Di Lampard décrypte la remarquable réussite de l’équipe britannique (1/2)
D’abord cavalière émérite, Di Lampard fait partie de l’encadrement technique de l’équipe britannique de saut obstacles depuis bientôt trente ans. Si elle a d’abord pris sous son aile les équipes Jeunes, au sein desquelles figuraient déjà des Ben Maher et autres Robert Whitaker, la sympathique Anglaise de soixante-huit ans est devenue sélectionneuse nationale en 2011, aux côtés de Rob Hoekstra, et n’a plus jamais lâché les rênes depuis. Désormais épaulée par le Belge Stanny Van Paeschen, soutien technique, moral et intellectuel précieux, Di Lampard fait partie des très grandes figures du paysage équestre mondial. Au fil des années, cette dynamique et passionnée femme de cheval, dont la longévité, la passion et la détermination forcent le respect, a mené son collectif au Graal olympique par deux fois, à Londres en 2012, puis à Paris, l’été dernier. À force de travail, de patience et de confiance, l’Union Jack est devenu l’un des drapeaux les plus remarquables et redoutables lors des grands rendez-vous et n’a pas manqué de flotter haut ces dix-huit derniers mois. Décryptage.
À soixante-huit ans, Di Lampard a su conserver une flamme intacte pour les chevaux et le monde du saut d’obstacles. Éminente figure du clan britannique, cette ancienne cavalière de très haut niveau est désormais la colonne vertébrale de son équipe nationale en tant que cheffe d’équipe et sélectionneuse. Les médailles d’or à Londres en 2012 puis à Paris en 2024 ? Elle était là, aux premières loges. Le titre de l’équipe Poney aux Européens du Touquet, en 1998 ? Elle était là aussi, transmettant son savoir et ses connaissances à Samantha Backstrom, Angelena Moore mais aussi, et surtout, à Ben Maher et Robert Whitaker. Aujourd’hui, tous deux répondent encore et toujours présent lorsque leur ancienne coach les appelle et leur demande de défendre les couleurs de l’Union Jack en Coupe des nations. Ils étaient d’ailleurs au départ de l’épreuve collective du CHIO d’Aix-la-Chapelle, en juillet, entourés d’un autre pilier, Scott Brash, et de la jeune et brillante Georgia Tame. Cinquième, Adrian Whiteway vivait son premier concours de niveau 5* cette même semaine. Savoir donner leur chance aux jeunes et aux figures montantes, voilà sans doute l’un des nombreux secrets de la réussite de Di Lampard. “Georgia est une excellente cavalière. Peu importe qu’il s’agisse d’Aix-la-Chapelle ou d’un autre concours : elle méritait sa place. Et que dire de la saison d’Adrian ? Nous le suivons de longue date et il n’a rien manqué depuis le CSIO 4* de Sopot. Il a été un équipier formidable tout au long de l’année et il méritait vraiment de venir à Barcelone (où il n’a concouru qu’en individuel, ndlr)”, résume la franche et dynamique sexagénaire.

Avant d'être une cheffe d'équipe hors pair, Di Lampard a été une cavalière remarquable. © Scoopdyga
Dix-huit mois de bonheur
Décidément à son aise sous l’air espagnol, après avoir ramené deux médailles d’argent - une individuelle et une collective - des championnats d’Europe de La Corogne, l’équipe britannique avait coché la finale de la Ligue des nations Longines sur son calendrier. Et la composition d’équipe ne laissait pas de place au doute : Scott Brash et Jerenmias van het Hulstenhof, alias Hello Jefferson, peut-être dans la forme de sa carrière cette saison, Harry Charles, associé à son tout bon Novio vd Donkhoeve, alias Sherlock, Ben Maher, aux rênes d’Enjeu de Grisien, et Donald Whitaker sur Millfield Colette formaient le quatuor de Di Lampard dans la capitale catalane. Avec les trois cavaliers médaillés d’or devant le château de Versailles, et le couple montant formé par Donald Whitaker et sa géniale grise, un autre résultat que la victoire aurait presque été une déception. “Sur le papier, notre équipe était très solide, mais cela ne fait pas tout”, tempère la cheffe d’équipe, qui ne tait pas son admiration pour ses cavaliers. “Je l’ai déjà dit, mais avec Scott, Harry et Ben, je peux compter sur trois des meilleurs cavaliers du monde. Et puis, cette saison, Donald et Millfield Colette ont aussi montré que l’on pouvait compter sur eux.” À Barcelone, les plus grands adversaires des Britanniques étaient sans doute les Belges, qui les avaient vaincus quelques mois plus tôt à La Corogne. Peter Weinberg avait quasiment reconduit la même équipe, seuls Grégory Wathelet et Bond Jamesbond de Hay ayant suppléé Pieter Devos et Casual DV, qui traversent une période de turbulence depuis quelque temps. Mais finalement, les Diables Rouges ne sont pas parvenus à ravir une nouvelle première place. Il aura une nouvelle fois fallu les nerfs d’acier de Scott Brash pour remporter un barrage face à l’Irlande. Comme beaucoup d’autres équipes lors ce rendez-vous, le clan de l’île d’Emeraude ne semblait pas être le plus redoutable de l’année. “Je dirai plutôt que les chefs d’équipe ont constitué leurs compositions avec les meilleurs couples disponibles à ce moment-là. Il n’est pas toujours évident de jongler avec les intérêts personnels de tous les cavaliers. Il y a beaucoup d’autres circuits, parfois plus lucratifs, et en tant que chefs d’équipe, nous devons aussi entendre cela”, rebondit Di Lampard.

L'équipe britannique s'est parée d'argent aux championnats d'Europe de La Corogne. © Scoopdyga
En un an et demi, tout a souri aux représentants britanniques. Du titre olympique, en passant par la finale de la Coupe du monde Longines, au printemps à Bâle et dont Ben Maher prenait la deuxième place avec Point Break, sans oublier les championnats d’Europe de La Corogne, les exploits individuels de Scott Brash, vainqueur de six Grands Prix 5* avec trois chevaux différents - Hello*Folie de Nantuel, Hello Jefferson et Hello*Chadora Lady PS -, ainsi que la saison des Coupes des nations, rien ne leur a échappé. Car avant de briller à Barcelone, les femmes et hommes de Di Lampard avaient déjà donné le ton en se hissant sur le podium à Rotterdam, Aix-la-Chapelle, Hickstead, puis en s’imposant à Calgary et Gassin. “Barcelone était assurément l’un de nos objectifs majeurs de la saison. L’an dernier, nous étions totalement focalisés sur les Jeux olympiques et ne nous étions pas qualifiés pour la finale du circuit de la Ligue des nations, ce qui nous a donné d’autant plus envie de bien y figurer cette année. Déjà depuis Rotterdam, nous nous sommes concentrés sur le CSIO 5* de Barcelone et avons tenté d’anticiper au mieux ce rendez-vous pour les cavaliers, les chevaux et les propriétaires. Entre temps, il y a aussi eu les championnats d’Europe et le CSIO 5* de Calgary, qui ont été deux moments forts de l’année 2025 pour la Grande-Bretagne”, reprend Di Lampard avec le sourire.

L'équipe britannique a de nouveau vécu des émotions fortes à Barcelone, à l'occasion de la finale de la Ligue des nations Longines. © Sportfot
La vision à long terme de la cheffe d’équipe et de son encadrement technique a de quoi impressionner. “À l’heure où nous parlons, les hôtels sont déjà réservés pour les Jeux olympiques de Los Angeles”, glisse-t-elle. Cette anticipation et cette organisation sont sans doute d’autres clefs de la réussite de l’Union Jack ces dernières saisons. Rien n’est laissé au hasard. Coup de téléphone après coup de téléphone, Di jongle avec les obligations de chacun, cible ses objectifs et se donne les moyens de les atteindre dans un pic de forme parfait. Ses échanges constants, nombreux et constructifs avec toutes les parties prenantes du sport sont aussi un élément non négligeable de la recette. “Je base mes sélections sur les couples plus que les cavaliers. Certains cavaliers, comme Robert Murphy par exemple, n’ont pas forcément les chevaux pour concourir au plus haut niveau. Robert faisait partie de l’équipe à Abou Dabi, mais son tout bon cheval, Kannem, a été vendu et il n’avait malheureusement pas d’autre monture pour prendre la relève. J’échange avec les différents cavaliers et leurs propriétaires afin d’organiser et anticiper au mieux la saison en fonction des divers circuits”, décortique la cheffe d’équipe.
Des bases infrangibles construites avec patience et perspicacité
Si la médaille d’or décrochée à Paris a décuplé encore davantage l’attrait et l’intérêt de tous les Britanniques pour leur équipe nationale, l’envie et le bonheur de porter la veste bleue à col rouge découlent surtout d’un travail entamé il y a plus d’une dizaine d’années. À cette époque, l’unité et la réussite collective de l’équipe nationale étaient moins évidentes, faisant émerger nombre de critiques. Mais Di Lampard a tenu les rênes, avec courage et ardeur. En 2015, sa promotion au rang de Performance Manager avait un but : assurer la qualification de la Grande-Bretagne aux Jeux olympiques de Rio, un an plus tard. Mission accomplie. “Aux championnats d’Europe d’Aix-la-Chapelle, en 2015, nous n’avions plus le choix. Nous avons terminé quatrièmes, à un rien du podium, et décroché notre ticket pour Rio”, se souvient-elle. Un an plus tard, si le sacre de Nick Skelton et What A Quickstar R, alias Big Star, émeut la planète équestre dans son ensemble, la douzième place de l’équipe est un véritable revers. Pour tenter de remobiliser son effectif, Di Lampard prend une décision radicale, qui fait couler beaucoup d’encre. “J’avais deux options : envoyer une équipe aux Européens de Göteborg en 2017 en sachant que nous ne serions probablement pas à la hauteur, ou laisser tout le monde à la maison. Quoique je fasse, j’aurais eu tort aux yeux des gens. J’ai finalement décidé de retirer la Grande-Bretagne de ce championnat. De nombreuses critiques ont été proférées à l’encontre de ce choix. Cela n’a pas été une décision facile, mais elle était nécessaire. Je devais envoyer un signal fort pour remobiliser tout le monde. À cette époque, nous manquions cruellement de couples capables d’affronter un tel rendez-vous”, se souvient-elle. Et la défaillance de son équipe va même plus loin. “Nous ne recevions même plus d’invitations pour participer aux CSIO 5*. Les organisateurs préféraient choisir d’autres nations plus performantes, ce qui est légitime”, ajoute la Britannique, qui est alors dos au mur.
Di Lampard a construit son succès au fil des années. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Femme de caractère s’il en est, Di Lampard ne renonce pas. Au contraire. Elle redouble d’efforts et les voit porter leurs fruits. “Cela a été un travail au long court, qui a demandé du temps, pas loin de dix ans”, souligne-t-elle. Ce chemin, gravit patiemment, permet aujourd’hui à la Grande-Bretagne de s’appuyer sur des fondations infrangibles. “Connaître mes cavaliers depuis si longtemps est un avantage énorme. Quelqu’un comme Ben Maher a toujours, toujours répondu présent pour moi. C’est une chance inestimable”, reconnaît la cheffe d’équipe, qui salue aussi le travail des équipes qui l’entourent. “L’apport technique de Stanny van Paesschen est remarquable. C’est un super binôme pour moi, avec lequel je peux échanger et qui me challenge.”
La seconde partie de cet article est disponible ici.
Photo à la Une : Depuis de longues années, Di Lampard est la colonne vertébrale de l'équipe britannique de saut d'obstacles. © Martin Dokoupil / FEI







