À vingt-huit ans, Millie Allen poursuit sa montée en puissance sur la scène internationale. Détentrice du record britannique du plus grand nombre de médailles européennes remportées chez les jeunes – onze au total -, la cavalière est aujourd’hui installée en Belgique, au sein des écuries Karel Cox. Début 2025, elle a signé une entrée de saison remarquée à Doha, avec trois victoires 5*, dont la toute première de sa carrière à ce niveau. Pour Studforlife, elle revient sur ses performances, ses chevaux et ses ambitions.
Vous avez remporté plusieurs épreuves majeures à Doha durant la première moitié de l’année 2025. Comment avez-vous vécu ce début de saison particulièrement réussi ?
J’ai choisi de partir à Doha avec Clearround Il Mondo (Comme Il Faut x Clearway), E-Maitresse TVH (Emerald van’t Ruytershof x Quidam’s Rubin), Quick Diamant Hr (Diamant de Semilly x Quidam de Revel) et Genesis de Talma (Mylord Carthago x Baloubet du Rouet). Ces chevaux étaient prêts à entrer dans la saison et à performer. Ils formaient une très bonne équipe. Je suis vraiment satisfaite de la manière dont tout a commencé. Avec un piquet aussi solide, j’avais confiance, même si en concours, rien n’est jamais acquis. Heureusement, tout s’est très bien déroulé. La piste à Doha est incroyable, et mes chevaux adorent y sauter. Cette tournée m’a donné beaucoup d’assurance pour la suite de la saison.
Grâce à E-Maitresse TVH, qui a malheureusement été vendue depuis, Millie Allen a terminé quatre puis sixième des deux premiers Grands Prix 5* de sa jeune carrière, un peu plus tôt cette année à Doha ! © Sportfot
“J’ai compris à quel point il est essentiel de croire en soi et en ses chevaux”
Quels enseignements avez-vous tirés de vos performances à Doha pour les compétitions qui ont suivi ?
J’ai compris à quel point il est essentiel de croire en soi et en ses chevaux car c’est quelque chose qui se ressent énormément dans notre façon de monter. Ces performances m’ont vraiment rassurée. Elles m’ont montré que mes chevaux sautaient très bien et étaient prêts pour cette saison 2025. Aujourd’hui, je peux aborder les concours à venir avec davantage de confiance, en sachant que nous sommes tous opérationnels.
Quand vous regardez votre parcours, comment analysez-vous votre évolution ?
J’ai adoré mes années de jeune cavalière. J’ai eu la chance de monter d’excellents chevaux et de bénéficier du soutien de ma famille, ce qui m’a permis de participer à de nombreuses compétitions. En y repensant, j’en garde des souvenirs incroyables, et je suis très heureuse de pouvoir continuer à évoluer au haut niveau aujourd’hui. J’espère un jour décrocher des médailles aussi belles que celles que j’ai remportées plus jeune, pourquoi pas aux championnats d’Europe Sénior. Ce serait un bel accomplissement.
En huit participation aux championnats d'Europe Jeune, Millie Allen a glané pas moins de onze médaille, dont une en or en individuel à poney Fontainebleau en 2012. © Stefano Stecchi / Hippo Foto
Quelles ont été les étapes clés de votre développement en tant que cavalière professionnelle ?
J’ai évidemment beaucoup appris durant ma jeunesse, mais une étape importante a été mon passage chez Angelie Von Essen. Travailler dans ses écuries m’a permis de progresser sur des aspects plus techniques et professionnels, notamment dans la gestion quotidienne des chevaux et la préparation à la compétition. Elle m’a appris à aller à l’essentiel dans le travail sur le plat, pour mieux comprendre chaque cheval et en tirer le meilleur. Ma famille, très impliquée dans le milieu équestre, m’avait déjà transmis de solides bases, mais cette expérience m’a vraiment permis de franchir un cap.
“Ce que les chevaux préfèrent, c’est être au pré. Alors, ils y passent une grande partie de leur temps, et c’est essentiel pour leur bien-être”
Vous êtes aujourd’hui installée en Belgique chez Karel Cox. Pourquoi avoir fait ce choix ?
J’avais envie de continuer à progresser dans une grande écurie, au sein d’une équipe ambitieuse. Karel Cox a une approche très stimulante, aussi bien dans sa vision du sport que dans la gestion quotidienne des chevaux. Il m’a beaucoup appris à l’entraînement, mais aussi sur la manière de gérer un piquet dans son ensemble : planifier les concours, adapter les programmes de travail à chaque cheval, trouver la bonne routine pour chacun… Travailler avec lui m’a énormément apporté, et je lui suis vraiment reconnaissante pour toutes les opportunités qu’il me donne.
Quels sont les avantages et les défis de travailler dans une structure comme celle-ci ?
Le principal avantage réside dans la qualité et la diversité des chevaux. Karel Cox est toujours à la recherche de chevaux très compétitifs, et j’ai la chance de pouvoir en monter plusieurs au quotidien. Je m’y attache, même si, bien sûr, certains sont vendus : c’est la réalité de notre métier. Il essaie d’en conserver quelques-uns pour le sport, mais la vente fait partie du fonctionnement de l’écurie. Cela dit, il y a toujours de nouveaux chevaux à faire progresser, donc je m’adapte. J’ai actuellement entre douze et quatorze chevaux au travail. L’autre point fort, c’est qu’il y a peu de cavaliers : Marit, l'épouse de Karel, Daan Bernaerts, Emre Ceilikol et moi. L’ambiance est très bonne, on s’entraide, et c’est précieux au quotidien.
Genesis de Talma fait partie du piquet actuel de la jeune Britannique. © Sportfot
Pouvez-vous nous parler de vos chevaux actuels ?
Clearround Il Mondo, qui m’a accompagnée à Doha, est mon cheval de tête en ce moment. Doha a été sa première expérience sur une si grande piste. Je le monte depuis son arrivée chez Karel, à l’âge de six ans. Il a énormément de sang et une vraie envie de sauter, ce qui, au départ, demandait beaucoup de patience pour réussir à le canaliser. Il était toujours un peu trop enthousiaste. Aujourd’hui, nous avons trouvé un bon équilibre. Je le connais parfaitement, et je pense que cela s’est vu à Doha : le couple que nous formons est solide. E-Maitresse TVH, l’autre jument que j’avais emmenée au Qatar pour les Grands Prix 5*, a été vendue, ce qui m’a attristée. Heureusement, j’ai d’autres juments très prometteuses. Il y a par exemple Viarca PS (Von Vivant x Diarado), qui vient tout juste d’arriver aux écuries et s’est classée sixième dans un Grand Prix 3* à Busto Arsizio en avril. Elle est très compétitive, rapide, et donne toujours tout. Je pense qu’elle a un bel avenir. Et puis, il y a Quick Diamant HR, ma jument la plus rapide. Elle aime gagner et cela se sent ! Elle occupe vraiment une place à part parmi mes chevaux.
Millie Allen juge "solide" le couple qu'elle forme avec le tout bon et bien nommé Clearround Il Mondo. © Sportfot
Comment travaillez-vous au quotidien avec vos chevaux ?
Le programme varie selon les chevaux, mais, en général, ils sont montés plusieurs fois par semaine, avec un jour de longe et un jour de repos. Quand je les monte, j’essaie de ne pas être dans un travail trop intense en permanence. Je les sors souvent en extérieur. Lorsqu’on saute, je privilégie des petits exercices techniques pour les garder concentrés, sans que ce soit trop exigeant mentalement. Aux écuries, nous avons aussi une grande piste en herbe, que j’utilise régulièrement. Mais ce que les chevaux préfèrent, c’est être au pré, alors ils y passent une grande partie de leur temps, et c’est essentiel pour leur bien-être.
“Balou Star occupe une place très spéciale dans mon cœur”
Y a-t-il un cheval qui vous a particulièrement marqué dans votre parcours ?
Beaucoup de chevaux m’ont marquée à leur manière. Dans ma jeunesse, Balou Star (Balou du Rouet x Quick Star) a été très important. Avec lui, j’ai remporté de nombreuses médailles. Il occupe une place très spéciale dans mon cœur. Aujourd’hui, celui qui compte le plus est probablement Clearround Il Mondo. Il a énormément de talent, et même s’il m’a fallu du temps pour bien le connaître, notre duo est désormais très solide. E-Maitresse TVH a aussi une place particulière dans mon cœur. Elle m’a énormément apporté. À Doha, nous avons disputé notre premier Grand Prix 5* ensemble, et signé un double sans faute. C’était un rêve devenu réalité, et pour cela, elle restera toujours spéciale à mes yeux.
Balou Star occupe évidemment une place à part dans le cœur de Millie Allen, son ancienne cavalière. © Sportfot
Vous partez souvent en tournée à l’international. Comment arrivez-vous à équilibrer vie professionnelle et personnelle ?
C’est très difficile. Les chevaux sont à la fois notre vie et notre gagne-pain. Heureusement, je suis animée par une vraie passion. Sans cela, ce serait compliqué à gérer. Je pense d’ailleurs que tous les cavaliers qui choisissent de se professionnaliser le font parce qu’ils aiment profondément ce sport et le mode de vie qu’il implique. Sinon, ce n’est tout simplement pas un métier fait pour eux. De mon côté, j’essaie toujours de prendre du temps pour rentrer chez moi et voir ma famille. Dès que j’ai quelques jours de libre, je fais en sorte d’y aller. Ma sœur a deux enfants, et c’est vraiment important pour moi de passer du temps avec eux. Pour l’instant, je suis assez satisfaite de l’équilibre que j’ai réussi à trouver.
Parmi toutes les pistes sur lesquelles vous vous rendez, y en a-t-il une à laquelle vous tenez particulièrement ?
C’est une question très difficile… Il y en a beaucoup que j’aime ! Mais cette année, je dirai Doha, au vu des performances très spéciales que j’y ai réalisées. Sinon, j’ai aussi un attachement particulier pour l’Olympia à Londres. Je l’ai disputé au niveau national, dans la catégorie des moins de vingt-cinq ans, et j’ai le sentiment que, quand on est britannique, c’est un rêve d’y participer un jour au niveau 5*. Ce serait vraiment quelque chose d’y parvenir, et j’aimerais beaucoup y arriver un jour.
Quick Diamant Hr est une monture particulièrement compétitive au sein de l'effectif de la Britannique. © Sportfot
“À plus long terme, mon objectif est de continuer à évoluer avec constance à ce niveau”
Avez-vous une approche spécifique de la préparation mentale avant un grand événement ?
Oui, j’ai la chance de travailler avec Raf Crijns, qui habite tout près des écuries de Karel Cox. Il m’aide sur le plan de la performance mentale et joue un peu le rôle de coach mental. Son travail m’a beaucoup aidée à améliorer ma concentration avant les grandes échéances. Il y a quelques années, j’ai subi un traumatisme crânien assez grave, et c’est lui qui m’a accompagnée pour retrouver mes capacités cognitives d’avant. Il m’arrive d’utiliser certains des exercices qu’il m’a appris avant les gros concours. Sa méthode repose sur une approche neurologique fonctionnelle, axée sur la santé comme levier de performance. En plus, il est aussi ostéopathe, donc je le consulte régulièrement.
Qui sont les personnes clés qui jouent un rôle dans votre réussite au quotidien ?
Derrière chaque performance, il y a toute une équipe, et chacun y a un rôle essentiel. Karel Cox me soutient énormément dans mon travail avec les chevaux. Il me donne souvent des conseils précieux, notamment sur ceux qu’il a déjà montés. Il y a aussi ma groom, Lilou, envers qui je suis très reconnaissante. Elle se soucie énormément du bien-être des chevaux, ce qui me permet de me concentrer pleinement sur la compétition. Ma famille compte également beaucoup. Mon père est coach, il me donne toujours de bons conseils, et ma sœur monte aussi à cheval. C’est précieux de pouvoir échanger avec eux sur mon quotidien de cavalière.
Quels sont vos objectifs pour le reste de la saison et au-delà ?
J’aimerais d’abord participer à une Coupe des Nations Senior, bien sûr. Disputer quelques concours 5* supplémentaires serait aussi formidable. À plus long terme, mon objectif est de continuer à évoluer avec constance à ce niveau, avec un effectif solide pour y parvenir. Ce sport demande beaucoup de persévérance et il est difficile de rester régulier à haut niveau. Il y a parfois des périodes plus creuses. Alors, construire une vraie stabilité pour enchaîner les compétitions majeures serait un vrai accomplissement.
Bien entourée, talentueuse et déterminée, Millie Allen espère prendre part à sa première Coupe des nations Sénior dans un futur proche. © Sportfot
Photo à la Une : Après avoir rencontré un grand succès lors de ses jeunes années, la Britannique Millie Allen, ancienne cavalière de Balou Star, espère bien s'installer durablement au plus haut niveau. © Sportfot