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“J’ai eu le privilège de vivre les carrières de chevaux légendaires comme Hickstead, Fine Lady, Triple X ou Explosion W”, Carly Anthony (1/2)

À Dinard, Carly Anthony avait le sourire cet été !
Interviews jeudi 4 septembre 2025 Camille Pineau

De ses débuts hésitants sur les sentiers de Redmond, jusqu’à l’intronisation au Temple de la renommée de la National Collegiate Equestrian Association, Carly Anthony a tracé son chemin avec une idée en tête : donner du sens à la performance, en mettant les femmes et le collectif au cœur de son parcours. Formée par des figures comme Karen Healey ou Éric Lamaze, la cavalière américaine avance aujourd’hui entourée d’une équipe engagée. Cette année, elle s’est notamment illustrée lors de la victoire des siens dans la Coupe des nations de Wellington, puis a participé à celle de Falsterbo, avant de s’octroyer une bonne troisième place dans une épreuve à barrage à 1,55m au CSI 5* de Dinard en juillet. Dans cet entretien, l’ancienne cavalière d’Explosion W partage ses convictions, son attachement au sport juste, et ses rêves pour l’avenir.

Quels ont été vos débuts dans l’univers équestre ?

J’ai grandi dans une ferme à Redmond, une ville de Washington, où ma mère, cavalière professionnelle, dirigeait Potcreek Meadow Farm, notre écurie familiale. Petite, j’avais peur de monter à poney, une peur qui m’a accompagnée un moment avant de s’estomper. Heureusement, notre ferme jouxtait un grand parc avec de nombreux sentiers. C’est en m’y baladant que j’ai commencé à vraiment aimer l’équitation et à créer un lien fort avec les chevaux. Je ne me souviens pas vraiment de ma première compétition, mais j’étais à la fois nerveuse et excitée ! J’ai ensuite eu la chance d’être soutenue par des personnes formidables, notamment Karen Healey, qui a beaucoup contribué à mon évolution en tant que cavalière.

Comment s’est déroulée votre collaboration avec Karen Healey ?

J’ai rencontré Karen grâce à ma mère, qui souhaitait m’offrir toutes les chances possibles d’apprendre et de progresser en tant que cavalière. Monter avec Karen a été une opportunité incroyable ! Elle a joué un rôle déterminant dans ma carrière de cavalière Junior. Elle a su consolider les bases que ma mère m’avait transmises et n’a cessé de me pousser à sortir de ma zone de confort pour m’aider à devenir la meilleure version de moi-même en selle. Grâce à elle, je suis devenue extrêmement compétitive. Les autres cavalières de son écurie évoluaient à un très haut niveau en équitation, et cette émulation constante m’a poussée à me dépasser à chaque entraînement et lors de chaque concours.

Votre mère a aussi joué un rôle important dans votre parcours. Quelle influence a-t-elle eu au début de votre carrière, et comment se traduit son accompagnement aujourd’hui ?

Ma mère a toujours eu un rôle essentiel dans ma carrière de cavalière. C’est elle qui m’a transmis les bases, ainsi qu’un style classique d’équitation, qui m’ont été précieux tout au long de ma carrière Junior et qui le sont toujours aujourd’hui. Elle m’a aidée à progresser en m’inculquant le courage et la persévérance en selle, et elle continue à nourrir ma curiosité pour tout ce qui peut m’aider à devenir une meilleure cavalière et une meilleure femme de cheval. Elle m’accompagne dans le travail sur le plat, m’envoie régulièrement des exercices ou des cours pour nous challenger, mes chevaux et moi. Elle enseigne aussi à mes clients, et reste toujours disponible par téléphone pour toute question professionnelle ou de soins aux chevaux à laquelle je n’aurais pas encore la réponse. J’essaie de m’entourer de personnes qui cherchent sans cesse à apprendre et à se dépasser, et ma mère fait clairement partie de celles-ci.

En quoi l’environnement dans lequel vous avez grandi, près de Seattle, a-t-il joué un rôle dans votre relation aux chevaux ?

Grandir à Seattle a été une expérience unique. Le nord-ouest du Pacifique n’est pas vraiment un bastion du saut d’obstacles, ce qui m’a permis de découvrir d’autres activités. J’ai joué au basket jusqu’à mes quinze ans et je passais mes week-ends d’hiver sur les pistes de ski. J’ai toujours su que je voulais devenir athlète professionnelle : j’adorais être active et faire partie d’une équipe. En associant cette énergie à mon amour des chevaux, j’ai compris que le métier de cavalière de saut d’obstacles réunissait tout ce que j’aimais. Un autre atout de Seattle était sa proximité avec des concours comme Thunderbird ou Spruce Meadows. On y allait chaque été, et ces compétitions ont nourri mon ambition d’aller au plus haut niveau.

Vous avez disputé votre tout premier Grand Prix à l’âge de quatorze ans. Quel souvenir en gardez-vous ?

Mon premier Grand Prix s’est déroulé à Seattle, avec un cheval nommé Castaway Lad (Clower Hill x Middle Temple). C’était l’ancien cheval de Grand Prix de ma mère, un hongre irlandais alezan, que nous surnommions Grumpy à l’écurie. Grumpy, c’était un peu le cheval de famille. Il nous a emmenées, ma mère, ma petite sœur et moi, sur toutes sortes de pistes, notamment à Spruce Meadows. Il a participé à une Coupe des nations à 1,60m avec ma mère, à une autre à 1,40m avec moi, puis une à 1,10m avec ma sœur ! Il nous a transmis la confiance, le courage, et une véritable foi en nous-mêmes et en lui. Ensemble, nous avons accompli des choses incroyables, en famille. Ce sont des souvenirs inoubliables.

Vous étiez donc très jeune lorsque vous avez commencé la compétition de haut niveau. Comment avez-vous vécu cette précocité sportive ?

Pour avoir la chance de concourir à un tel niveau si tôt, il fallait des chevaux à la fois généreux et courageux. J’ai eu une grande chance de pouvoir monter les chevaux de Grand Prix expérimentés de ma mère, ce qui m’a permis d’acquérir de la confiance à ce niveau d’exigence. 



Comment vous entraîniez-vous à cette époque ? Parveniez-vous à concilier équitation et études ?

Mes parents ont toujours accordé la priorité aux études, avant l’équitation. Si mes devoirs n’étaient pas faits ou si mes notes n’étaient pas bonnes, je ne pouvais tout simplement pas monter. Je n’avais donc pas d’autre choix que de concilier les deux. L’équitation était ma plus grande motivation pour réussir à l’école, et cela m’a beaucoup aidée. Les chevaux m’ont permis de rester concentrée et d’obtenir de bons résultats, indispensables pour pouvoir entrer à l’université.

Vous avez ensuite intégré l’Université de Géorgie. Pourquoi ce choix ? Était-ce important pour vous de poursuivre vos études ?

Ne pas aller à l’université n’a jamais été une option. Peu importe lesquelles, mes parents tenaient absolument à ce que je suive des études supérieures. Je savais donc que je voulais continuer à monter tout en poursuivant ma scolarité, et qu’il me fallait trouver un équilibre entre les deux. Une très bonne amie, rencontrée grâce à mes cours avec Karen Healey, était alors en première année à l’Université de Géorgie pendant que j’étais en terminale. Un jour, elle m’a appelée et m’a dit : “Tu dois venir voir ça. Il faut que tu comprennes pourquoi tout le monde en parle autant.” Quand mon père et moi avons visité le campus, nous avons tout de suite su que c’était l’endroit idéal pour moi. Je lui serai toujours reconnaissante de m’avoir passé ce coup de fil !

Pourquoi avoir choisi la voie de la National Collegiate Equestrian Association (NCEA) ? Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?

J’ai choisi une université affiliée à la NCEA pour continuer à monter en compétition tout en poursuivant mes études. En rejoignant l’équipe de l’Université de Géorgie (UGA), j’ai reçu bien plus que prévu : un encadrement complet avec des tuteurs, des coachs personnels, des nutritionnistes, et des installations de haut niveau pour les cavaliers et les chevaux. J’y ai aussi construit des relations qui continuent de nourrir ma carrière. Mais surtout, j’ai eu la chance d’être accompagnée par une mentor exceptionnelle, Meghan Boenig. Durant mes quatre années à ses côtés, elle m’a appris à avoir confiance en moi, à trouver un équilibre et à devenir une véritable leader.

Vous avez récemment été intronisée au Temple de la renommée de la NCEA. Que représente cette reconnaissance pour vous ?

Être intronisée au Temple de la renommée de la NCEA est un immense honneur. Cette reconnaissance reflète non seulement l’excellence du groupe fabuleux de jeunes femmes dont j’ai eu la chance de faire partie - et bravo à elles pour leur titre de championnes nationales 2025, Go Dawgs! - mais aussi tout ce que cette équipe m’a apporté. Faire partie de cette aventure a joué un rôle déterminant dans la personne que je suis devenue aujourd’hui.

Vous avez ensuite passé du temps en Europe, où vous avez travaillé avec de grands noms comme Éric Lamaze ou Ben Maher. Pouvez-vous revenir sur ces collaborations ?

J’ai eu la chance de remporter la première édition du Programme des athlètes émergents, ce qui m’a permis de rencontrer Éric Lamaze. J’ai saisi cette opportunité pour travailler avec lui pendant mes études, puis à plein temps après l’obtention de mon diplôme. Une fois devenue professionnelle, j’ai travaillé pour Éric en Europe pendant plusieurs années. Cette expérience m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes influentes du milieu, notamment Ben Maher, ce qui a ouvert la voie à la suite de ma carrière. Je suis très reconnaissante d’avoir pu collaborer avec plusieurs athlètes olympiques et de participer, de près ou de loin, à de nombreux parcours de très haut niveau. J’ai énormément appris, tant sur les qualités nécessaires pour devenir une cavalière de saut d’obstacles de haut niveau que sur les différentes façons de gérer une écurie et une entreprise. Monter en Europe a toujours été un rêve pour moi, et j’ai tout fait pour saisir cette opportunité. Pendant ce séjour, j’ai remporté mon tout premier Grand Prix international à Anvers, participé aux championnats du monde des jeunes chevaux à Lanaken, et j’ai eu le privilège de vivre les carrières de chevaux légendaires comme Hickstead, Fine Lady, Triple X, Explosion W… et bien d’autres encore. Je suis extrêmement fière d’avoir pris part à tout cela.

La seconde partie de cette interview est disponible ici.

Photo à la Une : L'excellent et bien nommé Heavenly W donne le sourire à Carly Anthony, comme cet été à Dinard. © Mélina Massias