“Deuxcatsix a tout ce que l’on recherche pour le grand sport”, Benoit Cernin (2/3)
Issu de la très bonne génération des “D” née en France en 2013, Deuxcatsix d'Églefin commence à pointer le bout de son nez à très haut niveau. Né au cœur de la Normandie, ce puissant étalon aux moyens illimités a confirmé tous les espoirs placés en lui lors de son premier Grand Prix 4*, à Bourg-en-Bresse, fin mai. Acquis par la famille Pellegrin en vue des Jeux olympiques de Paris 2024, le bai a changé de pilote, pour rejoindre Benoit Cernin, mais pas d’objectif. Avec sa souche imprégnée du bon sang Anglo-arabe, et ses qualités indéniables, Deuxcatsix a tout pour réussir, tant dans le sport qu’à l’élevage, où ses premiers produits viennent tout juste de souffler leur troisième bougie. Marie Pellegrin, sa propriétaire, Benoit Cernin, son cavalier et Claudine Digard, sa naisseuse, livrent avec passion leurs sentiments sur ce cheval, qui ne laisse définitivement personne indifférent.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
“Je n’y arrivais tout simplement pas. Il avait trop de tout pour moi”, concède en toute franchise Marie Pellegrin, dépassée par son prometteur Deuxcatsix d’Eglefin. “En plus, c’est un étalon. J’avoue que je crée plus facilement une affinité avec les juments ou les hongres. Deuxcatsix demande de s’imposer fermement, mais avec justesse. Je n’arrivais pas toujours à avoir les bons dosages. J’ai eu du mal à créer une connexion avec lui et je ne suis pas parvenue à en faire un copain. Pour qu’un cheval vous donne en piste, il faut qu’il soit à 100% avec vous et ce n’était pas le cas avec moi. Je crois dur comme fer en lui et je me suis alors dit qu’il était criminel de vouloir à tout prix réussir à faire quelque chose avec lui sous ma selle, uniquement par pêché d’orgueil.” L’amazone décide donc de confier les rênes de son talentueux étalon bai à Benoit Cernin. “Deuxcatsix est un cheval extraordinaire et Benoit est un cavalier qui sort du lot. Je le vois comme le nouvel Éric Navet. C’est un crack cavalier, capable de monter n’importe quel cheval. C’est aussi un homme de cheval hors pair et une belle personne humainement parlant”, justifie Marie. “C’est la première fois que je ne parviens pas à atteindre mes objectifs avec un cheval et que je décide de le confier à un autre cavalier. Autant dire que le choix de Benoit ne s’est pas fait à la légère. Lui et moi partageons le même ressenti par rapport aux chevaux, les mêmes idées. Il a ma totale confiance. Et, par mon expérience du haut niveau, je l’aide également dès que je peux, en lui prodiguant quelques conseils techniques lorsqu’il en ressent le besoin.” À ce titre, Benoit et l’écurie Galoubet ont décidé d’aller plus loin dans leur collaboration. Le Saône-et-Loirien sera ainsi amené à monter d’autres chevaux appartenant à la famille Pellegrin, dans un but commercial. Ainsi, au début du mois de juillet, le champion de France 2019 a remporté le Grand Prix 2* de Vichy avec… Boréale de Fondcombe (SF, Tinka’s Boy x Calvaro), jusqu’alors montée par Marie.
“Le seul défaut de Deuxcatsix ? Qu’il ne soit pas à moi !” Benoit Cernin
“Marie m’a expliqué, avec beaucoup d’humilité, qu’elle ne parvenait pas à trouver les bons boutons avec Deuxcatsix et m’a proposé de le prendre sous ma selle. Je l’ai essayé à Sainte Cécile, et je suis reparti dans la foulée avec lui dans mon camion”, retrace à son tour Benoit. À son arrivée dans ses nouvelles écuries, le beau bai n’a pas encore le physique qu’on lui connaît aujourd’hui. “Cela fait écho au fait de devoir se projeter lorsque l’on achète un jeune cheval. Deuxcatsix a énormément changé, ne serait-ce qu’au cours des deux dernières années. Nicolas Belin, mon ostéopathe, me disait que son garrot n’était pas encore sorti à huit ans. Son squelette n’était donc pas encore fixé. Il était primordial de respecter sa croissance et de savoir être patient pour le laisser continuer de grandir. Avec Benoit, nous avons senti le cheval franchir un cap cette année. Il a énormément changé et les performances sont devenues plus régulières”, analyse Marie, rejointe sur ce point par Benoit. “Aujourd’hui encore, Deuxcatsix n’est pas à l’optimum de ses capacités physiques, car sa croissance n’est pas encore totalement terminée. En revanche, il est très mature dans son attitude, toujours constant, régulier dans le travail, à la maison comme au concours. Il faut donc maintenant que son corps soit aussi mûr que sa tête. En comparaison, Uitlanders (du Ter, son ancien complice lui ayant permis d’être sacré champion de France en 2019, ndlr) était beaucoup plus compliqué. Il est arrivé à cinq ans à la maison, et il n’avait aucune confiance en lui. Stressé de nature, il a fallu construire son mode d’emploi de A à Z. Deuxcatsix est plus facile dans son fonctionnement”, note le pilote. “Deuxcatsix a bien plus de sang qu’il ne le laisse entrevoir, du fait de son côté très sûr de lui. Il a tout ce qu’on recherche pour le grand sport. Honnêtement, son seul défaut, c’est qu’il ne soit pas à moi (rires). Sincèrement, Deuxcatsix, c’est vraiment quelque chose. Par exemple, en ce moment, j’ai eu l’occasion d’essayer d’excellents chevaux, mais à côté de lui, j’ai l’impression qu’ils n’ont pas de moyens !”
Le barrage du duo dans le Grand Prix 4* de Bourg-en-Bresse.
Ainsi, 2021 est appréhendée comme une année de préparation sur 1,45m. Cette année est aussi marquée par les premiers départs sur 1,50m de l’étalon, avec de belles performances à la clé, notamment au CSI 2* de l’Hubside Jumping de Grimaud, où le couple remporte une épreuve à 1,40m, puis sur les étapes du Grand National FFE/AC-Print, à Mâcon Chaintré et au Mans, support de la finale du circuit fédéral. En 2022, l’apprentissage continue et les résultats suivent. Gagnant du Grand Prix Pro 1 à 1,45m de Vichy, le couple se classe quatrième de la première étape des championnats de France Pro Elite de Fontainebleau, en avril, avant que cheval comme cavalier ne signent leur meilleure performance lors du Jumping International de Bourg-en-Bresse, terminant troisième du Grand Prix 4*. “Notre début de saison 2022 a été épique”, confie Benoit. “Deuxcatsix devait revenir après avoir fait la monte en Normandie. Mais, finalement, il est resté cinq semaines supplémentaires au centre. La monte n’est pas anodine pour un étalon et à son retour, nous avons décidé, avec Marie, de lui accorder un peu de temps. Il en avait besoin. Au moment de me remettre en selle, ma carrière est devenue impraticable à cause d’un gros épisode de gel. Puis, je me suis retrouvé alité à cause du Covid… Bref, nous n’avons donc pu faire que deux petites séances de saut à la maison avant de partir à Royan. Et le cheval était directement dans le coup.” Pour preuve, le duo termine directement deuxième d’une épreuve à 1,45m, avant de poursuivre sur la suite de la saison. Pourtant, malgré les capacités hors-norme qu’il dégage, l’étalon reste en phase d’apprentissage. “Deuxcatsix est un cheval extrêmement sûr de lui, par sa force, sa souplesse et sa grande action. Cependant, il a encore le défaut de ses qualités. Sa faute en seconde manche du championnat de France Pro Élite sur le vertical après la rivière est l’illustration parfaite du travail que nous poursuivons avec lui, car si on doit l’actionner sur un obstacle large et qu’un vertical léger suit, Deuxcatsix se montre tellement sûr de lui qu’il est encore difficile de le reprendre totalement”, reprend Marie. “De ce fait, nous devons encore le routiner sur ces hauteurs. Il a besoin d’apprendre et le travail en piste l’aide beaucoup. Benoit et moi sommes confiants, car en plus de ses aptitudes physiques, ce cheval est très intelligent. Par exemple, à la maison, il ne se fatiguera jamais pour rien. Pour un étalon, il reste très simple dans le tempérament, très froid dans sa tête, à s’économiser.”
La troisième et dernière partie de cet article est disponible ici.
Photo à la Une : Le beau Deuxcatsix d'Eglefin, dans ses écuries. © Thomas Danet
Thomas Danet