“Être à Herning et vivre cet événement a été une expérience super chouette”, Tiffany Foster (1/2)
Toujours souriante, Tiffany Foster fait définitivement partie des favoris du public. À Herning, l’amazone de trente-huit ans a déroulé une excellente performance, la meilleure de sa carrière, aux rênes de son cher Figor. En terminant douzième en individuel, la Canadienne a signé un retour réussi en grand championnat, six ans après sa dernière apparition, aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 2016. Ravie du comportement de son complice à quatre jambes, dont elle a pris les rênes dès 2017, alors qu’il n’avait que sept ans, la première cavalière du monde revient sur leur rencontre, mais aussi sa performance, et celle de son escouade nationale, désormais encadrée par Éric Lamaze. Talentueuse, travailleuse et engagée pour son sport, celle qui a débuté sa carrière en hunter, avant d’atteindre les sommets grâce à sa persévérance et son ambition, retrace son parcours aussi atypique qu’inspirant. Elle évoque également la place des femmes dans le monde du saut d’obstacles, l’avenir des Coupes des nations, la prochaine édition des Jeux olympiques et sa passion pour la décoration d’intérieur. Premier épisode d’un entretien en deux volets.
Un peu moins de deux semaines après la fin des championnats du monde de Herning, que vous avez conclus à la douzième place en individuel avec Figor (KWPN, VDL Groep Zagreb, ex Elvis van de Rhamdiahoeve x Indoctro), avez-vous eu le temps de réaliser ce que vous avez accompli ?
Oui, j’ai eu l’occasion de revoir toutes les vidéos de mes parcours. Je suis juste ravie de mon cheval. J’ai trouvé qu’il avait sauté de façon incroyable. Être à Herning et vivre cet événement a été une expérience super chouette. Nous avons assisté à du sport de très, très haut niveau.
Pour tout ce que j’ai accompli, pas seulement aux Mondiaux, j’aimerais en profiter pour remercier mes propriétaires, pour tous les chevaux qu’ils m’ont permis de monter, mais aussi ma groom, Caroline Holmberg, et toute mon équipe à la maison, Eduardo, Max, et toutes les personnes autour de nous. Tout le monde travaille très dur pour rendre tout cela possible. Je suis celle qui entre en piste, mais cela relève de tout un collectif. Je veux leur donner autant de reconnaissance que possible. Je ne pourrais pas faire tout cela sans eux. Je leur suis extrêmement reconnaissante.
Quel bilan tirez-vous de votre championnat ?
Je suis vraiment contente. Il s’agissait du premier championnat auquel je participais avec Figor, et c’était aussi sa première expérience sur un tel format. Je n’avais plus pris part à un championnat depuis Rio (où se déroulaient les Jeux olympiques, en 2016, ndlr). J’ai été un peu en retrait en raison de quelques blessures de mes chevaux, du Covid et de plein de choses. Lorsque je suis arrivée à Herning, je me suis demandé à quand remontait la dernière fois que j’avais sauté une échéance majeure. Et cela datait de 2016 ! Je suis très heureuse du comportement de Figor. Par le passé, lors des championnats majeurs, j’ai toujours monté des chevaux, à part Victor (KWPN, Elmshorn x Grandeur, avec qui l’amazone avait pris part à ses premiers Jeux olympiques, à Londres, en 2012, ndlr), qui avaient beaucoup d’expérience. Tripple X III (AES, Namelus R x Catango Z, né et monté jusqu’au plus haut niveau par Ben Maher, ndlr) avait déjà participé à plusieurs grandes échéances lorsque je l’ai eu, et Verdi III (KWPN, Hors La Loi III x Cantus) avait aussi sauté de belles épreuves avec un autre cavalier avant moi (le Suisse Pius Schwizer, ndlr). C’était la première fois que j’emmenais un cheval que j’ai en partie formé sur un tel événement. Notre résultat me fait très plaisir. Si j’analyse notre semaine, nous avons pratiquement toujours commis le même genre de faute, souvent sur des verticaux. C’est quelque chose que je peux facilement gommer. C’est ce que je retiens de ces Mondiaux. En faisant de petits réglages, j’aurais facilement pu être sans-faute de bout en bout. Il n’y a pas eu d’erreur majeure. Le dernier jour, je me suis retrouvée dans le top 12, une position inédite pour moi. Je n’étais jamais allée aussi loin dans un championnat. Les autres jours, j’ai eu l’occasion d’étudier le parcours en détail avant d’entrer en piste. Dimanche, en raison du déroulement de la finale et de ma position au classement, je passais en début d’épreuve. Je n’ai eu qu’une dizaine de minutes pour faire ma reconnaissance avant de me mettre à cheval. Je pense que je peux encore progresser sur ce point. Je vais travailler là-dessus et m’améliorer.
“Figor m’avait impressionnée dans la finale des Jeunes chevaux à Aix-la-Chapelle en 2017”
Comment avez-vous rencontré Figor, auquel vous semblez vouer un amour infini ? Pressentiez-vous qu’il deviendrait un cheval de championnat aussi fiable ?
Andy et Carlene Ziegler, à la tête d’Artisan Farms, sont des sponsors de longue date, qui ont été un soutien incroyable dans ma carrière. Ils ont été propriétaires de la plupart de mes chevaux de tête. Il y a quelques années, ils m’ont informée de leur volonté de ralentir le rythme et leur souhait de ne plus acheter autant de chevaux au fil des années. Ils ont pris le temps de me le faire savoir, et nous étions tous en accord avec cette décision. Malgré tout, ils étaient partants pour investir dans un dernier bon cheval pour moi. J’ai alors eu l’opportunité d’en choisir un. J’adore disputer des Coupes des nations, j’adore les championnats, j’adore représenter mon pays et participer à ces grands événements. Je concours souvent à Spruce Meadows et j’aimerais énormément retourner à Aix-la-Chapelle. Je recherchais donc un cheval avec beaucoup de moyens et la capacité de participer à un championnat ou à des Grands Prix importants. Je me suis dit qu’un bon endroit pour trouver tous ces ingrédients serait la finale des jeunes chevaux à Aix-la-Chapelle. C’était il y a cinq ans. Figor avait alors sept ans. Je me suis dit “si un cheval de sept ans est capable de sauter cette épreuve, cela veut dire qu’il a tout ce que je recherche”. L’Allemand Andreas Kreuzer était son cavalier à l’époque. Figor m’avait vraiment impressionnée (le bai avait terminé cinquième après un double sans-faute, ndlr). Un peu comme il l’a fait à Herning, il s’est montré à la hauteur. Les obstacles ne semblaient pas monstrueux, alors que je sais à quel point cette finale est relevée ! Sa prestation m’a séduite. Je travaillais avec Éric Lamaze à cette époque et je lui ai parlé de Figor. Il m’a dit qu’il pourrait bien me convenir. Andreas Kreuzer nous a laissé venir l’essayer, même s’il n’était pas vraiment à vendre. En selle, j’ai ressenti tout ce que j’avais vu. Je savais qu’il serait capable de sauter de belles épreuves, mais nous ne savions pas encore jusqu’où il irait. Pendant nos deux premières années ensemble, nous avons dû composer avec lui. Il est sensible et très nerveux. Il a beaucoup d’énergie et peut rapidement s’ouvrir. Ses capacités physiques ont toujours été là, mais nous avons eu un peu de mal au départ à trouver la bonne formule pour le garder concentré et avec moi. Cela a été notre plus grand défi. J’ai parfois eu des difficultés pour rentrer dans le temps imparti. Mais, avec l’âge, il a mûri et gagné en expérience, et le monter est devenu beaucoup plus facile.
Quels sont vos prochains objectifs avec Figor ? Pensez-vous aux championnats à venir, notamment les Jeux olympiques de Paris en 2024 ?
Dans l’immédiat, je prévois de l’emmener aux Spruce Meadows Masters pour tenter notre chance dans le Grand Prix. Il saute de façon incroyable à Calgary et je pense qu’il est prêt pour être compétitif dans une épreuve de ce genre. Ensuite, l’année prochaine nous avons les Jeux panaméricains, au Chili. Ce sera très important pour nous, puisque nous devons nous qualifier pour Paris. Je pense que nous avons une bonne carte à jouer, d’abord en tant qu’équipe avec le Canada, mais aussi en individuel de mon côté. Ce sera notre prochain objectif. Ensuite, assurément, Figor serait le cheval que j’aimerais choisir pour Paris.
“Je suis très fière de notre équipe et de la façon dont les filles ont monté”
L’objectif pour le Canada à Herning était de décrocher une médaille. Malheureusement, la fin de votre championnat ne s'est pas déroulée comme prévu, avec une dixième place à la clef. Comment analysez-vous les performances de votre collectif ?
Éric (Lamaze, champion olympique en 2008 avec Hickstead et désormais chef d’équipe du Canada, ndlr) a de grandes attentes et de grands espoirs pour nous. Notre équipe était relativement inexpérimentée du côté des chevaux. Aucune de nos montures n’avait sauté de championnat avant. Si l’on regarde notre parcours avant les Mondiaux, nous avons obtenu de bons résultats à La Baule et Rome. Mais une grande partie de notre équipe reposait sur l’étalon que montait Beth Underhill, Dieu Merci van T&L (sBs, Toulon x Corrado I). Il s’est blessé (à Rome, ndlr) et n’a pas pu être sélectionné. Un couple important a dû renoncer et Beth s’est retrouvée avec un autre cheval incroyable (Nikka vd Bisschop, BWP, Emerald van’t Ruytershof x Nabab de Rêve, ndlr), mais seulement âgée de neuf ans. Cette jument a pratiquement sauté ses premiers parcours à 1,60m trois semaines avant les Mondiaux ! (Elle a pris part à deux épreuves à cette hauteur, en juin à Calgary, puis à Valkenswaard, le 17 juillet, ndlr) Alors, tout bien considéré, je suis très fière de notre équipe et de la façon dont les filles (Erynn Ballard, Amy Millard et Beth Underhill, ndlr), ont monté. Elles ont fait un super travail. Nous n’avons pas des chevaux extrêmement rapides, et aucun d’entre eux n’était habitué à aller vite dès le premier jour. La Chasse était donc un peu piégeuse pour nous. J’ai eu un bon départ, mais mon cheval est assez compétitif et le plus rapide de notre groupe. Ensuite, nous nous sommes accrochées lors de la première manche de la Coupe des nations. Nous étions huitièmes avant la finale par équipes. Et puis, vendredi soir, nous avons eu à faire face au parcours le plus difficile du championnat. Il n’y a eu que six sans-faute au cours de la soirée, sur plus de soixante parcours (cinq couples ont également signé un sans-faute aux obstacles, entachés par un ou plusieurs points de temps, ndlr). Alors, on ne peut pas dire que nous ayons eu une soirée affreuse. Le parcours était simplement difficile et nous avons joué de malchance. Mon cheval a trébuché avant le dernier obstacle, sans quoi j’aurais sans doute pu rester à quatre points. Tout n’a pas été en notre faveur, mais je plussoie ce qu’Éric a dit : tout le monde a bien monté. Nos chevaux étaient verts et c’était le tour le plus compliqué des championnats. Tout le monde a énormément progressé cette année et nous sommes en bonne position pour le futur, avec une bonne équipe et des chevaux promis à un bel avenir.
Éric Lamaze officiait pour la première fois dans un championnat en tant que chef d’équipe. Qu’a-t-il apporté au Canada depuis sa prise de fonction ?
Quiconque connaît Éric sait à quel point il est passionné et tous les efforts et l’énergie qu’il déploie dans tout ce qu’il fait. Et il en va de même pour son rôle de chef d’équipe. On sent vraiment son soutien et on a l’impression qu’il est derrière nous à chaque instant. Je pense que c’est une bénédiction, mais aussi une forme de malédiction. L’équipe canadienne signifie tellement pour lui, d’autant plus avec ses problèmes de santé et le fait qu’il ne puisse plus monter. Il essaye de se faire à cette idée et cela rend les choses encore plus difficiles pour lui. Il a toujours été l’une de ses personnes capables de réaliser un exploit en piste. Je pense qu’il est déçu lorsque trois d’entre nous n’en sont pas capables au moment où il le faudrait (rires). Il va devoir apprendre à gérer le côté émotionnel de son rôle, peut-être ne pas prendre les choses aussi personnellement et réaliser qu’il lui est aussi arrivé de ne pas obtenir les résultats qu’il espérait. Cela fait partie du processus.
Vous faites indéniablement partie des favoris du public. Comment vivez-vous cela ?
J’aime le public ! Toutes les personnes qui me connaissent savent que j’aime la foule de façon générale (rires). J’adore sentir le soutien, les encouragements et la ferveur des spectateurs. Le problème, c’est que je deviens très émue et j’oublie de garder mon calme. Alors, lorsque je suis interviewée en sortie de piste, les gens peuvent peut-être plus facilement s’identifier à moi, qu’à d’autres qui disent simplement “oui, c’était bien, mon cheval a très bien sauté”. En général, je pars dans tous les sens parce que je suis super enthousiaste ! J’ai un immense respect pour mes chevaux et ceux que je monte. Je les aime profondément et je suis toujours ébahie par les efforts qu’ils fournissent. Je ne suis jamais passée outre ce sentiment ; je suis restée une petite fille complètement folle des chevaux. Les gens s’identifient sans doute à cela.
Parmi vos plus fervents supporters, il y a votre maman, qui était derrière vous à Herning et brandissait des pancartes aux couleurs du Canada depuis les tribunes…
Oui, elle assiste aux Coupes des nations. Elle se moque un peu des Grands Prix et autres épreuves, mais elle adore les Coupes des nations (rires). Elle est toujours là, avec tout son attirail aux couleurs du Canada, à encourager tout le monde. Elle vient à beaucoup d'événements. Elle était là à La Baule. Dès qu’elle peut, elle est présente, peu importe où ont lieu les concours dans le monde. Elle est géniale ; c’est la meilleure.
La suite de cette interview est disponible ici.
Crédit photo : © Sportfot. Photo à la Une : Tiffany Foster et Figor aux championnats du monde de Herning.