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“Il n’y a pas beaucoup de chevaux comme Iris de l’Oiseliere”, Marie Fleischel (2/2)

Sous la selle de Marie Fleischel, Iris de l'Oiseliere ne cache pas ses qualités.
Elevage dimanche 14 septembre 2025 Mélina Massias

Il y a deux ans, imaginer Iris de l’Oiseliere signer trois sans-faute sur quatre lors du championnat de France des chevaux de sept ans, à Fontainebleau, relevait de l’utopie. Très préservée à quatre, cinq et six ans, la grise au nom prédestiné a éclos sous la selle de Marie Fleischel cette saison. Dotée d’une très bonne technique, d’un modèle harmonieux et particulièrement en phase avec sa cavalière, la grise par Padock du Plessis semble presque se balader lorsqu’elle est en piste. Née près du Havre, chez Gabriel Taconet, Iris représente la quatrième génération des produits de Noblesse de Thurin, l’une des meilleures reproductrices à avoir croisé la route de cet ancien kinésithérapeute désormais à la retraite. Portrait d’une élève modèle qui n’a pas encore révélé tout son talent.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Originaire de Nancy, Marie a toujours eu une passion dévorante pour les chevaux et l’équitation… sans pour autant avoir des racines familiales ancrées dans ce milieu. Accompagnée par son père sur les terrains de concours dans sa jeunesse, qui y conduisait son poney puis son cheval, l’amazone a connu une sacrée progression, jusqu’à sa première épreuve à 1,50m, bouclée en mars dernier avec Extasy du Montceau (Magnus Romeo x Super Krack), une nièce du vice-champion olympique par équipe de concours complet Chaman Dumontceau. Après avoir longtemps travaillé aux côtés du Lorrain Fabrice Schmidt, cavalier du génial Confu (Contact Me x Cambridge) de Laura Kraut de 2014 à fin 2015, Marie rejoint le haras des Grillons, où elle œuvre aux côtés de son désormais ex-mari, Carlos Lopez. Partie ensuite à Aix-en-Provence, la Nancéienne collabore quelque temps avec un investisseur parisien, mais leurs intérêts et visions divergent. “À ce moment-là, je montais une jument de huit ans qui commençait à sauter 1,45m. Elle m’appartenait à cent pour cent, et je l’ai vendue. J’aurais souhaité m’associer avec cet investisseur afin d’acheter un cheval de sept ou huit ans pour aller encore plus loin et faire augmenter la qualité de l’écurie. Seulement, nous n’avions pas les mêmes objectifs et lui préférait faire de la quantité plutôt que de travailler à petite échelle avec des chevaux de qualité supérieure. Comme je n’avais plus que des quatre ans à monter, j’ai décidé de partir en République démocratique du Congo, où j’avais un contrat d’expatriée sur une structure comptant soixante-dix chevaux. Sur place, ils entretiennent un piquet de cinq à dix chevaux afin de pouvoir inviter, une fois par an, des cavaliers européens pour un concours organisé depuis de nombreuses années. Je suis restée sur place durant dix-huit mois, afin de former ces chevaux et m’assurer qu’ils soient prêts pour la venue des cavaliers européens. C’était une expérience enrichissante et très sympa. Le sport est complètement à part et différent de ce qui se fait en Europe, mais c’était une vraie expérience de vie. J’ai rencontré des gens très intéressants, dont mes investisseurs actuels, qui ont effectué toute leur carrière professionnelle là-bas et y sont toujours installés. Nous avons acheté ensemble une première jument, lors de mon retour en France, il y a deux ans, puis, l’an dernier, nous nous sommes mis en quête d’une nouvelle monture”, détaille la jeune quadra, basée au sein des écuries de Jean-Luc Mourier et dont le système consiste à monter pour d’autres cavaliers la semaine, et profiter de ses propres chevaux en concours le week-end. Un équilibre et un avantage non négligeable, qui lui permettent de ne pas être dans l’obligation immédiate de vendre ses complices pour assurer la pérennité de son fonctionnement, et donc de ne pas leur infliger une pression néfaste.

Au printemps, Iris de l'Oiseliere s'était déjà démarquée dans les épreuves réservées aux jeunes chevaux, en parallèle du CSI 5*. © Mélina Massias



Aisance et facilité en leitmotiv

À l’occasion du CSIO 4* de Sopot, en juin, Marie croise Steve Tinti. Elle lui indique être à la recherche de sa future perle et lui fait part de ses critères. Et le Belge a la candidate parfaite : Iris de l’Oiseliere. Seulement, la belle grise sera proposée lors de la vente aux enchères The Collection un mois plus tard, le 19 juillet ! Qu’à cela ne tienne, Marie, qui a alors la jambe dans le plâtre en raison d’une chute survenue un peu plus tôt, organise un essai, d’Iris et d’autres chevaux, avec son ami Nathan Budd. “Nous avions sélectionné cinq chevaux qui étaient présentés lors de cette vente, car il est toujours difficile de prévoir l’issue d’une enchère. Lors des essais, Iris a tout de suite été mon coup de cœur. Nous avons essayé de trouver un accord avant la vente, mais n’y sommes pas parvenus. Alors, nous avons joué le jeu. Nous avons un peu dépassé le budget que nous nous étions fixé. Mais nous avons réussi à acheter Iris, ce qui était le plus important pour nous. Et, aujourd’hui, au vu de ses performances, cela est anecdotique !”, sourit Marie. 

Après tout juste une quinzaine de sorties officielles, Iris de l’Oiseliere aurait pu connaître une évolution plus lente. Pourtant, rien ne semble lui poser de problème. Très vite, la fille de Padock du Plessis s’affiche comme une surdouée du saut d’obstacles et rattrape ses conscrits. “Iris avait très peu d’expérience lorsque nous l’avons achetée, mais elle est dotée d’une qualité intrinsèque innée. Je me suis tout de suite bien entendue avec elle. Elle est d’une facilité exemplaire et d’une grande gentillesse au quotidien. Tout est simple avec elle. Pour ne rien gâcher, elle est si belle qu’on pourrait la peindre ! Pour l’instant, elle est la jument la plus marquante de ma carrière. Il n’y a pas beaucoup de chevaux comme elle. J’en ai vu passer de très bons, mais Iris est la première jument de cette trempe que je rencontre. Elle veut toujours bien faire, faire plaisir à son cavalier. Elle a beaucoup de qualités et est tout bonnement incroyable. C’est une pépite, un phénomène naturellement doué. D’une certaine façon, Iris est une perfectionniste. Elle est d’une régularité exemplaire. Son physique, assez compact, doit l’aider. Elle est légère, se déplace bien. Elle a une bonne technique, du sang, mais toujours la tête froide et fait tout avec une sérénité impressionnante. Je n’ai pas besoin de faire sa pub : elle parle elle-même. Même en mettant tout l’aspect émotionnel de côté, j’ai beaucoup de mal à lui trouver un défaut. Pourtant, n’importe quel très bon cheval en a forcément !”, brosse Marie, des étoiles dans les yeux à la moindre évocation de sa star. “La seule petite chose que je peux relever, c’est qu’elle n’est pas toujours très agréable avec les autres chevaux, d’où le petit nœud rouge qu’elle porte dans la queue. Il ne faut pas l’approcher de trop près. En main, elle peut être un peu têtue. Si elle a décidé d’aller brouter, elle utilise toute sa force, qu’elle tient sans doute de Vigo Cécé, pour y parvenir ! Au bout de la longe, on ne peut pas faire grand-chose dans ces situations ! (rires)”

Marie Fleischel ne trouve pas de vrai défaut à sa pépite. © Mélina Massias

À la fin de l’été 2024, Marie et Iris prennent le départ de leur première épreuve commune, une Préparatoire à 1,15m. En moins d’un an, les barres s'élèvent de vingt-cinq centimètres, mais, comme toujours, la grise répond présent. Sur ses six Grands Prix Top 7 de la saison, la belle signe quatre sans-faute et autant de classements. Mais, au-delà de ses qualités et de ses résultats, le couple formé par Iris et sa cavalière frappe par son naturel. Presque le nez au vent avant de prendre le départ, la grise paraît se balader sur les pistes de compétition. “Iris a tant de qualités naturelles qu’elle n’a pas besoin d’être contrainte. Au contraire : il faut la laisser libre dans son corps afin qu’elle puisse s’exprimer au mieux”, confirme Marie. “Lorsqu’on entre en piste, elle regarde un peu à droite, à gauche. Mais, dès qu’on passe la ligne de départ, elle est extrêmement concentrée. Je la monte volontairement en filet simple, sans martingale, tout simplement parce qu’elle n’en a pas besoin ! Il suffit de lui donner les bonnes indications. Si je fais bien ma part du travail, je n’ai pas de grande surprise avec elle.” 

Un voyage à Fontainebleau qui en a valu la peine

À Fontainebleau, sur l’herbe du Terrain d’honneur ou sur le sable de la carrière des Princes, Iris de l’Oiseliere a livré trois parcours majestueux, signant même le premier clear round de la difficile manche initiale de la finale dominicale. Si deux fautes sont venues la priver d’une place au sein du Top 5 lors de son ultime parcours du week-end, elles n’auront pas entaché l’impression laissée par ses passages. Pour préparer cette échéance, la paire féminine n’a d’ailleurs rien laissé au hasard et s’est rapprochée du bordelais Olivier Robert. “Olivier m’a beaucoup aidée tout au long de la saison. Il a suivi tous mes parcours à Fontainebleau, même en étant à Calgary ! J’ai filmé les reconnaissances et lui ai envoyées, malgré l’important décalage horaire. J’ai eu la chance d’aller chez lui trois fois cette année et ses conseils techniques sont vraiment précieux. Olivier fait preuve d’une honnêteté et d’une patience remarquables dans le travail. Il est également très pointilleux dans la stratégie des engagements. Je crois que cela joue beaucoup dans la progression d’un cheval et que l’on n’y accorde pas toujours assez d’importance. Comme nous savions que nous allions sauter sur l’herbe pour le championnat des sept ans, Olivier m’a dit qu’il fallait absolument trouver un concours pour donner une première expérience à Iris sur ce type de terrain. Alors, nous avons trouvé un concours national en Espagne, à la frontière, organisé par Laura Roquet. J’ai pris ma licence fédérale espagnole et j’ai engagé Iris dans le Grand Prix à 1,40m, qu’elle a conclu à la troisième place grâce à un double sans-faute”, détaille la Nancéienne. 

Marie Fleischel et Iris de l'Oiseliere ont reçu les conseils et l'aide d'Olivier Robert cette saison. © Mélina Massias



S’il ne cache pas une pointe de déception liée au dernier parcours à huit points d’Iris, Gabriel Taconet, son éleveur, était ravi d’avoir fait le déplacement jusqu’à Fontainebleau… et la rencontre de Marie Fleischel ! “La progression d’Iris est énorme ! Il y a encore deux ans, on ne se jetait pas sur elle. Elle n’a pas fait beaucoup de parcours depuis qu’elle a rejoint Marie et elle est encore verte pour une sept ans. À l’écouter, Marie semble enthousiaste et très amoureuse de la jument. Je pense qu’Iris est entre de bonnes mains. J’espère ne pas me tromper ! Je l’ai trouvée très belle, très calme et sereine à Fontainebleau. Cela m’a fait très plaisir d’apprendre qu’elle était qualifiée pour ce championnat, puis de faire connaissance avec Marie, qui est charmante”, commente le jeune retraité. 

À Fontainebleau, Gabriel Taconet a retrouvé sa jolie grise le temps d'un instant. © Mélina Massias

Une belle récompense, pour celui qui a fait naître, au plus, quatre poulains par génération, et s’occupe seul - ou avec un coup de main occasionnel d’une voisine - de son petit troupeau, qui rentre chaque soir au box. “Elever des chevaux requiert du temps et de l’argent, d’autant plus que cela devient de plus en plus dur. Je pense qu’il y a de moins en moins de place pour les petits éleveurs particuliers… Entre celui qui fait naître soixante ou quatre-vingts poulains et celui qui, comme moi, en élève deux à quatre par an, la concurrence n’est pas la même. L’avenir du petit passionné, prêt à perdre un peu d’argent, peut se poursuivre, mais aura sûrement des limites”, élargit l’éleveur, que plusieurs sujets brûlants préoccupent. “Lorsqu’on n’est pas soi-même cavalier, valoriser et former ses chevaux est un vrai problème. Il faut trouver les bons cavaliers, les bonnes maisons. Voir certains étalons faire trois cents saillies par an me tracasse aussi… Nous allons finir dans un entonnoir et nous nous poserons la question de quel étalon utiliser. Et puis, voir certains chevaux être appelés Selle Français alors qu’ils ont zéro pour cent de sang français, ou presque, dans leur papier, me gêne. Qu’on leur trouve un autre nom, mais pas celui de Selle Français ! Pour moi, un Selle Français doit avoir un minimum d’origine française. Je ne suis pas contre l’utilisation de sang étranger, la preuve : j’ai croisé mes juments avec des étalons qui ne sont pas Selle Français. Mais il reste quand même un certain pourcentage de Selle Français dans la génétique de mes chevaux. Et il devrait en être de même pour les étalons agréés. Je suis assez proche du raisonnement de Xavier Leredde à ce sujet. Et puis, il y a aussi le sujet des radiographies. Bientôt, nous devrons garantir les chevaux que nous vendons jusqu’à leurs trente ans ! Parmi les chevaux de très haut niveau, je ne sais pas si cinquante pour cent d’entre eux passeraient la visite que l’on demande à un cheval de quatre ou cinq ans. Mais leurs résultats font qu’on y prête moins attention. Même pour des petits prix, les gens voudraient avoir la garantie que le cheval n’aura jamais de blessure. C’est irréalisable ! Les chevaux sont des êtres vivants et relativement fragiles.”

La fille de Padock du Plessis en toute décontraction au paddock. © Mélina Massias


“Iris me permet de concrétiser une partie de mes rêves”, Marie Fleischel

Préservée jusqu’à présent, Iris pourrait tirer profit de son début de carrière allégé. Reste désormais à savoir si elle parviendra à franchir les étapes qui la séparent du très haut niveau. Si tous les ingrédients semblent aujourd’hui réunis, cela ne suffit pas toujours, d’autant que la grise est destinée à la vente. Mais pas à n’importe quelles conditions. “Nous avons reçu des demandes tout au long de la saison pour Iris, qui a tout de suite été remarquée. Le but des investisseurs avec lesquels je travaille est, malheureusement, de la commercialiser. Mais nous sommes pleinement conscients qu’il s’agit d’une jument à part et nous nous sommes tout de suite mis d’accord sur le fait qu’elle ne partirait que pour un montant qui correspond à sa valeur. Fondamentalement, nous n’avons pas envie de la vendre. Et si cela ne se concrétise pas, nous serons très contents qu’elle reste avec nous ! Je serai la plus heureuse de continuer à faire du sport avec elle, et mes propriétaires aussi. Iris incarne le début de ma relation avec eux et nous savons que nous aurons énormément de mal à retrouver un cheval qui ne lui arrive ne serait-ce qu’aux boulets”, développe avec franchise Marie. 

En attendant de savoir avec qui s'écrira la suite de l’histoire d’Iris de l’Oiseliere, Marie Fleischel savoure les instants passés aux côtés de sa pépite. “Iris représente beaucoup pour moi. Elle me permet de concrétiser une partie de mes rêves”, glisse-t-elle dans un sourire. Si l’envie de réaliser des transferts d’embryons avec sa grise démange évidemment Marie, Gabriel Taconet, lui, continue son bonhomme de chemin avec la famille maternelle d’Iris. Si Jade (By Cera d’Ick) poursuit son évolution avec Aline Henricot, qui l’avait achetée pouliche, et que Mike (Colore), blessé poulain mais très bon sauteur fait le bonheur d’une voisine de son naisseur, Lord (Armitages Boy), Nanon (Coktail de Talma), Opale (Casallo) et Punchy (Taalex) auront la lourde tâche de suivre les traces d’Iris. Les tantes et oncles d’Iris, aussi, auront une carte à jouer, Smanik ayant encore une jeune production, à l’image de ses deux dernières pouliches : Pink (Potter du Manaou) et Océane (High Five Manciais). Qui sait, l’un d’eux brillera peut-être à son tour, sous la selle de Marie Fleischel ou d’un ou d’une autre cavalière.

Pendant qu'Iris poursuit sa route vers le haut niveau, ses frères et sœurs utérins grandissent paisiblement, avant de, peut-être, suivre ses traces. © Mélina Massias

Photo à la Une : Sous la selle de Marie Fleischel, Iris de l'Oiseliere ne cache pas ses qualités. © Mélina Massias