Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

Denis Brohier, arrivée de la génération Tame

Reportages jeudi 12 juillet 2012 Julien Counet

Derrière Old Chap Tame et son succès se cache une belle histoire reliant trois personnes très différentes, aux caractères bien distincts unis dans une même aventure. Derrière Eugénie Angot, la cavalière ; Denis Brohier, l'éleveur et Patrick Bizot, l'investisseur. Pour ce deuxième et dernier volet, nous vous proposons aujourd'hui de découvrir l'éleveur.

Propriétaire de l'élevage de Tamerville, Denis brohier a évolué en concours en compagnie de Quat'sous, Javollo, Drakkar des Huttins et tellement d'autres. Aujourd'hui, il a repris les rênes du haras familial qu'il a affublé de l'affixe « Tame ». Avec son épouse, Sylvie, il suit aujourd'hui la progression de leur nouvel étalon vedette, Old Chap Tame dont l'arrière-grand-mère est une propre s?ur de Quat'sous et s?ur utérine de Narcos II.

Comment a débuté votre collaboration avec Patrick Bizot ?

« C'est une collaboration qui date de la naissance d'Old Chap Tame. Cela fait donc 10 ans. Patrick est ami avec Fernand Lereede qui exploitait la ferme que Patrick Bizot possède dans le Calvados. Lorsque Fernand Lereed a arrêté de s'occuper de l'exploitation de cette ferme, Patrick a passé plus de temps à Grandcamp et étant venu plusieurs fois à la maison, ayant vu comment c'était organisé … même si cela reste avec un côté agricole quand même.

Il m'a dit qu'il aimerait bien que je m'occupe de remettre en état les installations de Grandcamp. Il m'a fait confiance, j'ai eu carte blanche pour tout cela. Nous avons restructuré tous les herbages et cela a débuté notre collaboration avec la naissance des O où il m'a acheté 3 poulains de cette génération en me faisant confiance. L'année suivante, il m'a acheté 50% de mes meilleurs poulains dont Panama et Parenthèse. C'est une longue histoire basée véritablement sur la confiance. »

Qu'est-ce qui vous intéressait dans cette collaboration-là ?

« En tant qu'éleveur, seul, on n'a pas les moyens d'emmener des chevaux comme Old Chap jusqu'ici, cela coûte trop cher. Ici, c'est vraiment un partenariat où l'on partage les joies, les déceptions, les frais … Patrick me disait à l'époque que c'était un trinôme : il y a l'éleveur, le cavalier et l'investisseur. »

Pour vous, ici, cela représente un aboutissement, du plaisir ?

« C'est une grande satisfaction ! »

Vous avez toujours cru le voir ici ou c'est une surprise car finalement, votre élevage, tout le monde le connaît mais il y a un petit temps qu'on avait plus vu des chevaux arrivés à ce niveau, non ?

« Oui, tout à fait. Dans le passé, je montais beaucoup de chevaux. J'en montais au moins 10 par jour, je passais beaucoup de temps au concours … j'étais toujours parti, je ne m'occupais pas de l'élevage, c'était mon père qui s'en occupait. Jusqu'au jour où je prenais un petit peu d'âge … et Narcos aussi ! Et là, je me suis dit : « Ouhla, il va peut-être falloir préparer l'après Narcos. » 

Narcos représentait pour nous une bonne locomotive qui nous rapportait de l'argent tous les ans avec les saillies. Je ne vais pas dire que la vie était facile mais enfin, ça roulait. On avait une rentrée annuelle assez sûre. J'ai donc commencé à sélectionner de bonnes pouliches dont la mère d'Old Chap, fille de l'étalon vedette de l'époque Quidam de Revel avec la souche de Quat'sous, qui a été saillie à l'âge de 3 ans. Depuis j'avance avec de la jeune génétique. »

Vous avez été déçu justement que les gens ne vous fassent pas plus confiance avec Old Chap Tame en tant qu'étalon ?

« Un petit peu mais on n'est pas rentré assez dans le marketing, dans la promotion du cheval. Eugénie a récupéré le cheval dans l'hiver de 6 à 7 ans. Le cheval a sauté vraiment de manière fantastique lors de la finale des 7 ans, tous les éleveurs étaient là … je me suis dit : « Là, le cheval va travailler ! » L'année suivante, le cheval a fait 30 cartes ! Si les gens ne sont pas assez compétents, que puis-je y faire ? Car vraiment, ce n'est pas parce que c'était mon cheval mais il sautait vraiment super et si il n'avait pas fait 4 points lors de la seconde manche, il aurait été sur le podium. Peut-être que si il avait gagné, il aurait fait plein de cartes et le fait d'être 6 ou 7 ème, il en a fait 30 alors que ça n'enlève rien à sa qualité. Déjà à cette époque-là, on disait avec Eugénie que c'était un cheval pour les jeux. Eugénie était déjà persuadée qu'il avait tout le potentiel dans la caisse. Tant pis, on a privilégié la partie sportive. Les gens qui veulent l'utiliser peuvent l'utiliser, ceux qui ne viennent pas, ne viennent pas : on ne va pas se prostituer ! » Vous qui aviez déjà utilisé pas mal d'étalons étrangers, est ce que le fait de suivre Old Chap à Rotterdam, Aix la Chapelle … etc va vous apporter quelque chose en tant qu'éleveur ? D.B. : « Oh, je pense quand même que cela apporte toujours quelque chose. Ca ne va pas révolutionner ma manière de faire car il y a 20 ans, je faisais moi-même ces concours-là avec Quat'sous et c'est à cette époque-là que je m'étais dit que certains courants de sang étranger pourraient nous aider. Il a fallu utiliser les meilleurs étalons étrangers et dans le sport moderne d'aujourd'hui, on voit bien à la vitesse à laquelle courent les chevaux et la réactivité qu'ils ont.  Personnellement, en trois ans, je vais avoir réformé près de 80% de mes juments dont la grand-mère d'Old Chap Tame qui ont entre 18 et 20 ans pour travailler avec la jeune génétique pour aller dans le sens des concours modernes d'aujourd'hui.  Alors oui, si nous, éleveurs, nous n'allons pas voir ces concours, on ne se rend pas compte de la difficulté. Il faut que le sport évolue mais pour cela, il faut que l'élevage évolue aussi. Je pense qu'aujourd'hui lorsqu'on des bonnes juments réactives avec du sang, il y a plus de chance d'y arriver et elles sont plus facile à croiser. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des chevaux qui ont tous les moyens mais il faut des chevaux réactifs, toniques avec du jarret … »

Comment avez-vous vécu cette Coupe des nations ?

« C'était top, c'était vraiment merveilleux… J'étais juste un tout petit peu déçu car je filmais avec le caméscope et j'étais en face du double final. Je voyais Old Chap Tame sans faute. Je me suis dit « il est sans faute, il est sans faute » … puis je vois la barre tombé. J'étais un peu déçu car c'était le premier de l'équipe et c'était très serré avec l'Allemagne.

Je me dis zut, zut, ça commence mal … puis après, c'est évidemment un moment formidable. Gagner à Aix la Chapelle devant les Allemands, c'est quand même une belle satisfaction. Dans la vie d'éleveur, ça n'arrive pas souvent. Il faut néanmoins savourer ça avec le bon sens paysan en sachant qu'après des joies, il arrive toujours un coup derrière la tête alors je ne sais pas ce que je vais découvrir en rentrant à la maison. Il faut donc avoir le succès modeste d'autant qu'on est jamais au bout… après la coupe, il y a le Grand Prix… le cheval peut se faire une tendinite … C'est le lot des chevaux, on ne sait jamais ce qu'il peut arriver. Néanmoins, ce que j'apprécie vraiment avec Eugénie Angot, c'est que l'an dernier, le sélectionneur national avait déjà voulu l'envoyer faire de beaux concours comme Hickstead … etc. Elle préféré décliner car elle sentait que son cheval n'était pas prêt. Le cheval aurait déjà pu sauter de grosses barres mais elle voulait que le cheval saute sans contrainte. Un cheval de 8 ou 9 ans, on peut lui faire sauter de gros obstacles mais ils ne sont pas réglé devant les obstacles, on est obligé de les reprendre un peu plus fort, de les monter avec un peu plus de pression donc les chevaux sont toujours un peu plus à l'effort dans les sauts. Eugénie, elle, voulait absolument l'avoir au bouton et trouver cette harmonie avec le cavalier pour sauter sur les foulées optimales ce qui permet aux chevaux de sauter tout en souplesse. De cette manière, les chevaux ne se font pas mal et ils durent. Aujourd'hui, Old Chap a 10 ans et il a un physique en béton ! Il a une super santé, il saute sans guêtre postérieur… En interdisant ces guêtres, cela changerait sans aucun doute la donne. Personnellement, j'ai vu deux fois des chevaux avec des guêtres postérieures assez hautes faire un refus devant un obstacle puis les chevaux glissant et s'asseyant ayant du mal à se relever. Ils avaient quand même une gêne physique, cela fait réfléchir… »

Photos : Julien Counet