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Ils réagissent à l'annonce de la retraite de Ludger Beerbaum

podium jeux olympiques rio ludger beerbaum
vendredi 21 juillet 2023 Adriana Van Tilburg et Mélina Massias

Ludger Beerbaum ne sera jamais loin des pistes de saut d’obstacles. Encore à cheval tous les jours, et toujours bien occupé avec son écurie et les événements qu’il organise à Riesenbeck, comme ce week-end avec une étape du Longines Global Champions Tour, le Kaiser a toutefois décidé de faire place à la jeune génération en se retirant du très haut niveau. À Aix-la-Chapelle, l’annonce de sa retraite en avait surpris plus d’un. Quelques-uns de ses plus proches amis, coéquipiers et collaborateurs rendent hommage à la carrière exceptionnelle d’un champion.

Franke Sloothaak, double champion olympique avec l’Allemagne en 1988 et 1996, doublement paré d’or aux Jeux équestres mondiaux de 1994, champion du monde par équipe et médaillé de bronze en individuel en 1998 et entraîneur réputé

“Je connais Ludger depuis longtemps. Nous travaillions ensemble pour Paul Schockemöhle. Nous arpentions toujours les terrains de concours ensemble et nous entraidions. Nous avons tous les deux connu beaucoup de succès durant cette période. Nous voulions tous les deux le meilleur pour l’équipe lorsque nous représentions notre pays et travaillions en étroite collaboration avec Herbert Meyer, notre chef d’équipe. Notre médaille d’or par équipe aux Jeux olympiques de Séoul, en 1988, est un souvenir spécial. Ludger a plein de qualités. Il cherche la perfection, que ce soit lorsqu’il saute une épreuve nationale à 1,30m ou la finale des Jeux olympiques. Il savait parfaitement comment se préparer pour certains événements et accomplir de grandes choses. Sa volonté de performer lui a apporté maintes réussites. Il a fait tant de choses. Et maintenant, il a effectué son dernier grand concours au CHIO d’Aix-la-Chapelle. La semaine précédente, il a fait une séance d’obstacle à la maison avec Mila (née Mank, sa dernière jument de tête, ndlr). Certes, il connaissait cette jument, mais être encore capable de disputer les deux épreuves à 1,60m à Aix-la-Chapelle, dont le Grand Prix Rolex, a prouvé à quel point il est doué. Cela montre aussi que tout est très bien orchestré en coulisses. Sinon, on n’obtient pas de tels résultats.”Herber Meyer applaudit Ludger Beerbaum, Ulrich Kirchhoff, Lars Nieberg et Franke Sloothaak sur la plus haute marche du podium aux Jeux olympiques d'Atlanta, en 1996. © FEI

Almuth Blaschke, bras droit de Ludger Beerbaum depuis de nombreuses années dans l’organisation de son élevage et de sa station de monte

“Je suis la manageuse de la station de monte de Ludger depuis le premier jour. Ces quinze années ont été très positives. Nous avons démarré l’élevage comme un test, pour voir ce que cela pourrait donner, notamment pour la collaboration entre les étalons, les cavaliers et les grooms. Tout a très bien fonctionné dès le début. L’intérêt de Ludger pour l’élevage grandit d’année en année. Il constate que les étalons gagnent en valeur, et mes collègues s’intéressent aussi de plus en plus à cet aspect. Ludger m’a jetée dans le grand bain le premier jour ! Nous avions roulé dans une très vieille voiture vers un bâtiment à un kilomètre des écuries de sport. Il m’a montré ce bâtiment, avec un trou et rien d’autre et m’a dit que cela serait notre station de monte. Quelques années avant, c’était un garage à voitures. C’était en novembre 2008. Nous avons lancé l’activité en janvier 2009. Tout était fini, et nous avions la licence européenne nécessaire. J’ai le sentiment que Ludger m’a fait confiance dès le commencement. Nous nous respectons sincèrement. Ce qui est aussi chouette, c’est que nous avons la troisième génération de poulains issue des étalons que Ludger a monté en compétition. Par exemple, nous avons Comme Le Père x Chaman x Goldfever I. La boucle est bouclée. Nous avons plein de poulains intéressants de nos étalons. Zineday en est le parfait exemple, et il n’est issu que de notre première génération ! Nous avons de bons jeunes chevaux, et du fait de nos résultats, l’intérêt est grandissant. Ludger reconnaît les qualités des autres. Je ne suis pas cavalière. Je suis spécialisée dans l’élevage, et il me laisse prendre des décisions. Nous discutons aussi beaucoup autour de ce sujet.”

Almuth Blaschke s'occupe des stars en devenir des écuries Beerbaum. © Collection privée



Roger-Yves Bost, champion olympique avec la France en 2016, champion d’Europe individuel en 2013 et ami francophone de Ludger Beerbaum

“Je connais Ludger depuis quarante ans. C’est un ami cavalier, qui est important dans le paysage de notre sport. Nous échangeons beaucoup ensemble, notamment sur des aspects techniques. J’ai de la chance de pouvoir discuter avec lui normalement, en français. Nous nous appelons de temps en temps et nous sommes toujours contents de nous voir en concours. Ludger est le cavalier de saut d’obstacles le plus titré de tous les temps. J’ai vu beaucoup de ses victoires. C’est un cavalier exceptionnel, doté d’un énorme mental. Il est organisé et ne se laisse pas faire. Pour moi, il est le cavalier modèle. Il est intelligent et est dans une remise en question permanente. Désormais, il organise des concours, à Riesenbeck, où il a réussi à construire un site complet. C’est super. Et puis, il n’y a pas que lui. Il essaye de faire avancer les jeunes, comme il l’a fait et le fait encore avec de nombreux cavaliers. Il a toujours fait progresser les autres. Je l’ai connu lorsqu’il travaillait chez Paul Schockemöhle, et il était déjà super fort. Je n’ai que des éloges sur Ludger ! (rires) Ludger a aussi beaucoup fait pour le sport. Il est investi. Il avait notamment chaperonné l’équipe de Chine. C’est important. Des personnes comme lui font avancer le sport. Il a également travaillé au sein du Club des cavaliers. Bref, il a fait plein de choses. J’ai tellement de souvenirs avec Ludger… Je me souviens de l'avoir vu gagner les Jeux olympiques de Barcelone en individuel, en 1992. Il dominait. Pourtant, il n’avait pas toujours des chevaux faciles, mais il savait s’adapter à n’importe quelle monture. Parfois, on se disait “mais qu’est-ce que c’est que ce cheval ?” et il arrivait quand même à gagner. Il n’attendait pas d’avoir le bon cheval pour s’imposer, il faisait au mieux avec ceux qu’il avait. Ludger n’est pas le cavalier d’un seul cheval, il en a formé et révélé énormément. Ludger, c’est la classe. Lorsqu’on me demande mon cavalier idéal, je réponds toujours un mélange de Nick Skelton et Ludger Beerbaum. Mais Ludger tout seul, cela me suffit (rires). Quand on voit son palmarès, le nombre de médailles qu’il a, c’est de la folie. Certains cavaliers n’arrivent même pas à glaner un titre dans toute leur vie. Lui, il en a des dizaines. Il a toujours su préparer les grands championnats.

Ludger Beerbaum célèbre sa victoire en individuel aux Jeux olympiques de Barcelone, en 1992, sur Classic Touch. © FEI

J’ai été surpris par l’annonce de sa retraite, même si Ludger était moins présent depuis sa blessure, en début d’année. Lorsqu’une star de son envergure arrête sa carrière à haut niveau, cela fait toujours un choc. J’ai discuté avec lui une semaine avant son annonce, lors du Longines Paris Eiffel Jumping. Il m’avait dit qu’il était en forme. Il n’avait pas l’air de se poser la question d’arrêter ou non ; il semblait en forme. Je pense que sa décision s’est prise d’un coup, à Aix-la-Chapelle. C’est beau qu’il l’ait fait comme cela, devant son public. Je pense qu’il y a du monde qui a dû pleurer ! Une page du sport se tourne, même si j’imagine que Ludger sera tout le temps-là, à aider les équipes allemandes et ses cavaliers. Il va continuer à se mobiliser. Ce qu’il voulait, c’était être performant et gagner des Grands Prix. Aujourd’hui, les cavaliers de son écurie sont en pleine forme et gagnent tout. Il s’est peut-être dit qu’il avait plein d’autres choses à accomplir, en dehors des pistes internationales. Il ne faut pas attendre de devenir mauvais en piste pour prendre sa retraite. Et ce n’est pas le genre de Ludger : il a toujours une longueur d’avance.”

Bosty et Ludger Beerbaum dans la même foulée lors d'une reconnaissance. © Scoopdyga



Ulrich Kirchhoff, membre de l’équipe germanique de jumping, grand gagnant international et notamment double champion olympique avec Jus de Pomme en 1996, avant de revêtir les couleurs ukrainiennes quelques années plus tard et s’imposer en tant que coach

“Je connais Ludger depuis des années. Nous avons souvent fait équipe ensemble en Coupes des nations. Je le connais depuis qu’il a la vingtaine ! Franke a rejoint les écuries de Paul Schockemöhle, et à ce moment-là, il y avait également Ludger et Dirk Hafemeister. Ludger disputait beaucoup de Grand Prix à l’époque où je n’arrivais pas à être moi-même classé dans ces mêmes épreuves. Je le sais très ambitieux, droit dans ses bottes et comme un vrai sportif qui veut aller de l’avant. Il n’a pas peur des longues journées de travail. Rien n’est trop pour lui. C’est assez simple de mentionner un beau moment avec lui. Nous avons remporté la même médaille, par équipe, lors des Jeux olympiques d’Atlanta, en 1996. Nous étions tous les deux aux côtés de Franke et Lars Nieberg. Nous avons passé un mois ensemble, avec l’équipe, à nous entraîner. Ce mois a été très spécial. Nous avons vraiment appris à mieux nous connaître et avons passé du bon temps. C’était l’une des meilleures périodes de ma vie. J’ai appris à connaître Ludger en tant que personne ; c’était précieux.”

Ludger Beerbaum n'était pas loin de son ami et coéquipier Ulrick Kirchhoff lorsqu'il a levé les bras sur le podium des Jeux olympiques d'Atlanta. © FEI

Philipp Weishaupt, disciple du Kaiser, excellent compétiteur et notamment lauréat du Grand Prix 5* d’Aix-la-Chapelle en 2016

“Je n’en avais aucune idée, mais Ludger vient de prendre sa retraite. Il a simplement pris un cheval et est parti en piste, sans dire un mot à qui que ce soit. Je vais faire attention à ne pas pleurer, mais je crois que cet homme était assurément le meilleur cavalier du monde, avec le plus de victoires en Grands Prix et de médailles en championnats. Il a vraiment servi son sport pendant trente ans. C’est un grand honneur de travailler pour lui et je le remercie pour tout ce qu’il a fait. Il a une relation spéciale avec le CHIO d’Aix-la-Chapelle. Il n’a pas choisi ce concours pour faire cette annonce sans raison, bien au contraire. C’est le meilleur concours du monde et il méritait d’avoir un tel au revoir, devant son public. Il a encore montré à tout le monde dans le Grand Prix qu’il était tout à fait au niveau. Il a soixante ans, et la façon dont il monte est toujours aussi remarquable. Il est revenu après s’être fracturé la hanche. Après huit semaines de convalescence, il boitille encore à pied, mais il est égal à lui-même lorsqu’il est en selle. C’est un homme incroyable.”

Ludger Beerbaum a fait émergé un nombre incroyable de cavalier au très haut niveau, dont Philipp Weishaupt. © HippofotoEoin McMahon, Philipp Weishaupt et Christian Kukuk vont désormais avoir la lourde tâche de perpétuer l'héritage Beerbaum. © Sportfot

Photo à la Une : Lors de ses derniers Jeux olympiques, à Rio en 2016, Ludger Beerbaum était encore sur le podium, non loin d'un certain Roger-Yves Bost. © Scoopdyga