Jarnac n’est plus. Âgé de vingt-huit ans, l’étalon Selle Français Originel s’est endormi après une belle retraite. Excellent compétiteur au plus haut niveau sous les selles de Reynald Angot, Timothée Anciaume puis Julio Arias Cueva, le puissant alezan brûlé laisse derrière lui une production très intéressante, avec un certain Donatello d’Auge en chef de file. Retour sur son parcours, avec les hommages de deux de ses anciens cavaliers.
À vingt-huit ans, Jarnac a poussé son dernier souffle. Fils de Ryon d’Anzex et Vic du Vass, par J’t’Adore, l’alezan brûlé est décédé le 19 mars dernier, après une longue retraite passée auprès de la famille Mars. “Nous sommes infiniment tristes. Jarnac est allé rejoindre au paradis des chevaux Rochet M, Dollar dela Pierre, Cook du Midour et Quick Star”, s’est attristée Danièle Mars auprès de Studforlife.
Né pour le compte de la S.C.E.A. La Rousselière, dans l’Orne, l’alezan brûlé aura marqué les mémoires, pour son talent sur les pistes de compétition, mais aussi pour ses qualités de reproducteur. Initié à la compétition à partir de 2001 par Jean-Michel Lorin, le puissant étalon enchaîne les sans-faute sous sa selle à quatre et cinq ans. Également aperçu sur quelques épreuves de dressage à six ans, aux rênes de Karine Lorrain, Jarnac intègre à temps plein l’effectif de Marc Dilasser à partir de juin 2003, avant d’être confié par le haras des M à Reynald Angot l’année suivante. À sept ans, Jarnac arpente déjà les plus belles pistes du monde, se produit à La Baule ou encore Dinard dans des épreuves réservées à sa classe d’âge et tutoie déjà les sommets à huit ans, terminant notamment deuxième du Grand Prix Pro 1 à 1,50m de Franconville. Reynald Angot et son complice atteignent sans surprise le niveau 4 et 5* à partir de fin 2005.
Reynald Angot fut l'un des cavaliers privilégiés de Jarnac. © Sportfot
“Jarnac avait une qualité exceptionnelle. Je pense que c’est l’un des meilleurs chevaux que j’aie monté dans ma vie”, salue Reynald Angot. “Il avait un galop un peu difficile, était un grand cheval, mais sa qualité de saut était incroyable. C’était un cheval très cool, qui ne regardait rien, n’avait pas d’état d’âme. Lorsqu’il faisait des épreuves de six barres, il pouvait sauter 2 mètres et s’arrêter deux foulées après pour brouter ! Il avait un super mental. Avec lui, j’ai remporté la Coupe du roi, à Madrid, devant Itôt du Château ! J’étais très content ce jour-là, notamment d’avoir réussi à devancer un cheval aussi rapide qu’Itôt. C’était vraiment une belle victoire et l’un de mes meilleurs souvenirs avec lui. Il y en a eu d’autres, comme le Grand Prix du salon du cheval de Paris, où il s’était classé quatrième en 2005 et avait sauté de manière fabuleuse.”
Jarnac en action avec Reynald Angot. © Sportfot
En 2007, un nouveau chapitre s’ouvre pour Jarnac, qui rejoint Timothée Anciaume. Et lui aussi garde un souvenir plein de tendresse et d’admiration pour son ancien complice. “Jarnac a marqué le début d’une histoire sympathique de quelques années à haut niveau. Je l’ai rencontré lorsque j’ai commencé à monter les chevaux du haras des M. Jarnac dégageait de la puissance, avec du respect et une façon de sauter spectaculaire. Il était fantastique. Je garde le souvenir d’un cheval hors norme, tant dans la puissance, dans ce qu’il dégageait que dans les sensations qu’il procurait à l’obstacle. Je n’ai jamais monté un cheval qui donnait autant de sensations, avec un tel passage de dos”, loue le quadragénaire. “Il était relativement lent à la base, et a mis un peu de temps à être vraiment compétitif, même s’il avait déjà connu de très bons résultats avec Reynald. Il a fallu beaucoup travailler son galop. Ensemble, nous avons participé à de très beaux concours, comme Aix-la-Chapelle, par exemple. Jarnac ne laissait pas indifférent. C’était un cheval gentil, posé, et peu compliqué bien qu’étalon. Je retiendrai en premier lieu notre victoire dans le Grand Prix 4* de Chantilly, devant John Whitaker et Kevin Staut. Nous avons aussi été classés dans le Prix de l’Europe à Aix-la-Chapelle.” Jarnac a permis a Timothée Anciaume de faire ses armes au plus haut niveau et de récolter quelques très belles performances. © Sportfot
Associés jusqu’à la fin de l’année 2009, Jarnac et Timothée Anciaume voient leurs chemins se séparer. Vendu, l’étalon Selle Français Originel rejoint alors la selle espagnole de Julio Arias Cueva, avec lequel il enregistre de nouveaux classements internationaux, à l’image de sa septième place dans le Grand Prix Coupe du monde de Göteborg en 2011, et défend, avec la manière, ses nouvelles couleurs lors des Coupes des nations de Rotterdam, La Baule et Rome en 2010, puis lors des championnats d'Europe de Madrid, en 2011, dont il prendra la vingt et unième place en individuel.
Jarnac a achevé sa carrière internationale avec Julio Arias Cueva. © Sportfot
Après ses derniers parcours internationaux en 2013, Jarnac a retrouvé son hexagone natal pour couler plus d’une décennie d’une douce retraite à partir de 2014. Dans le même temps, l’alezan brûlé a vu sa production suivre ses traces. Crédité d’un ISO 173 en 2011, le Selle Français a donné un peu plus de sept cents poulains en France. Parmi eux, quarante-six ont obtenu un ISO supérieur à 140 en saut d’obstacles. Son meilleur représentant reste sans conteste Donatello d’Auge, très bon gagnant avec Julien Epaillard et crédité d’un ISO 182. Olympique Libellule, Qurack de Falaise, Tempo de Paban, Usual Suspect d’Auge, Varennes du Breuil, Vic du Marais, Embassy du Château ou encore Chrome d’Ivraie lui ont fait ou lui font toujours honneur. Plus au goût du jour que jamais ou presque, Jarnac est aussi le père d’Extravaganza Semilly, lauréate de son tout premier Grand Prix 4* il y a deux semaines, du côté de Live Oak.
Donatello d'Auge est le meilleur représentant de Jarnac. © Mélina Massias
“Je trouve que Jarnac a quand même très bien produit. Il a pas mal de descendants à haut niveau et il transmet sa qualité. J’ai par exemple monté Chrome d’Ivraie, ou encore Easy Up de Grandry, que je viens de vendre à Julien Epaillard, qui a aussi Donatello. Julien a toujours été très content de ses poulains de Jarnac. On retrouve chez eux son respect de la barre et la qualité de saut naturelle qu’il avait”, souligne Reynald Angot. Et Timothée Anciaume, qui a aussi eu le bonheur de monter des produits de son ancienne gloire, d’ajouter : “Je me suis non seulement régalé avec Jarnac, mais aussi avec plusieurs de ses descendants. J’ai concouru avec Quarnac du Mesnil, Olympic Libellule et d’autres. Jarnac a produit de très bons chevaux, qui sautent. Il y a beaucoup de similitudes entre lui et ses fils et filles. Beaucoup de ses poulains ont hérité de son galop un peu atypique, mais avec beaucoup de force, et la capacité de sauter haut. Non seulement Jarnac a performé à haut niveau, mais je crois que l’on peut aussi dire qu’il est vraiment un bon reproducteur.” La mémoire de l’alezan brûlé n’est donc pas près de disparaître.
Jarnac restera dans les mémoires, pour sa carrière sportive, son charisme et sa réussite à l'élevage. © Scoopdyga
Photo à la Une : Jarnac a notamment évolué au plus haut niveau avec Timothée Anciaume. © Sportfot