Lyon 2014
La Finale - épisode 3:
Deusser sur le toit du monde. Plus que deux parcours pour départager les 27 derniers candidats à la Coupe du monde de saut d'obstacles 2014, après les forfaits de Patrice Delaveau, Billy Twomey et Kent Farrington. Avec trois combinaisons (un triple et deux doubles) se succédant en milieu de parcours de l'obstacle numéro 6 au 9, sans oublier mur, spa, palanque et autre oxer sur bidet, autant dire qu'il y aura du fil à retordre pour accéder au trône. Les trois premiers couples à s'élancer (Kristaps Neretnieks / Conte Bellini, Lucy Davis / Barron et Charlie Jacobs / Flaming Star), en queue de classement, s'en sortent avec une barre chacun, sur trois obstacles différents, montrant que c'est possible, même si l'attention est requise à chaque instant. Alors que Malin Baryard-Johnsson et son splendide H&M Tornesch 1042 jettent l'éponge après trois fautes, dont deux dans le triple aux bulles multicolores, le cavalier égyptien Nayel Nassar boucle le premier sans-faute aux rênes de Lordan en 75"12, dans le temps accordé de 76"00. Après deux touchettes dans le triple, il y aura finalement une barre en entrée du double aux fleurs de lys pour Jamal Rahimov et Warrior, alors que, très frais et haut, l'éblouissant First Devision fera quand même deux fautes et un point de temps aux rênes de Yuri Mansur Guerios. 13 points, c'est le score de Lars Nieberg / Leonie W, Simon Delestre / Valentino Velvet et Luciana Diniz / Fit For Fun 13, tandis que la jeune américaine Katherine A. Dinan, après déjà deux magnifiques parcours vendredi et samedi, mais avec une petite faute ci ou là, signe enfin un incroyable sans-faute. Les sauts du fils de Scherif d'Elle, tellement hauts sur le début du parcours, auront laissé le public lyonnais bouche bée. Bonne remontée également de l'étalon Quickly de Kreisker, une faute en sortie du double Longines, entre quelques ruades, mieux gérées que le samedi. Pour Kevin Staut, une frayeur sur le mur numéro 1 aux couleurs de Airbus Group où les briques sont restées en équilibre, comme pour son camarade Simon Delestre, mais Silvana HDC n'est pas dans le coup et sort de piste avec deux barres à terre. 8 points également pour Charlie Jayne et l'excellent Chill R Z, 5 points pour Michael Whitaker et Viking, 9 encore pour Edwina Tops-Alexander qui aura tenté de galoper un peu plus avec un Ego van Orti toujours collé au mors. C'est finalement un américain qui signera le troisième sans-faute : malgré quelques touchettes, le contrat est rempli pour McLain Ward et Rothchild, en tout juste 75"51. Tic-Tac du Seigneur aura encore été brillant sous la selle de Leslie Burr-Howard, malheureusement une entrée de triple pas optimale coûte deux fautes au sympathique couple. Une erreur qui ne sera pas commise par les deux cavaliers suivants : le maître Marcus Ehning, un des quatre membres du cercle très fermé des triples vainqueurs de la finale de la Coupe du monde, ne laisse rien au hasard avec Cornado NRW, soignant particulièrement la courbe pour entrer dans le premier double, et hop sans-faute en 75"31 ! Et le leader de la Longines ranking-list, Scott Brash, s'emplye d'un bout à l'autre du parcours. Ursula XII répond présente, mettant juste un peu de suspense sur le numéro 13. Des surprises, il peut y avoir même à la toute fin de cette première manche, lorsque l'imprévisible Aragon dérobe purement et simplement sur ce fameux double, avant de fauter sur l'oxer aux couleurs du Haras des Grillons… sans compter les pénalités de temps dépassé : 12 points ! Il aura montré son talent épreuve après épreuve, et ne s'arrête pas en si bon chemin. Maikel van der Vleuten mène de main de maître son beau bai VDL Groep Verdi NOP vers le sans-faute… malheureusement, un peu trop prudent, il se fait piéger par le chronomètre pour 8 centièmes de seconde de trop passé sur le parcours. Petit grimace en sortant de piste. Pour Elisabeth Madden, c'est un peu le bazard à bord de Simon. Après une touchette sur l'oxer des Bouchons lyonnais, la barre tombe en milieu de triple. Avant-dernier cavalier allemand en piste, Ludger Beerbaum n'est certainement pas venu pour faire de la figuration. Lui aussi craint le double numéro 6, recale Chiara 222 à l'entrée et touche la sortie, mais ça tient… et après encore un petit sursis sur les palanques de L'Eperon, c'est le sans-faute. Victime de l'oxer CWD, Pius Schwizer et Toulago sortent avec 4 points, tandis que Daniel Deusser réalise le parcours parfait avec Cornet d'Amour. Près du 2, touchette sur l'entrée du double Longines, l'énergie débordante de Nino des Buissonnets n'est pas facile à canaliser et le couple fait tomber l'oxer numéro 12 pour un abord trop près. Avec 4 points sur l'ensemble des parcours, il cède sa place de leader à Daniel Deusser (2 points) et s'aligne avec Ludger Beerbaum, devant Scott Brash (5 points), suivi de Maikel van der Vleuten et Marcus Ehning (6 points), puis Pius Schwizer et Beezie Madden (8 points). Les 20 meilleurs repartent pour l'ultime épreuve de cette finale, plus deux ex-aequo à 25 points de pénalité, moins deux forfaits de Jamal Rahimov et Kevin Staut, ça fait toujours 20… Encore un parcours de treize obstacles donc un triple et un double, soit 33 efforts par cheval sur l'ensemble de cette finale, bref place au tout grand sport ! Deux fautes dans le triple pour le couple letton, Krostaps Neretnieks sur Conte Bellini (Cornet Obolensky) qui aura étonné au fil des épreuves. Elle frôlait à chaque fois le sans-faute, cette fois on y est : quel parcours de l'américaine Lucy Davis et son bondissant Barron (ex-Underground des Hauts Droits, For Pleasure x Nabab de Rêve). Un peu plus dur pour Charlie Jacobs / Flaming Star (Fairman) et Nayel Nassar / Lordan (Lordanos), respectivement 13 et 8 points. Edwina Tops-Alexander a remis les pendules d'Ego van Orti (Vigo d'Arsouilles) à l'heure et c'est le sans-faute aux obstacles… avec 1 point de temps dépassé en 73"12. Parcours très soigné pour Charlie Jayne et Chill R Z (Chellano Z x A Lucky One), mais là aussi pas assez rapide (72"33). Tout justes dans le chronomètre, le Marocain ne pourra éviter une faute en entrée de triple avec son talentueux mais facétieux Quickly de Kreisker (Diamant de Semilly), alors que Michael Whitaker et Viking se font piéger par l'oxer aux couleurs de Merial. Un peu moins dans le coup, l'étalon Tic-Tac du Seigneur (Clinton x Darco) renverse le vertical Land Rover numéro 1 avant de doubler la mise sur cette fameuse entrée de triple avec Leslie Burr-Howard, dommage, exactement comme le couple révélation de cette finale, Katherine A. Dinan et l'épatant Nougat du Vallet (Scherif d'Elle x Saphir d'Elle), parti plus tranquille qu'à son habitude. Deux fautes également pour Christian Ahlmann / Aragon Z (Askari) et Beezie Madden / Simon (Mr. Blue), une barre pour McLain Ward / Rothchild (Artos x Elegant de l'Ile), toujours en entrée de triple, et Pius Schwizer / Toulago, sur l'oxer numéro 11… d'où une sollicitation de trois appels de langue sur le dernier pour en rester là. Ils ne sont plus que six. Marcus Ehning entre en piste sous les acclamations du public lyonnais. La pression est palpable, même chez le maître germanique, dont le début de parcours, tranquille, est moins fluide que d'accoutumée. Mais pas question de traîner en fin de tour, le vertical des Bouchons lyonnais à 1,60 m est avalé de biais avant d'aborder la dernière ligne qui ne pose pas le moindre problème au puissant Cornado NRW (Cornet Obolensky) : voilà le deuxième sans-faute et le premier double sans-faute de l'épreuve ! Maikel van der Vleuten pourra-t-il s'aligner ? Un peu tracté vers le bas, il lâchera peut-être un tout petit peu la corde et écope d'une faute de son VDL Groep Verdi NOP (Quidam de Revel) en entrée de triple. « En fait, la foulée était parfaite, trop même et j'ai manqué d'un peu d'agressivité à l'abord et nous faisons faute sur le deuxième plan. C'est vraiment dommage car Verdi aura magnifiquement sauté.» réagira son cavalier. Si elle a fait tomber une barre dans la chasse, Ursula XII est à présent au taquet et offre le troisième sans-faute à Scott Brash avec notamment un superbe passage du délicat triple. Encore un peu musicale, Chiara 222 (Contender) n'en est pas moins piloté par un Ludger qui ne lâche rien, et malgré des touchettes en fin de parcours, c'est un sans-faute également. Après leur faute en première manche, la machine s'est peut-être déréglée ? Nino des Buissonnets (Kannan) et Steve Guerdat n'échappent pas à l'entrée de triple et renoncent ainsi définitivement au podium de cette Coupe du monde. Tous les regards sont rivés sur lui. Daniel Deusser parviendra-t-il à réitérer le tour arfait avec Cornet d'Amour (Cornet Obolensky) ? Le hongre de 11 ans crottine sur la ligne de départ et tutoie le vertical numéro 1, qui tremble autant que le public. Mais il n'y aura pas d'autre sursis, c'est le cinquième sans-faute et la victoire, avec un compteur arrêté sur 2 points au général ! Stephan Conter, patron de Daniel Deusser et co-propriétaire de Cornet d'Amour avec Double H Farm, pouvait savourer son succès car si son cavalier avec initialement prévu de disputer cette finale avec Evita van de Veldbalie, c'est lui qui a finalement insisté pour emmener Cornet d'Amour. « Oui, c'est vrai que c'est ma décision. Je pense que c'est vraiment un cheval exceptionnel comme on n'en rencontre pas souvent et comme Daniel monte, il y a toujours une chance de gagner alors il faut prendre le meilleur. Je trouve que c'est un titre qui est une belle ligne dans le palmarès d'une carrière. Je pense qu'aujourd'hui, c'est une bonne décision. C'est un week-end fantastique pour nous de remporter une finale de coupe du monde. J'étais déjà motivé ces cinq dernières années pour arriver dans le sport et j'avais dit à la presse que j'allais tout faire pour. En engageant Daniel, j'ai donné un tournant à cette volonté. Après, c'était à moi à me prouver que j'en étais capable en lui donnant de bons chevaux et aujourd'hui ce n'est que du bonheur. » Derrière, pas de barrage, Ludger Beerbaum est deuxième (4 points) devant Scott Brash (5 points). Marcus Ehning termine au pied du podium (6 points), suivi de Steve Guerdat 5 ème (8 points), Maikel van der Vleuten 6 ème (10 points), Elisabeth Madden 7 ème et Pius Schwizer 8 ème (12 points), McLain Ward 9 ème (17 points) et enfin Charlie Jayne 10 ème (23 points). Daniel Deusser n'avait pas le droit à l'erreur, avec une barre il se serait retrouvé contre Marcus dans un barrage pour la médaille de bronze : « Absolument, je devais être sans-faute, j'ai fait une grosse touchette sur le 1… c'était très dur aujourd'hui, je suis content du résultat, mais je suis aussi content que ce soit fini, même si c'était un fantastique concours. Je monte Cornet d'Amour depuis 1 an et demi. C'est un super partenaire, il a bon caractère, il a une super technique, ce qui fait qu'on peut enlever ou rajouter une foulée, ça marche toujours aussi bien, aussi bon dedans que dehors, très respectueux… peut-être un très bon cheval de championnat. J'ai gagné l'étape de Malines et c'est seulement à ce moment que j'ai considéré la possibilité de participer à la finale de la Coupe du monde. Ce n'était pas l'objectif de la saison, je n'avais pas participé aux étapes de Oslo et Helsinki, j'avais fait 4 points à Vérone… mais après Malines j'ai fait d'autres étapes car je pensais avoir une chance. C'est aux Etats-Unis que j'ai récolté mes derniers points, alors oui, je pense que c'est une bonne chose de pouvoir en glaner là-bas, j'y ai fait plusieurs étapes. Pour finir, Lyon est vraiment un concours fantastique. Tout le monde après avoir couru une fois à Lyon veut revenir à Lyon ». Plutôt mourir que de terminer deuxième ? Pour une fois, Ludger accepte cette situation sans grande tristesse : « Il y a dix jours j'étais aux portes de la finale et là je termine à une superbe deuxième place, sans préparation particulière, alors que j'avais prévu de sortir mon cheval en extérieur, je suis réellement heureux, ça ne pouvait pas être mieux. Bravo à Daniel, pas de problème pour être deuxième derrière lui. Je suis en admiration et j'ai encore des frissons en repensant à cette performance ! » Pour Scott Brash, champion olympique et d'Europe par équipe en titre, c'était une première qui se solde par une troisième place. Egalement une revanche pour la Grande-Bretagne qui n'a pas accroché un podium de finale de Coupe du monde depuis 2005 à Las Vegas avec Michael Whitaker. « Je suis très heureux d'être le numéro 3 de cette finale, Daniel et Ludger étaient supers aujourd'hui. Ma jument a fait une faute le premier jour et a ensuite été parfaite. Si on m'avait dit il y a une semaine que je serais troisième de la finale de Coupe du monde, j'aurais signé tout de suite. Par rapport aux championnats que j'ai connus, la différence c'est peut-être le mode de calcul des points, mais ça se rapproche des championnats d'Europe pour ça. Sinon globalement c'est la même chose, ce sont les plus réguliers qui terminent devant. Le plus malheureux aujourd'hui pour ça, c'est Marcus Ehning ».
Pour John Madden, président de la Commission CSO de la FEI et mari de Beezie : « je n'ai pas vraiment regardé (joke) tellement j'étais nerveux. Beezie a très bien sauté. Je suis avant tout très reconnaissant de voir un si beau sport, une varie harmonie dans les équipes, le chef de piste, les magnifiques infrastructures et l'organisation, les sponsors, la dotation, tout était impeccable. Concernant la réunion qui a eu lieu entre les chefs de piste de niveau 4 hier, je peux dire que les règles n'ont pas interféré avec la qualité du sport que nous avons vu. Tous ont donné leur avis. Avant-hier nous avons eu un très beau spectacle qui a ouvert la discussion, mais il y avait beaucoup d'autres sujets à discuter. La réunion a été très constructive, nous continuerons comme par le passé à mettre en avant le respect, la précaution, en particulier envers les chevaux. Il y a eu beaucoup d'avis intéressants et tous seront pris en compte afin de considérer toutes les facettes du sujet, mis en lumière par tous les intervenants ».
Frank Rothenberger félicitera quant à lui les trois premiers cavaliers. Avec 7 parcours sans-faute sur le premier tour, 5 sur le deuxième, et 4 double sans-faute, dont le podium, le contrat du chef de piste est parfaitement rempli. « Je veux toujours bien travailler, aujourd'hui, comme les autres jours. Il n'y a pas eu de grosses fautes, mais beaucoup de petites fautes un peu partout, juste des barres tutoyées, la difficulté était bien dosée, c'est donc un bon résultat. Le sol était parfait, les paddocks aussi, la piste est superbe, merci à Sylvie Robert ».
Pour cette dernière, directrice de l'évènement, le succès est au rendez-vous, « un succès pour les chevaux, cavaliers et partenaires avant tout. Merci à Longines pour son accompagnement dans le développement de notre sport. Merci aux bénévoles et à mon équipe. Je renouvèle la confiance que nous plaçons dans Frank Rothenberger, qui est un merveilleux chef de piste, pour nos concours, nous continuerons à l'accueillir, s'il souhaite continuer avec nous ».