Comment garder son cheval en forme durant l’hiver ?
Le froid est arrivé ! Ca y est, dans quelques jours, nous serons véritablement en hiver. C’est ce qui nous a poussés à nous demander, pour cette question du mois de décembre, comment faire pour garder notre cheval en forme durant l’hiver ? Pour répondre à cette interrogation qui taraude bien des cavalières et cavaliers, le Dr. Charles Barre, qui exerce en tant que consultant indépendant en nutrition équine depuis 2006 et qui est responsable de la commission Alimentation de l'Association des Vétérinaires Equins Français (AVEF), nous répondra. Du côté du cavalier, nous avons donné la parole à l’Italienne Giulia Martinengo Marquet.
Dr. Charles Barre
Lorsque vous demandez à Charles Barre ce qu’il faut changer dans l’alimentation d’un cheval durant l’hiver, il commence par vous retourner une autre question, pour savoir si un vrai changement de travail est prévu : « Si vous diminuez vraiment le travail du cheval, si les paddocks ne sont plus praticables, il faudra évidemment revoir à la baisse l’apport en calories mais en aucun cas l’apport en foin ! » On l’oublie souvent car le foin n’est pas au cœur d’un business, mais il constitue la base de l’alimentation du cheval. Avoir un cheval en forme, c’est avant tout par la qualité du fourrage – et par la manière de le donner – que cela passe. Une épineuse question pour le nutritionniste qui explique que c’est l’une des raisons qui le fait se lever chaque matin : « Il faut que les cavaliers et les gens qui s’occupent des chevaux réapprennent à se faire confiance. Dans un monde idéal, c’est celui qui détermine le travail qu’il va demander à son cheval qui doit choisir les calories qu’il lui donnera. C’est une balance. Si vous distribuez trop de calories par rapport au travail, vous en mettez en réserve donc le cheval prend de la masse grasse. Si vous en distribuez trop peu, il maigrit. Quand vous changez le rythme de travail, il faut donc réajuster cet équilibre, donner moins de calories si on en dépense moins. » Or l’hiver n’est pas forcément synonyme d’un travail plus léger : « Si vous passez d’une saison de concours à une saison où vous n’allez plus sauter, mais que vous allez essayer de construire votre cheval pour la saison suivante, en favorisant par exemple des trottings à la montée ou un travail de fond plus intense, la quantité de calories entre l’été et l’hiver ne devra pas forcément être réduite. En revanche, s’il y a vraiment une baisse de la quantité de travail fourni, il ne faut pas hésiter à diminuer la quantité », précise le nutritionniste. « Si l’on enlève des calories, c’est en priorité sur les aliments concentrés mais en aucun cas sur le foin. La quantité de foin, c’est un diamant qu’on se doit de préserver pour la santé de notre cheval. »
Le secret pour suivre la forme d’un équidé ? Ouvrir l’œil : « On regarde l’état du cheval. Il faut observer mais pas forcément quotidiennement : ce n’est pas au jour le jour que tout se décide. La période qui me semble la plus intéressante se situe entre quinze jours et un mois. Dans un monde idéal, le cavalier doit se dire une fois par mois : « Ok, mon cheval est dans cet état, comment est-ce que je veux qu’il soit dans un mois ? On fait un pari, on augmente, on diminue ou on ne change rien, et on fait le point le mois suivant. Même si on s’est trompé, ce n’est pas trop grave, car on peut adapter les rations au contrôle suivant. » Dans son travail quotidien, le nutritionniste a vite constaté que les grooms étaient souvent ceux qui ont le sens de l’observation le plus aiguisé : « Ils savent vraiment bien observer un cheval. Si les cavaliers et les grooms travaillent ensemble pour réfléchir à alimenter le cheval en fonction du travail qui va lui être demandé, c’est l’idéal. » Et comme le résume le Dr. Charles Barre : « C’est la réflexion des gens qui fait la différence au final. »
Giulia Martinengo Marquet
Giulia Martinengo Marquet, que l’on avait rencontré en 2019 pour un grand reportage (retrouvez-le ici) et qui a cette année-là signé de superbes tours lors des Européens de Rotterdam, est membre de la première équipe italienne. Elle nous livre sa méthode pour garder ses chevaux en forme durant la pause hivernale : « Je fais une grande différence entre les jeunes ou les nouvelles montures et les chevaux d’expérience. Ces derniers ont droit à un vrai break d'un mois à six semaines. Ils ne voient plus une barre, pas même une barre au sol. Par contre, je veux les garder en forme car les arrêter complétement, je pense que c’est pire que tout. J’essaie de varier le travail au maximum pour qu’ils puissent garder le moral. Lorsque les conditions le permettent, ils vont le plus possible au pré. Si ce n’est pas possible, je les lâche dans le manège pour qu’ils puissent se rouler et se détendre. Si habituellement je n’ai pas besoin de faire attention à l’horloge, je garde un œil dessus en hiver, car je veux m’assurer que je les travaille tout de même suffisamment longtemps. Lorsqu’on monte en manège, on a tendance à faire un travail plus réduit, en particulier si votre manège n’est pas très grand. Je rallonge souvent mon temps de travail avec une balade en début ou en fin de séance. Par contre, pour des jeunes chevaux ou des chevaux qui viennent d’intégrer mon écurie, je profite de cette période calme pour travailler plus intensément. C’est l’occasion parfaite pour insister sur des exercices précis et les faire progresser rapidement. Néanmoins, comme pour les chevaux plus expérimentés, je veille à ce qu’ils sortent et bougent beaucoup durant cette période. Pour les chevaux les plus âgés, c’est aussi un bon moment pour veiller à leur bien-être par exemple, on peut prendre plus de temps avec l’ostéopathe. On fait aussi plus souvent des mash car ils ont tendance à moins boire en hiver mais il n’y a pas de grand secret, il faut rester basique. » L’Italie n’ayant pas décroché de place pour les prochains Jeux olympiques, Giulia Martinengo Marquet focalise son travail hivernal en vue des championnats d’Europe 2021. Gageons que l’Italienne sera une des cavalières à suivre la saison prochaine !
Crédit photo : Sportfot.com et Clément Grandjean