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Dans la ruche des ventes Fences (1/2)

Fences
mardi 15 octobre 2024 Jocelyne Alligier

Avec un Top Price à 330.000 euros pour le fils de Pegase van’t Ruytershof, Roquetas vd Radstake, acquis par Cian O’Connor, et un chiffre d’affaires global de 1.468.000 euros, l’édition 2024 des ventes Elite de l’Agence Fences a été un nouveau succès. Mais comment fonctionne cette grosse machine bien rodée ? Rencontre avec quelques-uns des acteurs qui en assurent la réussite et témoignages de Jeanne Cotreuil, directrice opérationnelle de cette petite entreprise qui ne connaît pas la crise, d’Eric Livenais, homme-orchestre des écuries et du rond de présentation à l’obstacle, de Benjamin Ghelfi, président, et de Frederik De Backer, voix des enchères.

Créée en 1989 par six associés, désormais au nombre de dix, parmi lesquels officient toujours trois des fondateurs originels - Arnaud Evain, Marcel Rozier et Bruno Souloumiac -, l’Agence Fences s’active toute l’année en vue de son point d’orgue : les ventes Elite. Chaque année, en parallèle de la Grande Semaine de saut d’obstacles de Fontainebleau, ces dernières animent le haras des Grandchamps, à Bois-le-Roi. Depuis huit ans Jeanne Cotreuil est la directrice opérationnelle de cette dynamique petite entreprise. Elle détaille son rôle et ses missions : “Nous sommes une petite entreprise, composée de cinq salariés. Mon travail consiste à tout mettre en œuvre, en lien avec les associés, pour permettre la réussite des ventes Elites. C’est l’aboutissement de toute une année. Pendant une semaine il y a cinquante personnes qui travaillent pour nous, plus les prestataires. Nous avons la chance d’avoir des prestataires fidèles, comme Edouard Set pour la restauration par exemple. Chaque soir, ce sont entre cinq cents et sept-cent cinquante repas servis. Avec l’évolution technologique, qui rend possible les achats à distance, nous sommes devenus producteurs de nos images. Il y a jusqu’à vingt mille visionnages par soirée. Mais avant d’arriver à ces beaux moments, où voir les chevaux sélectionnés bien sauter procure une grande satisfaction et fierté, il y a tout un travail en amont, avec l’organisation des tournées de sélection. Cela représente vingt à trente dates à travers la France et les pays voisins. Environ mille chevaux de trois ans et cinq cents foals sont ainsi observés par les associés. Au moins cinq associés se rendent à chaque sélection, et Benjamin Ghelfi, le président, est toujours présent. C’est lui qui communique les sélections aux éleveurs. Depuis quelques années, le calendrier des Fences s’est étoffé. En plus de nos ventes en ligne, nous organisons trois ventes qui se déroulent en physique. Deux d'entre elles sont dédiées à la vente de performers : la première a lieu en avril, à Fontainebleau, lors du Printemps des Sports Équestres, et la seconde en août, la vente de Deauville Classic Auction, en parallèle du CSI 4* Deauville Classic. Début juillet, nous proposons également la vente de Deauville Selection, mettant à l’honneur des jeunes chevaux de trois ans au fort potentiel. À travers ces différentes ventes, nous touchons tous les stades de la production, de l’embryon au performer.”  

Chaque soir, aucun détail n'est laissé au hasard au cœur du manège de l'espace Rozier, à Bois-le-Roi. © Mélina Massias

Jeanne Cotreuil se plaît à souligner les temps forts de ces rendez-vous toujours particuliers. “Bien sûr, les Top Prices procurent des montées d’adrénaline ! Ce sont toujours des grands moments, comme cette année avec la bataille autour de Roquetas, ou bien l’achat de Spark vd Bisschop (Diamant de Semilly) par le haras du Lerchenberg à Deauville”, développe-t-elle. “Il y a aussi de belles satisfactions lorsque l’on voit les chevaux adjugés se montrer performant dans le sport. Ce fut le cas du Top Price des ventes de Fontainebleau, Comme Convenu (Comme Il Faut), gagnant deux semaines plus tard d’un Grand Prix Top 7 avec son nouveau cavalier, Romain Dreyfus. Et puis, il y a aussi des coups de cœur ! Je me souviens d’un tout jeune homme qui avait supplié son père d’acheter un foal, et c’est lui qui a signé le bon d’achat, avec beaucoup d’émotion et de fierté. Il y a quelques années, une des personnes travaillant aux écuries avait un enfant souffrant d’une grave maladie. La vente d’un foal, dans le cadre des Poulains du cœur, a permis de le soutenir financièrement et toute l’équipe était très émue de lui remettre le chèque.”

Propre frère de Corrie 9, acquise par Artemis Farm pour Rodrigo Pessoa en avril dernier, Comme Convenu a été vendu lors des ventes Fences du Printemps des sports équestres de Fontainebleau et se montre déjà performant avec Romain Dreyfus. © Agence Ecary



Une tournée de sélection primordiale

Avant une semaine marathon début septembre, la tournée de sélection revêt une importance capitale. “Tous les ans, nous préparons la carte de la tournée que nous mettons en ligne en début d’année, afin d’informer les éleveurs”, confirme Benjamin Ghelfi. “La chronologie des étapes peut être différente, mais nous nous retrouvons, dans quatre-vingt-dix pourcents des cas, dans les mêmes lieux. Nous voyons venir de nouveaux visages, mais nous avons beaucoup d’éleveurs fidèles, qui mettent de côté leurs meilleurs trois ans spécialement pour les ventes Fences. Et ce ne sont pas forcément de gros élevages. Il y en a d’ailleurs peu en France. Nous avons parfois été accusés de proposer beaucoup de chevaux étrangers sur notre catalogue, mais, aujourd’hui, les éleveurs font naître des produits d’autres stud-books en France. Finalement, ce ne sont en moyenne que trente pourcents de chevaux nés à l’étranger qui sont retenus. Je suis présent sur toutes les étapes de sélection avec notre vétérinaire. Cela représente environ dix mille kilomètres dans l’année ! La décision de prendre ou non un cheval est collégiale, mais c’est à moi de l’annoncer. Cela est toujours délicat, car nous devons porter, en dix minutes, un jugement sur des années de travail pour l’éleveur qui nous présente son poulain. Certains chevaux sont parfois écartés en raison d’un défaut physique ou d’origines qui ne correspondent pas à notre clientèle, mais c’est surtout autour du prix attendu par les propriétaires qu’il faut négocier. L’idée est d’avoir un prix qui puisse, avec au moins quatre-vingts pourcents de chance, intéresser au moins deux clients. Cela étant, on ne peut pas savoir à l’avance si la pression va monter entre les acheteurs potentiels. Et il ne faut pas oublier que les chevaux continuent à évoluer après la tournée, qui se concentre sur les mois de mai et juin. Nous avons souvent eu des bonnes surprises avec des chevaux qu’on ne pensait pas voir atteindre certains prix. Une fois la sélection effectuée, nous mettons le catalogue en ligne à partir du 15 juillet, puis il est imprimé pour début août. Il y a toute une période où les acheteurs aiment bien se faire leur propre opinion. À l’approche de la vente, chaque associé peut être sollicité par ses clients habituels pour obtenir plus d’informations sur les chevaux qu’ils ont repérés. Ensuite, la répétition du mardi est très suivie. Nous avons la chance d’avoir une équipe bien rodée, avec un noyau dur aux écuries autour d’Éric Livenais. Et puis il y a une ambiance propre aux ventes Fences, une identité Fences, avec les soirées animées par nos speakers Alexandre Depagne et Frederik De Backer.”

Benjamin Ghelfi parcourt chaque année plus de dix mille kilomètres pour assister à toutes les étapes de sélection en vue des ventes Fences Elite. © Jean-Louis Perrier



Éric Livenais, lien essentiel des écuries au rond de présentation

Dans l’organisation des ventes Fences, Éric Livenais joue une double partition essentielle. Il est à la fois le responsable des écuries et de la présentation à l’obstacle lors des soirées. Une double casquette qui découle d’une longue expérience. “Je suis là pratiquement depuis le début des ventes. J’ai commencé comme petite main aux écuries, puis je suis devenu responsable d’écurie. Ensuite, les associés m’ont demandé d’être à la chambrière sur une étape de sélection, et c’était en réalité un test ! Je suis progressivement entré dans le manège avec l’équipe qui était alors menée par Alain Francart. Désormais, je prends part à toutes les étapes de sélection, ce qui me permet de voir tous les chevaux qui sont retenus”, retrace-t-il. “La répétition du mardi est une autre étape importante. Les chevaux entrent et sautent dans le manège de Bois-le-Roi pour la première fois. Ils découvrent l’environnement et il faut bien observer leur réaction, ne pas leur mettre trop de pression. J’ai l’habitude de dire qu’il s’agit un peu d’un bac blanc ; ce n’est pas encore le moment décisif, et c’est l’examen qu’il faut réussir, mais mon rôle est de mettre le cheval dans les meilleures conditions pour cela. Et cela ne peut pas se faire sans toute une équipe, et le travail de toute une année qu’effectuent Jeanne Cotreuil et les autres salariés. Il y a une logistique monstrueuse à mettre en place, et tout est toujours parfait, il ne manque jamais quoi que ce soit !”

Eric Livenais, ici entre Thierry Rozier et Laurent Guillet, est l'homme-orchestre des ventes Fences Elite, chaque année, en parallèle de la Grande Semaine de Fontainebleau. © Jean-Louis Perrier

La seconde partie de cet article est disponible ici.

Photo à la Une : L'Or Jaune, l'un des jeunes chevaux de trois ans présenté cette année aux ventes Fences Elite. © Mélina Massias