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Eugénie Angot, une cavalière au palmarès unique (1/2)

Eugénie Angot et Cigale du Taillis lors des Jeux olympiques d’Athènes, en 2004.
Interviews mercredi 13 août 2025 Baptiste Royer

Dans sa série “le jour où”, Studforlife propose et recueille les témoignages des acteurs du saut d’obstacles mondial. Qu’ils soient grooms, cavaliers, éleveurs ou propriétaires, tous ont vécu des journées marquantes, en bien comme en mal. Quelles émotions ont-ils vécues ? Comment ont-ils rebondi après un échec ? Comment ont-ils appréhendé une gloire nouvelle, la retraite du cheval de leur vie ? Éléments de réponses à travers des souvenirs impérissables.

Née le 27 juin 1970 à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, Eugénie Angot est l’une des grandes figures du saut d’obstacles français. Jeune amoureuse des chevaux devenue meilleure cavalière de la planète, la Francilienne a cumulé les succès au plus haut niveau entre les années 2000 et 2010. Pour Studforlife, elle revient sur quelques moments forts de sa riche carrière sportive. 

Un virus importé des États-Unis 

“Lorsque j’avais six ans, nous avons fait un grand voyage en camping-car dans l’Ouest américain avec mes parents et mon frère. Un soir, nous nous sommes arrêtés près d’un petit ranch avec des chevaux. Nous avons décidé de faire une promenade, et je suis montée à cheval pour la première fois. J’ai immédiatement attrapé le virus. À partir de ce moment-là, je n’ai plus jamais parlé que de chevaux. Pendant le reste de nos vacances américaines, j’ai supplié mes parents pour qu’ils trouvent d’autres endroits sur la route où je pourrais monter. J’ai recommencé trois ou quatre fois pendant le séjour, et j’ai progressivement découvert le trot et le galop. Puis nous sommes rentrés en France et mes parents m'ont acheté une ponette Shetland l’année suivante. Nous allions nous promener, je l’ai initiée à l’attelage… Elle m’a permis de découvrir les différentes facettes de l’équitation.”

Du poney-club aux écuries de Gilles Bertran de Balanda 

Eugénie Angot apprend les bases dans un centre équestre des Yvelines et commence la compétition à poney vers huit ans, en concours complet et en saut d’obstacles. “Pendant mon enfance, ma passion n’a fait que grandir. Je passais toutes mes vacances scolaires au poney-club, et tous mes étés en stages pour monter le plus possible. Je ne pensais qu’à cela.” À cette époque, tandis qu’elle dédie l’intégrité de son temps libre à sa passion, Eugénie rencontre Gilles Bertran de Balanda, alors pilier de l’équipe de France de saut d’obstacles. “Le centre équestre où je montais n’était pas très loin des écuries de Gilles. Notre moniteur le faisait intervenir de temps en temps pour nous donner des leçons. À cette époque, je passais mes dimanches après-midi devant la télévision à regarder les retransmissions des plus beaux concours hippiques, comme Hickstead ou Aix-la-Chapelle. Gilles et Galoubet faisaient partie de mes idoles !” D’idole, le cavalier va petit à petit devenir l’entraîneur de la jeune femme. “Un jour, mon moniteur m’a très intelligemment dit qu’il avait du mal à me suivre, car je commençais à ne plus participer aux mêmes concours que les autres élèves et qu’il se sentait un tout petit peu dépassé techniquement. À ce moment, j’ai commencé à travailler régulièrement avec Gilles. J’avais la chance d’avoir une petite écurie chez moi avec une carrière. Il venait une ou deux fois par semaine me donner des cours, et nous nous suivions assez régulièrement en concours. Plus tard, j'ai dû vendre mes écuries, et Gilles m’a permis de louer quelques boxes dans les siennes et de m’y installer avec mon petit staff. D’autres super cavaliers, comme Sylvain Misraoui ou Olivier Guillon, étaient également chez lui à cette époque. C’était une belle période qui a duré plusieurs années.”

Eugénie Angot lors des Gucci Masters de 2011. © Sportfot



La rencontre avec le cheval d’une vie 

À l’automne 2002, Bernard Bouteiller, propriétaire d’une certaine Cigale du Taillis (Jalisco B x Galifol), contacte Eugénie dans l’idée de lui confier sa protégée. À douze ans, la jument baie, dont les qualités à l’obstacle sont déjà reconnues, peine à s’imposer dans le piquet de chevaux de la Tricolore Alexandra Ledermann, médaillée de bronze en individuel aux Jeux olympiques d’Atlanta, en 1996, avec Rocher Rouge M (Jalisco B x Le Tyrol XX) et première femme championne d’Europe en individuel trois ans plus tard. De plus, le propriétaire de la jument est alors convaincu que les plus beaux moments de la carrière sportive de sa protégée sont déjà derrière elle. “Ce qui est amusant, c’est que j’avais demandé la jument quand elle avait sept ans, car je l’aimais bien, mais elle n’était pas du tout dans mes prix (rire). Quand elle est arrivée à la maison, cinq ans plus tard, les premiers jours ne m’ont pas semblé incroyables. Cigale n’était pas simple, elle avait beaucoup de sang et refusait de galoper sur la carrière sans partir en crabe. Elle avait un côté un peu hystérique. J’ai commencé par la monter au trot, puis à progressivement enchaîner des voltes au galop, puis j’ai fini par sauter des petits obstacles, mais c’était assez compliqué. Même si les sensations n’étaient pas extraordinaires, j’ai décidé de l’engager dans un concours pour voir comment elle allait se comporter. Nous avons donc pris le départ d’un concours national (à Genainville, dans le Val-d’Oise, ndlr). Après une première épreuve à 1,35m dans laquelle je me suis sentie plutôt à l’aise, j’ai engagé Cigale dans le Grand Prix du lendemain. Et là, ça a été un sentiment extraordinaire : je ne savais pas qu’un cheval avec autant de qualités pouvait exister ! Cigale a dû terminer troisième ou quatrième de l’épreuve en sautant avec une telle manière… Je suis sortie totalement ébahie de ce concours.”

Athènes 2004, la désillusion olympique 

En décembre 2003, sur la piste espagnole de La Corogne, Eugénie Angot et Cigale du Taillis s’illustrent en terminant à la septième place d’un Grand Prix 4*. Une première performance majeure pour le couple, qui amorce alors une progression fulgurante. Septième également dans le Grand Prix Coupe du monde de Bordeaux en février 2004, le duo prend encore de la hauteur en remportant, sur le même circuit, le Grand Prix de Vigo, en Espagne, la semaine suivante. Les deux partenaires survolent les obstacles, enchaînent les bons résultats et terminent leur saison indoor en apothéose avec une sublime quatrième place lors de la finale de la Coupe du monde de Milan, remportée par leurs compatriotes Bruno Broucqsault et Dilème de Cèphe (Starky d’Anchin x Et Hop X).  Le début de la saison en extérieur sera tout aussi prometteur pour la cavalière et sa jument, qui remportent, notamment, le mythique Grand Prix de Rome en mai 2004. En six mois, le couple est tout simplement devenu incontournable dans le saut d’obstacles français, et le sélectionneur national d’alors, le regretté Jean-Maurice Bonneau, ne tarde pas à donner son verdict : aux côtés d’Éric Navet, Bruno Broucqsault et Florian Angot, respectivement associés à Dollar du Mûrier (Jalisco B x Uriel), Dilème de Cèphe et First de Launay (Laudanum x Quastor), Eugénie et Cigale feront bien partie de l’équipe olympique pour les Jeux d’Athènes. “J’ai abordé ces Jeux en étant évidemment extrêmement heureuse d’en être. J’avais le sentiment d’être propulsée là très rapidement, mais Cigale dominait tellement le sport à ce moment que ce n’était pas si étonnant que cela. Je suis partie dans l’idée d’être une très bonne coéquipière. Nous avions une sélection fantastique, et nous allions vraiment là-bas pour remporter une médaille, et, à priori, de la plus belle des couleurs. Personnellement, je ne me sentais pas les épaules pour prétendre à quoi que ce soit en individuel, mais je suis partie entourée de deux piliers (Éric Navet et Bruno Broucqsault), de mon beau-frère (Florian Angot) et de Gilles (Bertran de Balanda) en cinquième. Nous étions certains de rentrer avec une médaille, l’équipe était trop forte.”

Lors des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, l’équipe de France a connu une grosse désillusion.© Scoopdyga

Mais le rêve va rapidement virer au cauchemar pour l’équipe de France... Premier à s’élancer, Bruno Brouqsault est stoppé en début de parcours. À la réception du troisième obstacle, Dilème de Cèphe met le pied dans un trou – la mauvaise qualité de la piste sera décriée plus tard –, causant une perforation de son tendon fléchisseur. Puis, un peu plus tard dans la première manche, Dollar du Mûrier, l’étalon star d’Éric Navet, se blesse à son tour au paddock. Entrant néanmoins en piste pour défendre les chances françaises, le cavalier ne peut éviter quatre fautes. Résultat : les Bleus n’accèdent même pas à la seconde manche, et voient leur rêve de médaille s’envoler. “À ce moment-là, le sol se dérobe sous nos pieds. On se dit que ce n’est pas possible. Comment tout cela peut-il arriver le même jour, dans la même épreuve ? Après une telle désillusion, nous n’avons qu’une envie : partir au plus vite. Bien sûr, il y avait la compétition individuelle quelques jours plus tard (Eugénie et Cigale y termineront à la trente-sixième place, ndlr), mais cette journée nous a vraiment coupé l’herbe sous le pied. Cet enchaînement a laissé un souvenir amer, car, pour moi, nous n’avons pas perdu cette médaille de notre faute. Il ne s’agissait ni d’erreurs d’équitation, ni de mauvaises préparations. Nous étions prêts, et nous avons essuyé de grosses blessures.”

La seconde partie de cet article sera à découvrir ici

Photo à la Une : Eugénie Angot et Cigale du Taillis lors des Jeux olympiques d’Athènes, en 2004. ©Scoopdyga