Gérald Mossé, itinéraire d'un enfant gâté. (1/2)
Alors qu'il vient de fêter ses 49 ans, Gérald Mossé fait partie des jockeys les plus titrés en activité. Vainqueur du Prix de L'Arc de Triomphe en 1990, de cinq prix de Diane, trois prix du Jockey Club, ce Français a remporté pas moins d'une soixantaine de Groupe 1.
Installé à Hong-Kong depuis 25 ans, Gérald Mossé a accepté de nous expliquer sa vie en Chine dans le cadre de la magnifique ville de Sai Kung bien loin du côté bling-bling d'Hong-Kong.
Comment allez-vous ? Gérald Mossé : « Je vais très bien merci. Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer pour évoquer avec vous ma profession et ma vie à Hong-Kong. » Vous vous étiez installé une première fois à Hong-Kong début des années 90 avant de revenir vous installer de manière durable dans les années 2000. Pourquoi avez-vous décidé de revenir vous y installer et était-ce dans l'optique de vous y installer définitivement ou est-ce votre métier qui l'a voulu ? G. M. : « C'est un peu les deux. Il y a un côté personnel avec une séparation difficile et j'ai préféré choisir la partie de l'Asie qui est un peu plus facile à gérer que ce soit à travers la profession et l'opportunité d'avoir un job assez important ainsi que le côté familial pour stabiliser quelque peu la situation. Aujourd'hui, je vois que la situation en Europe est de plus en plus difficile d'autant que je rentre un peu dans l'âge de l'expérience et je me dis que dans la suite des choses, si je pouvais être entraîneur à Hong-Kong lorsque j'aurais achevé mon métier de jockey, j'aimerais le faire ici dans la mesure du possible.Je ne vais pas faire mon métier ad vitam aeternam et ce que je fais, c'est plus mon hobby que mon métier. J'ai toujours fait cela plus par passion que par obligation. J'ai toujours eu beaucoup de chance, cela a plutôt bien marché dans toute ma carrière et je ne me plains pas du tout. J'attends un peu l'opportunité qui me fera prendre la décision d'arrêter de monter et en attendant, je fais durer le plaisir car monter, c'est ce que j'aime. »
Quand on a gagné L'Arc de Triomphe, qu'on a été premier jockey pour des maisons comme Lagardère ou l'Aga Khan, que pense-t-on de la qualité des chevaux à Hong-Kong ? G. M. : « La qualité des chevaux est un peu inférieure à ce que nous avons en France. Ils importent beaucoup de bons chevaux car il n'y a pas d'élevage sur le territoire. On importe donc beaucoup de chevaux de Nouvelle-Zélande, Australie ainsi que d'Europe. Le niveau a néanmoins énormément augmenté depuis mon arrivée ici mais à part les cinq champions que nous avons ici à Hong-Kong, le niveau reste assez moyen. Il y a très peu de chevaux qui vont courir à l'étranger. J'ai eu la chance de monter le week-end dernier un cheval qui avait gagné à Dubai et qui fait partie des meilleurs sprinters mais l'inconvénient c'est que c'est un cheval qui affectionne particulièrement les pistes en dirt mais il n'y a pas de course sur ce revêtement à Hong-Kong. Il est dès lors obligé de courir à l'étranger avec notamment plusieurs victoires à Dubai ainsi que dans d'autres pays car il est moins à son aise sur le gazon. » Avez-vous votre mot à dire dans les importations de chevaux ? Est-ce que les propriétaires vous demandent conseil avant d'acheter ?G. M. : « Il est parfois possible que des propriétaires nous demandent un avis sur l'un ou l'autre cheval qu'ils ont repéré sur un autre continent. Je pense qu'il est toujours préférable d'avoir également l'avis du pilote, d'autant que nous avons la connaissance de la façon dont les courses se déroulent dans tel ou tel pays, par rapport au terrain, au lead et plein de choses qu'il faut pouvoir prendre en compte. Nous avons ici peu de chevaux qui viennent d'Afrique du Sud car c'est loin et les services sanitaires sont compliqués. Les chevaux d'Amérique du sud sont des chevaux habitués à courir corde à gauche alors qu'ici, c'est corde à droite… ce sont plein de détails qu'il faut prendre en compte et cela arrive que des propriétaires ou des entraîneurs nous demandent un avis. Ce qui n'est pas mal car après, on doit les monter en course et si certains chevaux ne sont pas apte à venir, il est préférable de ne pas les emmener sinon après on est face à un problème. »
Cela fait partie des choses qui vous plairaient dans votre futur métier d'entraîneur ?
G. M. : « Oui parce que c'est ce que j'aime et c'est ce que je sais faire. Mon père était entraîneur dans le sud de la France. Ce n'était pas un grand entraîneur mais il m'a quand même donné et appris beaucoup sur les chevaux. Aujourd'hui, après l'expérience que j'ai acquise en montant depuis 30 ans dans le monde entier. Je pense que c'est un privilège de faire partie d'une équipe et de récupérer des bons chevaux et de les faire courir dans de bonnes courses. »
Vincent Ho, vainqueur de la « race of the riders » lors des Longines Masters 2015, a expliqué que grâce à vous il avait pu se rendre en France et courir de belles courses. Vous aimez aussi pouvoir former des jockeys ?
G. M. : « C'est un jeune jockey qui a du talent et que j'aime bien. Il est venu à la maison en France et je lui ai donné le maximum de possibilité pour qu'il puisse monter pour quelques entraîneurs confirmés dans toute la France pour qu'il puisse engranger un maximum d'expérience. Le but n'était pas qu'il trouve un job là-bas mais qu'il puisse aller en France pour avoir connaissance du système, connaître plusieurs champs de courses et appliquer plusieurs tactiques de courses pour son expérience et sa carrière future. D'ailleurs, Vincent a gagné une course en France sous les couleurs de mon père avec un cheval que j'avais fait acheter à un client à Hong-Kong et qui avait été mis à la retraite ici car le jockey club l'avait condamné à ne plus courir pour un soi-disant problème cardiaque mais il a depuis gagné six courses en France. Certes, il n'a pas couru le même niveau en France qu'ici mais pour un cheval qui ne pouvait plus courir… et ce n'est pas la seule fois où ce genre de situation est arrivé. Ici, c'est vite puis suivant ! Un cheval peut arriver vite, on peut placer rapidement beaucoup d'espoir en lui. En fait, ce que le Chinois recherche le plus, c'est la face ! Ils ont les moyens. L'argent que le cheval va gagner ne les intéresse donc pas vraiment. Par contre lorsqu'un cheval gagne, on fait des photos en famille et ça, c'est la priorité. »
Vincent Ho expliquait aussi qu'il trouvait les courses beaucoup plus tactiques en France alors qu'ici, les courses étaient plus souvent de véritables sprints. C'est aussi votre avis ?
G. M. : « Non. Ici, c'est assez tactique … mais le déroulement des courses peut être imprévisible. Parfois, vous vous retrouvez à devoir faire l'inverse de ce que vous pensiez car les circonstances des courses font qu'il est assez délicat de monter une course propre. Il y a des gens qui veulent utiliser leurs chevaux pour courir moins bien car c'est un système à handicap et parfois certains montent contre leurs intérêts pour descendre de catégorie. Du coup, il y a des fois où vous voulez monter une course claire et vous vous retrouvez quelque peu en porte à faux. »
Seconde partie