Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

“J’ai toujours exercé le métier de groom pour l’amour des chevaux”, Derren Lake

Derren Lake
mercredi 29 mai 2024 Rolex Grand Slam

Après trente-sept ans à chérir les chevaux des divers cavaliers pour lesquels il a travaillé, Derren Lake conserve une passion intacte. Le jeune quinqua prend actuellement soin des montures de Ben Maher, sacré champion olympique à Tokyo en 2021. Dans une interview accordée aux équipes du Rolex Grand Slam de saut d’obstacles, il explique ses débuts, son rôle auprès de quelques-uns des meilleurs chevaux du monde et glisse un ou deux conseils à la jeune génération.

Pourriez-vous commencer par vous présenter et expliquer quel est votre rôle au sein de l’équipe du champion olympique de Tokyo ?

Je suis groom concours pour Ben Maher. Je me déplace avec son piquet de chevaux de compétition partout dans le monde. Je suis Ben et ses montures partout où ils vont. Le travail débute aux écuries, où nous préparons les chevaux et les embarquons dans le camion. Si nous devons prendre l’avion, nous passons par Liège ou Amsterdam. Mon rôle est de m’occuper des chevaux et de faire en sorte qu’ils soient aussi heureux et en bonne santé que possible. 

Comment a commencé votre aventure en tant que groom ?

Ma carrière avec les chevaux n’a pas commencé avant mes dix-sept ans. J’ai toujours aimé les animaux. Lorsque j’ai débuté ma recherche d’emploi, le type de métier que je voulais exercer n'était pas accessible à cause de mon âge. Alors, j’ai trouvé quelque chose dans le milieu équestre, et je n’en suis jamais sorti ! 

J’ai commencé par les bases, avec des jeunes chevaux, sur des concours modestes au niveau national. Puis, au fil de mes trente-sept années d’expérience, j’ai lentement monté les échelons jusqu’à travailler avec des chevaux de Grand Prix 5*. Le chemin a été long, mais gratifiant. 

Derren Lake, Dallas Vegas Batilly, Ben Maher et une partie de leur équipe en sortie de piste à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

Si vous pouviez remonter le temps, quels conseils donneriez-vous à la personne que vous étiez à vos débuts ?

Je ne sais pas si je pourrais me donner beaucoup de conseils, puisque j’apprends encore aujourd’hui. Avec les chevaux, on apprend de nouvelles choses chaque jour, même après plus de trente ans d’expérience. Je pense que c’est cela qui rend le métier de groom si spécial.

Lorsque j’ai commencé à dix-sept ans, je n’y connaissais absolument rien : je savais juste distinguer un cheval d'un âne ! Il aurait peut-être été plus simple de débuter d’une autre manière, mais ç’a été une aventure incroyable. Enfant, j’ai toujours aimé les animaux. Je me souviens que ma sœur avait un livre sur les chevaux, qui m’intéressait beaucoup. Alors, quand j’ai eu l’opportunité de travailler avec les chevaux, je l’ai saisie et je n’ai jamais regretté mon choix. Au début de mon parcours professionnel, j’ai appris à monter sur les jeunes chevaux et nous passions beaucoup de temps sur des concours nationaux. 

Cela n’a pas toujours été facile, mais si j’avais la possibilité de tout recommencer, je referais exactement la même chose. J’ai eu tellement d'opportunités : des poulains aux étalons, et tout ce qu’il y a entre. J’ai toujours évolué dans le monde du saut d’obstacles et j’ai toujours exercé ce métier pour l’amour des chevaux.

Derren Lake pose ici aux côtés de l'attachant Enjeu de Grisien. © Sportfot



Avez-vous des habitudes ou des superstitions lors des compétitions ?

Oui, je suis très superstitieux ! Je parle toujours à mes chevaux avant une grosse épreuve. Je leur dis “allez, c’est le grand jour” ou alors “on a un défi, allons-y”. Ce n’est pas grand-chose, mais cela donne confiance. Je pense et espère toujours que nous pouvons gagner, mais dans un Grand Prix Majeur, il faut un peu de chance, comme dans tous les sports, que ce soit de la Formule 1 ou du football. En fin de compte, si le cheval donne le meilleur de lui-même, c’est tout ce qui importe. Le couple cavalier-cheval doit être à son meilleur niveau, et le groom doit aussi se donner à 150 % pour s’assurer que le cheval se sente bien et soit heureux d’aller en piste.

Notre équipe est formidable et en tant que groom, je donnerais tout pour la réussite de Ben et des chevaux. Au bout du compte, tout repose sur le travail d’équipe, et cela commence à la maison. Les chevaux sont comme nos bébés : nous passons la plupart de notre temps avec eux. Lorsqu’un de nos chevaux remporte un Grand Prix ou réalise un sans-faute, c’est un sentiment très agréable. Évidemment, gagner un Grand Prix comme celui du CHIO d’Aix-la-Chapelle est formidable, mais si nos chevaux sautent bien et donnent le meilleur d’eux, c’est aussi super. 

En trente-sept années, le soigneur a vécu une aventure hors du commun. © Mélina Massias

Qui sont les chevaux dont vous vous occupez et quelles sont leurs caractéristiques respectives ?

Chaque cheval a son propre panel de caractéristiques. Point Break, par exemple, est un étalon et a beaucoup de personnalité. Il s’est vraiment épanoui récemment, et j’ai le sentiment que cette année va être la sienne. On voit qu’il a envie de montrer de quoi il est capable lorsqu’il entre en piste. Dallas Vegas Batilly est une jument au caractère très spécial. Avec elle, la limite est parfois mince, mais elle est adorable et ferait tout pour nous. Ginger-Blue est une autre jument adorable et talentueuse. Nous avons également Enjeu de Grisien, qui est, lui aussi, adorable. Explosion W reste, évidemment, le numéro un de l’écurie. Ce qu’il a fait pour Ben est incroyable.

Je n’ai pas une mauvaise chose à dire sur ces chevaux. Ils sont tous doux. Ils ont leurs moments, mais il en va de même avec les humains. Cavalier et groom doivent tenir compte des qualités respectives de chaque cheval. Par exemple, Exit Remo est un vrai professionnel : il entre en piste pour faire son travail. Il faut s’adapter à chaque individualité : c’est le travail des grooms.

Exit Remo fait partie des chevaux dont Derren Lake s'occupe. © Mélina Massias

Que faites-vous pour que les chevaux arrivent au sommet de leur forme lors des événements majeurs du calendrier ?

C’est un travail collectif ! Je suis en concours avec les chevaux, mais les personnes qui montent les chevaux à la maison lorsque Ben et moi sommes en déplacement sont cruciales pour la réussite de notre équipe. Ben nous fait tous confiance, et ce qui rend notre équipe si forte.

Lorsque nous sommes en concours, nous avons un responsable qui assure la permanence et permet à Ben de se concentrer pleinement sur la compétition qui l’attend. Il n’a pas besoin de se soucier de ce qui se passe aux écuries. C’est important qu’il ait l’esprit clair.



Selon vous, qu’est-ce qui distingue les concours du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles, qui ont souvent réussi à Ben, des autres événements ?

Ce sont quatre des meilleurs concours du monde. Par exemple, l’atmosphère qui règne au CHIO d’Aix-la-Chapelle ou au CSIO de Spruce Meadows est inouïe. Il n’y a rien de mieux dans le sport. Il en va de même pour le Dutch Masters et le CHI de Genève, deux autres événements incroyables. Le sport à besoin de cela : des gradins remplis, où le public peut voir peut voir à quoi ressemble le sport à haut niveau. Le Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles est le nec plus ultra de notre discipline. Tous les meilleurs chevaux et cavaliers sont au rendez-vous, et offrent du grand sport, avec de super barrages. Ces compétitions proposent également les meilleures installations possibles pour les chevaux, avec d’incroyables pistes. Au moment d'entrer en piste au CHIO d’Aix-la-Chapelle, j’ai toujours des frissons. Il n’y a pas plus grand que cette épreuve. Les étapes de ce circuit représentent le meilleur de notre sport.

Avec Explosion W, Ben Maher a récolté quelques uns de ses plus beaux succès. © Stefan Lafrentz / Hippo Foto

Quelles qualités doivent avoir cheval et cavalier pour s’imposer dans un de ces prestigieux Grands Prix ?

Pour gagner un Majeur, cheval, cavalier et groom doivent être au meilleur de leur forme. Il n’y a pas de place pour l’erreur. Tout doit être parfait. Tout commence aux écuries et se termine par le barrage. Pour l’emporter, il faut tout donner et espérer que cela soit suffisant. Parfois, face à la concurrence, une performance exceptionnelle peut n’être suffisante que pour la troisième place.

Selon vous, quelle importance revêtent les Majeurs, que ce soit Aix-la-Chapelle pour le saut d’obstacles ou Wimbledon pour le tennis ?

Ils sont très importants car ils mettent en lumière le meilleur du sport. Les meilleurs athlètes s’affrontent entre eux. En Formule 1, Max Verstappen est actuellement le numéro un mondial et l’homme à battre. Au tennis, tout le monde voulait éclipser Nadal quand il était en tête du classement mondial. En saut d'obstacles, Ben et Henrik von Eckermann sont au sommet de la hiérarchie mondiale et tout le monde doit essayer de faire mieux qu’eux. Ben est toujours aux trousses de Henrik. Être meilleur que le numéro un mondial n’est pas chose aisée, mais c’est une source de motivation dans le sport. Cela augmente le niveau général du sport.

Point Break fait partie des grands espoirs du Britannique, et ce n'est pas son groom qui dira le contraire. © Sportfot

Si vous pouviez prodiguer un conseil à un jeune groom, quel serait-il ?

Choisis tes objectifs de vie et essaye de tout faire pour ce rêve. Tout le monde a un rêve dans la vie. Pour le réaliser, il faut tout entreprendre. Il faut aussi savoir tirer des leçons de ses erreurs, l’important n’étant pas d’être parfait, mais de s’améliorer à chaque étape. Si l’on est passionné par le saut d’obstacles, on s’améliore et on atteint ses objectifs. L’essentiel, c’est de ne jamais laisser tomber. Je fais ce métier depuis trente-sept ans, et je suis tout aussi motivé que lorsque j’ai commencé à dix-sept ans. 

Photo à la Une : Derren Lake fier de la prestation de Faltic HB lors de la finale des championnats d'Europe de Milan. © Mélina Massias