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“Dans ce sport, l’argent est nécessaire si vous avez de grands objectifs”, Mike Kawai

Mike Kawai.
Interviews jeudi 20 avril 2023 Charlotte Denquin

Il y a dix ans, il s’essayait pour la première fois à l’équitation. Il y a six ans, il frappait à la porte de Jan Tops avec un rêve en tête: représenter le Japon lors des Jeux olympiques de Tokyo. Finalement réserviste en 2021, Mike Kawai a tout de même réalisé une prouesse, celle d’avoir eu une progression éclair lui permettant de passer des épreuves à 1,20m à une sélection olympique en quatre ans seulement. Toujours poussé par son père, lui-même cavalier, il continue chaque jour de construire son avenir au sein des écuries Tops, aux Pays-Bas, épaulé par quelques cracks. Sans tabous, le Japonais est revenu sur son ascension fulgurante, son rapport à l’argent, une part importante de sa réussite selon lui, et son nouvel objectif: Paris 2024.       

Vous êtes arrivé sur la scène internationale il y a peu, comment avez-vous débuté l’équitation?  
J’ai débuté lorsque j’avais quinze ans, très tard, grâce à mon père qui montait déjà à cheval. Il m’a toujours poussé à pratiquer ce sport mais ça ne m’attirait pas lorsque j’étais enfant. J’ai essayé à quinze ans et, depuis, je n’ai plus arrêté (le Japonais monte donc à cheval depuis dix ans seulement!, ndlr).     

Vous êtes arrivé dans les écuries de Jan Tops il y a six ans désormais, sans grande expérience et sans même parler anglais. Comment se sont passés vos débuts en Europe ?  
C’était un vrai challenge. Je ne comprenais pas l’anglais, pas même lorsque j’entendais les mots trot ou galop. Je me disais “qu’est-ce que c’est que ça?”. Je devais vraiment prendre sur moi et fournir des efforts mais mon objectif était d’aller aux Jeux olympiques. Il y avait du travail mais j’ai tout donné.     

À son arrivée en Europe, Mike Kawai a pu compter sur l’expérience de Jan Tops pour atteindre ses objectifs. © Sportfot

Vous aviez confié en 2020, lors d’un entretien accordé à GRANDPRIX, que Jan Tops s’était intéressé à vous lorsque vous aviez mentionné votre budget illimité. Considérez-vous l’argent comme une part importante de votre réussite, mais aussi de celle de nombreux cavaliers?  
Naturellement, vous avez besoin d’argent dans ce sport, surtout lorsque vous souhaitez, comme moi, participer aux Jeux olympiques qui se tiennent dans trois ans alors que vous sautez 1,20m (en 2017, lorsque le Japonais s’est présenté devant Ian Tops, il rêvait des Jeux olympiques de Tokyo, ndlr). Vous avez besoin de chevaux et de vous entraîner. Tout dépend aussi des objectifs mais, lorsqu’ils sont hauts, l’argent est nécessaire. Pour certaines personnes, qui ont débuté l’équitation très tôt, il ne l’est pas toujours mais, parfois, il aide à aller plus vite. Dans ma situation, bien sûr, il a aidé.     

À l’époque, vous aviez un rêve, celui de participer aux Jeux olympiques, dans votre pays, en 2020. Vous avez finalement été désigné réserviste de cette belle équipe du Japon avec As de Mai (SF, Apache d’Adriers x Kannan). Cela témoigne d’une progression assez fulgurante, non ?  
Prendre part aux Jeux olympiques était mon rêve. Bien sûr, j’aurais préféré y participer en tant que cavalier mais passer d’épreuves à 1,20m aux Jeux olympiques en trois ans était une grande mission. Finalement, j’étais réserviste mais plutôt content de moi. J’aurais pu être meilleur mais, au moins, j’ai réalisé un de mes rêves et j’en suis fier.     

Vous êtes désormais un incontournable représentant de votre pays en CSI 5*, à qui devez-vous le plus cette réussite ?  
Je pense que la plus grande part revient à mon père qui m’a permis de monter à cheval. Je ne dois pas tout cela à une seule chose mais plutôt à plein de personnes additionnées qui ont apporté leur pierre à l’édifice, mon entraîneur (Jan Tops, ndlr), mes chevaux, ma groom et toutes les personnes qui m’aident et m’entourent au quotidien.  

En 2021, aux Jeux de Tokyo, Mike Kawai a été désigné réserviste de l'équipe japonaise avec As de Mai, ici lors de la warm-up. © Sportfot



“Le Global Champions Tour permet à des gens comme moi de prendre de l’expérience”

Votre ascension a débuté en 2019, notamment avec Saxo de la Cour (SF, Tlaloc M x Jalisco B), Celvin (KWPN, Raphael x Werther) et As de Mai. En quel sens monter des chevaux d’un tel niveau vous a-t-il permis de progresser davantage ?  
J’étais jeune et sans expérience alors j’avais besoin de chevaux qui en avaient, qui pouvaient m’en donner et me guider. Je n’allais pas, moi, leur apprendre quoi que ce soit. Ces chevaux m’ont permis de me développer, seul mais aussi avec eux.    

Vous avez rapidement eu accès à de nombreux CSI 5* en intégrant une équipe de la Global Champions League. Comment votre entrée s’est-elle faite? Le circuit du Longines Global Champions Tour est souvent critiqué, qu’en pensez-vous?  
Je n’avais pas d’équipe mais il m’en fallait une pour progresser alors j’ai accepté dès qu’une occasion s’est présentée (cette année, Mike Kawai fait partie de l’équipe des Mexico Amigos aux côtés de Rodrigo Giesteira Almeida, Hans-Dieter Dreher, Nicolas Pizarro, Sergio Nieto Del Rio et Tom Wachman, ndlr).   
Si vous avez un rang assez haut au classement mondial Longines, vous pouvez aisément prendre part aux étapes de ce circuit. Pour les gens comme moi qui sont assez loin (en avril, le Japonais pointe au cent-trente-deuxième rang mais seuls les trente meilleurs sont directement invités à participer aux CSI 5*, ndlr) mais veulent prendre de l’expérience lors de CSI 5*, le Longines Global Champions Tour peut réellement nous aider à y parvenir. Si nous ne comptions que sur le classement mondial, il serait extrêmement difficile d’avoir accès à ces concours. Pour cette raison, le fait de permettre à des gens de prendre de l’expérience lors de très belles et difficiles épreuves, je trouve que ce circuit est quelque chose de très positif.     

Jan Tops étant le fondateur de ce circuit, peut-on dire que, sans lui, vous n’en seriez pas là?  
C’est difficile à dire. Je ne sais pas où j’en serai si je n’étais pas allé toquer à sa porte. Grâce à lui, j’ai accompli certains de mes objectifs alors je pense qu’il est à l’origine d’une grande partie de ma réussite.     

N’est-ce pas trop difficile de vivre dans une culture très différente de la vôtre?  
Ça l’était surtout au début! Langue différente, culture différente, pays différent… Rien n’est semblable au Japon. Ça a été difficile pour moi mais j’avais un objectif et je voulais le réaliser alors j’ai tout fait pour réussir. Ce n’était pas un problème.     

Depuis plusieurs années, Mike Kawai fait partie d’une équipe de la Global Champions League. Un moyen, pour lui, de prendre de l'expérience. © Sportfot

Vous évoquez souvent votre père, Yoshio Kawai, qui vous a poussé à vous lancer en Europe. Comment a évolué votre relation depuis vos débuts?  
Il est mon plus grand supporter, toujours derrière moi, même s’il ne me dira jamais que j’ai fait quelque chose de bien! Par exemple, une fois, je lui ai dit que j’avais remporté une épreuve lors d’une étape du Global Champions Tour (sur ce circuit, le Japonais a remporté deux épreuves à 1,45m, en 2021, ndlr) et il m’a dit : “ce n’est pas 1,60m. Tu dois gagner des épreuves à 1,60m” (rires). Il me pousse toujours à me surpasser.     

Vous avez également pu compter sur Tokyo du Soleil (SF, Montender x Papillon Rouge) pour progresser. Il a désormais seize ans, comment se porte-t-il?  
Il va bien! J’ai eu du mal à obtenir des résultats au début. C’était difficile pour moi, je n’avais pas forcément les boutons mais, ces derniers mois, j’ai une bien meilleure connexion avec lui et j’en suis très heureux (en décembre, le couple s’est notamment imposé dans le Grand Prix Coupe du monde du CSI 4*-W de Riyad, ndlr).     

En début d’année, Star (Holst, Singulord Joter x Asleika Joter), ancienne partenaire de Thierry Rozier, a effectué son retour à la compétition. Comment va-t-elle?  
Elle va bien. Elle a été arrêtée pendant un an (d’août 2021 à janvier 2023, ndlr) mais c’est une jument vraiment très compétitive. Je suis heureux qu’elle soit de retour en piste et, doucement, nous avançons vers le niveau que nous souhaitions atteindre à la base (depuis son retour, la baie n’a signé que des parcours sans faute lors d’épreuves à 1,30m, ndlr).     

De manière générale, vos chevaux acquis au début de votre carrière prennent un peu d’âge. Comment allez-vous renouveler votre écurie? Comptez-vous notamment apprendre aux côtés de jeunes chevaux?  
Oui, j’y songe de plus en plus et je pense que c’est nécessaire. Le temps est important pour comprendre un cheval et instaurer une certaine complicité, apprendre à se connaître et se faire confiance. Acheter les chevaux lorsqu’ils sont jeunes nous permet de prendre davantage notre temps et créer une belle relation avec eux.     

Espérez-vous, un jour, vous installer seul?  
Je ne sais pas, je n’y ai jamais vraiment songé! Pour le moment, je continue d’apprendre auprès de Jan Tops.    

La géniale Star, ici à Londres en 2021, a effectué son retour à la compétition début 2023! © Sportfot 



“Je rêve des Jeux de Paris”

Comment voyez-vous la progression de votre pays, le Japon, d’un point de vue équestre?  
Je ne monte à cheval que depuis dix ans alors je ne connais pas si bien le passé équestre du Japon mais je pense que nous nous améliorons chaque jour. Je le remarque surtout depuis les Jeux olympiques, lors desquels Daisuke (Fukushima, ndlr) s’est classé sixième en individuel (avec Chanyon, depuis vendu au profit de l’Américain Ansgar Holtgers Jr, ndlr). Le Japon est une équipe bien plus forte et solide.     

Avez-vous remarqué des changements depuis les JO?  
Oui, la Fédération a acheté certains chevaux pour les cavaliers, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant (notamment Calcento JRA, évoluant désormais avec Eiken Sato mais ayant participé aux Mondiaux d’Herning avec Koki Saito ou encore Chilensky JRA, lui aussi sous la selle du premier cité, ndlr). Cela rend les choses différentes.     

Vous êtes allé en vacances au Japon il y a peu, comment était-ce?  
J’adore mon pays, le Japon. J’ai grandi là-bas alors je suis toujours heureux d’y retourner et de retrouver mes amis et ma famille ainsi qu’Osaka, mon endroit favori, où j’ai vécu.     

Vous voyez-vous réaliser toute votre carrière en Europe?  
Après les Jeux de Paris, je pense que je retournerai au Japon pour travailler avec mon père, où il a une entreprise (Yoshio Kawai dirige une entreprise d’électricité qu’il a fondée lorsqu’il avait vingt-trois ans, ndlr). Bien sûr, je continuerai à monter à cheval parce que j’adore ça. Ce n’est pas un projet auquel je pense actuellement mais je l’ai dans un coin de ma tête.      

Pensez-vous à Paris 2024?  
Bien sûr, c’est mon objectif désormais. Normalement, je devrais préparer Goldwin (BWP, Emerald x Carthina Z) pour cet événement. Cependant, si Saxo est dans une aussi belle forme qu’actuellement, même s’il aura dix-huit, j’envisagerai peut-être de l’y emmener (récemment, le Selle Français s’est classé troisième du Grand Prix 5* de Doha puis onzième, une semaine plus tard, du premier Grand Prix du Longines Global Champions Tour, toujours au Qatar, ndlr). On ne peut savoir ce qu’il se passera et quel cheval sera prêt.      

Avez-vous un rêve que vous aimeriez encore réaliser?  
Participer aux Jeux olympiques de Paris et ramener une médaille.    

Saxo de la Cour, qui a permis à Mike Kawai de prendre part aux Mondiaux d'Herning, pourrait bien fouler la piste de Versailles en 2024! © Scoopdyga

Photo à la Une: Peu à peu, Mike Kawai s’installe comme le leader de son pays. © Sportfot