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“J'aimerais participer à un grand championnat dans les prochaines années”, Jessica Burke (2/2)

Express Trend
vendredi 11 octobre 2024 Mélina Massias et Baptiste Royer

Des salles de classe de l’université aux plus beaux terrains de saut d’obstacles de la planète, il n’y a qu’un pas pour Jessica Burke. Cette dynamique irlandaise de trente-deux ans, excellente à poney, a mis sa carrière entre parenthèses à la fin des années 2010, pour se consacrer à l’enseignement. Professeure de mathématiques à l’université, l’amazone s’est rapidement fait rattraper au galop par sa première passion, qui ne l’avait jamais vraiment quittée. De retour sous le feu des projecteurs en début d’année, notamment grâce à Nikey HH, depuis vendue, Jessica Burke poursuit son chemin, depuis l’Angleterre, où elle est installée, avec l’ambition de briller au plus haut niveau et de défendre les couleurs irlandaises, si chères à son cœur. Focus sur le parcours, les objectifs, le système et le piquet de cette cavalière pas tout à fait comme les autres.

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

Comment décririez-vous votre philosophie avec vos chevaux ? Quelles sont les choses les plus importantes pour vous ? 

Je pense que c'est un mélange de plusieurs choses. Il faut rendre les chevaux heureux, surtout lorsqu'ils prennent de l’âge et connaissent leur travail par cœur. Nous essayons d’apporter de la nouveauté à leur routine, de les avoir aussi en forme que possible ; ils vont sur la piste de galop, partent en balade, travaillent sur le plat, etc. J’essaye de varier au maximum leurs programmes de travail. Dans notre sport, il est facile pour les chevaux de s'ennuyer un peu au bout d’un moment. Et puis, quand ils sont jeunes, nous essayons de les faire progresser de la façon la plus juste. Nous apportons beaucoup d’importance à la perméabilité aux aides sur le plat et essayons toujours de l’améliorer. Ensuite, nous les mettons au pré pendant quelques mois, pour qu’ils vivent une vraie vie de cheval. Je pense qu'il est très important de se rappeler que ce sont des chevaux, et de faire en sorte qu’ils restent heureux. Si on a un cheval bien dans sa tête, qui a envie de se battre avec nous en piste, nous avons plus de chances de gagner.

Jessica Burke sait qu'elle peut toujours compter sur son fidèle Express Trend, qu'elle monte depuis ses trois ans. © Sportfot

Vous êtes partie de rien, ou presque. Pensez-vous qu'il est encore possible aujourd'hui de suivre le même chemin que vous ? Beaucoup des visages qui émergent sont issus de milieux aisés ou de familles déjà installées dans ce milieu... 

Je pense que c'est possible. Il faut s'entourer des bonnes personnes et ne pas craindre de faire des sacrifices. Par exemple, je n'ai jamais vraiment voulu partir d’Irlande, j’étais très attachée à mon pays, mais cela n'aurait pas été possible si je ne l'avais pas fait. Et je pense qu'il ne faut jamais avoir peur de prendre le téléphone et d'appeler des gens. Il y a toujours une place de cavalier dans une écurie quelque part. On ne gagne pas forcément beaucoup d’argent au début, mais il faut commencer quelque part et apprendre. On peut faire tellement de réseautage et échanger avec tant de personnes aujourd'hui, même si ce n’est pas toujours aisé. Il y a cinq ans, je ne connaissais personne et j'étais assez timide au début, mais en fait, on se rend compte que tout le monde est prêt à nous aider. Si on est assez courageux pour essayer, je pense qu’il y a de la place pour se faire un nom dans ce milieu. Au bout du compte, il faudra toujours trouver des propriétaires prêts à nous soutenir, parce que ce n'est pas possible autrement.

Le compétitif African Affair a ajouté une nouvelle victoire à son palmarès fin septembre, à Rabat. © Sportfot



“Nous essayons de miser davantage sur des juments, afin de pouvoir faire quelques embryons”

En début d'année, vous avez eu de bons résultats avec Nikey HH (Emerald van’t Ruytershof x Upsilon vd Heffinck), qui a été vendue à Géraldine Straumann. Que représente cette jument pour vous ? Comment avez-vous réagi à sa vente ? 

C'est une jument extraordinaire. En fait, c'est le premier cheval que j'ai acheté avec mon propriétaire irlandais quand j'ai décidé de quitter l'enseignement. Il était dans l’élevage, et moi dans le saut d’obstacles, donc nous avons choisi une jument, afin de faire quelques transferts d’embryons en plus. Nous avons eu deux embryons de Nikey par Untouchable 27. Nikey s’est révélée être une incroyable jument. Elle n'a pas été facile au début, puis elle a progressé avec l'âge. Elle était incroyablement talentueuse, avec des moyens et du respect. Mais elle était aussi pétrie de sang et très sensible. Cela m’a donc pris du temps pour la déchiffrer. Mais elle a sauté certains des plus beaux concours du monde. C’est avec elle que j'ai sauté ma première Coupe des nations, mon premier Grand Prix 5*, dont celui du CSIO de Dublin, auquel j’ai toujours rêvé de participer. En fin de compte, nous ne pouvions pas vraiment nous permettre de la conserver et elle a donc dû être vendue. Ce fut une période difficile, mais je suis très fière de ce que nous avons accompli. Elle a terminé à la troisième place du Grand Prix 5* de Bordeaux, et j’étais heureuse après notre saison sur le circuit Coupe du monde, qui a été très bonne. Nous avons donc conclu notre aventure commune sur une bonne note (une onzième place dans l'étape de la Coupe du monde de Göteborg, ndlr), ce qui est chouette. Il faut continuer à avancer et essayer de former la relève !

Vendue en début d'année, Nikey HH n'est plus apparue sur la scène internationale depuis début avril. © Mélina Massias

Les transferts d’embryons réalisés avec Nikey ont-ils donné des poulains ?

Oui, ils ont désormais un an. Ce sont deux mâles et nous sommes un peu frustrés de ne pas avoir eu de pouliche, mais ils sont très plaisants et c’est cool de pouvoir continuer l’histoire avec eux. C’est également une autre facette de notre système ; nous achetons évidemment des hongres, mais nous essayons de miser davantage sur des juments, afin de pouvoir faire quelques embryons. Une fois qu’elles sont vendues, nous avons toujours une part d’elles avec nous.

À quel point êtes-vous impliquée dans l’élevage ?

Nous avons une très bonne vétérinaire spécialisée dans la reproduction en Angleterre, Kate Bandy. Elle vient à l’écurie et fait tout, mais nous échangeons au sujet des étalons avec mes propriétaires.



“Express Trend est arrivé chez moi, sans même être débourré, à l'âge de trois ans”

Express Trend (Future Trend x Condios) reste votre cheval de tête. Il semble être très spécial à vos yeux. Quelle est son histoire ? Comment avez-vous croisé sa route ?

C'est une histoire un peu particulière. Mon père est allé acheter du bétail avec un de ses amis, Liam Nicholas, qui est désormais mon propriétaire. C'est ainsi qu'ils ont commencé à parler de chevaux. Express Trend, qu'il a fait naître, était dans son écurie à trois ans. Liam a dit à mon père qu'il n'avait pas de cavalier pour lui et mon père lui a répondu : “ma fille enseigne en ce moment, mais elle monte aussi des jeunes chevaux”. Il est arrivé le lendemain chez nous, sans même être débourré, à l'âge de trois ans ! C'est aussi ainsi que j'ai rencontré Liam. Si je n'avais pas eu son soutien, j'aurais eu plus de mal à me lancer, et à quitter mon poste d'enseignante. Il était propriétaire de Nikey, que nous avons donc vendue, et est également propriétaire d’un prometteur Selle Français de huit ans, Good Star du Bary (Rock’n Roll Semilly x Oberon du Moulin). C'est grâce à Express Trend que j'ai quitté l'enseignement. Il a gagné des Grands Prix 2, 3 et 4*. Il a quatorze ans, donc je ne sais pas si nous gagnerons un Grand Prix 5* avant la fin de sa carrière sportive, mais nous allons essayer ! Il a également signé un double sans-faute dans la Coupe des nations CSIO 3* de Peelbergen pour l’Irlande. Il ne me doit rien !

Express Trend, ici âgé de sept ans, a effectué l'intégralité de sa carrière sous la selle de Jessica Burke et s'est imposé en Grands Prix 2, 3 et 4* ! © Sportfot

Quelles sont ses principales qualités ? 

C'est un cheval adorable. Il a beaucoup de sang, il est très léger, a de bons réflexes et est aussi très intelligent. Il a un grand cœur. Il était très sensible quand il était jeune, un peu difficile au montoir, mais il a tout ce qu'il faut pour sauter au plus haut niveau. Un cheval peut avoir tout ce qu'il faut, tous les moyens, mais il doit être intelligent et accepter d’être entraîné. 
Express Trend a accompagné sa cavalière sur quelques unes des plus belles pistes du monde. © Sportfot

Vous avez également monté son demi-frère, NS Last Express (Tyson, né This Uno)…

Oui, nous en avons quelques produits de sa lignée maternelle ! Taylor est la cavalière principale de son demi-frère de sept ans, Last Express. C'est un cheval complètement différent. On ne remarque pas qu’ils sont demi-frères au premier coup d'œil ! Il est très grand, avec moins de sang mais des moyens et il a déjà sauté une épreuve à 1,40m avec Taylor. Elle va continuer à le former et nous verrons pour la suite. Express Trend a également deux sœurs à l’élevage, donc nous avons plusieurs jeunes de cette lignée qui arrivent, mais Last Express est le dernier fils direct de sa mère, Condios Express.

NS Last Express, fils, comme la géniale Just Be Gentle, de Tyson, est un frère utérin d'Express Trend. Il est ici monté par Taylor Peare. © Sportfot

Sur quels autres chevaux pouvez-vous compter pour atteindre le plus haut niveau ? 

J'ai African Affair (Billy Congo x Tom Rolfe xx), qui appartient à Arion Stud, et puis j'ai deux très bons chevaux de sept et huit ans. Il y a Romelus de Muze (Bamako de Muze x Marius Claudius), un très bon cheval de sept ans, que j’espère pouvoir faire passer au niveau supérieur l’an prochain. Good Star du Bary, lui, a déjà sauté 1,50m à huit ans. J’ai aussi Billy Outback (Billy Congo x Cevin), âgée de neuf ans. Elle a été écartée des terrains de compétition en raison d’une blessure, mais j’espère qu’elle sera de retour en fin d’année. Je pense donc que j'ai un bon groupe de chevaux pour 2025, et j'espère pouvoir de nouveau concourir au niveau 5*.

Jessica Burke fonde de bons espoirs en son Selle Français Good Star du Bary, né chez Marina Storgato et Christian Gonsolin. © Sportfot



“En tant que cavaliers, nous avons la chance de parcourir le monde et de voir des endroits magnifiques ; il faut en profiter au maximum”

Avez-vous un partenariat avec Billy Stud, l’élevage et écurie des époux Pippa et William Funnell ?

Oui, grâce à Roger McCrea, je m'entraîne là-bas et je monte quelques chevaux pour eux. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec William, Pippa et toute l’équipe de Billy Stud. Ils m'ont toujours beaucoup aidée et c'est formidable de bénéficier de leur expérience, surtout pour se préparer aux Coupe des nations, aux championnats ou à d'autres événements. Je peux leur poser des questions quand j’en ressents le besoin. Ils m'ont beaucoup aidée depuis que j'ai emménagé au Royaume-Uni. C'est formidable de pouvoir compter sur eux et c’est un super endroit pour voir toutes les étapes de la chaîne de production, des jeunes chevaux jusqu’au plus haut niveau, en passant par l’encadrement de l’équipe émirati, dont William est le chef d’équipe. 

L'ancienne professeure de mathématiques collabore avec William Funnel et Roger McCrea et monte plusieurs chevaux à l'affixe Billy, comme ici Billy Mufasa, une jument de huit ans. © Sportfot

Qu'est-ce qui vous plaît le plus chez les jeunes chevaux ? 

J'aime le fait qu'ils apprennent quelque chose tous les jours, parce qu'ils sont très inexpérimentés. Avec les chevaux d’âge, le gros du travail consiste à les garder heureux et en forme, tandis qu’avec les jeunes, même en ne travaillant que vingt minutes, ils vont apprendre quelque chose. Les voir progresser est ce qu’il y a de plus satisfaisant. Je pense que cela peut nous apporter beaucoup en tant que cavalier. 

Romelus de Muze a participé aux championnats du monde des sept ans à Lanaken cette année. © Sportfot

Quels sont vos objectifs, vos projets à court et long terme ? 

J'aimerais assurément participer à un grand championnat dans les prochaines années. C'est l'un de mes grands objectifs. Bien sûr, j’aimerais aussi gagner un Grand Prix 5*. L’Aga Khan (la Coupe des nations du CSIO 5* de Dublin, ndlr) est une autre épreuve à laquelle j’aimerais prendre part. Je crois qu’il en va de même pour tous les cavaliers irlandais ! Ce sont mes principaux objectifs. Je n'ai jamais participé au Global Champions Tour, donc c'est peut-être quelque chose que l’on pourrait considérer, à condition d'avoir la bonne organisation pour le faire de la meilleure des manières pour nos chevaux, ce qui est le plus important.

Express Trend et Jessica Burke ont déjà foulé la piste du CSIO 5* de Dublin. © Sportfot

En dehors des chevaux, lorsque vous avez du temps libre, qu'aimez-vous faire ? 

Je n'ai pas tellement de hobbies. Auparavant, je jouais au camogie (sport féminin irlandais, équivalent du hurling pour les hommes, se pratiquant avec une crosse et une balle, ndlr), et j’essaie désormais de courir un peu et de rester en forme. Je suis une personne assez sociable, donc je fréquente beaucoup de gens. Je retourne régulièrement en Irlande et j’essaie de voir mes amis autant que possible, en allant au mariage de ma meilleure amie, ou d'aller à un concert. J'essaie de prendre du temps pour faire des choses normales en dehors du sport. Je vois mes amis, en particulier s’ils extérieurs au sport, et je fais des choses normales. Quand nous sommes en concours, nous essayons d'aller au musée ou de faire ce genre de choses. En tant que cavaliers, nous avons la chance de parcourir le monde et de voir des endroits magnifiques ; je pense qu'il est important d’en profiter au maximum. 

Jessica Burke apprécie passer du temps avec ses amis et rentrer en Irlande lorsqu'elle le peut. © Mélina Massias

Photo à la Une : Jessica Burke monte Express Trend, son actuel cheval de tête, depuis ses trois ans !  © Sportfot