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“Iron Dames offre aux athlètes féminines la possibilité d'exceller au plus haut niveau, à armes égales avec les hommes”, Deborah Mayer

Deborah Mayer et ses cavalière ont soulevé le trophée de la finale de la Global Champions League à Rabat la saison dernière.
vendredi 16 mai 2025 Giulia Rezoagli

En 2018, la Française Deborah Mayer lance Iron Dames, un projet visant à soutenir et promouvoir les femmes dans le sport automobile avec la création d’une écurie entièrement féminine. Cinq ans plus tard, l’entrepreneuse et pilote de course s’attèle à une autre de ses passions : les sports équestres. Pari réussi au vu de l’ascension fulgurante de l’équipe des Cannes Stars, composée de Nathalie Dean, Katrin Eckermann, Kim Emmen, Sophie Hinners, Janne Friederike Meyer-Zimmermann et Sanne Thjissen sur le circuit de la Global Champions League, jusqu’à sa victoire en finale à Rabat l’été dernier. Fortes de ce succès, les Iron Dames ont annoncé en février dernier l’engagement d’une deuxième équipe dans la GCL, sous le nom des Comètes de Monaco. À son bord, six femmes, dont les expérimentées Edwina Tops-Alexander, Angelica Augustsson-Zanotelli et Jörne Sprehe, épaulées par les représentantes d’une jeunesse prometteuse que sont Ioli Mytilineou et les deux Françaises Jeanne Sadran et Inès Joly. Entretien avec la femme d’affaires à l’origine des dames de fer.

Avant de parler d’Iron Dames, pouvez-vous présenter la femme à l’origine de cette écurie cent pour cent féminine ? 

Je suis une passionnée qui suit son cœur, mais avec raison. J'ai suivi des études universitaires en finance et sciences de gestion. J'ai commencé ma carrière professionnelle dans le domaine bancaire. Après un certain nombre d'années, j’ai quitté cet univers pour me lancer dans l’entreprenariat et c’est ainsi que le projet Iron Dames a vu le jour, en 2018. Ce qui me meut principalement, c'est la volonté d'aider les gens à suivre leurs rêves. Mon adoration pour les sports automobiles est née d'une passion première : celle de la conduite. Le fait de prendre ma voiture est une soupape de décompression qui m’a toujours donné un grand sentiment de liberté. Mes projets, fruits de mon expérience professionnelle et personnelle, sont toujours liés aux rencontres et aux faits de la vie. Je partage d’ailleurs cette passion avec mon mari et, petit à petit, le sport automobile a été notre première grande aventure ensemble. L'équitation est venue ensuite. C’est un retour à ma première très, très grande passion. Je l’ai pratiquée en compétition à mon adolescence et, jusqu’à mes dix-sept ans, ma vie était centrée autour des chevaux. Mais, par la suite, les études et le travail m’en ont éloignée. Alors, quand l'opportunité de renouer avec eux s'est présentée, je l’ai saisie. 

Deborah Mayer a renoué avec sa première passion en fondant Iron Dames Equestrian. © Collection privée / Iron Dames

Comment le projet Iron Dames est-il né ? Quel est son objectif ?

Le projet Iron Dames a vu le jour en 2018, dans le cadre du sport automobile et de l'endurance. Il s'est depuis développé dans beaucoup de domaines, liés, d'une part, au sport automobile et, depuis peu, à l'équitation, plus exactement au saut d’obstacles. L’objectif est de permettre aux femmes, quel que soit leur âge, de se développer, de s'épanouir et de performer au plus haut niveau dans un environnement de compétition mixte. C'est un projet qui s'inscrit dans un cadre très positif. Il ne s'agit pas d'un antagonisme homme-femme, bien au contraire. Tout le monde évolue sur le même terrain, les uns en compétition avec les autres, mais toujours ensemble. Il s’agit également de donner de la visibilité aux femmes, de les accompagner au plus haut niveau et de briser les plafonds de verre. En résumé, l’un des maîtres mots est que le talent n'a pas de genre. Hommes et femmes sont capables de suivre leurs rêves, de viser l’excellence, de travailler dur, et de réussir. Le projet s'est développé pas à pas à partir d’une base solide composée aujourd’hui de trente athlètes, dix-huit pilotes et douze cavalières, de plus de quinze nationalités différentes. Il s’inscrit dans un cadre de performance d’excellence, autour de valeurs positives et dans un véritable esprit de famille.  Nous avons également lancé, “Supported by Iron Dames”, dont le but est d'accompagner des jeunes femmes, de tous âges, dans leurs différentes activités. Au-delà des athlètes, j’aime à dire que tout le monde peut être une Iron Dames, quel que soit son âge, sa profession, son origine, son domaine. C’est un projet qui s'inscrit sur le long terme, de façon pérenne et dans un cadre sociétal de plus en plus concret.

L'an dernier, les Cannes Stars ont triomphé lors de la finale de la saison régulière de la Global Champions League, à Rabat. © Collection privée / Iron Dames

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Il s’agit d’une structure organisée de façon très professionnelle, qui donne la possibilité aux différentes athlètes de se dépasser et de tendre vers l'excellence. Cette équipe est composée de différents professionnels, tels que des coachs physiques et mentaux, des kinésithérapeutes, des nutritionnistes et des ostéopathes. Nous mettons à disposition un cadre professionnel solide, sérieux et bien sûr performant, afin de permettre aux athlètes de bénéficier d'une aide à trois cent soixante degrés. Tout est fait pour les aider et les mettre dans les meilleures conditions possibles, afin qu'elles puissent être compétitives. La logique d'Iron Dames, et c’est ce qui fait la spécificité du projet, s'inscrit dans une volonté de transmission intergénérationnelle. Les plus expérimentées sont là pour aider les plus jeunes à progresser, en les faisant bénéficier de leur expérience. Nous sommes toutes, quel que soit notre degré de responsabilité dans le projet ou le niveau d'implication, en contact les unes avec les autres. Nous avons également mis en place un système pour nous réunir, afin d’échanger sur leurs retours d'expériences. Il y a par exemple un Winter Training Camp et un Summer Training Camp, où toutes les athlètes des Iron Dames, cavalières et pilotes, se retrouvent. Différents aspects y sont abordés, notamment certaines spécificités féminines qui sont généralement peu évoquées dans le sport de haut niveau. 

En septembre 2023, vous avez annoncé la création d’Iron Dames Equestrian. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ? 

Le bonheur de retourner à ma première passion a été une grande source de motivation. Une opportunité s’est présentée et nous avons décidé de développer le projet dans un deuxième sport mixte, ce qui faisait beaucoup de sens avec la philosophie du projet. Iron Dames offre aux athlètes féminines la possibilité d'exceller au plus haut niveau, à armes égales et sur le même terrain que les hommes en toute équité.

Cette saison, les dames de fer seront représentées par deux équipes pleines de talent ! © Collection privée / Iron Dames



Quels parallèles pouvez-vous faire entre les sports automobiles et équestres ? 

Ce sont des sports tout à fait similaires, qui utilisent tous les deux des chevaux, les uns mécaniques, les autres vivants. La structure, l'approche de la compétition et du sport sont également assez similaires. Tout y est question de préparation, travail sur le très long terme, stratégie et calcul. Les approches sont absolument semblables. Chaque sportif ou athlète de haut niveau, cavalière ou pilote, a autour d'elle un certain nombre de personnes qui sont là pour l’aider. D’un côté, il s’agit de grooms, entraîneurs et vétérinaires ; de l’autre, de mécaniciens, ingénieurs, directeurs techniques, directeurs d'équipe. Nous avons essayé, dans le cadre du projet Iron Dames, de transposer les modèles pour avoir une structure qui fonctionne bien pour chacun des sports et chacune des athlètes.

Ces deux milieux, d’autant plus à haut niveau, sont réputés très masculins. Comment votre initiative a-t-elle été accueillie ? Avez-vous rencontré des difficultés ?

Avec perplexité et scepticisme. Je suppose que beaucoup de personnes se sont remémoré les expériences passées, notamment dans le sport automobile, où les équipes féminines n’ont pas duré, en se disant que le projet ne s'inscrirait pas sur le long terme. Pour autant, nous n'avons jamais cherché à nous imposer, bien au contraire. Nous avons souhaité, petit à petit, créer une base solide pour progresser durablement. L’objectif était d’installer le projet sans créer de division. Ce sont des sports assez binaires, et, à la fin, il n’y a qu’un juge de paix : en sport automobile, c'est le chronomètre. La première voiture à franchir le drapeau à damier remporte la course. La performance et les résultats sont la base de notre crédibilité et ce pour quoi le projet suscite aujourd’hui bienveillance, respect et reconnaissance. 

En moins de deux ans, Iron Dames s'est imposé dans le paysage équestre. © Collection privée / Iron Dames

Au sommet du classement mondial de saut d’obstacles, les hommes sont majoritairement représentés. Est-ce qu'il y a, selon vous, une ou des explications ? Est-ce un objectif, avec votre équipe, de voir les femmes remonter au sein de la hiérarchie éditée par la Fédération équestre internationale (FEI) ?

Je pense qu’il s’agit avant tout d’une question de statistiques et de représentation. Il est possible de dresser un parallèle entre le sport automobile et l'équitation, où, jusqu'à un certain âge, autour de dix-huit ou vingt ans, les filles sont les pratiquantes majoritaires. Ensuite, pour différentes raisons, les jeunes femmes ne continuent pas. Ce sont des sports qui nécessitent de s’inscrire sur la durée et, pour cela, ils doivent bénéficier d’un certain cadre structurel, d’une équipe, mais aussi d’un soutien, qu’il soit humain ou matériel. Cela est primordial pour mettre toutes les chances de son côté, même si tout n’est pas blanc ou noir. Avoir le meilleur cheval ne fait pas de nous le meilleur cavalier. Pour autant, ce sont des sports qui nécessitent un engagement très fort, et sur le long terme. Je ne peux qu'être heureuse de voir les cavalières progresser, qu’elles portent les couleurs d’Iron Dames ou non. Il est très réjouissant de voir de plus en plus de cavalières évoluer au plus haut niveau. C’est un bonheur de constater que cette année, pour la GCL par exemple, toutes les équipes en présence comptent au moins une femme dans leur rang. Une seule n'en a pas, certaines en ont plusieurs et d’autres, comme les Monaco Comets et les Cannes Stars, sont entièrement féminines ! La représentation féminine progresse et les mentalités évoluent. C'est absolument génial et il faut que cela continue. Cela se ressent également au niveau du classement mondial Longines, où l'on verra, j’en suis certaine, de plus en plus de femmes dans le Top 100. 

Sophie Hinners fait partie des meilleures cavalières du monde et peut compter sur le soutien d'Iron Dames. © Sportfot

Iron Dames Equestrian a engagé une deuxième équipe dans la Global Champions League, les Comètes de Monaco, composée, entre autres, des deux Françaises Inès Joly et Jeanne Sadran. Quel est le processus de recrutement de vos pilotes ?

La première réflexion est de savoir si la personne, qu'elle soit cavalière ou pilote, correspond aux valeurs et aux projets soutenus par Iron Dames. Nous ne visons pas seulement l'excellence et la performance, nous cherchons également à véhiculer des valeurs fortes telles que le fair-play et l’esprit d’équipe, afin d’apporter de la positivité au groupe et à la société. Le projet s'inscrit plus généralement dans un cadre sociétal et c'est pour cela que nous avons aussi mis en place un certain nombre d'idées à l’instar d’Every Dream Matters, ou de partenariats à l’image de celui noué avec la NASA. Le projet a maintenant acquis une certaine notoriété internationale. Nous évoluons dans un cadre sportif au sein duquel il y a énormément d'interactions. Nous gardons un œil constant sur ce qui se passe pour être informées des meilleures décisions à prendre. 

"Nous ne visons pas seulement l'excellence et la performance, nous cherchons également à véhiculer des valeurs fortes telles que le fair-play et l’esprit d’équipe, afin d’apporter de la positivité au groupe et à la société", dit Deborah Mayer sur le recrutement des cavalières et pilotes de ses équipes. © Collection privée / Iron Dames



Après Dubai du Cèdre et Dialou Blue PS, vous avez récemment fait l’acquisition de Combella et Cidello, entre autres. Avez-vous d’autres chevaux en tête pour compléter votre écurie ? Sur quels critères les choisissez-vous et comment les attribuez-vous à une cavalière plutôt qu’une autre ? 

Le choix des chevaux s'inscrit dans la même logique que celle du projet Iron Dames. C'est aussi pour cette raison que les cavalières soutenues par le projet Iron Dames ont à leur disposition, certes, un nombre confortable de très beaux chevaux de Grand Prix, dont ceux cités, mais également des jeunes, qu'elles prennent le temps de former. Le choix des chevaux dépend de plusieurs facteurs. Même si ce sont souvent des coups de cœur, ce sont avant tout des choix mûrement réfléchis, qui s'inscrivent dans la durée, en accord avec les cavalières. Le but est de leur permettre de bénéficier de temps pour pouvoir créer un lien avec leurs montures. Il s’agit d’un véritable couple qui doit se former et apprendre à fonctionner. Par exemple, les barrages sont intuitifs, il faut être dans la réaction. Il est donc essentiel de se connaître parfaitement pour avoir une chance. Les temps de réaction sont tellement courts que la réflexion doit être instinctive. C’est donc sur du très long terme que le choix des chevaux s'inscrit. Les cavalières participent à ce processus de sélection, car le but est de créer la meilleure association possible. Il y a une interaction très forte et directe entre la cavalière et son cheval.

Iron Dames investit massivement dans d'exceptionnelles montures pour permettre à ses cavalières de briller au plus haut niveau. © Collection privée / Iron Dames

En juin dernier, vous avez lancé Iron Dames Young Talents. Pouvez-vous nous parler de cette initiative ?

La jeune génération occupe une place primordiale, car c’est avec elle que se bâtit le futur. Ce sont les jeunes qui nous poussent à aller de l'avant, à performer et à tendre vers l'excellence. Le projet Iron Dames s'inscrit, comme je l'ai déjà dit, sur le long terme et s'appuie sur le principe de transfusion générationnelle, où les plus âgées guident les plus jeunes. Dans cette optique, nous avons créé l'Iron Dames Young Talents, dont le but est de structurer et accompagner le mieux possible la jeune génération. Les jeunes pilotes et cavalières sont épaulées et guidées par leurs aînées dans leur développement professionnel pour construire leur carrière.

Dans le même temps, le projet “Every Dream Matters” a vu le jour. Pouvez-vous revenir sur cette démarche ? 

Ce projet est né de la volonté de dire à toutes et à tous que les rêves méritent d'être poursuivis. Cela vaut la peine de persévérer, de s'accrocher et de croire qu'il est possible de réaliser ses rêves. Dès lors qu’il y a de la volonté, il y a toujours un moyen de parvenir à ce vers quoi l'on tend. C'est un message fort et le projet Iron Dames est un moyen de le faire passer. Nous souhaitons inscrire ce projet dans un cadre sociétal, en affirmant qu'il est possible de réussir en s’appuyant sur des personnes et des structures dont le rôle est d’apporter leur aide.

Sanne Thijssen fait partie des cavalière à porter les couleurs d'Iron Dames sur la scène mondiale. © Sportfot

Quelles sont vos ambitions pour le futur ? 

Continuer de nous développer et inscrire notre démarche sur le long terme en accueillant de nouvelles recrues en son sein. Nous avons toujours les yeux et les oreilles ouverts. Nous allons persévérer, chercher à nous développer et également continuer à créer des partenariats avec d'autres institutions. Il est important de se battre pour les causes en lesquelles le projet croit, notamment le fait que les femmes ont toutes leur place dans les sports à haut niveau.

Le rose s’affiche fièrement chez les Iron Dames. Quel est le message derrière le choix de cette couleur, souvent porteuse de stéréotypes ?

Il est vrai que la couleur rose est souvent associée à des stéréotypes, mais en ce qui concerne le projet Iron Dames, elle est pleinement assumée. Elle représente une forme de féminité, une idée d'excellence, de puissance et de force. Le message porté est qu'il est tout à fait possible d'être une femme compétitive et performante à haut niveau. Les deux ne sont pas incompatibles et vont, au contraire, de pair.

Deborah Mayer, de même que ses pilotes et cavalières, arborent fièrement la couleur rose sur leurs équipements, synonyme d'excellence, de puissance, féminité et force. © Collection privée / Iron Dames

Photo à la Une : Deborah Mayer et ses cavalière ont soulevé le trophée de la finale de la Global Champions League à Rabat la saison dernière. © Collection privée / Iron Dames