de personnes m’ont aidé, je ne pointerais pas du doigt une seule personne parce que ce ne serait pas juste. On m’a aidé à progresser, me développer, et encore aujourd’hui je continue à apprendre tous les jours et de nombreuses personnes m’aident toujours, que ce soit grandir dans le sport ou bien faire les choses de meilleure façon, trouver un chemin plus facile pour atteindre mon objectif. »
AVEC VOTRE EXPÉRIENCE, QUE PENSEZ-VOUS DE LA ROLEX YOUNG RIDERS ACADEMY ?
« Quand vous regardez les cavaliers de la Young Riders Academy, il y a des gens qui en sont là où ils en sont parce que ce sont des très bons cavaliers et qui ne viennent pas d’une famille financièrement aisée. Ils ont ainsi l’opportunité de travailler avec les meilleurs entraîneurs du monde et prendre de l’expérience à leur côté, je pense que c’est quelque chose d’important pour notre sport. »
POURQUOI AVOIR CHANGÉ DE NATIONALITÉ, PASSANT DE L’ALLEMAGNE À L’AUTRICHE ?
« Il y avait de nombreuses raisons mais en Allemagne il est très dur de participer à un championnat. En Autriche, j’ai eu l’opportunité de faire plus ou moins ce que je voulais, mon propre programme. En Allemagne en comparaison, une fois que vous êtes arrivé à haut niveau, vous faites ce que vous souhaitez et les autres vous suivent, mais je n’aurais pas été au plus haut niveau et j’aurais plutôt dû suivre ceux qui étaient au top, et cela aurait été compliqué avec mon travail et ma famille. Le sport est aussi le monde des affaires, il faut trouver des financements, nous vendons les chevaux et comme nous n’avons pas de gros sponsor, il est plus facile pour nous de tout gérer comme nous le faisons aujourd’hui. »
POUVEZ-VOUS NOUS PARLEZ DE VOTRE CHEVAL DE TÊTE, CHARDONNAY 79 ?
« Mon meilleur cheval est bien évidemment Chardonnay 79 et notre histoire est plutôt drôle. Une bonne amie à moi, Sabina ILLBRUCK, a toujours eu beaucoup de chevaux et quand elle a voulu en avoir moins, elle m’a demandé de l’aide pour les vendre. Chardonnay à l’époque n’avait que quatre ans et il était assez petit, sautait fantastique mais à ce moment-là il avait l’air trop petit pour moi et j’avais eu une bonne offre d’une personne qui m’avait dit que si elle le prenait, elle prendrait avec elle dix-sept autres jeunes chevaux, poulains, juments… Au final, comme cet individu était un ami à moi, j’ai saisi l’opportunité et lui ai vendu Chardonnay.
Deux ans plus tard, cet ami m’a dit que Chardonnay faisait un très bon travail et qu’il devait revenir chez moi, que je devais le racheter. J’ai donc acheté une moitié et à sept ans j’ai acheté la seconde moitié, évidemment à bien plus cher qu’au prix de vente initial, mais c’était une très bonne décision pour moi que de faire cela. Je suis vraiment très reconnaissant envers cet ami qui m’a offert l’opportunité de le récupérer. Il a pas mal grandi et maintenant il toise presque 1.70m. J’en suis le propriétaire et nous souhaitons le garder, peut-être faire un peu d’élevage avec lui dans le futur comme il est assez demandé, mais pour le moment nous nous concentrons sur le sport. »
VOUS AVEZ ÉGALEMENT ALFA JORDAN.
« Alfa Jordan est aussi un cheval très talentueux, je l’ai repéré quand il était encore jeune et j’étais très intéressé. Il a été vendu à quatre ans lors des ventes aux enchères Holger Hetzel en tant que cheval le plus cher. Je l’ai vraiment aimé mais je n’avais pas les moyens pour l’acheter. Toutefois, vers la fin de ses sept ans, son propriétaire m’a demandé de le monter. C’est un très bon cheval qui est en progrès constant. »
ET AU NIVEAU DES JEUNES CHEVAUX ?
« Vancouver Dreams est une jeune jument de neuf ans, très talentueuse également. Elle a beaucoup de sang et a besoin de prendre de l’expérience. Elektric Blue P n’a que huit ans, jeune talent mais il a déjà de bons résultats et il a besoin de progresser dans le sport de haut niveau à présent. »
VOUS AVEZ ÉGALEMENT FAIT DES ÉTUDES SUPÉRIEURES, POURQUOI CELA ?
« Mon père m’a toujours dit que je devais terminer mes études à l’université. Je dois vous avouer qu’il m’a forcé au départ à le faire car ce n’était pas facile pour moi mais au final j’en suis heureux. A côté du sport en lui-même avec mon entreprise Sporthorses, je dirige aussi une entreprise dans le domaine de la finance en Allemagne et en Suisse, ayant étudié tout ce qui est finance et administration des affaires et des entreprises. »
ARRIVIEZ-VOUS À GÉRER ÉTUDES ET ÉQUITATION À LA FOIS ?
« Je montais pendant que j’étais à l’université, et je pense que vous avez pas mal de temps quand vous étudiez. A vrai dire, c’était la période de ma vie où j’avais le plus de temps libre. Je ne faisais pas autant de compétition qu’aujourd’hui mais j’arrivais tout de même à monter tous les jours. J’avais également des élèves et des clients, je louais des écuries et nous avions environ dix ou douze chevaux. C’est à cette époque que j’ai commencé à rentrer dans le monde professionnel de l’équitation. »
QUEL TRAVAIL VOTRE FEMME, CAVALIÈRE DE DRESSAGE, FAIT-ELLE SUR VOS CHEVAUX ?
« C’est toujours du plat dans l’optique du saut d’obstacles même si elle a bien sûr les capacités pour demander à un cheval de faire du dressage pur, mais nous ne les montons pas de cette façon : nous faisons des choses plus faciles avec nos sauteurs. Elle a un bon œil pour me donner un retour sur mon travail sur le plat. Nos chevaux ne font pas que du saut ou du plat, ils vont aussi courir sur des pistes de courses. »
COMMENT ARRIVEZ-VOUS À TROUVER UN ÉQUILIBRE ENTRE VIE DE FAMILLE ET LE SPORT, VOUS QUI ÊTES PÈRE DE DEUX ENFANTS ?
« Une chose est importante est que toute la famille aime le sport. J’amène mes enfants sur les concours depuis qu’ils sont très jeunes et ça les amuse, ils vivent le sport et l’adorent ! La configuration de notre maison et de nos écuries fait que ma plus jeune fille vit juste au-dessus du box de Chardonnay : elle dort deux mètres au-dessus de lui ! Ils ont grandi avec les chevaux et ils les aiment et je pense que c’est pour cela qu’ils comprennent pourquoi papa se lève tôt le matin pour aller monter. C’est la vie qu’ils ont connue et pour l’instant ils l’apprécient. »
COMMENT VIVEZ-VOUS LE FAIT DE MONTER EN ÉQUIPE ET PLUS SEULEMENT EN INDIVIDUEL ?
« Aux Championnats d’Europe 2017, nous avions une équipe et nous souhaitons également en avoir une cette année pour ceux de Rotterdam. Je pense qu’il y a des avantages et des inconvénients quand on monte en équipe. Bien sûr, c’est agréable d’avoir un esprit d’équipe et d’être avec des collègues et de concourir ensemble avec le même objectif, mais d’un autre côté c’est aussi un avantage que de devoir se concentrer uniquement sur son propre tour : vous pouvez vraiment vous concentrer uniquement sur votre travail. En effet, il n’y a pas ce besoin de penser à ses résultats par rapport au reste de l’équipe, vous ne montez que pour vous et ne pensez qu’à ce qui est le meilleur pour votre cheval. Evidemment, si je pouvais choisir, je monterais toujours en équipe ! »
Propos recueillis par Marie-Juliette MICHEL. Photo à la Une : © Sportfot.com