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Dans les coulisses de la victoire de Martin Fuchs à Leipzig avec Sean Vard

Sport mercredi 13 avril 2022 Mélina Massias

Derrière chaque cavalier, se cache toujours une solide équipe. Vétérinaires, ostéopathes, maréchaux-ferrants, sont autant de personnes clefs dans la réussite des pilotes. Aux côtés de Martin Fuchs depuis près de six ans, l’Irlandais Sean Vard parcourt le monde en quête de succès. Ces dernières années, le groom a presque tout gagné. Le week-end dernier, il a ajouté un nouveau titre à son tableau de chasse, en s’imposant à Leipzig, en Allemagne, à l’occasion de la finale de la Coupe du monde Longines. Entre travail d’équipe, soins, pression à gérer et le talent de son pilote, Sean revient sur ce triomphe.

Leipzig, dimanche 10 avril. McLain Ward conclut l’ultime parcours de la quarante-deuxième édition de la finale de la Coupe du monde avec deux fautes sur Contagious, laissant l’or filer au cou de Martin Fuchs. Derrière le champion, toute une équipe savoure la joie d’une nouvelle médaille, après celles obtenues à Göteborg, Tryon, Rotterdam ou Riesenbeck. Parmi les soutiens du Suisse de vingt-neuf ans, une personne œuvre au plus près des chevaux : Sean Vard. Depuis près de six ans, le groom a vécu tous les grands succès de son cavalier. Et Leipzig n’a pas dérogé à la règle. “À part à Tokyo, nous avons été médaillés à presque tous les championnats où j’ai accompagné Martin. En 2017, à Göteborg, nous avons obtenu le bronze par équipe. Lors de la finale de la Coupe du monde à Omaha nous étions quatrièmes, et ensuite bien-sûr il y a eu Göteborg en 2019, Tryon en 2018, Riesenbeck et Rotterdam, et maintenant Leipzig. La régularité que nous avons est incroyable”, souligne Sean. “Je suis quasiment sûr que Martin est le meilleur cavalier de championnat sur le papier. C’est vraiment cool. En plus, il est très jeune, ce qui est aussi extrêmement bizarre !”

Si Martin Fuchs s’est imposé pour la première fois lors d’une finale de la Coupe du monde Longines, il est un habitué des flots et médailles. “Nous avons été là-bas pour gagner. Quand on gagne, cela prouve que le plan était bon et que l’exécution était parfaite. Nous ne participons pas à des championnats pour obtenir un classement : nous y allons pour la victoire. Cela peut donner l’impression d’être très sûr de soi, mais ce n’est que la vérité lorsque l’on peut compter sur un tel cavalier, de tels chevaux et propriétaires et une telle équipe. Ce n’est pas simple de gagner. Il faut que tout soit parfait, de la planification des concours à la préparation, que les chevaux soient en forme et que la chance soit de notre côté. C’est incroyablement satisfaisant quand tout cela se produit”, glisse Sean.

Chaplin et Martin Fuchs. © Scoopdyga

“Stéphane Roze nous a cuisiné du guacamole et des croque-monsieur”, Sean Vard

Sur les terrains de compétition, une ambiance particulière, unique, transparaît toujours au sein du clan Fuchs. Autour de Martin et Sean, de nombreuses personnes gravitent, faisant de cette atmosphère conviviale une véritable force. En Allemagne, amis, famille et propriétaires étaient présents pour partager ce championnat, tout comme Michel Sorg, le chef d’équipe de l’escouade helvète, et le vétérinaire Marc Oertly. “Je ne sais même plus exactement depuis quand Michel Sorg est notre chef d’équipe ! J’ai l’impression qu’il est là depuis toujours tant nous avons déjà eu du succès avec lui”, plaisante Sean. “En même temps que Michel est arrivé, nous avons accueilli Marc Oertly. C’est un nouveau visage d’entre notre équipe et un super gars à avoir près de nous. On peut prendre un café et faire des blagues.” Bien-sûr, le soigneur irlandais, originaire de Dublin, n’oublie pas ses propriétaires, dont Luigi Baleri, fidèle parmi les fidèles au sein de l’équipe Fuchs. “Luigi est la part la plus importante de notre équipe depuis de nombreuses années. C’est un vrai gentleman. Dans les écuries, il achète et vend des voitures depuis son ordinateur. Les parents de Martin (Renata et Thomas Fuchs, ndlr) étaient tous les deux-là ce week-end, et certains de nos amis sont aussi venus. Ils ont attendu d’avoir les premiers résultats pour ne pas venir pour rien, puis ils ont pris un vol vers Berlin et nous ont rejoint”, poursuit Sean."Stéphane et Louise Roze étaient aussi présents à nos côtés. Ils ont une écurie en France, le haras des Rozettes. Ils sont devenus des membres vraiment spéciaux de notre équipe. Louise vient m’aider en concours et Martin la laisse monter et faire marcher les chevaux en main. J’étais vraiment content qu’elle soit là ce week-end. Stéphane, que nous appelons Hank, est le chef cuisinier de notre équipe. Je lui ai trouvé une malle de concours spéciale, remplie d’équipements pour qu’il puisse nous préparer à manger. Dans les écuries, nous avons toujours un buffet, avec du salami, du fromage, du thé, du café, etc. À Leipzig, il nous a fait du guacamole avec du pain frais, des croque-monsieur, etc. C’était vraiment chouette qu’ils soient avec nous.”

Le buffet chez la team Fuchs à Leipzig. © Sean Vard

Peu importe le niveau des concours, au niveau 2* comme en 5*, la famille Roze est très présente. À Lyon, où Chaplin avait remporté l’étape de la Coupe du monde, ou à Paris, au pied de la Tour Eiffel, Stéphane et Louise ne manquent pas une occasion de soutenir Martin et Sean. “Non seulement ils sont de très bons amis à nous, mais aussi à tout le monde. Par exemple, ils ont organisé une fête pour célébrer la victoire de Max Kühner l’an dernier dans le Rolex Grand Slam de Bois-le-Duc. Ce sont des personnes extrêmement généreuses, ils adorent passer du temps avec nous et c’est toujours spécial quand ils sont là pour partager nos victoires et succès”, complète le groom. À ce clan si soudé, il convient de citer également Steve Guerdat, très bon ami de Martin Fuchs. “Martin et Steve sont très proches”, confirme Sean. “Si Steve avait été dans notre position, Martin, moi et toute la team Fuchs l’aurions aidé pour qu’il fasse de son mieux et vice versa. Steve a aidé Martin au maximum ce week-end. Si l’un de nous gagne, nous gagnons tous. Nous formons une grande équipe et je ne pense pas qu’il y en ait deux comme cela. Nous donnons tout et faisons de notre mieux pour que les chevaux vivent la meilleure vie possible.”

Chaplin et Louise Roze près de la table du chef. © Sean Vard

Une pression saine et salvatrice

Cette atmosphère familiale et l’excellent état d’esprit de l’équipe se sont ressentis dans l’ambiance de ce championnat “particulier”. Habitués à partager la route pour traverser l’Europe, Sean et Emma Uusi-Simola, la groom de Steve Guerdat, se sont rendus ensemble à Leipzig. Autour de l’étroite piste indoor, le public a entièrement rempli les gradins lors de l’ultime journée de compétition, rendant l’événement encore plus singulier, après des Jeux olympiques à huis-clos et des Européens qui n’avaient accueilli que 50% de la capacité totale du site. "Normalement, quand on voit une équipe américaine, avec tout le staff, les ostéopathes, etc, cela nous réveille un peu et on comprend qu’il s’agit de quelque chose de majeur. La pression était là, mais c’était sain”, reprend Sean. “Après la Chasse et notre bon résultat, tout le monde est venu me féliciter, mais nous avons sans doute réalisé qu’il s’agissait d’un championnat le deuxième jour, lorsque The Sinner a sauté. Il y avait beaucoup de tension le dernier jour, avec les deux tours. Quand on a des chevaux comme les nôtres, et un cavalier comme Martin, on n’a pas besoin de s’arracher les cheveux. On peut profiter du moment et espérer avoir un peu de chance.”

Après un premier tour impeccable, puis quatre points le deuxième jour, Martin et Chaplin ont tout donné, dimanche, dans la finale. “Chaplin a fourni un effort que je n’aie jamais vu un autre cheval dans le monde donné. Les deux parcours qu’il a sauté pour Martin dans la finale étaient incroyables. Pour moi, c’était vraiment exceptionnel”, se remémore Sean. Malgré cette performance de haute volée, rien n’était joué pour l’équipe Fuchs, puisque Harrie Smolders et McLain Ward étaient à égalité, en tête du championnat, avant l’ultime parcours. Le premier, juché sur Monaco, a d’abord concédé quatre points, avant que son homologue américain ne renverse deux obstacles sur Contagious. “Si je suis honnête, j’avais l’impression que McLain allait faire une faute. Je ne sais pas pourquoi, j’avais juste ce sentiment. En revanche, je ne pensais absolument pas que Monaco allait commettre une erreur, d’autant plus qu’il avait déjà renversé une barre le deuxième jour. Pour moi, Monaco est le cheval le plus régulier du monde en ce moment et l’un des meilleurs. Harrie est un cavalier incroyable, et je ne l’imaginais pas faire quatre points. Cette faute était terrible. Si l’un de mes chevaux avait concédé la même, sur un vertical classique et assez simple, je ne dormirais pas pendant deux semaines !”, retrace l’Irlandais. Et d’ajouter : “En fin de compte, leur malheur a fait notre bonheur. Nous avons eu de la chance ce jour-là, mais je crois que nous le méritions après les deux parcours qu’a monté Martin. La Chasse a été notre meilleur tour. Le deuxième jour, The Sinner a eu un moment de folie et Martin a fait preuve de la plus grande maîtrise que je n’aie jamais vue dans ma vie, en finissant son tour avec une seule paire de rênes, sur un cheval qui n’avait jamais couru de championnat avant.”

Chaplin, Sean Vard et Luigi Baleri lors de leur victoire à Lyon. © Mélina Massias

Chaplin et The Sinner, les deux stars de cette victoire

Championnat, pression ou non, pas question pour Sean de modifier sa routine habituelle. “Je fais tout de la même façon que d'habitude. Nous sommes, de toute façon, une équipe qui gagne. Nous avons de nombreux résultats et je pense que nous ne devrions pas changer notre système, simplement parce que nous sommes dans une situation différente”, assure l'expérimenté groom. “Peut-être que j’ai fait marcher les chevaux en main cinq minutes de plus plutôt que de prendre un café, ou que j’ai laissé poser la glace sur leurs membres un peu plus longtemps, mais rien n’a significativement changé. C’est souvent ma philosophie dans la vie : si on a une routine qui fonctionne, il ne faut la modifier sous aucun prétexte.” D’ailleurs, le plan était clair depuis le départ, puisque Martin avait prévu, longtemps à l’avance, de monter Chaplin le premier jour puis lors de la finale, et de faire entrer The Sinner en cours de route. Fin stratège, le Suisse a une nouvelle fois vu juste, prouvant tout son talent pour préparer - et remporter - un grand championnat. “Si nous n’avions pas décroché de médaille, nous nous serions remis en question, mais finalement, le plan était parfait, et a été déroulé de mains de maître par Martin. Je suis vraiment fier”, sourit Sean.

À quinze et quatorze ans, Chaplin et The Sinner, les plus grands artisans de cette victoire, disputaient leur premier championnat. Pour autant, le puissant fils de Verdi occupe depuis longtemps une place particulière dans le cœur de Martin Fuchs. “Clooney et Chaplin sont les deux seuls chevaux qui étaient dans les écuries quand je suis arrivé pour la première fois, il y a presque six ans. Comme Clooney n’est plus dans le sport, Chaplin est le seul du piquet de chevaux original qui fait toujours partie de notre équipe de compétition. Alors, pour moi, il est vraiment spécial. Il est magnifique et incroyablement intelligent. Il est très, très fort, et son caractère l’est tout autant. Il a commencé à faire la monte pendant quelques mois l’an dernier et nous voyons ses premiers poulains. C’est un vrai étalon et il n’est pas toujours simple à gérer. Il voyage toujours seul, dans son propre van. Quand il embarque, il enlève tout : les licols, les protections, les couvertures : il préfère voyager nu ! Il n’aime pas trop voyager dans le camion, à côté des autres, sans doute parce qu’il pense qu’il est le meilleur du monde. Maintenant, je le connais bien et je sais quelles situations lui conviennent ou non. En concours, il a toujours un box en bout d’allée, loin des autres chevaux. Pour autant, il aime bien voir ses congénères, mais sans être trop près d’eux. S’il se sent trop seul, il est contrarié. À monter, il est superbe, avec tant de puissance. Mais il veut toujours être le chef. Avec Martin, c’est un vrai battant. Clooney était le cheval de sa vie, mais Chaplin est celui de son cœur. Il a toujours été le plus proche de Martin, car il se bat comme un lion pour lui”, résume Sean, au sujet de l’étalon bai, qui a malheureusement connu quelques blessures dans sa carrière.

The Sinner à Leipzig. © Scoopdyga

The Sinner aussi a une personnalité bien à lui : “Sinner est un peu spécial. C’est un cheval très drôle. Il est juste étrange et fait des choses étranges. Il est très facile de travailler avec lui et il ne cause pas de problème. Parfois, il perd un fer pour que j’ai quelque chose à faire (rires). Si je lui pose des bandes, il en aura enlevé une avant que je n’aie fini. Il fait des choses marrantes, et je pense qu’il le fait pour me faire rire. Il a connu beaucoup de succès avec Martin depuis que nous l’avons acheté chez Denis Lynch, en 2018. Il a été l’un des chevaux qui nous a aidé à être numéro un mondial et il a beaucoup gagné. Nous sommes chanceux de l’avoir et il mérite vraiment d’avoir lui aussi son nom sur le trophée.”

Heureux et fier de cette nouvelle victoire, qui complète une collection bien remplie, Sean mériterait, lui aussi, d’avoir son nom sur le trophée de la Coupe du monde. L’Irlandais n’a, en tout cas, pas fini d’arpenter les terrains de compétition aux côtés de son prodige de pilote. Partout où elle passe, la team Fuchs, soudée et en pleine confiance, fait mouche. Le prochain objectif ? Les Mondiaux de Herning, début août. Et Sean de conclure : “Il y a un autre championnat cette année, où nous emmenons un autre cheval. J’espère que nous serons de nouveau médaillés.” Et c’est bien tout ce que l’on peut lui souhaiter.

Martin Fuchs et Chaplin lors de la remise des prix. © Richard Julliart/FEI

Photo à la Une : Sean Vard à Lyon. © Mélina Massias