Un modèle impressionnant, des qualités par milliers et un parcours sans fausse note depuis ses débuts. Hatlantika fait partie des chevaux qui ne laissent personne indifférent. Début septembre, à Fontainebleau, la fille de Best of Iscla a une nouvelle fois prouvé qu’elle était l’un des tous meilleurs chevaux de sa génération, en survolant le championnat de France réservé aux chevaux de sept ans sous la selle de Nicolas Layec. Retour sur le destin de la protégée de Bruno Rocuet, qui fut utilisée comme mère porteuse avant d’entamer sa carrière sportive.
À la façon d’Azur Garden’s Horses, exceptionnelle complice de McLain Ward au plus haut niveau, Hatlantika fait taire tous les murmures venus des tribunes lorsqu’elle entre en scène. Le temps se fige et les regards se braquent sur cette grande baie au talent incommensurable. Avec son cavalier, Nicolas Layec, la fille de Best of Iscla ne semble faire qu’un. Championne de France à cinq ans, cinquième l’année suivante et de nouveau sur la plus haute marche du championnat de France des sept ans, la pépite du clan Rocuet est destinée à accomplir de grandes choses.
D’une déception sportive à une joie d’éleveur
L’histoire d’Hatlantika débute en 2011. Bruno Rocuet, fin marchand et formateur de jeunes chevaux, acquiert une jument de deux ans, née chez Pascal Boultareau, installé à une dizaine de minutes de chez lui. Cette nouvelle recrue est une fille de Chacco-Blue et petite fille d’Emir Platière, prénommée Velvet du Lyvet. La bai foncé, plutôt douée en liberté à en croire une vidéo partagée par Bruno Rocuet en 2017, défend une bonne lignée maternelle, la numéro 39 du Selle Français, dont sont issus,de façon plus ou moins éloignée, les étalons Narcos II, Quat’Sous, Tibet Tame et Luccianno ainsi que Yandoo Oaks Constellation et Oaks Milky Way, bons représentants de la bannière australienne. Le premier a été vu aux Jeux équestres mondiaux de Tryon et à la finale de la Coupe du monde de Bercy avec Jamie Kermond, tandis que la seconde a participé aux Jeux olympiques de Paris ainsi qu’aux Mondiaux de Herning avec Hilary Scott.
Ses bonnes origines laissent présager un avenir sportif intéressant, mais Bruno Rocuet choisit de faire faire un premier poulain à sa jument avant d’envisager la suite. Croisée en 2012 à Huppydam des Horts, Velvet du Lyvet donne, en 2013, Duppydam, qui évolue jusqu’à 1,45m avec son propriétaire, Damien Jehanno. Au printemps 2014, une fois son poulain sevré, la Selle Français fait ses premiers pas en compétition et prend part à cinq épreuves, quatre en Formation 2 avec François Lemoine, soldés par deux sans-faute, puis une Préparatoire à 1,20m, quelques mois plus, sous la selle de Cédric Forestier. Mais les résultats ne sont pas là. “Nous avons été très déçus. Nous avons eu du mal à faire des sans-faute avec elle”, avoue Bruno Rocuet, qui ne s’acharne pas et la voue définitivement à l’élevage dès 2015.
Velvet du Lyvet donne un deuxième poulain à Bruno Rocuet, Ginola, un fils de Tangelo vd Zuuthoeve, puis est mariée un peu par “dépit” à l’étalon maison, Best of Iscla. De ce croisement, naîtront deux produits : Hatlantika, évidemment, puis Ip Hop, formé par Frédéric Lunebourg, qui l’a présenté jusqu’à 1,30m à six ans.
En 2017, année de naissance d’Hatlantika, Bruno Rocuet accueille deux autres poulains : Hello Toby (Diamant de Semilly x Sable Rose), qui a eu un poulain en 2020 avant de devenir porteuse pour ses camarades d’écurie, et Hamstragram (Untouchable 27 x Artos), qui a porté un embryon avant de lancer sa carrière sportive… comme Hatlantika ! “Elle aussi, je l’ai utilisée comme porteuse à deux ans et demi ! Elle était déjà comme elle est aujourd’hui : très grande, et je n’avais pas de porteuse”, sourit aujourd’hui son naisseur. La grande baie se voit ainsi confier l’embryon de la toute bonne Iliade KDW et Conthargos, et met au monde une pouliche, prénommée Kallas et initiée à la compétition cette année par Antoine Charpentier.
Madame Parfaite
Ses devoirs de mère de substitution terminés, Hatlantika se lance à son tour dans le sport et découvre la compétition fin avril 2021, aux côtés de Cédric Brown. Après sept parcours parfaits sur huit et un retour en prairie bien mérité, la talentueuse fille de Best of Iscla découvre un nouveau cavalier début 2022 : Nicolas Layec. “Nicolas est tellement gentil avec ses chevaux qu’ils le lui rendent bien et lui donnent tout. On a l’impression qu’ils n’ont qu’une selle et un tapis lorsqu’il les monte. Il a un côté génie assez impressionnant. Il n’a pas de force dans son équitation”, souligne Bruno Rocuet. Et d’ajouter, dans les colonnes de GRANDPRIX.info : “Le mariage entre Nicolas et Hatlantika est parfait.”
De fait, depuis le début de leur association, ces deux-là font un sans-faute. “Hatlantika a fait quelques petits sauts à quatre ans, a été sacrée championne de France des cinq ans, Elite à six ans et championne à sept ans”, résume l’éleveur de la Selle Français. “Elle n’a jamais rien raté”, confirme à son tour Nicolas Layec. “Elle donne toujours tout et est à deux cents pourcents avec moi. Elle me fait confiance. Lors de la finale du championnat de France des sept ans, j’avais l’impression qu’il ne pouvait pas nous arriver grand-chose. Elle n’a rien effleuré, s’est promenée : elle n’a pas de limite !” En soixante-quatre parcours disputés depuis ses débuts en compétition, Hatlantika a signé… cinquante-quatre sans-faute, soit un taux de clear round d’un peu plus de quatre-vingt-quatre pourcents !
Pour ne rien gâcher, Hatlantika se montre également irréprochable au quotidien, pour le plus grand bonheur des personnes qui prennent soin d’elle, dont Estelle Simonet, sa groom, qui la suit depuis ses cinq ans dans chacun de ses succès. “Il n’y a qu’un seul mot pour décrire Hatlantika : parfaite. Elle est parfaite”, sourit-elle. “Au quotidien, elle ne fait pas un pas de travers. Elle est hyper à l’écoute, attentionnée et d’un calme incroyable. Depuis ses cinq ans, elle nous a toujours fait plaisir. Il n’y a jamais eu de loupé et elle aurait même dû être championne à six ans. S’occuper d’elle est un plaisir. On sait qu’elle ne va jamais nous trahir. Elle est toujours là. Avoir des chevaux qui sont là pour nous n’a pas de prix. En retour, on ne peut qu’être là pour eux aussi. C’est rare à dire, mais il n’y a rien qu’Hatlantika ne fait pas bien. En plus, c’est une fille de Best of, l’étalon que monte Nicolas et qui l’emmène faire des CSI 5*. C’est incroyable. Comme son père, Hatlantika est sensible, à l’écoute et a beaucoup de cœur.”
“Parmi les chevaux que j’ai pu monter et que je monte, Hatlantika est dans le haut du panier. Lorsqu’on la monte, on a toutes les sensations que l’on peut espérer avoir quand on fait du saut d’obstacles ! Tout explose en un saut, et elle le répète sur chaque effort du parcours. Je ne lui trouve pas de défaut”, complète Nicolas Layec. Le seul petit point qui pourrait pécher, ou qui puisse pénaliser cette jument exceptionnelle, est peut-être son galop, manié avec un tact impeccable par son cavalier, qui alterne les embouchures ou ennasures, la présentant tantôt en hackamore, tantôt en bride. “Le galop d’Hatlantika est un tout petit peu en dessous et n’est pas de la meilleure qualité. Il n’est pas très facile à gérer. Sa mère galopait d’ailleurs très mal, mais elle a produit cette jument hors-norme !”, confirme Bruno Rocuet.
“Il y a des chevaux que l’on a besoin de voir qu’une fois pour se souvenir d’eux”, Bruno Rocuet
Très attaché aux histoires de ses juments, le Breton s’est d’ailleurs séparé de la mère d’Hatlantika. Il raconte : “Je conserve les juments qui ont une histoire sportive. Elle, elle n'en n’avait pas. Alors, un jour de déprime, de manque de place ou d’argent, comme un imbécile, je l’ai vendue pleine de Catoki. Aujourd’hui, je ne sais pas si je regrette ce choix, car la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit.” Aujourd’hui, Velvet du Lyvet fait le bonheur de Philippe Legendre, en Normandie, où elle a donné quatre produits pour l’affixe du Tyl, âgés de cinq ans à quelques mois. En plus de Catoki, la fille de Chacco-Blue a été croisée à Chilli Willi, Tangelo vd Zuuthoeve et Taalex. Bien tenté pour obtenir une descendance d’Hatlantika, Bruno Rocuet, qui a obtenu treize embryons de United Touch cette année, n’a pas encore franchi le pas. “Cela me travaille de faire des transferts d’embryons avec elle, surtout vu son modèle. C’est une crack et elle est taillée comme une reproductrice”, glisse-t-il.
Pour l’heure, la grande dame qu’est Hatlantika profite de vacances au pré, et en groupe, bien méritées. D’autant plus après avoir suscité beaucoup d’intérêt. Pour l’heure, son naisseur et co-propriétaire ne semble pas décidé à se séparer de sa star. “Hatlantika appartient en partie à Mario Ozendel, propriétaire de plusieurs chevaux, dont Djibouti de Kerizac. Ils m’ont aidé à la conserver jusqu’à présent, parce que pour une jument comme elle, on est forcément approché. Mais si nous voulons que Nicolas puisse jouer sa carte, il lui faut les chevaux pour. Il est tellement doué qu’il lui faut des chevaux de la qualité d’Hatlantika. J’essaye de conserver un ou deux chevaux par génération, afin d’alimenter l’écurie pour le haut niveau”, explique-t-il.
Quoi que l’avenir lui réserve, Hatlantika a déjà tout des plus grands. “Il y a des chevaux que l’on a besoin de voir qu’une fois pour se souvenir d’eux, là où d'autres se fondent dans la masse. Je crois qu’Hatlantika est un peu au-dessus du lot”, savoure, à juste titre, Bruno Rocuet, heureux éleveur, entraîneur et co-propriétaire de l’une des toutes meilleures juments de sa génération.
Photo à la Une : Hatlantika lors du championnat de France des sept ans, qu’elle a dominé de la tête et des épaules en signant le seul triple zéro de la semaine. © Mélina Massias