Eugénie Angot entre dans l’histoire des sports équestres (2/2)

Dans sa série “le jour où”, Studforlife propose et recueille les témoignages des acteurs du saut d’obstacles mondial. Qu’ils soient grooms, cavaliers, éleveurs ou propriétaires, tous ont vécu des journées marquantes, en bien comme en mal. Quelles émotions ont-ils vécues ? Comment ont-ils rebondi après un échec ? Comment ont-ils appréhendé une gloire nouvelle, la retraite du cheval de leur vie ? Éléments de réponses à travers des souvenirs impérissables.
Née le 27 juin 1970 à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, Eugénie Angot est l’une des grandes figures du saut d’obstacles français. Jeune amoureuse des chevaux devenue meilleure cavalière de la planète, la Francilienne a cumulé les succès au plus haut niveau entre les années 2000 et 2010. Pour Studforlife, elle revient sur quelques moments forts de sa riche carrière sportive.
La première partie de ce portrait est à (re)lire ici.
Calgary 2006 : l’entrée dans l’Histoire
En 2006, Cigale du Taillis a seize ans et Eugénie Angot décide, en accord avec le sélectionneur national, Jean-Maurice Bonneau, d’épargner la tournée estivale des Coupes des nations à sa jument. “Je me souviens avoir concouru sur une tournée au Portugal en juillet, pour joindre l’utile à l’agréable avec ma famille. Nous sommes partis quinze jours avec Cigale et Ilostra Dark (Palestro II x Nemrod de Baussy). Les deux juments ont signé des parcours incroyables et je me suis dit : « Si je dois aller à Calgary (où se déroule chaque année l’un des CSIO 5* les plus prestigieux de l’année, ndlr), c’est maintenant ou jamais. » J’ai contacté la fédération et me suis organisée. Cela m’a coûté un bras et demi, car tout était à ma charge : l’avion, le logement, la nourriture… La note était salée, il valait donc mieux que je ne fasse pas de contre-performance. Mais le concours s’est déroulé comme dans un rêve ! Les juments ont très bien sauté, et j’avais déjà remboursé mes frais avant même le début du Grand Prix.” Pour autant, Cigale avait mis un peu de temps à récupérer du transport, présentant une certaine raideur malgré ses bons résultats. “Je l’ai remontée au paddock après la Coupe des nations (à laquelle Eugénie Angot ne participait pas, l’équipe de France n’ayant pas fait le déplacement), la veille du Grand Prix, et j’ai senti qu’elle bougeait bien mieux. J’ai pensé avoir récupéré ma Cigale des grands jours, et qu’elle avait le potentiel pour gagner le lendemain.” Sur la prestigieuse piste en herbe, les deux complices signent alors un superbe sans-faute en première manche. Le couple est à nouveau proche de la perfection lors de son deuxième passage, mais écope d’un petit point de temps dépassé. “Je suis sortie de piste en pensant que j’allais terminer cinquième ou sixième du Grand Prix, et j’étais déjà tellement contente ! Et puis, concurrent après concurrent, je remontais le classement : cinquième, puis quatrième, puis troisième, puis deuxième. Et… première ! Quand j’ai visionné les vidéos des cavaliers qui étaient passés après moi, j’ai remarqué qu’ils avaient tous pris des options compliquées pour finir dans le temps, ce qui leur avait fait commettre des fautes. Finalement, c’est grâce à mon point de temps, que j’ai gagné !” Ce 10 septembre 2006, Eugénie Angot a écrit l’une des plus belles pages de sa carrière sportive, devenant la première Française (et toujours seule à ce jour) à remporter le difficile Grand Prix canadien.
En 2012, le triomphe des Bleus à Aix-la-Chapelle
En 2012, cinq ans après la retraite sportive de sa fidèle Cigale du Taillis, Eugénie Angot retrouve le chemin de l’équipe de France avec le jeune étalon Old Chap Tame (Carthago x Quidam de Revel), alors âgé de dix ans. “Henk Nooren (sélectionneur de l’équipe de France à cette période, ndlr) commençait à bien aimer mon petit cheval, et il m’a proposé de venir à Aix-la-Chapelle comme remplaçante de l’équipe de France. Cela m’allait très bien, car Old Chap Tame avait déjà enchaîné pas mal de concours.” Mais après une blessure d’Orient Express HDC (Quick Star x Le Tot de Semilly) la veille de la Coupe des nations, Patrice Delaveau doit déclarer forfait, propulsant Eugénie Angot et son alezan du statut de remplaçants à celui d’ouvreurs de l’équipe de France. “On m’a appelée la veille au soir en me disant de me préparer à sauter la Coupe des nations, qu’on me dirait le lendemain matin si je prenais le départ. Orient Express devait partir en numéro un de l’équipe, et j’ai pensé que je n’étais pas tout à fait prête à faire ça.” Héroïques en première manche, et pénalisés de cinq points en deuxième, la cavalière et son hongre seront pourtant artisans d’une superbe victoire française dans l’épreuve par équipes, aux côtés de Roger-Yves Bost et Nippon d’Elle (Scherif d’Elle x Narcos II), Pénélope Leprevost et Mylord Carthago (Carthago x Jalisco B), ainsi qu’Olivier Guillon sur Lord de Theizé (Donald Rouge II x Tolbiac des Halles). Un cinquième sacre pour les Bleus sur la piste allemande dans l’histoire de cette compétition. “La Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle, c’est un peu le Graal. Alors passer du statut de remplaçante à celui d’artisane de la victoire soulevant la coupe donne une saveur particulière.”
En 2012, c'est avec l'étalon Old Chap Tame que la cavalière, initialement réserviste, participera pleinement au sacre tricolore dans la Coupe des nations d'Aix-la-Chapelle.© Scoopdyga
Retraite sportive et nouveaux horizons
Après une riche carrière sportive, couronnée de nombreux succès en individuel et sous les couleurs de l’équipe de France, Eugénie Angot décide de s’éloigner des terrains de concours internationaux en 2021. “J’ai commencé à être moins motivée pour aller en concours, moins compétitrice. Au début, j’ai mis cela sur le compte de mes chevaux, qui étaient un peu moins brillants que mes précédentes montures. Mais quand je suis retombée sur de très bons chevaux et que je suis repartie en compétition, j’ai réalisé que ma motivation n’était pas revenue. J’ai alors décidé qu’il était temps d’arrêter. Je prenais encore plaisir à monter, mais plus à concourir. J’ai vendu les chevaux que j’avais à ce moment-là, qui étaient vraiment de bons chevaux, et je n’en ai pas chercher d’autres pour la suite. Désormais, je prends beaucoup de plaisir à entraîner d’autres cavaliers. Cette adrénaline que je n’avais plus pour moi, je la retrouve en les accompagnant. J’ai la chance d’avoir retrouvé cette envie de compétition au travers de mes élèves. Ce que j’aime aujourd’hui, c’est faire progresser des chevaux, essayer de les décortiquer, de les comprendre, les analyser et les emmener le plus loin possible. J’ai toujours cette adrénaline du sportif, mais à travers mes élèves, et je trouve cela génial ! Je me régale !”
Depuis 2021, Eugénie Angot s'adonne pleinement au rôle de coach et retrouve l'adrénaline de la compétition à travers ses élèves, comme ici avec Ilona Mezzadri. © Sportfot
Photo à la Une : En 2006, Eugénie Angot a écrit l’une des plus belles pages de sa carrière en remportant le mythique Grand Prix de Calgary aux rênes de sa fidèle Cigale du Taillis. © Dirk Caremans/HippoFoto