Dimanche dernier, en signant la deuxième place du Grand Prix au CSI 2* de Palaiseau, Dominique Joassin aura signé un véritable retour vers la compétition internationale, retour engagé il y a quelques années après avoir dû se contenter de vivre ces moments comme éleveur via New Day du Bois Philip qui évolua sous la selle de Gilles Bertran de Balanda avant d'être vendu aux USA. Après avoir pris la septième place du Grand Prix 2* de Strazeele l'an dernier, l'étalon BWP approuvé à la monte au sBs, Dark de la Hart (Kashmir van't Schuttershof x Non Stop x Concorde) prouve une nouvelle fois sa montée en puissance.
Cette deuxième place à Palaiseau, c'est la récompense de six années de travail avec Dark de la Hart ?
« Oui, c'est sûr que c'est une belle récompense d'autant que Dark, je l'ai acheté lorsqu'il avait deux ans avec David Dehez, je l'ai débourré moi-même, je l'ai présenté à l'admission moi-même et je m'y suis même obstiné puisqu'il avait d'abord été refusé puis je l'ai monté à 4, 5, 6, 7 et maintenant 8 ans. Chaque fois, il a toujours donné le meilleur de lui-même. Ce n'était pas le plus démonstratif mais il ne décevait jamais : il ne faisait jamais de gros scores. Même dans les 7 ans, c'est peut-être juste arrivé une fois qu'il fasse plus de 8 points. »
C'est important de montrer aujourd'hui aux juges qu'ils ont eu raison de finalement lui faire confiance ?
« Oui. Mais l'admission, c'est toujours le même problème, c'est toujours très subjectif et il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu. Ce n'est pas toujours le meilleur cheval qui devient le meilleur … et c'est aussi très difficile pour des juges de savoir si ce cheval-là de 3 ans va devenir bon et celui-là ne deviendra pas bon car beaucoup de choses rentrent en ligne de compte dans la vie d'un cheval. Pour Dark, je me suis vraiment investi et j'ai mis tout mon savoir dans le cheval … mais peut-être que s'il avait été dans une autre écurie, il aurait été mis sur le côté.
Une chose est sure, Dark, j'ai toujours su qu'il ferait au moins 1,40m. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. C'est un cheval qui est très intelligent et qui est toujours d'accord pour faire ce qu'on lui demande et je pense, tous les cavaliers sont d'accord là-dessus, que le caractère est vraiment primordial pour réussir à haut niveau. »
Le fait d'avoir utilisé le cycle classique sans chercher à y faire des performances, ça paie aujourd'hui ?
« Tous les professionnels le disent … même si tous ne peuvent pas se le permettre car il y a beaucoup d'argent en jeu. Surtout des étalons ! Si on prend l'exemple d'Ugano Sitte, sa victoire au master de Gesves lui a probablement rapporté au moins 10 saillies, ce qui fait un gain assez considérable. »
Vous avez été déçu que les éleveurs viennent si timidement vers votre étalon ?
« J'ai deux approches de ce « problème-là », même si ça n'en est pas vraiment un. D'une part, je me suis quand même rendu compte qu'étalonnier, c'était un métier à part entière. Mon souhait dans ma vie, dans ma carrière, c'est être un véritable homme de cheval et à ce titre-là, je devais savoir ce que c'est que manipuler un étalon, savoir le récolter moi-même … etc. Comme je suis passionné d'élevage, j'avais envie d'avoir un étalon à la maison qui pouvait faire des saillies ... etc mais d'autre part, en me rendant compte que c'était un métier et pas celui que je voulais faire, je n'ai jamais fait une grande promotion pour Dark.
Je n'ai jamais fait un flyer ni quoi que ce soit alors que beaucoup de gens se font souvent influencer par de belles publicités ou des chevaux très spectaculaires. Personnellement, je n'ai jamais voulu rentrer dans ce jeu-là car pour moi, c'était le sport avant tout et ça l'est toujours aujourd'hui. Au contraire de son père, Kashmir van't Schuttershof, dont la carrière de reproducteur a toujours été mise en avant et où tout a été fait pour qu'il ait des centaines de saillies, moi, je fais mon possible pour que le cheval devienne un cheval de sport et si un jour, Dark perce au haut niveau, il y aura de toute façon à un moment donné plus de gens intéressés. »
Il y a deux ans, vous avez remis tout votre système en cause, c'était une nécessité ?
« Bien sûr. Le problème, c'est toujours de devoir gagner sa vie ou en tout cas de payer toutes ses factures. En fait, il y a plusieurs années que je me posais la question de savoir comment faire pour sortir de l'étiquette de cavalier de jeunes chevaux que je m'étais laissé affubler alors que lorsque j'étais plus jeune, j'avais fait de belles épreuves à haut niveau.
J'étais embrigadé dans ce système de cavalier de jeunes chevaux qui n'a pourtant jamais correspondu à ce que je voulais faire puisque je souhaitais avoir un bon niveau même si on ne sait jamais où cela peut s'arrêter. Maintenant, je suis à un niveau deux étoiles, il y a encore beaucoup de gens qui sont meilleurs que moi mais c'est ça le sport, c'est de se battre et d'essayer de devenir le meilleur.
Upper Class Hero (Querlybet Hero x Interadel Z) est un frère utérin de Toska Hero qui a également évolué en classe d'âge sous la selle du cavalier de Héron alors que leur mère, l'internationale Intradella Z est notamment une soeur utérine de Kalita de Sohan qui a également évolué en Grand Prix 2* sous la selle de Dominique Joassin.
A partir de là, j'ai dû réfléchir à comment devenir mon propre sponsor car si Philippe Le Jeune est champion du monde aujourd'hui, son rapport avec les propriétaires n'a pas toujours été facile et il a montré qu'il n'était pas toujours facile de travailler pour d'autres personnes et beaucoup de cavaliers sont à la merci de leurs propriétaires. Je pense donc que pour arriver à haut niveau, il faut avoir la maîtrise des chevaux qu'on monte. Deniro du Bois Philip (Dark de la Hart x Darco x Velcome Fontaine) est un fils d'Emeraude de Gelivaux qui a débuté sa carrière avec Dominique Joassin qui avait déjà connu sa mère, Royalmee van't Hof van Payz avec qui il aura gagné en épreuves nationales et internationales tout comme deux autres soeurs de cette dernière. J'ai aujourd'hui 39 ans et il fallait que je trouve une solution. J'ai donc décidé de construire des appartements dans mes fenils pour avoir des revenus qui me permettent de partir. Je trouve que le mariage des deux était idéal car un cavalier de jeunes chevaux ne peut pas se permettre de partir sinon il manque des cycles, les propriétaires sont mécontents, ils s'en vont et le cavalier se trouve sans revenu et l'aspect économique de la chose est évidemment très important.
Aujourd'hui, je peux compter sur deux chevaux dont je suis propriétaire : un 7 ans, Upper Class Hero (Querlybet Hero et l'internationale Intradella Z) et un 5 ans que j'ai élevé Ayrton K du Bois Philipp, frère utérin de Pinpante de Sohan que j'avais également monté. Puis d'autres chevaux que je possède avec Christian Backes, un propriétaire qui m'est fidèle depuis 10 ans. En plus de mon cheval de tête, Dark de la Hart, nous avons ensemble un fils de Dark de 2 ans, Deniro du Bois Philip, dont j'ai également monté la mère et la grand-mère ce qui est assez rare pour un cavalier, son frère utérin par Ugano Sitte et un 6 ans, Best of Opus Dei. »
Pour en revenir à Palaiseau, pourquoi y avez-vous été ? Comment s'est déroulé le concours ?
« C'est un concours très accueillant. Je m'étais renseigné près de plusieurs proches comme Gregory Wathelet, Fabienne Lange ou encore Jérôme Guery qui m'avaient tous dit que c'était un très beau concours ce que je peux confirmer aujourd'hui. La piste est assez difficile car relativement vallonnée avec une bonne pente et lorsqu'on se retrouve avec un oxer dans la montée ou un vertical dans la descente, cela rend les choses difficiles. Pour moi, c'était avant tout un très bon concours dans la formation de mon cheval actuellement car n'ayant que 8 ans, je veux lui faire faire des Grand Prix 2*. »
Premier à partir au barrage, c'était difficile à gérer ?
« Oui car il faut bien se rendre compte que je n'ai plus trop fait de barrages de vrais Grand Prix depuis plusieurs années… mais bon, à un moment donné lorsqu'on a la confiance dans son cheval, on ne se pose pas trop de questions et on y va ! Je n'avais pas envie de terminer 10 ème et j'avais envie de tenter un peu ma chance car je voulais faire un beau classement et mettre la pression sur les suivants d'autant que le barrage était assez long. Finalement, il n'a eu que deux doubles sans faute alors que le troisième avait un point de temps dépassé, tous les autres ayant fait 4 points. Finalement, je suis assez fier de ma prestation. »
Vous n'avez qu'un cheval et il n'a que 8 ans, comment allez-vous le gérer ?
« Là est toute la question. Je fais des statistiques avec mes amis. Je regarde par exemple le nombre de parcours que tel ou tel cheval à fait dans une année comme Bayard de la Villa Theresia qui a 8 ans avait quand même fait beaucoup de parcours ou Copin vd Broy qui en avait fait un peu moins comme il avait dû être un peu arrêté. Comme j'ai compté, les chevaux qui ont tourné pas mal font 50 parcours sur l'année hors barrage. Ce qui est quand même conséquent. C'est intéressant de voir que plus tard des chevaux comme Vigo ou Cumano ciblaient leurs concours et n'en faisaient plus que 27. Par rapport à cela, j'essaie de ne pas dépasser un quota de parcours.
Ici, après cette prestation-ci, j'ai décidé d'adapter mon calendrier. Au départ, j'avais pensé faire Palaiseau puis le national à Gesves mais finalement, je vais faire l'impasse sur Gesves qui est pourtant un très bon concours et je vais partir à Dinard pour le CSI 2* puis revenir en faisant étape au CSI 2* du Mans avant de le mettre au repos pendant 3 à 4 semaines, ce que je ne faisais pas tellement à 7 ans où j'allais à la limite plus au concours avec lui. Comme c'est un cheval solide qui a une très bonne santé, ça ne posait pas de problème mais je prends conscience qu'il faut quand même le ménager comme dit l'adage « Qui veut aller loin ménage sa monture ». Mon objectif cette année est de me concentrer sur les 2* car en principe, le Grand Prix ne peut pas dépasser 1,45m et 1,50m au barrage tandis que dans les 3*, c'est d'office 1m50 et les 5 derniers centimètres, on les sent.
Par contre, j'avais aussi comme objectif, suivant l'évolution et la forme du cheval à ce moment-là, de participer au championnat de Belgique à Lanaken car c'est en fin de saison. Ce n'est néanmoins pas vraiment un objectif en soi, mon seul objectif cette année reste la formation d'un vrai cheval de Grand Prix sur lequel je puisse continuer à compter. Actuellement, il est dans une phase où il montre qu'il sait faire des choses. Maintenant, il faut qu'il montre qu'il peut les répéter. »