Ces derniers mois, le photogénique Con Quidam RB crève l’écran. Avec sa cavalière, Sanne Thijssen, le généreux étalon de seize ans semble capable de surmonter n’importe quel obstacle dressé sur son chemin. Si bien que la paire pourrait se diriger vers une sélection pour les Mondiaux de Herning, en août prochain. Si la Néerlandaise ne veut pas se projeter outre mesure, souhaitant préserver au maximum son crack, ses victoires dans les Grands Prix 5* de Rotterdam, en 2021, et de Madrid, il y a un mois, en font de sérieux candidats. Avant d’éclore au grand jour, l’étalon Holsteiner a pourtant connu un parcours semé d’embûches. Blessé pendant deux ans, le fils de Quinar était initialement destiné à la vente ! La famille Bröcking, chez qui il est né, Sanne Thijssen, sa fidèle cavalière et Katy Johns, sa groom depuis un peu plus d’un an et demi, retracent son itinéraire.
“Con Quidam est le roi de l’écurie. Il n’est pas pourri gâté, mais il est assurément le préféré. On ne peut pas le rater”, lance Katy Johns, bonne fée de l’étalon de Sanne Thijssen depuis un peu plus d’un an et demi. Ces dix-huit derniers mois, l’adorable bai au look de premier de la classe n’est, en effet, pas passé inaperçu. Mieux, il a crevé l’écran. Intelligent, charismatique et talentueux, le Holsteiner de seize ans ne manque pas de qualités en piste. D’ailleurs, ses prédispositions naturelles au saut d’obstacles l’ont conduit à se forger un solide palmarès. Une deuxième position dans le Grand Prix du CSIO 3* de Gorla Minore en avril 2021, une victoire à 1,45m à Opglabbeek un mois plus tard, une place de numéro deux dans une belle épreuve à 1,60m au CSIO 5* de Sopot en juin, puis le coup de grâce, dans le Grand Prix de l’Officiel des Pays-Bas, à Rotterdam. Face à quatorze autres paires au barrage, le couple a tout bonnement survolé la compétition, affirmant leur éclosion au plus haut niveau, aux yeux du grand public. La suite a été tout aussi faste pour la paire, qui se connaît par cœur : deux victoires au CSI 4* d’Opglabbeek en août, dont une dans le Grand Prix, une deuxième place dans l’étape du Longines Global Champions Tour de Valkenswaard (LGCT), un clear round dans la mythique Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle en septembre, un sans-faute à Barcelone dans la finale du circuit collectif Longines de la Fédération équestre internationale (FEI), un succès dans le Prix du Crédit Suisse à Genève en décembre, et encore deux triomphes en 2022, à Vejer de la Frontera dans le temps fort dominical d’un CSI 4*, puis sous le soleil espagnol de Madrid, hôte d’une étape du LGCT. Outre ces innombrables réussites, il convient de préciser que Con Quidam n'apparaît en compétition qu’avec parcimonie. Autant dire qu’il n’a rien manqué, ou presque, ces deux dernières années.
“Les prédispositions de Con Quidam étaient exceptionnelles”, Rüdiger Bröcking
Son intelligence de la barre que beaucoup loue, sa technique quasi-parfaite et son galop tonique, Con Quidam les a hérités de ses deux géniteurs : Quinar, un fils de l’illustre Quidam de Revel, et Capitola B, une descendante de Cardino (Carthago). Ce croisement découle du fruit du travail de la famille Bröcking, dont l’élevage est niché à Borken, ville de la bourgade de Hesse, située entre Leipzig et Cologne, en Allemagne. “Con Quidam est né d’une jument que nous avons fait naître nous-mêmes, Capitola B, une demi-sœur de l’étalon Con Capitol, du haras Sprehe. Peu après sa naissance, il était déjà très éveillé. Poulain, il se montrait déjà très combatif, avait beaucoup d’énergie et de confiance en lui”, révèle Rüdiger Bröcking. Outre Con Capitol (Contender) son propre frère, Con Capitol 2, et sa propre sœur, Can Get You, vue jusqu’à 1,50m, Irina B, la deuxième mère de Con Quidam, a aussi engendré Calina B (Casiro I), A-Capri Island (Coriano) et Con Quidam Della Cava RB (Quintero), sortis en compétitions à 1,40 et 1,45m. “La Stamm 1446 est très performante et compte de nombreux chevaux compétitifs dans le sport au niveau international”, souligne l’éleveur du crack. Capitola B a elle-même concouru jusqu’à 1,35m, en parallèle de sa carrière à l’élevage. Né en 2006, Con Quidam est son premier produit. Les suivants ont vu le jour à partir de 2016, selon les données de Horsetelex. Ainsi, la fille de Cardino a donné des produits par Uriko, Verdi TN, Kashmir van’t Schuttershof, Diamant de Semilly ou encore Heartbreaker.
“Con Quidam avait des allures exceptionnelles et était destiné à se présenter aux approbations d’étalons, avant qu’il ne soit vendu à nos partenaires commerciaux en Bulgarie. Au saut en liberté, ses qualités lui valaient un 10/10. Il était un jeune cheval dur et dont le type et les prédispositions étaient déjà exceptionnels”, reprend le naisseur du crack. En 2011, alors âgé de cinq ans, le génial bai retrouve son Allemagne natale, pour être monté par le Bulgare Rossen Raytchev. “Con Quidam a participé au championnat du monde des jeunes chevaux (à six ans, ndlr) et a remporté l’épreuve d’ouverture sur près de trois cents chevaux. Il s’est qualifié pour la finale, où il a terminé quatorzième et meilleur Holsteiner”, complète Rüdiger Bröcking. Début 2013, l’étalon est acquis par Leon Thijssen, le père de Sanne, Mel et Mans, qui gère une importante écurie de commerce aux Pays-Bas. “Mon père l’a acheté à l’âge de six ans. Il a commencé à le monter, puis m’en a donné les rênes à sept ans. C’est ainsi que tout a commencé, dans de petites épreuves. Nous avons une écurie de commerce, donc normalement tous nos chevaux sont à vendre. C’était le cas de Con Quidam”, relate Sanne Thijssen.
Une blessure qui va tout changer
Le couple débute tranquillement, à 1,35 et 1,40m. Rapidement, le succès est au rendez-vous. Sanne et Con Quidam décrochent ainsi plusieurs classements et victoires, dont leur premier Grand Prix 2*, à Drachten, en janvier 2018. “Nous ne souhaitions pas le commercialiser trop jeune. Nous avons donc essayé de l’aguerrir à un niveau plus important. Après quelque temps, à huit ou neuf ans, il a atteint ce niveau et a sauté à 1,45m. Si le bon client était venu, il aurait été vendu”, poursuit l’amazone.
En juin 2015, les deux complices participent à leur première Coupe des nations, en Jeunes Cavaliers. Leurs bonnes performances les conduisent même jusqu’aux championnats d’Europe, à Wiener Neustadt, qu’ils concluent au onzième rang individuel. L’année suivante se déroule sur les mêmes bases et s’achève en apothéose, avec une quatrième place individuelle et une médaille d’argent collective aux Européens de Millstreet, en Irlande. Quelques semaines plus tard, Sanne et Con Quidam courent leur premier Grand Prix 5*, à Gijon, et terminent de nouveau quatrième, avant de poursuivre leur folle ascension vers le très haut niveau en 2017. Seulement, à la fin du mois de juin, l’étalon disparaît des écrans radars. Blessé, le Holsteiner ne réapparaîtra que deux ans plus tard sur la scène internationale, en mai 2019. “En fin de compte, il est resté avec nous à cause de sa blessure. Il a été convalescent pendant deux ans et c’est pour cela qu’il n’a jamais été vendu. Ensuite, il est revenu dans le sport. Pour être franche, nous ne nous attendions pas à cela ! Nous l’avons relancé doucement et il a fini par retrouver le haut niveau. Il est presque encore meilleur qu’avant sa blessure !”, confie la Néerlandaise, qui a écrit les plus belles lignes de son jeune palmarès avec son fils de Quinar.
Depuis son retour sur le devant de la scène, l’étalon ne cesse d’impressionner. Ses qualités intrinsèques ne font pas débat, et sa capacité à se sortir de n’importe quelle situation non plus. Plus qu’un bon cheval de sport, Con Quidam est une sorte de petit génie du saut d’obstacles. Si bien que Rob Ehrens, chef d’équipe des Pays-Bas jusqu’en fin d’année dernière, puis le Belge Jos Lansink, son successeur, lui ont accordé leur confiance. Après avoir participé à la victoire des Oranje dans la finale du circuit des Coupes des nations Longines en octobre dernier à Barcelone, la paire a été sélectionnée il y a une semaine à Saint-Gall, pour l’Officiel de Suisse. Si le résultat n’était pas celui escompté (4+8), les deux complices n’en restent pas moins de sérieux candidats pour les Européens de Herning, prévus en août, au Danemark. “Cela dépendra de sa forme. Il me semble bien en ce moment, mais nous devons d’abord discuter avec notre chef d’équipe et avec mon père”, répond Sanne face à cette possibilité. “Il a seize ans et nous devons prendre soin de lui. Les championnats du monde requièrent de sauter beaucoup de parcours. Nous verrons comment tout évolue : si nous le sentons bien, nous brigueront sûrement une sélection. Si nous estimons que cela est trop pour lui, alors nous n'irons pas.”
Le barrage victorieux du duo à Madrid.
Le cheval d’une vie
La blessure subie par Con Quidam en 2016 a profondément changé sa destinée. Sans ce coup du sort, l’étalon aurait sans doute atterri dans une autre écurie. Qui sait ce que serait devenu ce crack ? Car, avec Sanne, le Holsteiner a trouvé sa cavalière, pour former un véritable couple, qui respire l’harmonie. L’amazone de vingt-trois ans n’hésite pas une seconde lorsqu’on lui demande si son bai est le cheval de sa vie. “Oui, sans aucun doute”, glisse-t-elle dans un sourire. À la maison, le roi des écuries coule une paisible vie et ne saute que peu ou prou, s’aérant davantage l’esprit en extérieur. “Il préfère aller en concours, il adore vraiment ça. Parfois, je l’emmène faire de petites épreuves en 2*, donc je n’ai pas besoin de l’entraîner à l’obstacle à la maison. Il saute déjà assez et sait ce qu’il fait”, précise la cavalière. Et Katy Johns, sa groom, de compléter : “En général, Sanne le monte le matin et va en forêt, le promener. Ensuite, il va au marcheur ou au pré l’après-midi.” Souhaitant préserver leur Con Quidam autant que possible, Sanne et son père ont également choisi de ne pas le proposer à la reproduction, pour l’instant. “Il ne peut pas faire à la fois de l’élevage et du sport. C’est trop pour lui”, martèle la Néerlandaise. “Lorsqu’il sera à la retraite, nous voulons l’utiliser en tant qu’étalon. Mais pour l’instant, nous avons décidé de nous concentrer d’abord sur le sport.” Sans aucun doute, le bai aura de nombreuses qualités à transmettre à sa descendance. Pour l’heure, il ne compte que quelques produits, nés dans la première moitié des années 2010.
Bien qu’il soit entier, Con Quidam se révèle être un gentil cheval, avec un caractère bien à lui. “Il est presque comme un humain”, sourit sa cavalière. “On peut voir lorsqu’il est en colère. La plupart du temps, il est un peu contrarié quand il voit d’autres chevaux, surtout les hongres et les étalons. Cependant, il aime bien les juments ! Au paddock, il essaye parfois de mordre les autres. Quand je le monte, il est heureux et joue, comme un jeune cheval.” “Il a une forte personnalité, parce qu’il sait qu’il est talentueux”, complète la Britannique Katy Johns, qui officie en tant que soigneuse depuis presque sept ans. “Il est très gentil à s’occuper et pour un étalon, il est plutôt facile. Il peut être un peu insolent, notamment lorsqu’il voit d’autres chevaux : on l’entend avant de le voir ! Mais c’est un étalon très heureux.”
Ces huit dernières années, Con Quidam RB a offert son lot de souvenirs à son entourage. Si Sanne Thijssen et Katy Johns retiennent les deux victoires en Grands Prix 5*, acquises à Rotterdam et Madrid, les naisseurs de l’étalons, eux, se réjouissent simplement de voir leur protégé performer avec autant de réussite. “Nous suivons de très près ses résultats, parce qu’il est la figure de proue de notre élevage. Con Quidam a une longue liste de succès internationaux, ce qui le rend super intéressant comme étalon. Grâce à ses performances, nous nous sommes placés au dixième rang des meilleurs éleveurs mondiaux sur le classement de la WBFSH (Fédération mondiale pour l’élevage des chevaux de sport, ndlr)”, se réjouissent les Bröcking. Bien qu’âgé de seize ans, le crack a encore de belles heures devant lui pour faire craquer les aficionados de saut d’obstacles avec son toupet rebelle et sa générosité sans limite.
Photo à la Une : Con Quidam et Sanne Thijssen à Barcelone. © Scoopdyga