Giulia Martinengo Marquet sait révéler les talents de demain
Chiara, Galan, Caballero, Athletica, Verdine ou encore Elzas. Giulia Martinengo Marquet a amené un nombre impressionnant de chevaux à haut niveau. Elle dévoile ses secrets pour Studforlife dans cette troisième partie qui lui est consacrée.
On vous considère comme une vraie dénicheuse de talents. Vous avez notamment découvert Chiara ou Galan S. Quel est votre secret pour trouver vos cracks ?
Chacun d’entre eux a son histoire. Avec Chiara, c’était simplement le fait du hasard. On m'a confié cette jument, qui avait été montée par Cameron Hanley. Je lui ai demandé son avis et il m’a dit que c’était une crack. Je savais que la propriétaire voulait vendre la jument et mon rêve était d'assurer à Chiara une carrière au plus haut niveau. Après 5 mois, tandis que j'étais au concours de San Patrignano, j’ai décidé d’aller en parler à Ludger Beerbaum. Le rêve est devenu réalité quelques mois plus tard, lorsqu'elle a rejoint ses écuries après avoir brillé, à seulement 8 ans, dans le CSIO de Bratislava.
Un petit souvenir de Giulia avec Chiara sur le mur dans l'écurie.
Et pour Galan ?
On a acheté Galan à 6 ans et à 8 ans il sautait déjà le petit Grand Prix à la Piazza di Siena, qui n’a de petit que le nom. C’était alors impossible de le garder.
Le Wall of Fame des cracks que Giulia a monté.
Cela fait partie de votre job…
Oui et je n’en ai jamais été frustrée. Au contraire, j’ai même toujours été plutôt fière de cela. Quand tu prends une liste de départ à haut niveau et que tu vois des chevaux que tu as choisis quand ils étaient jeunes, c’est très gratifiant.
Qu’est-ce que vous recherchez chez un cheval ?
Quand j’essaie un cheval, ce qui m’importe le plus, c’est son intelligence. Il faut arriver à la comprendre durant la demi-heure de l’essai.
Mais les chevaux trop intelligents ne sont-ils pas compliqués ?
Oui, mais quel cheval de haut niveau n’est pas un peu compliqué ? Ils ont tous une histoire particulière. Je dois dire que pour qu’ils correspondent à ce que j'aime, j’ai besoin de chevaux dans le sang, et avec de la rapidité dans leur technique des antérieurs. Je préfère un cheval qui a un peu moins de moyens mais la volonté de faire sans-faute à un autre qui saute très haut mais fait parfois tomber une barre. Dans chaque catégorie, tu as besoin d’une star, d’un guerrier. C’est le sang et la vitesse qui m’importent le plus. Si vous regardez les chevaux que je monte, ils sont rapides, ils ont du sang. C'est le cas de mes jeunes, même si cela ne veut pas dire qu’ils feront tous du top niveau, bien sûr. C’était pareil pour Athletica : on n’aurait pas pu parier qu’elle allait pouvoir aller au plus haut niveau, mais elle était tellement guerrière…
Giulia avec Douce Emeraude d'Or (Univers d'Or), une 6 ans qui vient de rejoindre ses écuries.
A partir de quel âge pouvez-vous sentir cela ?
Cela relève de l’impression, du feeling. Si un cheval possède cette qualité, il l’a déjà à 4 ans. Peut-être qu’elle se manifestera de manière plus sauvage, mais tu sens déjà sa volonté. On demande tellement à nos chevaux, qui sont chaque semaine en concours, qu’ils doivent absolument aimer ce qu’ils font, avoir envie de bien faire. Et cela fait la différence. Tu as des chevaux qui sont des stars à la maison et qui ne sont rien du tout en concours et d’autres pour lesquels c’est l’inverse : ils donnent tout une fois qu’ils sont en piste. C’est la seule chose que l’on ne peut pas entraîner. Même s’ils ont un style particulier, s’ils veulent faire un sans-faute, ils le font. J’essaie donc toujours d’être très attentive à cela. Bien sûr, il y a le sentiment, et il y a les résultats : si le cheval est déjà allé en concours, je regarde les vidéos de ses parcours. Prenez Casper, par exemple : aujourd’hui, il a 8 ans et saute 150 cm, mais nous n’aurions pas pu le prédire en amont. Par contre, il faisait toujours sans-faute, et c’est un bon indicateur.
La verdure entoure toutes les installations.
Et où découvrez-vous les stars de demain ? En concours ?
En concours, je suis focalisée sur mon job, donc c’est plutôt Stefano qui regarde les chevaux ou les vidéos que l’on nous envoie.
Vous montez plusieurs produits de Casall (Casper et Scuderia 1918 Princy), y a t- il une raison particulière à cela ?
Non. J’ai un ou deux étalons que je n’aime pas du tout, mais pour les autres je n’ai pas d’envie particulière. Je m’occupe d’abord du cheval, de ce que je ressens dessus, avant de m’intéresser à ses origines.
Vous achetez entre 3 et 4 chevaux par année, comment cela se fait-il que vous en ayez autant de bons ?
Il faut toujours deux choses : bien les sélectionner, puis les former de manière correcte. Je dis toujours que dans notre sport, 80% du résultat provient du cheval. Je me sens bien avec moi-même quand je sais que j’ai donné au cheval tout ce que je pouvais, que je lui ai donné toutes ses chances. Ce ne sont pas tous des chevaux de Grand Prix, parfois nous nous trompons aussi. Ce que je ne suis pas gênée de dire, c’est que nous leur donnons le temps dont ils ont besoin. Nous ne sommes jamais pressé. Stefano ne me met pas de pression, je ne lui en mets pas non plus. Nos deux propriétaires sont en accord avec cela. Que ce soit Madame Bettoni, qui possède une part de la plupart de mes chevaux, ou les gens de Scuderia 1918, nous avons toujours été transparents sur notre fonctionnement. Par contre, une fois que nous sommes prêts, nous sommes les premiers à foncer.
Quelle méthode employez-vous avec les jeunes chevaux ?
Nous établissons un plan qui correspond au caractère du cheval. Un cheval très bon mais sur l’œil aura surtout besoin de routine. Mais avec les jeunes comme avec les autres, nous ne sommes jamais pressés. Mes chevaux ne font jamais les finales, ne sont jamais à Lanaken. C’est un exemple typique d’une pression que je n’aime pas sur les jeunes. Cela ne correspond pas à notre philosophie. Ils font des concours tranquilles. Quand ils ont 6 ou 7 ans, j’aime les prendre dans les grands concours. Ils peuvent ainsi se familiariser avec tout cet univers et ces places qui peuvent parfois être impressionnantes. Un de mes chevaux qui appartient à Scuderia 1918 a fait Saint-Gall dans les youngster, je trouve cela génial. Ils peuvent aller sans pression sur des pistes où ils feront peut-être un jour les Grands Prix. Casper est venu à Falsterbo. Je savais que je ne pouvais pas le monter dans le Grand Prix, ni la grosse épreuve du premier jour. Il a fait deux 145 et la 150 le dernier jour. En rentrant à la maison, c’était un autre cheval.
Vous n’achetez des chevaux qu’en les essayant, pas en les voyant sauter en liberté ?
Exactement. Comme nous élevons un peu, nous avons déjà bien assez de très jeunes chevaux.
Vous montez vous-même les jeunes en concours ?
Oui, même quand ils ont quatre ans. On se les partage avec notre cavalière.
Vous visez le haut niveau, mais sans une optique de commercialisation ?
Nous essayons de faire les deux. Nous avons vendu des chevaux comme Chiara, Galan et Caballero. Heureusement, du temps d'Athletica, j’avais deux juments cracks de 9 ans et j'ai donc pu garder Athletica et vendre l’autre à un élève de Beezie Madden. La majorité de nos ventes, ce sont les bons chevaux que je monte en concours à bon niveau et que les gens voient. Nous avons toujours des chevaux pour prendre la relève, donc si nous vendons, il faut choisir le bon timing pour espérer qu’un cheval puisse prendre la suite. L’an passé, Verdine était au top et cela a permis à Elzas et à Princy de mûrir encore. Cette saison, Elzas est en première ligne et cela permet à la relève de faire ses armes pour la suite. Maintenant, avec le soutien de Scuderia 1918, cela change beaucoup. Ils ont une vision à long terme et sont passionnés.
Cela va donner un coup d’accélérateur à votre carrière dans les prochaines années ?
Oui, peut-être. Stefano et moi devons parfois nous résoudre à vendre, alors qu’avec Scuderia 1918, nous pourrons nous projeter à plus long terme. On verra. C’est une collaboration encore très récente.
La suite demain...