Toujours propriété de ses éleveurs et auprès de son groom depuis sa venue au monde, Chromatic BF est décédé subitement à Riyad, peu après sa performance retentissante sous la selle de Jill Humphrey. Presque inconnus du grand public, les deux complices, qui n’ont fait leurs débuts internationaux qu’en septembre 2023, pointaient à la cinquième place du classement provisoire de la finale de la Coupe du monde Longines et avaient de sérieuses chances de figurer parmi les meilleurs, samedi, à l’issue de la dernière journée de compétition. Mais le sort en a décidé autrement…
Tout sourire en sortie de piste, après une prestation remarquable et remarquée, l’Américaine Jill Humphrey est passée du rêve au cauchemar. Son complice, Chromatic BF, qui venait de lui offrir un double sans-faute à Riyad et une cinquième place au classement provisoire de la finale de la Coupe du monde Longines, est décédé, jeudi 18 avril dans la soirée. La nouvelle, confirmée par la Fédération équestre internationale (FEI) et la fédération américaine, a fait l’effet d’une bombe. Selon les premières informations communiquées par les deux instances, le hongre de treize ans se serait “effondré de manière inattendue”, après être rentré au box à l’issue de l’épreuve et du tour d’honneur. “Chromatic BF a été immédiatement pris en charge par le personnel vétérinaire de la fédération américaine et les vétérinaires nommés par la FEI, mais n’a pu être réanimé. Conformément au règlement vétérinaire de la FEI, des échantillons ont déjà été prélevés sur le cheval et une autopsie complète sera effectuée”, a précisé la FEI dans un communiqué.
Né en Californie, à Branscomb Farm, Chromatic BF était un fils du Holsteiner Connor et petit-fils de Concept, sur une souche maternelle confidentielle mais sérieuse. Passé sous les selles de l’Argentin Daniel Alfredo Zilla et de l’Américaine Ivy Creahan, le hongre enregistré au stud-book Oldenbourg avait fait ses débuts en Grands Prix en 2021, obtenant rapidement plusieurs classements à 1,45 et 1,50m en Californie. Remarqué en Amérique dans ses jeunes années, il avait seulement débuté sa carrière internationale en septembre 2023, aux côtés de Jill Humphrey, qui n’avait plus concouru face à une concurrence mondiale depuis cinq ans. Ensemble, le duo avant notamment triomphé lors d’une épreuve à 1,50m jouée au CSI 4*-W de Sacramento, avant de sa classé deux fois troisièmes des Grands Prix Coupe du monde de Las Vegas et Fort Worth. Ces performances avait permis aux deux complices d’être de la partie à Riyad, où leurs débuts en grands championnats ont été plus que prometteurs. Malheureusement, la vie est parfois injuste et l’aventure s’est arrêtée brutalement.
Cette saison, Jill Humphrey a également concouru avec deux autres montures de l’élevage de Branscomb Farm : Sonata BF, une soeur utérine de Chromatic BF par Diarado âgée de treize ans, et Cassirado BF, descendant de Cassini II de huit ans.
Durant les treize années de sa (trop courte) vie, Chromatic BF était resté la propriété de ses éleveurs et n’avait jamais quitté les bons soins de son groom, Pepe Rodriguez, qui a pris soin de lui de sa naissance jusqu’à son dernier souffle. “Après avoir récupéré normalement après ses parcours, Chromatic est rentré à l'écurie, heureux et calme, accompagné de Pepe Rodriguez, son soigneur de toujours, et de Jill. Après s'être reposé et rafraîchi, le vétérinaire de l'équipe américaine lui a administré une injection d'électrolytes. De retour au box, où il attendait que nous lui posions ses bandes et mettions sa couverture pour la nuit, Chromatic a été pris de convulsions et s'est effondré dans son box. Il a été immédiatement pris en charge par les vétérinaires de la fédération américaine et de la FEI et a été déclaré mort peu de temps après. En tant que propriétaire de toujours et éleveur de Chromatic, je tiens à ce qu'il soit clairement établi que personne n'est en tort. Le cheval n'a pas souffert et il n'y a aucune preuve que son décès soit lié à sa performance avec Jill plus d'une heure auparavant ou à l'injection de routine effectuée par le vétérinaire”, a précisé KC Branscomb, dans un message relayé sur les réseaux sociaux. “Un rapport d'autopsie complet me sera fourni à un moment donné. Mais ce que j'espère que les gens retiendront de cet accident imprévisible et de cette grande tragédie, c'est que ce fut une nuit de larmes - des larmes de joie et des larmes de deuil. Souvenons-nous de lui pour la façon dont il a vécu et non pour la façon dont il est mort.”
Photo à la Une : Jill Humphrey et Chromatic BF lors de l’inspection vétérinaire. © Dirk Caremans
Aux lectrices et lecteurs de Studforlife
Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter ; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch ; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions ; et l’homosexualité est pénalisée de mort…
Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper : cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.
Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, Studforlife a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de Studforlife ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.