En quinze mois, Lorenzo de Luca et Denver de Talma se sont légitimement imposés comme l’un des meilleurs couples de la planète. L’alezan de onze ans, né chez Michel Guiot, enchaîne les performances depuis ses débuts en Grand Prix 5*, en mai dernier. Sur les dix épreuves de ce niveau qu’il a disputées, le fils du regretté Vigo Cécé s’est classé à huit reprises. De quoi permettre à son cavalier de rêver de grands championnats et de médailles. Avant d’être acquis par Elizabeth Johnson, propriétaire des luxueuses écuries Louisburg Farm, en Floride, Denver de Talma a été le protégé de Catherine Bonnafous, véritable femme de cheval et dénicheuse de talent hors-pair, pendant près de sept ans. Mathilde Lockwood, qui lui a fait découvrir la compétition puis ses premiers parcours à 1,50m, a été l’une des clefs de la réussite de ce cheval pas comme les autres, à la personnalité aussi drôle qu’attachante. Retour, en trois épisodes, sur une belle histoire qui continue de s’écrire.
La première partie de cet article est à (re)lire ici et la deuxième ici.
Si Denver de Talma est le cheval d’une vie pour Mathilde Lockwood, qui se dit “très honorée d’avoir pu croiser son chemin”, l’alezan occupe une place tout aussi particulière aux yeux de son cavalier actuel, qui a pourtant croisé quelques chevaux d’exception dans sa carrière. “Denver a donné un nouveau coup de boost à ma carrière. Honnêtement, je pense que je n’ai jamais monté un cheval comme lui dans ma vie”, souligne-t-il. “Il est incroyable, d’autant plus compte tenu de sa faible expérience en 5*. Dans un an, je pense qu’il fera partie des meilleurs chevaux du monde et que l’on entendra beaucoup parler de lui dans le futur. Il est solide physiquement et extrêmement complet. Il est courageux, respectueux, rapide, a des moyens. Je suis vraiment, vraiment ravi de pouvoir compter sur un tel cheval.” Le Transalpin peut aussi savourer l’assurance de pouvoir conserver son cher Selle Français sous sa selle, sa propriétaire n’ayant pas l’intention de le vendre. “Je suis très heureux de pouvoir compter sur une propriétaire comme Beth Johnson. Cela change beaucoup dans la carrière d’un cavalier, mais aussi dans celle d’un cheval. J’ai toujours eu l’habitude de former de bons chevaux et de les voir partir au moment où ils arrivaient à maturité pour le haut niveau. Pour la première fois de ma vie, je peux m’appuyer sur une propriétaire comme Beth et de très bons chevaux, qui devraient rester sous ma selle. Pouvoir me concentrer pleinement sur le sport a toujours été mon rêve”, se réjouit Lorenzo de Luca.
“Denver a donné un nouveau coup de boost à ma carrière”, Lorenzo de Luca
S’il a vu plusieurs chevaux quitter ses écuries, l’Italien a aussi connu de très beaux succès. Pourtant, le 25 août dernier, l’émotion l’a submergé, allant même jusqu’à faire couler quelques larmes de ses yeux d’ordinaire si souriant. “J’étais aussi ému car tout cela est un long processus. J’ai lancé mes propres écuries ces trois dernières années et cela demande du temps de mettre en place une équipe solide, avec des propriétaires comme Beth Johnson et des chevaux comme Denver, qui donne tant. Cela faisait aussi longtemps que je n’avais plus gagné de Grand Prix 5* et je sais combien d’efforts a consenti mon équipe pour y parvenir. Nous travaillons tous très dur et avançons dans la même direction. Ce genre de victoire ne se répète pas tous les jours et celle de Valkenswaard a entraîné des répercussions émotionnelles très fortes. Nous ne sommes arrivés nulle part, mais ce sont des signes encourageants, pour mon équipe, mes grooms, mon cavalier maison, pour moi aussi et pour les propriétaires qui me font confiance”, développe Lorenzo de Luca.
Un couple qui fait l’unanimité et des rêves de médailles
Denver de Talma devrait achever son année 2024 couronnée de succès avec comme ultime objectif le Grand Prix Rolex de Genève, avant de s’envoler pour la Floride en début d’année, sa propriétaire souhaitant logiquement profiter du talent de son protégé. Puis cet extraordinaire alezan devrait venir densifier les rangs de l’équipe italienne. “Je n’engagerai Denver que dans des concours vraiment importants. Il est toujours avec moi, toujours prêt à se battre avec moi. Vers le mois de février, nous irons en Floride, où sa propriétaire est installée. En mars, il participera peut-être à la Ligue des nations d’Ocala, puisque l’Italie sera présente sur le circuit. Ensuite, les championnats d’Europe seront notre prochain objectif. Je pense vraiment qu’il peut décrocher une médaille”, se projette Lorenzo de Luca.
Médaille ou pas, Michel Guiot, Catherine Bonnafous et Mathilde Lockwood ne manqueront pas une miette de la suite des aventures de ce couple qui ne fait qu’un. “Lorenzo est très délicat dans sa façon de monter, il est très à l’écoute et a beaucoup de technique. Il va parfaitement avec Denver. Ce mélange de féminité, d’écoute, d’échange et de technique est formidable”, salue l’ancienne propriétaire du fils de Vigo Cécé. Et Mathilde Lockwood d’ajouter : “Le but de tout cavalier est de voir son cheval briller à haut niveau. D’avoir fait partie de l’histoire de Denver, de sa construction, et d’avoir participé à son succès est exceptionnel. Cela me procure un sentiment de fierté. Mon cœur accélère à chaque fois que Denver entre en piste. Je crois que je suis moins stressée à cheval que quand je regarde un cheval que j’aime à pied ! (rires) Mais, en même temps, j’ai la certitude qu’il va faire quelque chose de phénoménal à chaque fois qu’il entre en piste. Je suis tellement heureuse que Denver ait trouvé son partenaire. Lorenzo et lui sont hyper copains. Il a su l’écouter et le comprendre, et voir qu’il n’est pas un cheval comme les autres. Maintenant, ils ont une relation fusionnelle et cela me ravit.”
Avec Kyrielle de Talma, l’histoire se poursuit
Pendant que son “DenDen” adoré poursuit ses exploits, Mathilde Lockwood espère bien avoir trouvé en Kyrielle de Talma, la propre sœur de Denver, le deuxième cheval de sa vie. “Totalement par hasard, quelques mois après la vente de Denver, je suis tombée sur une vente aux enchères du haras de Talma. J’ai vu qu’il y avait plusieurs produits de Vigo Cécé, le père de Denver. C’est un courant de sang exceptionnel. Vigo Cécé est malheureusement décédé très jeune, à cinq ans, mais beaucoup de ses produits percent à haut niveau, comme Enjoy de la Mûre, qui a participé aux Jeux olympiques cet été. J’ai donc regardé tous les chevaux proposés lors de cette vente, jusqu’à lire ‘propre sœur de Denver de Talma’ ! Je l’ai vue sauter en liberté en vidéo : c’est une copie crachée de son frère. J’ai appelé ma mère pour lui dire ‘on l’achète !’ Kyrielle aura cinq ans en janvier. Elle a des traits de caractère très similaires avec Denver, et tous deux ont un style de saut très semblable. Je suis très contente d’avoir pu acheter cette jument. Elle a fait ses premiers sauts sous la selle en octobre et c’est assez exceptionnel. Je retrouve beaucoup de points communs avec Denver dans les sensations qu’elle procure. Je vais essayer de la garder pour moi et j’espère qu’elle suivra les pas de son grand frère”, rêve Mathilde Lockwood. “Le fait que Kyrielle soit une jument est aussi sympa, parce qu’elle pourra potentiellement faire quelques poulains dans le futur. J’aimerais lui faire faire des transferts d’embryons pour continuer la lignée. Je ne suis pas du tout impliquée dans l’élevage à la base, mais cela peut être une ouverture intéressante. Pour l’instant, je vais profiter d’elle et voir ce que cela peut donner sportivement. Peut-être qu’un jour Denver et Kyrielle se croiseront en concours pour faire une photo ensemble !” Et Catherine Bonnafous de compléter : “Je n’aime pas comparer les propres sœurs et les propres frères, mais Kyrielle présente des qualités fantastiques de force et de sensibilité. Elle est aussi dotée de ce respect magique. Elle est fantastique, très agréable à travailler, très fine. Elle a toutes les qualités de son frère.”
D’autres frères et sœurs de Denver et Kyrielle devraient voir le jour dans les années à venir. Pour l’heure, Vendetta de Talma compte six produits, qu’elle a tous portés elle-même. En 2025, Michel Guiot prévoit de faire de premiers transferts d’embryons avec sa protégée. “Je vais naturellement la remettre à Vigo Cécé, dont il me reste encore quelques paillettes, pour essayer d’avoir un petit frère ou une petite sœur de Denver. En refaisant les mêmes croisements, on espère toujours avoir les mêmes chevaux. Je pense que je ne pourrais jamais faire mieux avec Vendetta, parce que je ne vois ce qui pourrait être amélioré dans ce croisement avec Vigo Cécé”, confie le Belge. “Cette souche avait produit de bons chevaux, mais il nous manquait une tête d’affiche à très haut niveau. J’ai toujours gardé les lignées où il y avait au moins un cheval qui évoluait en 5*. Denver est arrivé au bon moment. Maintenant, la lignée est fixée. Il n’y a pas de trou dans le papier, même si cette souche n’est pas la plus connue. Elle transmet énormément de sang, et Vigo Cécé en a aussi apporté. On n’a jamais assez de sang ! Je pense que Vendetta transmet aussi de gros moyens et beaucoup de sensibilité. J’avais également une de ses filles par Adagio de Talma, que j’ai recroisée à Vigo Cécé. Cela m’a donné Lena de Talma, qui a beaucoup de moyens. Le croisement avec Vigo cartonne !”
Pour ses performances en 2024 et sa régularité remarquable, Denver de Talma a obtenu l’excellent ISO 169, devenant ainsi le meilleur représentant de son affixe, devant l’inoxydable Requiem de Talma (ISO 165, Cento x Qredo de Paulstra), Easy Star de Talma (ISO 163, Quick Star x Opium de Talma), étalon que monte Steve Guerdat, ainsi que Baïkal de Talma (ISO 161, Catoki x Quincy). “J’ai beaucoup d’admiration pour tous les cavaliers qui ont côtoyé Denver, parce que je sais que ce n’était pas toujours facile ! La route est longue pour arriver à haut niveau. Pour un éleveur, ce n’est que du bonheur. Qu’il ait conservé son affixe est génial. Je suis heureux de me dire que ma fille, à qui je vais transmettre mon élevage, a encore de beaux jours devant elle avec ces souches que nous avons consolidées et fait avancer”, sourit Michel Guiot.
Le mot de la fin reviendra à Catherine Bonnafous, toujours aussi passionnée et fière de l’évolution de son cher Denver de Talma, qu’elle a su écouter et magnifier : “Par sentiment, nous aimerions le récupérer pour sa retraite. Mais peut-être que sa propriétaire souhaitera en faire de même. Quoi qu’il en soit, nous n’en sommes pas encore là.” Assurément, cette belle histoire, empreinte de passion, d’émotions et d’amour, a encore de belles lignes à écrire.
Photo à la Une : Denver de Talma et Lorenzo de Luca ont de grandes choses à accomplir dans le futur, mais rien ne semble être hors de leur portée. © Mélina Massias