Easy Up de Grandry : le bond vers le très haut niveau d’un grand cerf (1/2)

Entré dans le piquet de Julien Epaillard à la fin de l’année 2024, Easy Up de Grandry a vite trouvé une place sous les feux de la rampe du circuit international de jumping. Cet alezan élevé et formé patiemment par Florian Angot qui l’appelait “mon grand cerf” représente un intéressant mélange de courants de sangs où l’Anglo-Arabe apporte par deux fois sa touche, dans une toile de maître de l’étoffe des cracks. Le fils de Jarnac met aussi à l’honneur une souche maternelle venue de l’Ain, élaborée par le regretté Roger Riche et travaillée par Guy Martin. Portrait.
Après la vente de sa complice olympique Dubaï du Cèdre à l’automne dernier, Julien Epaillard s’est rapidement mis en quête de pépites à façonner pour le très haut niveau. Parmi ses nouvelles montures, la silhouette d’Easy Up de Grandry (Jarnac x For Pleasure) n’a pas tardé à émerger, dès début 2025, par sa taille, mais aussi et surtout par ses performances. Après une prise connaissance réussie lors de plusieurs semaines de compétition à Oliva en novembre 2024, le couple a pris part à son premier rendez-vous 5* à l’occasion de l’étape de la Coupe du monde de Londres. Là-bas, Easy Up a affronté les deux premiers Grands Prix à 1,60m de sa carrière, bouclés avec quatre et douze points. Fort de cette expérience, il pointait, quelques semaines plus tard, à la onzième place de l’épreuve reine du CSI 5*-W de Leipzig après un tour initial parfait, avant de manquer de peu le podium dans le Grand Prix secondaire du CSI 5*-W de Bordeaux. L’apprentissage de cet attachant Selle Français s’est poursuivi à Bâle. Alors que son demi-frère, Donatello d’Auge, permettait à Julien Epaillard d’atteindre le Graal en remportant la finale du circuit indoor de la Fédération équestre internationale (FEI), Easy Up terminait troisième du Grand Prix 3* joué en parallèle. Deux semaines plus tard, l’heure de la confirmation est venue. Le duo fraîchement formé a fait retentir sa première Marseillaise en remportant une épreuve à 1,55m au Printemps des sports équestres, à Fontainebleau. Juste avant l’été, le fils de Jarnac a profité d’un break, avant de reprendre du service en août et de s’offrir, entre autres, une victoire à 1,50m à l’occasion du CSI 4* de Deauville Classic.
Easy Up de Grandry réussira-t-il a gravir les derniers échelons qui le séparent du très haut niveau avec facilité ? Wait and see! © Mélina MAssias
Le jugeant comme un cheval à fort potentiel et taillé pour les plus belles pistes extérieures, le Normand ne cachait pas ses ambitions, déjà en début d’année. “Avec ce cheval, j’ai beaucoup d’espoirs en vue des Coupes des nations et des championnats”, disait-il après le CSI 5*-W de Bordeaux. Et son épouse, Susana Garcia Cereceda Epaillard n’en pensait pas moins grand bien après le triomphe suisse de son cher Donatello. “J’espère bien qu’Easy nous fera aussi rêver. Il est en train d’évoluer d’une manière fantastique et Julien croit en lui”, assurait-elle dans les colonnes de Studforlife. Il faut dire qu’au-delà de ses capacités athlétiques, le hongre de onze ans a aussi de solides arguments génétiques à faire valoir.
For Pleasure, un courant de sang toujours aussi précieux
Son père Jarnac (Ryon d'Anzex), disparu cette année, a acquis sa notoriété aussi bien par ses performances au plus haut niveau avec Timothée Anciaume puis Julio Arias Cueva, qui lui ont permis de décrocher un ISO 173 en 2011, que par sa production. La lignée maternelle d’Easy Up de Grandry, elle, n’est pas de celles qui sautent aux yeux. Pourtant, elle offre un cocktail de courants de sang dont la valeur génétique a fait ses preuves. Sa mère, Qelverdie du Temple, est fille de l’un des étalons emblématiques du stud-book hanovrien : For Pleasure. Fils du Selle Français Vertuoso II (Furioso), renommé outre-Rhin Furioso II, l’alezan a connu une remarquable carrière de compétiteur. En 2003, il fut sacré meilleur cheval du monde par la Fédération mondiale de l’élevage de chevaux de sport (WBFSH) en 2003, après avoir décroché par deux fois l’or olympique avec l’équipe allemande, d’abord aux rênes de Lars Nieberg à Atlanta en 1996 puis à Sydney, quatre ans plus tard, cette fois sous la selle d’un jeune génie nommé Marcus Ehning. Au palmarès de cet alezan au style aussi atypique qu’efficace, se trouvent aussi un titre de champion d’Europe par équipe, une quatrième place individuelle, deux excellentes prestations en finale de la Coupe du monde avec une deuxième puis une huitième place en 1995 et 1997 à Göteborg, ainsi que de nombreux succès en Grands Prix et en Coupe des nations aux quatre coins de la planète. À l’élevage, For Pleasure, parfois décrié, a aussi fait preuve d’excellence, avec de nombreux grands performers, à l’image de la complice de Luciana Diniz, la belle Fit For Fun 13, l’excellente Flora de Mariposa, championne du monde et olympique avec la France et Pénélope Leprevost, Firth of Lorne, gagnant du Grand Prix 5* de Hambourg avec Katrin Eckermann, Underground des Hauts Bois, alias Barron, indissociable partenaire de Lucy Davis, l’olympique Ornellaia de la légende John Whitaker, les étalons Quebec Tame et E Pleasure van’t Heike, le compétitif For Joy van’t Zorgvliet ou encore l'intraitable Hello Forever, excellent partenaire de Scott Brash, sans compter ses nombreuses filles, à leur tour précieuses dans la transmission de leurs gènes.
Avec Lars Nieberg puis Marcus Ehning, For Pleasure a marqué la scène sportive de son empreinte avant d'en faire autant à l'élevage. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Les performances et l’intérêt de For Pleasure n’ont pas échappé au très avisé marchand-cavalier-éleveur Guy Martin. En France, l’alezan a, en effet, été relativement peu utilisé, avec seulement un pic d’une centaine de naissances dans l’Hexagone en 2005, et un dernier contingent significatif pour le cru des H, nés en 2017, avec vingt-six représentants Selle Français. Parmi ceux-ci, l’étalon Hot Pleasure Semilly, Elite à six ans et crédité d’un ISO 140 cette même année. For Pleasure est aussi à l’origine des bons Selle Français Shiva d’Amaury, membre de l’équipe de France aux championnats d’Europe de Göteborg en 2017 avec Mathieu Billot, Romane du Theil, vue sous couleurs suédoises avec Charlotte Mcauley-Mordasini ou encore Soory de l’Hallali, montée par différents cavaliers de l’écurie Stephex. Guy Martin, lui, a choisi d’utiliser l’Hanovrien dès 2003 sur Elverdie du Temple. Un an plus tard, Qelverdie du Temple, la mère d’Easy Up de Grandry, venait au monde.
Le Temple, un lieu sacré pour élever des cracks
Si le brillant de For Pleasure semble parfois éclipser le reste du papier d’Easy Up, sa lignée maternelle, loin des matrones les plus à la mode, ramène pourtant à l’une des meilleures souches de la Dombes, terroir de l’Ain où la tradition d’élevage du cheval de sport fait régulièrement émerger de nouvelles pépites. L’exemple le plus récent ? Le titre de champion de France des cinq ans de Kingston du Biolay (Untouchable 27) avec Eddy Seguin Maure.
La mère d’Easy Up de Grandry porte l’affixe du Temple, du nom d’une jolie propriété qu’avait achetée Guy Martin lorsqu’il a développé son élevage, au début des années 90. À soixante-dix-huit ans, il a cessé cette activité, pratiquée par passion et qui l’a mené à avoir jusqu’à une vingtaine de poulinières. En un peu plus de trois décennies, il a connu de très belles réussites, comme avec Varihoka du Temple (Luigi d’Amaury x Kannan), excellent avec l’Allemand Patrick Stühlmeyer, double sans-faute dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Rome, classé dans le Grand Prix 5* de Berlin et père de plusieurs jeunes chevaux prometteurs, dont les plus âgés sont nés en 2020. Actuellement, c’est Himalaya du Temple (Toulon x Radieux) qui met à l’honneur les herbages de Saint Martin du Mont sous la selle d’Olivier Perreau. Le couple vient de s’imposer dans une épreuve à 1,50m au CSIO 5* de Gassin.
Guy Martin au milieu de ses poulains en 1999. © Jean-Louis Perrier
Au fil des années, Guy Martin a largement utilisé des étalons qu’il a montés lui-même en compétition, à l’image d’Ouragan de Baussy (Corail V x Nankin). “C’est un cheval que j’avais acheté à Alain Navet, à l’époque où l’on commençait à voir son fils, Eric, au plus haut niveau avec les chevaux de son élevage, comme Quito de Baussy (Jalisco B). J’avais proposé Ouragan aux Haras nationaux, mais ils l’ont refusé, le trouvant trop léger. Aujourd’hui, cela nous ferait sourire car Ouragan était plutôt massif !”, s’amuse l’éleveur. Si le père d’Ouragan de Baussy, Corail V, n’est pas passé à la postérité, il était toutefois un fils de Lackmé (Foudroyant II), mère du champion olympique des Jeux olympiques de Mexico Pitou (Plein d’Espoirs) et d’une bonne complice de Pierre Jonquère d’Oriola, Tournebride L A (Popof), dont la descendance a très bien réussi à l’élevage d’Yves Chauvin. Lackmé est ainsi la sixième mère d’un certain Ici et La Courcelle (Cocktail de Talma), médaillé de bronze lors du Mondial des sept ans à Lanaken mi-septembre.
Ouragan de Baussy, arrière-grand-père d’Easy Up, a fait une bonne carrière en compétition (ISO 154) avec Guy Martin et le Colombien Carlos Lopez Lizarazo. Lors de ses premières années de compétition en France, ce dernier s’est surtout démarqué avec une autre pensionnaire de l’écurie Guy Martin : Maverdi du Béar (Gaverdi), la troisième mère d’Easy Up. “J’ai acheté Maverdi du Béar à son éleveur, Roger Riche, lorsqu’elle avait six ans. J’ai dû la monter une ou deux fois en concours, mais je l’ai ensuite confiée à Carlos Lopez, qui travaillait pour moi, comme Hubert Bourdy”, se souvient Guy Martin. “Carlos a fait de très beaux concours, comme le CSIO de Rome et les Jeux Panaméricains à Minneapolis où il a fini dixième.” Cette baie, de taille moyenne mais bien charpentée, était une fille de Gaverdi, un Anglo-Arabe de Complément par l’excellent Pur-Sang du Haras national de Cluny, Verdi (Maurepas). Verdi est le père de nombreux performers en courses d’obstacles, mais aussi en sport, à l’instar du complétiste Ut Majeur II, crédité d’un ICC 175 et vu aux Jeux olympiques de Munich, ou l’étalon de la famille Martinot, If de Merzé, ISO 147 et notamment à l’origine du double médaillé d’argent des Jeux équestres mondiaux de Rome en 1998, Thor des Chaines, associé à Thierry Pomel. La mère de Gaverdi, Altes Grandrieux, née du croisement entre le grand sire Furioso et une jument Anglo-Arabe, a eu trois produits indicés à plus de 130. Si Gaverdi n’a pas été testé en compétition, pratique peu usuelle à l’époque au sein des Haras nationaux, il a produit plusieurs excellents compétiteurs malgré un harem assez hétéroclite, avec des juments sans grande origine, comme la mère de Lichen V ISO 176, un des premiers partenaires de Grands Prix Coupe du monde d’Hubert Bourdy, ou AQPS, comme celle de Lord du Miral, ISO 176, médaillé de bronze par équipe aux championnats d’Europe Jeunes Cavaliers en 1986 avec Jean-Charles Gayat.
Maverdi du Bear, arrière-grand-mère d'Easy Up de Grandry, en action avec Carlos Lopez. © Jean-Louis Perrier
En lice pour une sélection aux Jeux olympiques de Séoul en 1988, Carlos Lopez avait dû y renoncer en raison d’une boiterie de Maverdi du Béar apparue quelques mois plus tôt. À la fin de sa collaboration avec le Colombien, Guy Martin voue logiquement sa championne à l’élevage. À Saint Martin du Mont, croisée avec l’étalon maison Ouragan de Baussy, elle donne d’abord le jour à Daverdi du Temple, qui n’a eu que deux produits sans descendance, puis à Elverdie du Temple. Son premier produit, Maloubet du Temple (Baloubet du Rouet), effectue une excellente carrière internationale sous couleurs suisses et obtient un ISO 166 en 2012. Sa première fille, Pergola du Temple (For Pleasure) devient, à son tour, poulinière, pour le compte de l’élevage de la Tour, près de Poitiers. Vient ensuite la propre sœur de Pergola, Qelverdie du Temple. En croisant le regard de Florian Angot, la belle continuera sa vie sous les cieux de Normandie, avec réussite.
Guy Martin est un passionné de chevaux... peu importe la forme sous laquelle ils se présentent ! © Jean-Louis Perrier
La seconde partie de ce portrait sera disponible jeudi sur Studforlife.com…
Photo à la Une : Au printemps, sur la carrière des Princes de Fontainebleau, Easy Up de Grandry est devenu roi en remportant sa toute première épreuve internationale à onze ans. © Jean-Louis Perrier