On est stimulé par les nouvelles idées que Sébastien, qui manage aussi l'équipe de jeunes qui travaillent chez nous, apporte. Cet enthousiasme, que des gens de 30 ans ont, plus que des gens qui abordent la soixantaine. Ça a été un stimulant pour nous, puis comme il s'agit de notre fils, c'est aussi la joie, que ce que nous avons réussi, bon an, mal an, à mettre en place aura une chance de se poursuivre. Lorsqu'on arrive à 60 ans, c'est quand même quelque chose qui vous semble important, en permettant à la génération suivante d'être dans les meilleures conditions pour affronter l'avenir. Nous avons cinq jeunes employés à la maison et c'est sympa de se dire que cela servira à quelque chose. »
Comment et pourquoi avez-vous décidé de faire partie de l'aventure Z-France ?
F.N. : « D'abord, je ne sais pas si c'est une aventure. Tom Lemmens, qui est quelqu'un que j'apprécie, m'a demandé d'en faire partie et l'expérience que nous avons depuis les années 2000 de circuler dans l'Europe entière, de choisir des étalons, etc… de faire des deals avec différents étalonniers, a fait que très rapidement, nous sommes devenus plus européens que français. Pour notre élevage national, je pense qu'il faut qu'on soit le plus en phase avec le meilleur que ce que peut donner chaque organisation. C'est important de pouvoir disposer de la semence des meilleurs jeunes étalons du Holstein, car ils font un très bon travail de sélection et ce sont des gens solides, qui ne vont pas nous faire passer des vessies pour des lanternes. Il est aussi important que le côté libéral, je ne dirais pas libertaire, mais dynamique et absolument pas idéologue, alors qu'en France, nous avons perdu des décennies avec l'idéologie des Haras Nationaux, avec un dogmatisme qui faisait que l'étalonnier privé était, par nature, le méchant pour les éleveurs, alors que tous les succès qu'ont les éleveurs actuellement, c'est grâce aux étalonniers privés, quand nous nous sommes développés, il y a dix ans, pour leur amener un service valable. Cette idéologie est encore un peu prégnante et moi, j'aime bien le côté pragmatique des gens d'Europe du Nord, avec cette absence de mélanger en permanence une idéologie collectiviste. C'est pour ces raisons que j'apprécie ce que fait le studbook Zangersheide, qui me parait très efficace, quand on voit ce qu'ils ont réalisé avec les championnats du monde des jeunes chevaux, c'est phénoménal. Quand on arrive là-bas, c'est un autre monde par rapport à ce que la France peut réaliser à Saint-Lô, par exemple, pour l'approbation des jeunes étalons. Le monde entier est là pour choisir des chevaux et acheter des chevaux aux ventes aux enchères, alors si ce studbook est partant pour se développer en France, il faut profiter de son dynamisme et les éleveurs français y gagneront. Les stud-books sont des prestataires de service pour les éleveurs. Les services doivent donc être le plus efficace possible et à ce niveau, c'est sûr que Z avec les évènements qu'ils organisent, le côté simple, efficace, pragmatique, c'est bon pour l'éleveur ! Nous, en France, c'est souvent beaucoup trop compliqué, ça met beaucoup trop longtemps à se mettre en place, ça coûte trop cher et ce n'est pas toujours la plus grande efficacité pour les éleveurs. Cela englobe également le problème de sélection et de testage des jeunes chevaux. Il faut être plus réactif sur la scène mondiale. Par exemple, lorsque nous avons importé Cornet Obolensky il y a dix ans, il a produit en « Cheval de Selle » parce que ce n'était pas possible de le faire agréer en Selle Français, pour la bête raison qu'il était né en Belgique et avait été importé en Allemagne très jeune, et de ce fait, il n'était pas approuvé dans son stud-book d'origine. Les Haras Nationaux avaient mis en place cette règle pour ne pas que l'AES se développe trop vite. Quelque part, le stud-book Selle Français est passé à côté d'un cheval qui s'est révélé excellent pendant quatre ans, parce que la législation était trop compliquée. Ca, plus tout cet argent dépensé un peu pour rien, cela fait perdre du temps, et on est moins à la pointe du progrès génétique. Maintenant, le Selle Français n'est pas non plus le seul responsable de tous les problèmes. Si on prend comme exemple, les classements affichés par la WBFSH, on peut aussi s'étonner par exemple du classement des meilleurs étalons, il rend compte du travail qui a été fait dix ans auparavant. Par exemple quand Cumano a sailli il y a 10 ans en France, il a très très bien produit, et dix ans après, on a par ces classements, les résultats que les éleveurs ont faits. C'est-à-dire qu'en 2014, on a les résultats du travail que les éleveurs ont fait en 2004, mais cela veut dire aussi qu'en 2014, on travaille pour 2024. On ne doit donc pas reprendre les étalons des années 2004, car il y a une chose dont on est certains, c'est qu'en 2024, les meilleurs pères ne seront pas les mêmes que ceux de 2014, car il y a un progrès génétique qui est de plus en plus rapide avec la vitesse de l'information qui nous permet de voir dans le monde entier le jeune étalon qui commence à pointer le bout de son nez, la vitesse de transport de la semence maintenant et l'ouverture des stud-books aujourd'hui donnent un accès beaucoup plus facile à de nombreux étalons. Tout cela s'accélère et la seule chose aujourd'hui qui est sûre, c'est que les meilleurs pères de demain ne seront pas ceux que l'on connaît en 2014. C'est donc à nous, étalonniers, de proposer à nos éleveurs les étalons susceptibles de devenir les meilleurs pères de 2024. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ça ne sert à rien de proposer du For Pleasure, voire même du Kannan, ou même du Cornet Obolensky. Les gens vont évidemment me dire que ce n'est pas grave s'ils ont un produit cette année par Baloubet du Rouet, ils le vendront sans souci et il sera surement très bon. Soit, mais si on raisonne en statisticiens, la statistique dit qu'ils seront moins bons que les meilleurs des années 2024. C'est une première chose, mais le plus gros problème, qui biaise une partie de l'activité et qui n'est pas bonne pour les éleveurs, c'est que le classement des meilleurs pères est fait d'une manière tout à fait archaïque et sans aucune finesse. C'est-à-dire que lorsqu'on prend, que ce soit le classement SHF en France ou celui du WBFSH au niveau mondial, ils ne font qu'accumuler des points gagnés par les meilleurs produits de ces étalons, mais sans le diviser par le nombre de produits qui sont en compétition. Un étalon qui fait 600 juments quand il a 5-6-7 ans, il se retrouvera systématiquement dans le haut du panier, c'est normal, d'autant que le prix de saillie cher a fait une sélection et a amené plein de bonnes juments, il fera au moins 30 poulains qui sortent à haut niveau. C'est très bien, mais il faudrait le comparer au nombre de juments saillies par d'autres étalons. Le ratio entre 30 pour 600 et 10 pour 150 en prenant l'exemple de Cumano, il me semble que Cumano est bien meilleur reproducteur que Cornet Obolensky, c'est sûr ! Là, il y a un vrai biais, car il y a un bonus important qui est donné aux chevaux qui saillissent beaucoup en début de carrière, que ce soit parce qu'ils sont le mieux gérés, ou parce qu'ils bénéficient d'un coup de mode ou qu'ils reçoivent un très bon marketing ou qu'ils appartiennent à de très gros haras. Au niveau SHF ou WBFSH, dans 10 ans, Canturo fera partie du haut du panier car il aura sailli 600 juments en France en 2013. J'aimerais que l'on fasse des classements mondiaux d'étalons en divisant par le nombre de produits. En faisant cela, on se rendrait bien compte que la hiérarchie est totalement bouleversée. Dans le dernier numéro du Selle Français, ils ont pris les chevaux Selle Français sortant en internationaux et ils ont fait le classement de ces chevaux-là en divisant par le nombre de Selle Français participant aux internationaux et ils ont eu en premier Cumano, deuxième Cento, troisième For Pleasure, 4 ème Carthago et 5 ème Baloubet du Rouet ou quelque chose comme ça. Ça ne donne pas du tout le même classement que les habituels Kannan et Diamant de Semilly sur le devant de la scène. Cela nous a évidemment satisfaits car sur les cinq premiers, il y en avait trois que l'on commercialisait, puis les gens ont bondi sur un autre sujet de polémique avec les bons résultats des croisements hybrides. En croisant notre jumenterie française avec des étalons étrangers comme Cumano, Cruising, For Pleasure que l'effet vigueur hybride était évident et que croiser des étalons étrangers de très haut niveau avec la jumenterie française, c'était très valable de la même manière que de croiser des juments étrangères avec des étalons de très haut niveau français comme Quidam de Revel dans le Holstein, qui a été un des plus grands améliorateurs ces dernières années, ou Quick Star dont Big Star est l'évidence. Nino des Buissonnets, médaillé d'or aux JO, est aussi un croisement hybride. Croiser les meilleurs étalons du monde entier, et de préférence uniquement ceux-là, pas les étalons moyens du voisin, c'est très efficace. Cela permet de voir que le KWPN ou les Belges qui se sont fondés sur des souches étrangères, et sont globalement assez ouverts à la génétique étrangère, ont une grande réussite ces dernières années. Le Selle Français a également connu son lot de succès en acceptant de s'ouvrir également ces dernières années. Peut-être un peu trop, d'ailleurs, en s'ouvrant à des étalons de moyenne gamme qui descendait jusqu'à la France. Pour nous, c'est également une philosophie de n'importer que la génétique qui nous semble être des étalons de très haut niveau et d'avenir. On fait attention de ne pas importer en France des étalons qui ne sont plus utilisés dans les pays d'Europe du Nord. Si ce sont des chevaux qui font la monte depuis 5-6 ans en Europe du Nord puis qui deviennent tout d'un coup exportables en France, c'est qu'il se passe quelque chose et notamment que les éleveurs n'en sont pas satisfaits. Nous, notre philosophie est soit d'importer la semence congelée ou réfrigérée de top étalons comme Zinedine, Cornado pour le peu qu'on a pu en faire, Chaman, Verdi… etc. Ensuite quand on peut importer un étalon, de tout temps, ce fut un étalon qui sortait de compétition. Lando, Epsom Gesmeray, Con Air sont tous des chevaux qui sortaient de compétition, on n'a pas attendu qu'ils fassent 6 ans de monte intensive chez eux et que plus personne n'en veuille. Je pense que c'est une chose à laquelle les éleveurs doivent être sensibles. D'ailleurs, j'ai mûri mon avis à ce sujet avec l'expérience. Il y a 10-15 ans, je pensais qu'un étalon pouvait ne pas bien produire dans un stud-book et qu'en passant dans un autre stud-book pouvait se mettre à bien produire,, mais j'ai changé d'opinion, car on voit bien que ceux qui ont le mieux produit en France, en Allemagne ou en Hollande, ce sont les mêmes ! C'est Quick Star, Baloubet du Rouet, Quidam de Revel pour les français. Donc en fait, lorsqu'un étalon produit bien, il produit bien dans tous les stud-books, d'autant que maintenant les stud-books sont bien plus ouverts et que petit à petit une jumenterie européenne et de moins en moins marquée par son stud-book d'origine, même si le Holstein reste encore assez fermé. On a quand même très vite évolué, concernant la production de chevaux de sport haut niveau à une jumenterie européanisée, voire mondialisée, où seront présents le sang des plus grands étalons. » La suite, c'est demain.