Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

James Wilson, un joyau de la couronne self-made, mordu d’élevage et un brin perfectionniste (2/2)

Reportages vendredi 6 mai 2022 Mélina Massias

À l'image de Lily Attwood, Jack Whitaker ou encore Harry Charles, James Wilson incarne lui aussi la relève britannique. Pourtant, le jeune homme de vingt-sept ans présente un profil bien différent de celui de ses homologues. Parti de pas grand-chose en montant quasiment exclusivement dans les bois, James a dû se forger une carrière en solo, ou presque. Associé depuis 2017 à sa compagne, Heather Larson, au sein de écuries Hill House Sporthorses, près de Somerset, au Royaume-Uni, le cavalier de la toute bonne Imagine de Muze entend bien se construire un avenir solide, en s’appuyant notamment sur un programme d’élevage en plein développement. Flegmatique, un brin perfectionniste et lucide, le garçon, présélectionné pour les Jeux olympiques de Tokyo l’an dernier, n’a pas fini de faire parler de lui. Rencontre.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Lucide et un brin perfectionniste à l’entendre, James Wilson semble avoir toutes les qualités pour poursuivre son œuvre. “Je suis assez doué pour réfléchir et trouver des solutions, pour comprendre pourquoi et comment certaines choses n’ont pas fonctionné. Parfois, cela peut me prendre une soirée, deux jours, une semaine ou un mois, mais je finis toujours par comprendre. Je pense que ma capacité à analyser, apprendre et accumuler des informations est une vraie force. Je ne travaille pas avec un entraîneur spécifique, mais j’arrive à décrypter chacun de mes parcours et à être très honnête envers moi-même, à propos des bons comme des mauvais points. Je crois que c’est cela qui m’a aidé à progresser ; je connais mes chevaux, et, après tout, je ressens ce qu’il se passe sous ma selle. Parfois, un peu d’aide au téléphone, des échanges avec d’autres personnes, sont utiles. Je ne me crois pas meilleur qu’un autre, mais je suis certainement celui qui connaît le mieux mes chevaux. Dans certains cas, je trouve que ce travail d'auto-analyse est l’une des meilleures approches”, révèle le Britannique. “Parfois, il faut se débrouiller seul. Il suffit de regarder ses parcours en vidéo pour se dire ‘tiens, je manque un peu de rythme’, ou ‘je devrais soutenir un peu plus ici’. D’un autre côté, je pense avoir un peu le défaut de ma qualité et il m’arrive de trop réfléchir (rires). Non pas que je change d’avis au dernier moment, mais il m’arrive de me torturer l’esprit. Parfois, il est difficile de vivre avec moi (rires). Je pense que ma petite amie dirait la même chose ! Lorsqu’on est heureux d’un résultat et d’avoir accompli ce que l’on voulait, il ne faut pas oublier que cela requiert beaucoup de travail mental en amont.” 

La toute bonne L'Amour, dans ses œuvres à Fontainebleau. © Mélina Massias

Citant Scott Brash comme sa plus grande inspiration dans les sports équestres, pour sa flamboyante réussite dans le Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles entre 2014 et 2015, James souligne aussi la propension de l’Écossais à garder les pieds sur terre. “Ce qu’il a accompli, et la façon dont il a continué à gagner, semaine après semaine, est tout bonnement extraordinaire. La façon dont il est capable de monter avec une telle vitesse tout en restant aussi élégant, et en demeurant un super gars est aussi impressionnante ! Il est phénoménal”, loue-t-il. Également passionné par le football, James ne se fait pas prier pour chausser les crampons, deux fois par semaine, ou pour profiter d’une soirée entre amis. “En dehors des sports équestres, Cristiano Ronaldo est certainement mon plus grand idol. Je suis un grand fan de Manchester United. L’avoir vu débarquer à United à dix-huit ans, puis devenir le meilleur joueur de tous les temps est quelque chose de très spécial”, rit le passionné. “Je suis aussi un peu la Formule 1, mais j’aime tous les sports et j’ai beaucoup de respect pour chaque personne capable de pratiquer sa discipline à un haut niveau. On sait l’engagement que cela nécessite pour y parvenir.” 

L’élevage, une passion dévorante

Pour compléter sa panoplie du cavalier d’avenir par excellence et remplir un peu plus ses journées, James s’est passionné pour l’élevage, il y a déjà quelques années. Cette activité énergivore et chronophage le rattache encore davantage à ses écuries, sises près de Somerset, à moins de trente minutes au sud de Bath, où grandissent ses cracks de demain. “Nous nous investissons davantage dans l’élevage et son développement. Actuellement, nous avons environ trente-cinq chevaux de moins de trois ans. Je me concentre vraiment sur les lignées maternelles fournies, dans l’espoir de faire naître quelques bons chevaux. Nous en vendons aussi certains, notamment via BPH Auction, une vente aux enchères que nous avons lancée l’année dernière, en partenariat avec Danny Dunne. Nous allons poursuivre dans cette voie cette année, avec des foals et des jeunes de trois ans”, débute James. “Tous nos poulains grandissent chez nous. Nous avons un bon manager qui supervise la partie élevage. Je lui apporte mon aide, nous définissons un plan ensemble, puis il fait en sorte qu’il soit exécuté. Nous communiquons bien et nous entendons bien. Une fois que nous avons choisi les étalons, c’est un jeu de patience. Nous nous assurons que tous les chevaux soient en bonne santé, en forme et que les prés soient de bonne qualité pour eux. Dans un second temps, je peux me concentrer sur l’aspect sportif.” 

<iframe src="https://www.facebook.com/plugins/post.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2FJameswilsonsj%2Fposts%2F534703484678483&show_text=true&width=500" width="500" height="819" style="border:none;overflow:hidden" scrolling="no" frameborder="0" allowfullscreen="true" allow="autoplay; clipboard-write; encrypted-media; picture-in-picture; web-share"></iframe>

Quelques uns des poulains nés cette année à Hill House Sporthorses.

Parti d’un constat simple, et souhaitant se construire un avenir dans le sport, James s’est lancé dans l’élevage, avec Heather et sa famille. “Je me suis toujours intéressé à l’élevage. J’ai travaillé dans une grande structure en Hollande et cela m’a, en quelque sorte, rendu accro. J’ai remarqué que les meilleures lignées étaient celles qui réussissaient dans le sport. Ensuite, cela est devenu très onéreux d’investir dans de bons chevaux de sport. J’ai commencé à acheter des trois ans. Mais ceux qui m’intéressaient sont, à leur tour, devenus très chers. Alors je me suis dit qu’il serait préférable de partir de la base. Nous avons alors acheté quelques embryons et nous nous sommes construits à partir de cela. Nous sommes en train de nous développer et j’ai une grande passion pour l’élevage”, poursuit le Britannique, qui pourrait discuter des heures du sujet, avec toujours autant d’intérêt.

Pouvant compter sur une excellente jument de sport, il pourrait être tentant de l’utiliser également pour l’élevage. Mais, pas question pour James de demander à sa belle d’être présente sur tous les fronts. “Cela viendra, mais pour l’instant, je n’ai rien fait avec elle. Je la laisse être un cheval de sport et se concentrer sur cette tâche. Plus tard, elle pourra devenir une mère”, tranche le cavalier. “Dans notre cas, nous n’avons qu’elle pour courir à ce niveau de compétition et, forcément, nous voulons faire ce qui est juste pour elle. Si, d’un seul coup, on lui dit ‘ok, je veux que tu sautes un Grand Prix 5*, mais je veux aussi prélever des embryons’, je crois que c’est beaucoup. Nombreuses sont les personnes qui pensent différemment, mais je ne veux pas prendre de risques, d’autant plus que nous la garderons auprès de nous après sa carrière, quoi qu’il arrive.” 

Imagine de Muze à Fontainebleau. © Mélina Massias

Questionné sur l’emballement que prend le monde de l’élevage en ce moment, et l’utilisation, voire la surutilisation, de certaines lignées maternelles, James ne semble pas inquiet outre-mesure. “C’est un sujet compliqué… On pourrait en parler des heures ! Dans le sens où l’ICSI (Injection intracytoplasmique de spermatozoïde, ndlr) signifie que l’on peut faire naître beaucoup de chevaux très rapidement, c’est une bonne chose pour les familles confirmées. Mais, avec la vitesse à laquelle les choses vont, cela donne de nombreuses générations qui n’ont pas encore fait leurs preuves, ce qui va, par la suite, faire décroître la valeur de leur souche. Ensuite, comme tout le monde veut de l’argent rapidement et que tout aille le plus vite possible, ils vont passer à une autre lignée. Je ne crois pas qu’il y ait à se faire trop de souci sur le fait qu’une famille soit utilisée indéfiniment. À partir du moment où il y a deux générations avec seulement des jeunes chevaux, de moins de sept ans, ils ne généreront plus autant de bénéfices aux enchères, ce qui conduira les éleveurs vers d’autres souches”, constate le passionné. Et d’ajouter : “J’ai quelques étalons préférés, mais je suis d’avis que le plus important reste qu’une jument soit attribuée au bon étalon pour elle. Dans les ventes, les descendants de Chacco Blue, Emerald, Diamant de Semilly, Cornet Obolensky, etc, se vendent bien. Il y a beaucoup de gens qui vont simplement lire un pedigree black-type, voir leur étalon préféré ou un père réputé, et débourser une tonne d’argent pour s’offrir le cheval en question. Parfois, il m’arrive de choisir des étalons qui ne sont pas les plus populaires mais qui, selon moi, vont convenir au mieux à la jument. Peut-être que ce croisement ne serait pas le plus alléchant dans une vente aux enchères, mais cela peut aussi me permettre de conserver le poulain.” 

Avec son parcours atypique, son attrait prononcé pour l’élevage, trop souvent délaissé par une majorité de cavaliers, concentrés sur le très haut niveau, et son calme olympien, James Wilson a conscience que patience et persévérance feront la différence. “C’est souvent difficile pour beaucoup de grands cavaliers de s’intéresser à l’élevage et d’avoir le courage de commencer au tout début avec les chevaux. La tâche est aussi ardue pour les éleveurs, qui fondent souvent beaucoup d’espoirs dans leurs poulains et qui doivent ensuite les valoriser correctement. Peut-être que le fait de faire naître mes propres chevaux est un avantage par rapport à d’autres. Il faut chercher et trouver ce pour quoi on est doué”, plaide le jeune homme. “J’adore l’idée de pouvoir nourrir de grands rêves en imaginant un croisement et en voyant un poulain, et de pouvoir ensuite faire de ce rêve une réalité à la fin du chemin.” À l'aube de sa vingt-huitième année, ce Britannique perfectionniste a la vie devant lui pour embrasser son destin et poursuivre ses ambitions les plus folles, en gardant toujours les pieds sur terre.

Quality Time of Picobello. © Mélina Massias

Photo à la Une : James Wilson à La Baule. © Scoopdyga