Do It Easy, une réussite française mise en lumière par Kendra Claricia Brinkop
À neuf ans, le bien nommé Do It Easy a fait une véritable démonstration lors du CSIO 5* de Knokke, en juillet dernier. Piloté à la perfection par Kendra Claricia Brinkop, le Selle Français a crevé l’écran. Jamais sorti en France, le fils de Vigo Cécé et de l’excellente Fleur de Lisle, elle-même descendante de Laeken et mère de nombreux très bons chevaux d’obstacle, a fait ses armes en Espagne, d’abord aux rênes de Pedro Mateos, puis de la Finlandaise Sonia Hungerbühler et des Hispaniques Ismaël Garcia Roque et Sergio Alvarez Moya. Passé aux commandes de l’Italien Lorenzo de Luca l’espace de quelques mois seulement, l’attachant et amusant bai a finalement rejoint l’ancienne disciple de Marcus Ehning. Pétri de qualités, Do It Easy est bien parti pour se tailler une carrière internationale à sa hauteur et continuer à ravir son éleveur, Éric Geneste. Portrait.
Dès sa première année de monte, le regretté Vigo Cécé (SF, Quaprice Bois Margot, ex Quincy x Diamant de Semilly) avait séduit les éleveurs. Ainsi, en 2013, l’étalon a enregistré la naissance de soixante-dix-sept produits. Parmi eux se trouve bien sûr l’excellent Deuxcatsix d'Églefin, mais aussi Dalhousie du Mesnil, Danciaise du Bidou, Darling des Amusoires, Diego de Blondel ou encore Diabolo Collerie, tous indicés au-dessus de 135. De cette même génération, est également issu un certain Do It Easy. Exporté en Espagne à trois ans, jamais présenté en compétition en France et baptisé d’un nom à consonance anglophone, ce Selle Français, né chez Éric Geneste, pourrait presque passer inaperçu. Pourtant, en prenant le départ de son premier CSI 5*, début juillet, à Knokke, le bai a ébloui son monde. “Il est incroyable”, introduit sa cavalière, Kendra Claricia Brinkop, formatrice de pléthore de montures talentueuses. “C’est drôle, car depuis le concours de Knokke, où il a été fantastique, tout le monde parle de lui, me demande où il est et comment il va (rires).” En signant deux bons parcours dans la Coupe des nations (4+8), puis en terminant quatrième du Grand Prix dominical en raison d’une malheureuse touchette au barrage, le fils de Vigo Cécé a marqué les esprits. Pour une première à ce niveau, l’Allemande ne pouvait guère espérer mieux de son compagnon de route, âgé de seulement neuf ans. “Je ne veux pas dire que je m’attendais à un tel résultat, mais j’ai pris part au 5* parce que je savais qu’il en avait les capacités. C’est un cheval tellement talentueux que je n’ai pas été surprise. Je m’attendais à ce qu’il soit capable de sauter ces parcours, mais je l’aurais pardonné s’il avait commis une ou deux fautes. Le fait qu’il réalise une telle performance pour son premier Grand Prix Rolex est formidable”, reprend l’ancienne disciple de Marcus Ehning.
Une famille de gagnants
Avant d’éclore au plus haut niveau, Do It Easy a démarré sa vie dans les prairies d’Éric Geneste, cavalier amateur ayant évolué jusqu’à 1,50m et reconverti en éleveur émérite lors de la mise à la retraite de la très performante Fleur de Lisle. Cette fille de Laeken et Bergame de l’Isle, par Quito de Baussy, descend du très bon élevage d’Etienne Poisson. Parmi les ascendants de la Selle Français, plusieurs chevaux se sont montrés compétitifs, à l’image de Kisba (Uriel), Quen Dira T’On (Uriel), Un Rêve de Lisle (Kashmir van’t Schuttershof), Gaur de Kerser (Saphir Rouge II), Folka du Parc (Laudanum, PS), et surtout de Quabri de l’Isle (Socrate de Chivré), dont la grand-mère, Framboise, est également présente en quatrième génération dans la souche de Do It Easy.
D’abord montée en France, Fleur de Lisle, la mère de la nouvelle star de Kendra Claricia Brinkop, évolue jusqu’à un bon niveau, avec son propriétaire, qui l’a conduit jusqu’à 1,50m et en CSI 2*, mais aussi avec Alice et Guy Jonqueres d’Oriola. Vendue en Espagne à la fin des années 2000, la belle poursuit sa carrière jusqu’en épreuves Coupe du monde et participe même aux Jeux équestres méditerranéens. Une fois sa carrière sportive achevée, la fille de Laeken retrouve Éric Geneste, pour se consacrer à une seconde vie. “Quelque part, Fleur de Lisle était une fantastique reproductrice. Je n’avais jamais fait d’élevage avant. Lorsque j’ai eu l’occasion de la récupérer, je me suis dit que s’il fallait que je fasse naître des poulains une fois dans ma vie, il fallait que ce soit avec cette jument”, raconte le passionné. “Elle était faite en mère et provenait de la bonne souche d’Etienne Poisson. Je n’ai pas eu une mauvaise idée le jour où je me suis lancé dans l’élevage avec elle !”
Pour son premier poulain, Fleur de Lisle est inséminée de Diamant de Semilly. Naîtra en 2009, par transfert d’embryon, Votez Diamant, monté par Audrey Teixidor, Armand Darragon, Bérenger Oudin et Romain Basmaison à quatre, cinq, six et sept ans, et désormais sous selle amateur après avoir évolué jusqu’à 1,35m aux côtés de Claire Geneste et Thibault Jouanneteau. L’année suivante, ce sont Allumeuse (Diamant de Semilly), Absolute Dream (Diamant de Semilly) et Accroche Toi (Baloubet du Rouet) qui perpétuent la lignée de la toute bonne Selle Français. Un temps confiés à Armand Darragon, à la tête de l’écurie AD Jump, puis à Romain Basmaison, Bérenger Oudin ou Alexandra Francart, les trois frères ont fait bonne figure jusqu’à 1,45m et plus. Accroche Toi, conservé entier jusqu’à ses six ans et à l’origine de quelques poulains prometteurs, permet même à Thibeau Jouanneteau de faire ses armes en Grands Prix à 1,50m.
“La jument a très bien produit. Tous ses descendants ont sauté au bas beau 1,40m”, souligne Éric Geneste, qui a fait naître huit poulains et pouliches avec son ancienne jument de concours. En 2011, deux ans avant de donner Do It Easy, Fleur de Lisle a engendré Bugs Bunny (Idéal de la Loge), vu jusqu’en Grands Prix 2*. Évidence de Chamicy (Qlassic Bois Margot), née en 2014, sera la dernière pépite de la toute bonne fille de Laeken. En parallèle d’une bonne carrière nationale de saut d’obstacles, où elle s’est déjà confrontée à des parcours à 1,40m, la petite baie s’attache à poursuivre la dynastie de sa mère et a déjà donné un poulain par Norman Pré Noir (SF, Carthago x Trésor de Cheux), In The Air, en 2018. “J’ai également récupéré Allumeuse à l’élevage. C’est une jument faite en mère. L’an dernier, elle nous a donné un très joli poulain par Candy de Nantuel (SF, Luidam x Diamant de Semilly). Avec Évidence, cela nous fait deux juments pour faire perdurer la souche”, sourit Éric Geneste.
Des débuts tumultueux
Contrairement à sa fratrie, donc, Do It Easy n’aura jamais foulé un terrain de compétition en France. Pour autant, cela n’a pas freiné l’éclosion de ce talentueux Selle Français. “L’histoire du croisement de Do It Easy est assez sympathique. À ce moment-là, j’habitais dans l’Aisne. Un jour, j’ai appelé Christophe Choain, un bon ami, en lui disant que j’allais croiser Fleur de Lisle avec un produit de chez lui, puisque Vigo Cécé est le fils de Lady Pouilly, une très bonne jument qu’avait Christophe en même temps que moi. Je connaissais sa jument par cœur, qui comptait dans son papier Ballerine III, d’où provient, entre autres, la célèbre souche du Château (ayant notamment donné le crack Itôt du Château, pour ne citer que lui, ndlr). Je lui avais alors dit : ‘si on croise nos deux meilleures juments ensemble, on ne doit pouvoir faire qu’un bon cheval’ (rires). Finalement, nous avions raison et cela a donné un très bon cheval”, révèle l’éleveur. “J’avais choisi Vigo parce que je savais que sa mère était vraiment talentueuse.”
Pour autant, les débuts de Do It Easy ne sont pas si easy que cela et le hongre révèle un fort caractère. “Il était très délicat”, se souvient son naisseur. “Il a été débourré par Bérenger Oudin et déjà, il se montrait assez difficile. Il me semblait assez peu taillé pour un cavalier amateur. Comme je manquais de place à ce moment-là, j’ai décidé de le vendre à trois ans. Nous l’avions très peu testé sur les barres, mais, en liberté, il se montrait très souple et sautait très fort et très bien.” Le fils de Vigo Cécé trouve alors un point de chute du côté de l’Espagne. Là-bas, il sera monté par un représentant hispanique, Pedro Mateos, sur des épreuves nationales, avant d’être vendu, fin 2018, à Sonia Hungerbühler. L’amazone suisse, qui monte sous couleurs finlandaises, a lancé son protégé sur la scène internationale l’année suivante, jusqu’à 1,20m. Après quelques parcours ensemble, le duo se sépare et Sergio Alvarez Moya récupère le bai dans ses écuries et en confie les rênes à Ismaël Garcia Roque, très bon pilote ayant d’ailleurs participé aux derniers championnats du monde, à Herning. Après une année 2020 marquée par la pandémie de Covid-19, Do It Easy prend part à quelques épreuves à 1,40m puis s’envole direction la Belgique, où Stéphane Conter, patron des écuries Stephex, en fait l’acquisition. “Pedro Mateos, à qui j’avais vendu Do It Easy m’a donné des nouvelles assez régulièrement. Il me disait qu’il sautait bien, voire très bien, et qu’il pensait qu’il irait au moins jusqu’à 1,50m. Cependant, il restait délicat et les cavaliers avaient un peu de mal à tenir dessus. Il était un peu rigide dans sa façon de sauter”, complète Éric Geneste.
L’avènement signé Kendra
Une fois dans ses nouvelles écuries, le Selle Français passe sous la selle de Lorenzo de Luca. Mais pas pour longtemps ! Après seulement quelques mois, l’Italien embrasse un nouveau projet et rejoint les écuries Poden Farms. “Do It Easy est arrivé d’Espagne. Initialement, il était un cheval de commerce, duquel on n’attendait pas grand-chose. Nous l’avons essayé et tout était bien. Nous sommes dit que c’était un bon cheval. En fait, j’aurais adoré le monter dès le départ. Mais, lorsqu’il est arrivé, Lorenzo était encore là et l’a eu en premier. Ensuite, j’ai eu de la chance. Lorsqu’il est parti, nous avons dû partager ses chevaux et j’ai dit ‘j’aimerai avoir celui-ci, celui-là et celui-là’. Do It Easy en faisait partie. Directement, je l’ai emmené à Oliva Nova, en Espagne. Il avait huit ans et n’était pas très expérimenté. Nous avons commencé doucement, mais il a directement remporté un Grand Prix 1* là-bas et c’est comme ça que tout a commencé. Je l’ai aimé dès le début”, retrace l’Allemande.
Alors que le Selle Français n’avait participé qu’à une poignée d’épreuves à 1,40m en 2021, tout s’est accéléré cette année. “Lorsque j’ai commencé à le monter, son équilibre n’était pas parfait. Il était un peu sur les épaules, ce qui rendait son geste des postérieurs spectaculaire, presque trop. Par conséquent, ses antérieurs étaient parfois un peu trop bas, et, à la réception, j’avais l’impression d’être trop près des obstacles. J’ai travaillé un peu là-dessus et ce problème n’est plus perceptible. C’est un cheval différent. Je ne pense plus à son équilibre, qui est parfait. Il s’est musclé et sa condition s’est améliorée. Il n’a plus de défaut !”, s’enthousiasme Kendra Claricia Brinkop. Et de reprendre : “Sa qualité principale ? Ses moyens ! Il peut sauter haut avec une aisance déconcertante, c’est incroyable. On comprend tous pourquoi il porte ce nom ! Il est très respectueux, mais aussi très intelligent en piste, ce que je trouve très important. Il pense vraiment aux obstacles et aux distances. Tout est facile avec ce cheval. Cela m’impressionne beaucoup. Je crois que je n’ai jamais eu un cheval que je puisse monter si facilement. J’ai beaucoup de chance.”
Fier de son ancien protégé, qui met en lumière son élevage, Éric Geneste ne pouvait pas rêver meilleure cavalière. “Je le vois évoluer de loin avec grand plaisir. Je pense qu’il a l’une des meilleures pilotes du monde sur le dos. En six mois, l’évolution qu’il a connue est bluffante. La façon dont Kendra le monte est assez extraordinaire. Elle l’a fait progresser à une vitesse folle. Il est passé de 1,45 à 1,60m sans qu’on ait le temps de le dire, le tout à seulement neuf ans. Do It Easy a la force, les moyens et la souplesse. J’ai le sentiment qu’il est promis à un assez bel avenir”, prédit l’éleveur. “J’avais vu quelques-uns de ses parcours en début d’année. Il manquait un tout petit peu de recul et pouvait parfois partir avec ses épaules en dessous et commettre rapidement une faute. Kendra a une telle souplesse dans les épaules et dans les mains, et parvient à le redresser et à le remettre parfaitement sur les hanches pour lui donner de la verticalité. Il a en plus une poussée extraordinaire. La qualité était là, mais la vraie différence réside dans le fait qu’il n’a été monté que par des bons pilotes. Pourvu que Kendra continue à percer, parce que j’irai bien le voir dans de jolis concours !”
Une personnalité amusante et l’avenir devant lui
En plus d’être grandement talentueux, Do It Easy se révèle particulièrement amusant au quotidien. Sa cavalière ne peut s’empêcher de sourire en évoquant son complice. “Vous lui donnez un moment, ses oreilles sont pointées vers l’avant. Vous arrêtez, ses oreilles retournent en arrière et il est contrarié. À partir du moment où vous lui donnez quelque chose à manger, il est heureux”, plaisante l’Allemande. “Il est super mignon, mais parfois il vous fait comprendre qu’il n’a pas envie que vous le caressiez, par exemple. Et quand on distribue la nourriture aux écuries, s’il nous voit, il fait des petits 'uh uh' et vous crie presque dessus. Il a beaucoup de puissance et aime aussi s’exprimer quand on le monte. Parfois, quand quelque chose bouge, il commence à ruer de joie et perd sa concentration. C’était un problème au début, parce qu’il aime bien observer tout ce qui se passe autour de lui. Il est vraiment extrêmement drôle.”
Pour garder son petit bai si expressif et bien dans ses sabots, Kendra Claricia Brinkop et ses équipes n’hésitent pas à lui proposer des activités aussi diverses que variées. Chaque jour, il profite ainsi d’au moins trois sorties, entre le marcheur, les sorties au pré, et une séance de travail. “Il va au champ pendant un peu plus d’une heure. S’il y reste plus longtemps, il devient trop gros (rires). L’herbe est trop verte chez nous !”, s’exclame l’amazone dans un éclat de rire. “Il aime bien aller sur la piste de galop. J’y vais de temps en temps pour entretenir sa condition et galoper un peu plus vite. Ce n’est pas toujours moi qui le monte, j’aime bien que ce soit mon cavalier maison qui s’en charge également. Il va aussi en forêt, afin de voir différents endroits.”
Tous les ingrédients semblent définitivement réunis pour que Do It Easy connaisse une longue et faste carrière. Pour l’heure, sa cavalière préfère prendre son temps, en raison du manque d’expérience de son complice, de son jeune âge, mais aussi pour son bien-être physique et moral. “Je ne l’ai pas amené à Dinard, même si j’aurais adoré disputer le 5*, et qu’il en aurait sûrement été capable. Il n’a que neuf ans et je ne veux pas lui en demander trop, trop tôt. Pour moi, cela fait partie du bien-être animal et de son respect. Il ne faut pas pousser les chevaux. Il participera ainsi à un 4* (à Pinneberg, où il a accusé trois fautes dans le Grand Prix, ndlr), puis il aura deux semaines de repos avant les Bruxelles Masters, chez nous, où il devrait prendre part au 5*”, détaille la cavalière, qui espère pouvoir poursuivre aussi longtemps que possible son aventure aux côtés du bien nommé Do It Easy. “Nous sommes bien sûr une écurie de commerce, mais pour l’heure, je crois qu’il est bien de motiver mon boss avec de bons résultats. Si cela continue de fonctionner aussi bien, il sera sûrement enclin à nous voir aller un peu plus loin dans le sport.” Croisons les doigts.
Crédit photo : © Sportfot. Photo à la Une : Kendra Claricia Brinkop et Do It Easy à Knokke.