Eric Navet - Karl Cook, un tandem vers le haut niveau. D'abord, comment allez-vous ? Eric Navet : « Je vais très bien, merci. Je me suis très bien habitué à ma nouvelle vie et à mon expatriation. »
Quelques temps après votre départ, on vous a directement vu aux résultats, avant que vous ne vous fassiez, une nouvelle fois, plus discret.
E.N. : « Il n'y avait pas de plan précis me concernant. C'est vrai que j'ai eu des résultats à haut niveau, assez rapidement, avec un cheval qui était censé être pour le cavalier que j'entraine. Mais l'entente n'a pas été parfaite avec lui. J'ai donc monté le cheval quelque temps avec de bons résultats puisque j'ai terminé second d'un Grand Prix coupe du monde puis sixième d'un Grand Prix à Calgary. Ensuite, nous avons trouvé un cheval qui lui convenait mieux et nous avons remis le cheval que je montais dans l'affaire car le but était d'avoir un cheval qui lui convienne à lui. L'idéal serait qu'à l'avenir … un jour … nous puissions être tous les deux ensembles au haut niveau mais la priorité, cela reste Karl. Je n'ai pas d'objectif précis en tant que cavalier. Je ne suis pas la priorité… Maintenant, si cela se présente, je suis toujours prêt à remonter au haut niveau. Si on arrive à former une équipe avec Karl et à former une équipe de chevaux pour pouvoir se les partager aux concours, ce serait formidable. Nous n'avons pas d'objectif à court terme. Nous achetons principalement de jeunes chevaux de 6,7 ans que nous formons ensuite. Je monte tous les matins au moins cinq heures consécutives, je monte donc de manière intense avec Karl. Je participe aux mêmes concours à l'exception de ces Los Angeles Masters car je n'ai pas actuellement un cheval prêt pour faire du cinq étoiles. On se partage les chevaux en concours, notamment en Californie ou à Calgary. Quand je dis « partager », certains lui sont plus attribués et certains me sont plutôt attribués : en général ceux qui sont les moins prêts ou ceux qui sont un peu plus compliqués. Je vais essayer de les préparer pour l'avenir, sans forcément qu'il soit décidé à l'avance qui montera quel cheval à l'avenir. Le but, c'est de les préparer au mieux et après nous verrons comment nous nous les répartirons mais encore une fois : la priorité, c'est Karl.» En règle général, vous êtes assez discret dans votre comportement ou votre manière de vivre alors que votre cavalier a l'air plus excentrique dans ses tenues vestimentaires de concours (ndlr : smoking, n?uds papillons … etc) ? E.N. : « Effectivement. C'est quelqu'un d'assez introverti comme personnage dans la vie de tous les jours, plutôt renfermé. En revanche, il aime bien et c'est assez contradictoire … ne pas faire comme tout le monde. D'un côté, c'est quelqu'un de très discret puis d'un autre côté, il se démarque des autres … notamment sur le plan vestimentaire en piste. C'est son choix, moi, je suis là pour l'entrainer et à partir du moment où il monte bien, où il fait des sans-fautes, où il est au résultat et où ses chevaux progressent bien, sa tenue a beau être excentrique, ce n'est pas mon problème mais je ne porterai pas les mêmes ! Moi au contraire, je me fonds dans la masse. Je lui dis toujours que je préfère qu'il se distingue dans son équitation plutôt que par sa tenue vestimentaire. » A propos de votre travail, dans quel domaine pensez-vous l'avoir fait le plus évoluer ? E.N. : « Nous sommes assez content des résultats puisque sur la Californie et également à Calgary cet été, nous avons fait des résultats intéressants dont dans le Grand Prix de 400.000 dollars où Karl est classé. Il faut néanmoins être réaliste sur le fait que le niveau en Californie est moins élevé que sur la côte est. Par contre, je trouve que c'est vraiment un très bon support pour préparer les chevaux et leur donner de l'expérience. Ensuite, nous aimions bien aller à Calgary l'été pour voir où nous nous situions car c'est vraiment du très haut niveau parce que tous les bons américains sont là ainsi que quelques cavaliers européens. C'est une façon de prendre la température et de voir. Lorsque nous aurons des chevaux performants pour faire toute la saison de Grand Prix l'été, nous pourrons envisager de venir faire du concours en Europe. Ici, c'est vraiment le système américain, c'est-à-dire que c'est rare qu'un concours ne dure qu'un seul week-end. C'est du concours de deux voire trois semaines. En fait, il y a relativement peu de concours mais les concours durent plus longtemps. Durant Palm Beach, en début de saison, sur la côte est, nous avons notre tournée à Thermal qui dure également six semaines.C'est un excellent outil de travail, il y a beaucoup de monde mais il y en a moins qu'à Palm Beach dans les grosses épreuves ? C'est plus motivant car je trouve que des épreuves à 1m50 avec 130 cavaliers au départ, c'est particulièrement démotivant. A Thermal, sur les grosses épreuves, il y a une quarantaine de partants. Cela rend le sport plus sympa, il y a plus d'intensité dans l'épreuve. »
Désormais les Masters font escales sur la côte ouest, c'est quelque chose de positif pour vous ?
E.N. : « C'est quelque chose de très positif. C'est vraiment ce qu'il nous manquait en Californie : un concours de très haut niveau … sur tous les plans ! Evidemment le côté cinq étoiles avec des cavaliers renommés mais aussi au niveau de l'organisation avec un concours de grande classe et de prestige. Cela n'existe pas en Californie et nous en avions besoin. Nous avons quelques beaux concours, notamment dans les Grand Prix qualificatifs pour la coupe du monde mais ce niveau de concours là, il n'y en a pas.Espérons que ce soit le début d'une longue série car cela permet aussi de relever le niveau aussi bien des cavaliers, des chevaux que des concours eux-mêmes et des organisations. Du haut niveau dans tous les sens du terme. C'est d'autant plus intéressant qu'il y a quand même beaucoup d'écuries et de chevaux en Californie. Si on arrive à développer ce genre de concours ici, le niveau va vraiment s'améliorer. Nous sommes un peu en circuit fermé, actuellement et je pense que si le niveau est plus élevé sur la côte est, c'est aussi grâce au niveau des concours car le niveau des concours attire aussi les bons cavaliers. »
Les jeunes chevaux que vous achetez sont issus des contacts français que vous avez ou viennent d'un peu partout ?
E.N. : « C'est très européen. Nous cherchons les chevaux un peu partout en Europe. Nous nous y rendons régulièrement. En fait, c'est plutôt le rôle d' Ali Nilforushan qui est la personne qui m'a mis en contact avec Karl et qui est toujours très intégré dans l'équipe. Il prospecte et va repérer les chevaux puis nous nous déplaçons tous les trois, ensuite, pour acheter. »Après avoir fait ce grand pas vers ici, n'avez-vous pas beaucoup d'autres demandes de coaching en étant installé ici ?
E.N. : « Quand je suis arrivé ici, j'ai fait l'objet de beaucoup de demandes car les gens m'ont vu monter en concours … puis les gens me connaissaient. Je ne suis pas arrivé sans être connu et ça m'a beaucoup aidé honnêtement. Mais j'ai un contrat d'exclusivité avec Karl jusqu'à la fin de 2016. J'entraine donc Karl et ses chevaux exclusivement. Nous verrons la suite, d'autant que j'ai toujours ma propriété avec mes écuries et ma maison en Normandie où tout se passe très bien. Ma « barn manager » qui travaille pour moi depuis vingt-trois ans et qui s'occupe de diriger l'écurie puis ma s?ur qui habite tout près et s'occupe de toute la partie administrative. Donc l'écurie tourne sans moi. »
Pour votre famille, venir s'installer ici, c'était un véritable choix de vie ?
E.N. : « En fait, durant deux ans, j'ai fait de nombreux aller-retour mais la Californie, c'est quand même loin de l'Europe. Cela aurait peut-être encore été possible avec la côte Est. Mais la côte Ouest, faire des aller-retour deux fois par mois, en faisant des concours en Europe et des concours ici… A un moment, il fallait faire un choix.
J'ai été encouragé par Karl et ses parents pour faire le pas. J'en ai beaucoup discuté avec ma femme et nous avons pensé que pour nos filles qui ont douze et quatorze ans, cela allait être une expérience unique pour elles. Je pense que c'était une chance de découvrir un autre pays, une autre culture… Je pense qu'il n'y a que du positif, aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan familial. La Normandie et leurs amis leurs manquent, c'est difficile mais aujourd'hui, cela fait un peu plus d'un an qu'elles sont ici et elles se sentent tout à fait l'aise. Elles sont heureuses ici. »La pluie commence à vous manquer ?
E.N. : « Pas encore. J'ai beau être Normand, je n'ai jamais été un fan de la pluie. Chaque fois que nous allions en concours et qu'on me disait : « Oui, mais vous les Normands vous avez l'habitude ». C'est vrai que nous avons l'habitude … mais je n'aime toujours pas ça et le climat ici est imbattable. Il ne fait pas trop chaud l'été, il fait très doux l'hiver. Nous sommes près de l'océan ce qui fait qu'on a toujours une petite brise. Le climat et la qualité de vie, c'est imbattable. Pour la nourriture, il faut faire attention à ce que l'on mange. Il faut faire les bons choix… Mais j'ai surtout la chance d'avoir une nature qui ne prête pas à l'embonpoint puis je travaille beaucoup alors je n'ai pas de problèmes avec cela. »
Que peut-on vous souhaiter pour les prochaines années ?
E.N. : « En numéro un, d'amener Karl au plus haut niveau et qu'il y soit compétitif et si possible dans les plus grands championnats et en numéro deux … que je ne l'accompagne pas seulement à pied, ce serait sympa aussi. »