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Deauville et le cheval : une histoire d’amour qui dure

Chaque année, le Pôle international du cheval Longines - Deauville est le théâtre de nombreuses manifestions sportives, à l’image du Longines Deauville Classic, orchestré par GRANDPRIX Events.
Reportages jeudi 7 août 2025 Sophie Lebeuf

Sur la Côte fleurie, lovée entre l’embouchure de l’Orne et la baie de Seine, en Normandie, Deauville fait face à la mer. Si la station balnéaire a été immortalisée à jamais par la caméra de Claude Lelouch sous un air de ‘‘chabadabada, chabadabada’’ dansé par Anouk Aimé et Jean-Louis Trintignant dans ‘‘Un homme et une femme’’ en 1966, la ville doit aussi sa renommée aux chevaux, se levant au rythme des galops depuis le XIXe siècle. Véritablement liée à l’animal depuis sa création, Deauville incarne parfaitement son surnom de capitale du cheval. Zoom sur le patrimoine équestre de la cité côtière, devenue haut lieu de rendez-vous de tous les passionnés de chevaux. 

À l’origine petit village coincé entre dunes, marais et mont Canisy, Deauville va naître sous le Second Empire (1852-1870) des rêves d’un homme ambitieux et puissant : Auguste Charles Louis Joseph de Morny, dit duc de Morny (1811-1865). Demi-frère de l’empereur Napoléon III (1808-1873), cet entrepreneur, dandy et homme politique se rend à Trouville-sur-Mer à l’été 1858, invité par son médecin, Joseph Francis Olliffe (1808-1869), à prendre des bains de mer, alors en vogue dans la bonne société. Tandis qu’il arpente la plage de Trouville, il aperçoit un terrain vierge de l’autre côté de la Touques et rêve… Il s’associe alors à son médecin, un banquier et un architecte pour réaliser son vœu : la création d’une ville élégante dédiée aux plaisirs. Villas de prestige, théâtre et casino sortent de terre en seulement quatre ans pour devenir LE rendez-vous des mondains et de l’élite parisienne, relié à la capitale grâce au chemin de fer. En « seulement » cinq heures, la mer et ses bienfaits sont à portée de main. Mais ce dandy a une marotte : les courses hippiques. La création d’un hippodrome s’impose donc dans les plans de cette ville sortie de son imagination. Alors que les travaux avancent, l’engouement pour cette discipline est tel qu’en 1863, la plage devient un champ de course éphémère au gré d’une marée, signant la première course de l’histoire de Deauville. L’hippodrome de Deauville – La Touques sera inauguré les 14 et 15 août 1864… avant même le début de la construction de l’église Saint-Augustin, entamée quinze jours plus tard. C’est dire les priorités du duc de Morny ! Tout le gratin de la société s’y réunit et le champ de courses devient l’un des rendez-vous estivaux à la mode. Chaque jour d’été, bains de mer, courses et casino font de Deauville la cité du luxe, de l’élégance et des amusements, cheval en tête. 

Les Pur-sang Anglais, athlétiques et rapides, séduisent ainsi les connaisseurs. Dès 1887, les ventes aux enchères des plus beaux spécimens de la race deviennent partie intégrante de l’ADN de la ville. La salle Élie de Brignac a accueilli sa première vente en 1892 et est régie depuis 2006 par la société Arqana. Cette dernière organise dix-huit enchères annuelles (Trotteurs et Pur-sang Anglais), dont les célèbres ventes de yearlings (poulains âgés d’un an). Nombreux sont les futurs cracks des hippodromes à être passés sous le marteau d’un commissaire-priseur à l’occasion de ces événements. 

Début XXe, face au succès et au développement des courses, l’hippodrome de Clairfontaine voit le jour en 1928. À deux kilomètres du centre de Deauville, il est devenu le seul hippodrome tridisciplinaire de la région, présentant courses de plats, d’obstacles et de trot. De fait, les réunions hippiques ont pris une telle ampleur dans la ville balnéaire que l’aéroport de Deauville est devenu le premier pour le transport de chevaux !

 Sous l'engouement des courses, un second hippodrome voit le jour à Deauville en 1928, l'Hippodrome de Deauville-Clairefontaine. © Sandrine Boyer-Engel 



Des courses aux sports équestres

Plus d’un siècle et demi ont passé et l’engouement pour le cheval reste l’une des caractéristiques de Deauville. Mais dans la petite cité normande, le coursier ne se contente pas de s’illustrer sur les pistes des champs de courses. D’autres disciplines ont fait de Deauville un rendez-vous incontournable pour tous les passionnés. Ainsi, le polo – sport né voilà plus de deux siècles dans les plaines d’Asie et rapporté d’Inde par les Anglais – est devenu très à la mode à son tour parmi l’élite. Il s’impose progressivement dès 1880, utilisant le terrain au centre même de l’hippodrome pour ses matches. Sous la houlette de trois passionnés – le baron Robert de Rothschild, le capitaine Joubert et le duc de Gramont –, le Deauville International Polo Club voit le jour en 1907. Les plus grands noms de l’époque se prêtent au jeu, à l’image du roi d’Espagne, Alphonse XIII (1886-1941), ou encore de l’ancien Premier Ministre britannique Winston Churchill (1874-1965). Depuis 1950, le tournoi international de la Coupe d’Or permet à la ville de recevoir les plus grands noms de la discipline en plein mois d’août.

Depuis 1907, le polo fait partie intégrante de l'ADN de Deauville. Beach polo ©Amélie Lefebvre 

Enfin, les sports équestres s’épanouissent pleinement depuis 2010 dans l’écrin du Pôle international du cheval Longines - Deauville. Les compétitions – nationales et internationales – de dressage, para-dressage, horse-ball, polo, attelage, voltige et saut d’obstacles jalonnent le calendrier annuel. Prochaine date clé : le Longines Deauville Classic, organisé par les équipes de GRANDPRIX Events, accueillera un CSI 1* et un CSI 4* du 14 au 17 août, avec certains des plus grands cavaliers de jumping de la planète. L’an dernier, le Tricolore Mathieu Billot s’était illustré dans le Grand Prix dominical sur Lord de Muze, s’imposant devant l’Irlandais Darragh Kenny sur Eddy Blue et le Français Kevin Staut sur Dialou Blue PS. 

Gravitent ensuite autour de la cité côtière centres équestres, écuries de propriétaires, centres d’entraînements, cliniques vétérinaires, haras. Véritable terre de cheval, le Calvados est ainsi devenu au fil du temps le premier département en nombre d’élevages (de course comme de sport) !

Balade dans les rues, les plages…

Pour qui se lève tôt, afin d’arpenter les rues au petit matin, il n’est pas rare depuis le boulevard Mauger d’entendre le staccato du canter à l’approche de la piste de l’hippodrome de Deauville – La Touques, devenu centre d’entraînement depuis 1982. Quelle que soit la saison, chevaux et jockeys s’y donnent rendez-vous. Au printemps, quand la brume s’invite et que les températures sont encore fraîches de si bonne heure, on aperçoit la fumée s’échapper des naseaux et l’on devine les ombres de ces coursiers appelés à s’entraîner sur le champ de course. Instants de magie. Parenthèse hors du temps. Et si ses pas mènent le promeneur vers la mer, l’immensité de la plage de Deauville se fait aussi le théâtre de grandes galopades ou de trottings relaxants. Là encore, les chevaux sont rois. Au soir, quand le soleil se couche sur la mer, ils avancent à contre-jour, s’amusant de l’envol des goélands. 

… et au musée

Retour en ville. S’il souhaite une rencontre plus cérébrale avec le cheval, le passionné peut se rendre au centre culturel Les Franciscaines, inauguré en 2021. Là, un espace muséal se double d’une médiathèque divisée en quatre univers : Deauville, Spectacle, Art de vivre et… Cheval. Dans l’espace dédié à cette thématique règne une ambiance cosy et chaleureuse qui n’est pas sans rappeler celle d’un confortable club-house. Moquette, couleur des murs, alcôves, lumière, tout invite à la lecture et au confort, rappelant les teintes du cuir et des robes soyeuses des chevaux. Sur les murs, des œuvres d’art, peintures issues des collections permanentes de l’établissement et photographies contemporaines, rendent hommage à la plus noble conquête de l’homme. Sur les étagères et dans les bibliothèques qui structurent des espaces de travail, 1300 références sont accessibles et consultables sur place, dont 1200 ouvrages littéraires et 100 magazines. Tous parlent du cheval comme sujet d’étude, compagnon de l’homme ou muse artistique. Essais, romans, manuels techniques, livres d’art, journaux, les formes sont multiples pour servir les savoirs et connaissances autour de l’animal. À ces titres disponibles « en rayons » s’ajoutent près de vingt mille documents accessibles sur demande pour une consultation à des fins de recherches personnelles ou universitaires. Chaque année, la médiathèque organise une dizaine de « Franciscaines au galop » : autant de rencontres ouvertes au public autour de personnalités du monde du cheval pour écouter, échanger, découvrir. 

Dans son écrin, le musée des Franciscaines renferme près de 4000 œuvres d’art, dont six cents ont un rapport avec le cheval. Ainsi, le tableau représentant La Grille du Haras du Pin, signé Raoul Dufy (1877-1953) est-il entré dans les collections de l’établissement. Tout comme L’entraînement des cavaliers de François-Louis Lanfant de Metz (1814-1892), ou encore l’élégant Steeple Chase d’Alfred de Dreux (1810-1860). Les artistes, témoins et passeurs des époques, ont ainsi largement participé à la diffusion de la renommée de Deauville et de son lien indéfectible avec le cheval. À travers les musées et les expositions, leurs œuvres illustrent cet heureux mariage, à l’image, entre autres, de Deauville, le champ de course (1928), ou encore Le Paddock à Deauville (1930), également signés Raoul Dufy et conservés au Centre Pompidou à Paris.

Lorsque l’effervescence de l’été aura passé, que la saison sportive sera terminée, les chevaux, résidents permanents de la station balnéaire, continueront de fouler pistes et plage, et d’imprimer l’âme des lieux de leur présence. Vivants ou figés sur la toile, saison après saison depuis cent soixante et un ans, ils veillent sur la ville…

Photo à la Une : Chaque année, le Pôle international du cheval Longines - Deauville est le théâtre de nombreuses manifestions sportives, à l’image du Longines Deauville Classic, orchestré par GRANDPRIX Events. © Pixel Events

 Au coeur des collections des Franciscaines, le cheval est roi. Ici, La grille du Haras du Pin, peinture signée Raoul Dufy.©ADAGP, Paris, 2021