Gilles Dunon, la persévérence paie ! (2)
Ca ne fait pas peur lorsqu'on est amateur, qu'on tourne en 1m10, d'un jour se dire qu'on veut devenir professionnel et qu'on veut gagner sa vie ? Vous aviez quand même l'ambition d'atteindre un certain niveau ou le défi était juste d'en vivre ?
G.D. : « Non, je ne pensais pas à l'avenir en fait à cette époque. Je vivais au jour le jour et je m'amusais. Je dois bien admettre que j'ai été un gamin jusqu'à mes trente ans. Il y a des gens qui, à 20 ou 22 ans, ont déjà une bonne idée de ce qu'ils veulent faire et de comment ils vont gagner de l'argent … mais l'argent ne m'a jamais intéressé. Je ne suis pas idiot, je sais qu'on a besoin d'argent, aujourd'hui, je finance tout … mais à cette époque, si j'avais assez pour tout payer, c'était bon pour moi.
Ce que je faisais, je voulais le faire bien : que ce soit la natation, le football ou le judo … Si je devais monter douze heures par jour, je devais monter douze heures par jour. Je pense que c'est sans doute, avec mon feeling, le plus grand talent que j'ai : pouvoir persévérer.
Néanmoins, je n'ai jamais pensé au lendemain. C'est juste entre mes trente et trente-trois ans que j'ai vécu une période un peu difficile. L'entourage commence à poser des questions : la maison, les enfants, que veux-tu faire dans ta vie, tu veux être cavalier mais tu n'as encore rien prouvé … mes parents m'ont conseillé d'arrêter de monter … »
A un moment donné, vous avez pris cette option de prendre un autre boulot ?
G.D. : « Oui et non. Ce n'est pas moi qui ai cherché et je ne voulais même pas faire ça mais sur la période où je travaillais chez Dirk Demeersman, je travaillais également pour l'élevage vd Fruitkorf à Hasselt. Durant une saison, j'ai sorti ces chevaux sur le circuit international et le monsieur m'a demandé de venir travailler à plein temps chez lui.
J'ai donc remercié Dirk pour tout ce qu'il m'avait apporté en lui disant que j'allais tenter ma chance là-bas. Malheureusement, un mois après que j'ai commencé, le monsieur se retrouve dans un divorce horrible et je reçois mon C4 (certificat de chômage, ndlr) du jour au lendemain. De trois boulots différents, je me retrouve sans aucun travail en l'espace d'un mois.
Heureusement, j'ai eu la chance d'avoir des amis qui avaient un garage de voiture et qui m'ont proposé de venir travailler chez eux durant trois mois le temps que je me refasse. Je m'occupais des comptes, un peu de la vente, j'allais chercher des pièces à gauche et à droite … etc. Finalement, j'ai travaillé là durant presque quatre ans à mi-temps.
Je faisais une journée de dix heures le lundi et je travaillais encore mardi et mercredi jusqu'à 15 heures, ce qui me permettait de continuer de monter à cheval. J'ai fait ça jusqu'en mars-avril de cette année où j'ai décidé de prendre un congé sans solde pour me remettre de nouveau à plein temps à mon compte.
Dans ma vie, tout est un peu venu par hasard. Ce n'était pas quelque chose que j'ai fait avec plaisir mais c'était une nécessité pour moi et je suis vraiment heureux et reconnaissant vis-à-vis de mes amis de m'avoir proposé de faire ça, ils m'ont sauvé. »
Lorsque vous faites vos premiers pas dans le monde du haut niveau chez Dirk Demeersman, vous vous êtes dit que vous vouliez aller vers ça ? Vous avez découvert des choses ?
G.D. : « Pas spécialement. J'ai appris le métier là-bas mais je n'ai jamais eu vraiment l'intention de succéder à Dirk. J'étais fier de monter là, j'étais fier de pouvoir et de savoir monter Clinton. J'ai pu vivre l'aventure olympique très près de Dirk avec Clinton. Il sortait deux fois par jour et c'était soit lui, soit moi qui le montions. Nous avons vraiment fait cela ensemble.
J'ai vécu tout le trajet du début à la fin mais sans avoir l'ambition de me dire qu'un jour, je ferai ça. Encore maintenant, je suis peut-être un peu trop modeste mais je ne me considère pas être le nouveau Beerbaum ou Pessoa. Je suis Gilles Dunon, je fais mon travail du mieux que je peux, je peux monter des chevaux de différents types, cela fait partie de mes qualités.
Je sais m'adapter et monter des chevaux très différents … puis je veux découvrir où je peux arriver. J'ai aujourd'hui deux très bons chevaux et apparemment, quand j'ai de bons chevaux, ça va bien au concours mais de là à dire que je suis un Ehning ou Beerbaum, non. »
Wesselina (Cumano x Mytens xx)
Vous, comme l'ensemble des gens qui ont gravité autour de Clinton, on sent que c'est un cheval qui vous a marqué.
G.D. : « Bien sûr. Dirk m'a appris à monter à cheval … mais Clinton aussi ! Ce sont des choses qu'on ne sait pas payer, qu'on ne peut pas acheter : il faut avoir vécu cela. Il fallait toujours l'appeler « Monsieur Clinton » et certainement pas tenter de le forcer. Il fallait qu'il le fasse pour te faire plaisir, on ne peut pas le commander. Il m'a vraiment appris à monter avec mon feeling mais il m'a appris encore plus à penser à cheval. L'équitation, à mon sens, n'est pas un sport physique. Il est physique car pour en vivre, il faut monter beaucoup de chevaux mais en soi, monter un cheval ne représente pas quelque chose de physique, c'est surtout un sport mental où il faut être malin. Pour moi, c'est la différence entre les cavaliers de haut niveau. Ils savent tous monter à cheval … mais on voit une différence entre ceux qui savent aller un peu plus loin et se mettre à la place du cheval ou ceux qui savent juste monter les chevaux qui entrent dans leur système. Je trouve personnellement que cela fait une différence et que l'équitation est pour moi bel et bien un sport mental. »
La passion, qu'elle soit positive ou négative, qu'un cheval comme Clinton a pu déclencher autour de lui, chez les éleveurs… etc, quand on fait partie de son entourage, comment le vit-on ?
G.D. : «Nous, on a toujours été supporter du cheval car il a talent énorme … mais il faut dire ce qui est : s'il avait un dixième de son talent, ce serait une cause difficile ce cheval car ce n'est ni le plus simple, ni le plus ambitieux. Il avait un talent hors du commun mais c'est quand même Dirk qui l'a fait ce cheval. J'ai pu participer de manière minime en faisait partie de l'équipe. J'ai pu sauter avec lui et le monter, c'était un honneur pour moi… mais s'il avait eu moins de talent, ça aurait été une autre histoire. »
Partie 1