Cette semaine, tous les projecteurs sont braqués sur le CHIO d’Aix-la-Chapelle. Au cœur du stade équestre de la Soers, Willem Greve aura fort à faire. Vainqueur du dernier Grand Prix Rolex du Grand Chelem de saut d’obstacles, chez lui, à Bois-le-Duc, le Néerlandais tentera de faire un pas de plus vers le triplé gagnant, dimanche. Avant cette échéance, il revient sur son triomphe d’avril dernier, sa préparation pour le plus mythique des concours de saut d’obstacles de la planète, dont il prendra le départ pour la troisième fois seulement de sa carrière, évoque son piquet de chevaux et souligne l’importance de son équipe dans sa réussite. Interview.
Comment vous sentez-vous à l’approche du Grand Prix Rolex du CHIO d’Aix-la-Chapelle, où vous tenterez de faire un pas de plus vers le Grand Chelem, après votre victoire à Bois-le-Duc, un peu plus tôt cette année ?
Faire partie des cavaliers ayant remporté un Grand Prix du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles est un véritable honneur. Pouvoir participer au CHIO d’Aix-la-Chapelle est déjà incroyable. Gagner serait un rêve ! Depuis ma victoire lors des Dutch Masters, je suis évidemment davantage sous pression en tant que prétendant au Grand Chelem. Tous les regards sont tournés vers moi. J’essaie donc de rester focalisé sur mes chevaux et de ne rien changer à mes habitudes.
Avec le recul, votre victoire, à domicile, à Bois-le-Duc, doit avoir une place très spéciale…
Sur le coup, je n’ai pas tout à fait réalisé ce qui se passait, parce que j’étais concentré sur mon cheval (Highway M TN N.O.P, ndlr) et le moment. Quand j’ai compris que j’avais gagné, c’était un moment très émouvant. La foule et l’atmosphère étaient sensationnelles. En tant que cavalier, on rêve de ces moments, et avec le recul, on se rend compte à quel point ils sont spéciaux. Le contexte a rendu cette victoire encore plus spéciale : je suis néerlandais, j’étais le dernier en lice au barrage et j’ai fini par l’emporter d’une courte tête sur Henrik (von Eckermann, vaincu avec son meilleur cheval, King Edward Ress, ndlr). C’était une victoire inoubliable.
Votre complice, Highway, est incroyable. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à son sujet ?
Highway est un étalon approuvé, qui appartient au Team Nijhof. J’ai commencé à le monter quand il avait sept ans. Il est volontaire et courageux et se bat comme un lion. J’ai confiance en notre capacité à produire de bons résultats, ce qui a été le cas jusqu’ici. Si Highway a toujours été un gagnant, la question restait de savoir de quels moyens il disposait vraiment à l’obstacle. Mais il a répondu positivement à chaque question que nous lui avons posée. C’est un cheval de rêve ; ce sont sa mentalité et son attitude qui le rendent si talentueux.
Comment décririez-vous son caractère lorsqu’il n’est pas sur un terrain de concours ?
Il peut être un peu grognon ! Il a beaucoup de caractère, mais n’est pas méchant du tout. Il a beaucoup d’énergie et l’envie de travailler. Une qualité inestimable ! Il faut parfois lui laisser un peu de temps tout seul. Richard (Skillen, ndlr), mon groom, le connaît sur le bout des doigts ; ils ont fait le tour du monde ensemble et n’ont aucun secret l’un pour l’autre.
Quelle a été votre préparation pour le CHIO d’Aix-la-Chapelle ?
Le CHIO d’Aix-la-Chapelle est un concours très particulier. Mes chevaux avaient déjà une certaine expérience des Dutch Masters, mais ce sera la première fois qu’ils concourent à Aix-la-Chapelle. Je n’ai, pour autant, pas modifier ma préparation : je veux que tout soit le plus normal possible. Comme mes chevaux ne sont jamais venus ici, je veux voir comment ils s’adaptent à la piste et à l’ambiance pendant la semaine. Ils pourraient apprendre et progresser pendant cette semaine. Si c’est le cas, je serai très heureux. Je ne vais pas tirer de plans sur la comète. Mais Aix-la-Chapelle est un événement à part : contrairement à d’autres concours, où l’on sait à l’avance quels chevaux participeront à quelles épreuves, je devrais ici aviser en fonction de leur évolution tout au long de la semaine.
Comment se compose votre piquet de chevaux ? À part Highway, d’autres de vos montures sont-elles en mesure de remporter un Grand Prix du Rolex Grand Chelem ?
Grandorado TN N.O.P est mon autre cheval de tête, aux côtés de Highway. Cependant, j’ai décidé de ne pas l’emmener avec moi au CHIO d’Aix-la-Chapelle (l’étalon bai a été sélectionné pour les Jeux olympiques de Paris, ndlr). Je serai accompagné par Minute Man (né O’Neil van’t Eigenlo, ndlr), un étalon de dix ans appartenant à un groupe d’Américaines. Il a beaucoup de talent et est prêt à passer à la vitesse supérieure. Je compterai également sur une jument de neuf ans, Pretty Woman van’t Paradijs, dont j’attends beaucoup. Elle m’appartient en partie avec à l’épouse de feu M. Korbeld, qui était l’un de mes propriétaires et est décédé en mars. Il m’a énormément soutenu ces dix dernières années. C’est la première fois que cette jument vient au CHIO d’Aix-la-Chapelle, mais j’ai un bon pressentiment à son égard : elle a tous les atouts nécessaires. Elle est jeune et manque encore d’expérience, mais elle pourrait être une jument très spéciale dans ma carrière.
Les pistes de Bois-le-Duc et Aix-la-Chapelle n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Comment appréhendez-vous l’arène de la Soers ?
L’événement dure une bonne semaine, avec beaucoup d’épreuves de saut d’obstacles. Pour être honnête, je ne suis venu que deux fois dans ma vie. La première fois, c’était interminable, une véritable catastrophe. Mais la deuxième fois, tout s’est passé à merveille. Comme je l’ai déjà dit, les quatre chevaux participant cette année ne sont jamais venus. Je vais essayer de choisir des épreuves adaptées à chacun et de planifier ma semaine en fonction d’eux. On verra comment ils se sentent au jour le jour. Je veux être certain qu’ils puissent gérer la piste et s’imprégner de l’ambiance. De mon côté, je veux profiter du moment et de mes chevaux.
Quel rôle jouent les autres membres qui constituent votre équipe, des grooms aux vétérinaires ?
Ils ont le rôle principal ! C’est non seulement le cas de Richard, mon groom concours, mais aussi de tous les autres membres de l’équipe. Les cavaliers maison, les autres soigneurs, le maréchal-ferrant, le vétérinaire, le producteur d’aliments pour chevaux ; tous travaillent incroyablement dur et bien. Chacun joue un rôle important dans notre réussite, et je leur dois une gratitude constante pour les efforts qu’ils font jour et nuit. Je suis sur la piste pendant deux minutes seulement : sans le travail collectif de mon équipe, je ne serais rien. C’est comme la Formule 1 : c’est peut-être Max Verstappen qui conduit la voiture, mais sans son équipe, il n’aurait pas le même succès. Je ne pourrais jamais assez remercier mon entourage.
Selon vous, quelle influence a eu le Rolex Grand Slam de saut d’obstacles sur votre sport ?
Son apport est énorme. Quand on regarde les dix dernières années, on se rend pleinement compte de la prouesse réalisée par Scott Brash avec ses trois victoires consécutives dans les Grands Prix comptant pour le Rolex Grand Chelem. Les Majeurs sont les plus grands concours de notre sport, et ils ne font que s’améliorer. Rolex a uni les meilleurs concours au monde, pour élever les performances comme jamais auparavant. C’est un immense honneur que de participer à un Majeur.
Quelle importance revêtent, à vos yeux, les tournois majeurs, tous sports confondus, de l’équitation au tennis ?
Ce type d’événement rassemble le nec plus ultra du monde du sport en question. Le milieu du saut d’obstacles est intraitable : après une victoire le dimanche, la routine reprend invariablement le lundi matin. Plus qu’un métier, c’est une passion. Je pense que la plupart des cavaliers de haut niveau seraient d’accord avec moi. Si on n’est pas un vrai passionné, on ne peut pas gérer les déceptions qui arrivent forcément dans le sport. Les victoires sont presque faciles. Ce sont les défaites et les difficultés, comme lorsqu’un cheval se blesse, qui sont complexes à gérer. C’est là que la passion entre en jeu. Que l’on soit joueur de golf, de tennis ou autre, on est forcément confronté à des déceptions. Mais les Majeurs et ceux qui y prennent part suscitent cette passion chez la nouvelle génération.
Si vous n’étiez pas cavalier de saut d’obstacles, quel métier exerceriez-vous ?
À vrai dire, j’ai toujours voulu faire ce métier. Je n’ai jamais imaginé faire autre chose !
Quel est le meilleur conseil que vous ayez jamais reçu ?
Ne jamais abandonner ! Et de toujours traiter les chevaux comme des chevaux : on ne peut pas être meilleur que mère nature.
Photo à la Une : Highway M TN N.O.P a offert l’un des plus beaux succès de sa carrière à Willem Greve, en mars dernier, à Bois-le-Duc. Dirk Caremans / Hippo Foto