Hervé Godignon : objectif Aix !
Pilier de léquipe de France depuis de nombreuses années, Hervé Godignon a eu la gentillesse de répondre à nos questions avant de sattaquer au Grand Prix de Lummen.
Vous avez débuté votre saison extérieure très tôt par la tournée américaine et après un passage à Hardelot, on vous retrouve à Lummen. Votre préparation diffère assez fort de celle des autres français !
Oui, cest vrai. Cest un investissement que jai décidé de faire. Pour la tournée américaine, Obélix navait plus tourné depuis la finale de Barcelone. En Europe, on en est toujours aux concours Indoor à cette période de lannée et par rapport aux tournées espagnoles, portugaises ou même Arezzo, je préférais partir quelque part où la compétition était un peu plus difficile pour savoir directement me positionner et savoir où jen étais. Je ne voulais pas rêver en faisant des concours trop faciles.
Ici, cest dans la suite logique des choses. Depuis mon retour des Etats-Unis, jai fait un petit concours à Hardelot et je viens ici car on bénéficie dune très bonne infrastructure et dune très grande piste qui à mon avis prépare plus pour La Baule et qui reste à limage de ces concours extérieurs comme Aix La Chapelle.
Est-ce que Lummen a répondu à vos attentes ?
Oui, complètement ! Mais je ne suis pas venu ici par hasard, je connaissais déjà les infrastructures et jai essayé de me cantonner principalement à la grande piste qui est quand même dun peu meilleure qualité que les autres.
Comment allez vous garder vos chevaux fit durant toute la saison extérieure ?
Cest une très bonne question ! Pour le moment, jai un programme de concours qui est La Baule puis 15 jours plus tard, Madrid puis encore 15 jours et Lucerne et jai bien peur quà cette date là, mon cheval soit prêt . C'est-à-dire trop tôt. On en a déjà parlé avec Jean Maurice pour très certainement faire le bilan à ce moment là. Si cest ce que je pense, il ne faudra pas hésiter à redescendre un peu, ralentir un peu le rythme pour arriver à Aix La Chapelle plutôt dans une phase ascendante que trop affûté, trop prêt, à un niveau où lon ne peut plus que redescendre. Car quand on ne peut pas monter plus, on ne peut que redescendre.
On vous découvre ici avec Joli Cur du Château. Si vous continuez sur votre lancée avec lui, vous risquez daller à lencontre de lidée du cavalier français qui na quun cheval de tête !
Oui et non. En fait, cest un cheval qui ma été confié pour être un peu valorisé et je vérifie ce quil a dans le ventre et pour le moment, cest plutôt pas mal et même très bien. Il est donc destiné à la vente.
Et ça ne vous intéresse pas davoir un véritable piquet de chevaux ?
Jai fêté mes 54 ans hier, (ndlr : samedi 22 avril) et je suis très content avec un seul piquet. Je nai plus envie de courir 48 week-ends par an. Je veux me faire plaisir, avoir quelques chevaux et des objectifs comme les championnats du monde.
Après les championnats du monde, je pense qu Obelix, qui mappartient, sera très certainement à vendre. Je continuerai à préparer des chevaux, mais sans aller jusquau bout, et moccuper de quelques élèves.
Vous avez d'ailleurs deux jeunes sBs par Kashmir van't Schutterhof.
Oui, oui. Jen ai un des deux en co-propriété avec un marchand belge bien connu, Christophe Ameeuw et une jument qui mappartient. Cest un peu le hasard, mais je nen suis pas mécontent.
On dit souvent que les cavaliers français ne regardent que les chevaux français, alors que vous pour le moment, vous cumulez les chevaux étrangers !
Moi, je ne suis pas raciste ! Si on mamène de bons Selles Français, je monte de bons Selles Français mais si ce sont des chevaux belges, hollandais ou Néo-Zélandais, ça a peu dimportance pour moi. Puis, très franchement, quand on regarde lévolution des studbooks, on retrouve du SF dans chacun deux comme lon commence à retrouver du KWPN ou du sang Belge dans les origines françaises. On ne parlera bientôt plus des vrais studbooks avec des races protégées car il y a une ouverture, qui était souhaitable dailleurs et qui va dans le bon sens.
Quelles sont pour vous les qualités dont un cheval de sport moderne à besoin ?
La tête ! Cest vraiment important. Lintelligence, cest vraiment la qualité que japprécie le plus chez un cheval. Evidement, après, lidéal cest quil ait du respect, du sang, des moyens mais là, on parle du petit pourcentage que lon appelle les cracks. Après, il y a toute une série de bons chevaux, qui animent le circuit, mais qui ne sont pas des cracks et je pense que la tête fait vraiment la différence car quand un cheval a envie , quil prend du plaisir, il donne beaucoup plus quun autre. On ne peut pas obtenir sous la contrainte quun cheval fasse des épreuves qui deviennent de plus en plus hautes, de plus en plus techniques et de plus en plus fréquentes.
Et en tant que cavalier - éleveur, que pensez vous de lévolution de lélevage en France ?
Dun côté, je pense que lélevage va dans le bon sens à partir du moment où lon accepte lidée, et même plus que ça, douverture au sang étranger. Par contre, je suis un peu inquiet sur les jugements qui sont portés aux chevaux qui tournent majoritairement en France car je trouve que le niveau de la compétition française à baissé fortement. Quand on voit aujourdhui des Grand Prix qui font 1m45, grand maximum 1m50 de temps en temps, ça ne reflète pas la réalité des grandes compétitions internationales. Aujourdhui, les gros Grand Prix, on ne parle plus d un mètre cinquante, on dit un mètre soixante. Je trouve que tirer le niveau de ces épreuves là vers le bas ne reflète pas la réalité de ce que les chevaux sont capables de faire. Puis comme on donne des indices en France sur les performances, jestime quon donne des indices sur des chevaux de petits Grand Prix. Je ne dis pas quil ny a pas de chevaux de Grand Prix là-dedans, mais on ne les voit pas parce quils ne sont pas mis en situation et quil ny a pas beaucoup de cavaliers qui aiment trop sortir et se frotter à la concurrence et se mettre un petit peu en péril. Je pense quil y a un danger aujourdhui et il faut que nos éleveurs fassent attention de ne pas se baser sur des indices qui ne sont pas calculés sur des épreuves qui reflètent la réalité.
Et comment voyez vous votre élevage personnel ?
Cest un élevage de cur. Je nai que des juments que jai montées et presque exclusivement avec des étalons que jai montés ou des étalons dont jai monté des produits comme Narcos II, Quidam ou encore Royal Feu puisque jai monté Diams III . Petit à petit, lélevage saméliore gentiment. Je commence à avoir vendu quelques chevaux qui ne sont pas encore des cracks de Grand Prix, mais des chevaux très honnêtes qui font le bonheur des gens qui les ont achetés.
Highlander One, vous souhaitez également le vendre ?
Non, non, je ne saurais pas. Un fils de Prince et La Belletière, il ne peut pas quitter la maison. Par contre, cest un cheval qui est un peu limité aux épreuves un mètre quarante-cinq à cause de son moral. Cest un cheval très précieux, trop précieux. Il est tellement respectueux quil ne passe pas le cap daller sauter des barres un peu plus grosses.
Vous avez monté Quidam de Revel et on vous a déjà posé tellement de questions sur lui, mais est ce que vous êtes étonné par sa carrière de reproducteur ?
Non. Non, non. Lui, il a tout. Aujourdhui, il y a énormément détalons sur le marché et souvent quand des gens mamènent de jeunes entiers quils espèrent voir approuvés, je leur dis tout de suite « castrez moi ça ». Aujourdhui, un bon étalon, cest un cheval qui a un modèle, une bonne génétique avec des qualités de potentiel et de compétiteur. Sil manque un de ces éléments là, je ne dis pas quil ny aura pas un bon étalon là dedans, mais par rapport à la quantité détalons quil y a sur le marché aujourdhui, il vaut mieux laisser ça aux autres.
Et finalement, vous êtes un des seuls cavaliers français qui na pas de Quidam dans ses écuries !
Non, cest vrai. Jen ai un peu à lélevage puisque jai une fille de Quidam qui reproduit, mais cest vrai que ça ne sest pas présenté.
Et quand vous voyez justement tous les éleveurs/ propriétaires belges qui vont frapper à la porte de Ludo Philippaerts lorsquils ont un bon Darco, ça vous laisse envieux ?
Je ne sais pas. Cest vrai que pour Quidam, ça ne sest pas passé, les gens ne sont pas venus me voir. Cest dailleurs ce qui ma poussé à devenir de plus en plus propriétaire de mes chevaux ou avec un partenaire et faire les choses un peu plus de moi-même, que ce soit au niveau élevage ou des chevaux comme Obélix ou Querida Relais Pachis (ndlr, la fille de Kashmir vant Schutterhof) que je possède.
Vous pensez quil y a une raison particulière pour que cela se soit passé ainsi ?
Je ne sais pas. Peut-être que je suis un peu trop cher ? (rires) Trop cher pour les normands en tout cas !
Comment travaillez vous vos chevaux chez vous ?
Jattache beaucoup dimportance au travail sur le plat. Jattache également beaucoup dimportance à lévolution physique dun cheval. Je veux vraiment faire attention à ne pas travailler trop un cheval lorsquil nest pas prêt physiquement, mais ne pas non plus complètement loublier. Je suis très à lécoute des chevaux. Je crois que ça prend du temps, et ça aussi, cest peut-être une des raisons pour lesquelles les gens ne courent pas chez moi. Les éleveurs veulent souvent des résultats tout de suite, mais ce sont les chevaux qui nous disent lorsquils sont prêts à être exploités et même un peu sur exploités. Jessaie donc de leur donner des bases sur le plat et à lobstacle car si ce nest pas un bon cheval de Grand Prix, ce sera toujours un bon cheval damateur et quand on achète une voiture, on aime bien savoir où sont les vitesses. Cest un peu le reproche que je peux faire à beaucoup de cavaliers, de jeunes cavaliers surtout, qui sont de super pilotes mais qui ne savent pas ou ne prennent pas le temps damener des bases qui permettent après davoir un acquis et de vendre le cheval plus facilement, de trouver ses marques plus facilement.
Quelles sont vos ambitions cette année ? Tout sur Aix la Chapelle ou vous allez aussi jouer la Super League ?
Non, non, tout sur les championnats du monde.
Est-ce que vous pensez que dans ce sport business, il y a encore de la place pour lamour du cheval ?
Oui. La preuve, je devais monter mon 5 ans maintenant, mais je trouve que la piste est devenue un petit peu dur. Ce nest pas une critique, je suis organisateur aussi depuis deux ans et je comprends les impératifs aussi de météo et dautres choses. Je pense que quand on est à lécoute des chevaux, on peut allier un peu les deux.
Justement, Port Mort annulé cette année, ce nest que partie remise ?
Oui, oui, complètement ! Cette année, compte tenu de léchéance sportive, compte tenu du calendrier puisquà la même date, Jan Tops organise la finale de son nouveau Globale Champions Tour à Lanaken. Lannée dernière, entre La Baule et mon concours, je nai presque pas monté à cheval, tellement cest prenant. Alors jai préféré faire limpasse plutôt que de faire les choses à moitié et à cheval et à pied !
Avec largent qui devient de plus en plus présent dans les chevaux, pensez vous quil soit encore possible pour un jeune cavalier qui na pas de grands moyens financiers de percer ?
Oui, certainement. Je pense que cest toujours possible. Il faut avoir la patience et le fusil au corps. Je vois aujourdhui des tas de jeunes cavaliers pour qui cest catastrophique parce quils ne font pas les juniors. A mon époque, quand j'ai commencé, les carrières étaient très longues et si à 22 ans, on n'avait pas encore percé, ce n'était pas une catastrophe. Pour atteindre le haut niveau, il faut avoir du bagage, ne pas hésiter à voyager. Ne pas hésiter à faire des maisons où on apprend et surtout, retarder le moment de sinstaller parce que cest un boulet. Un cavalier qui na pas trop de moyens et qui va devoir payer ses installations, son camion mais je pense que cest encore possible. On en voit encore, Edouard Mathe ou dautres jeunes cavaliers chez nous ne sont pas issus de familles très bourgeoises. On a la chance dêtre un pays délevage. Notre pays est un pays producteur donc cest quand même plus facile que si lon était aux Etats-Unis, au Japon ou dans les pays arabes.