Chyazint : la passionnante histoire d’une jument de six ans vendue 4 000 000 d’euros
Le monde des chevaux repose sur des connexions et des connaissances. Ces liens étroits se tissent parfois à travers le globe tout entier. Et un message, envoyé par Nathalie Obiol, une proche de la famille Levallois, en est la preuve. “Il y a une très belle histoire à raconter à propos d’une jument…” Cette jument s’est avérée être Chyazint, vendue pour quatre millions d’euros lors des ventes PSI, des enchères gérées chaque année par Ullrich Kasselmann et Paul Schockemöhle. Un appel à Nathalie et une bribe d’informations ont suffi à lever les doutes sur l’histoire derrière celle qui a défrayé la chronique. Plus qu’un prix record, le phénomène qu'est devenue Chyazint est le fruit de courage, de persévérance et de passion.
Anna Christina Gansäuer, trente-cinq ans, est une jeune femme passionnée d’élevage et de saut d’obstacles. Son point de base, à Ocala, aux Etats-Unis, où elle gère ses propres écuries baptisées Kandor Farm, lui permet de rester proche de ses parents, qui vivent toujours en Equateur, pays natal de sa mère, mais aussi de son Allemagne chérie, où est né son père, et qu’elle peut rejoindre en une petite journée de vol. “J’ai grandi en Equateur et j’ai toujours adoré les chevaux, quand bien même mes parents n’avaient rien à voir avec ce milieu. Mon père, qui est germanique, a dit à l’un de ses amis, installé en Allemagne, que sa fille avait commencé l’équitation. Il s’est avéré que le patron de l’une de ses connaissances était cavalier. Il a fini par leur demander si je pouvais aller en Allemagne, pour passer du temps dans les écuries et éventuellement apprendre la langue”, retrace l’éleveuse. “Florian Meyer zu Hartum était l’entraîneur et le cavalier de ce fameux patron. Voilà comment j’ai rencontré Florian. Et toute l’histoire de Chyazint est étroitement liée à lui et sa famille. À l’époque, il occupait déjà un poste important chez Paul Schockemöhle, à Mühlen. Je le connais depuis plus de dix-huit ans et il est essentiellement celui qui m’a appris à monter à cheval. Depuis lors, j’ai toujours suivi Florian, qui a formé de nombreux chevaux. Il a acheté des chevaux partout dans le monde, dont une jument, originaire d’Estonie : Hyazint.”
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L’amour de la génétique
Hyazint, une fille d’Heartbreaker et Paravatti, par Indoctro, à la souche maternelle imprégnée de KWPN, débarque en Allemagne en 2009, alors âgée de quatre ans et sans expérience sous la selle. “J’ai une obsession avec Heartbreaker”, s’amuse Anna Christina. “Le premier cheval à avoir marqué ma vie était Kando, un fils de Nimmerdor. Je n’ai pas pu avoir de produits de Nimmerdor. L’étalon qui se rapprochait le plus du lui était Heartbreaker. De fait, j’étais déjà fan de lui lorsque j’étais petite ! Je me souviens avoir vu cette petite jument de quatre ans. J’ai dit ‘je veux celle-là !’. Florian m’a répondu : ‘tu ne peux pas la monter’. J’ai commencé à faire une fixette sur elle. Je connaissais son père et son grand-père maternel grâce à leur production. En fait, c’étaient les deux seuls étalons que je connaissais à ce moment-là. Hyazint était tout simplement parfaite à mes yeux. Elle était jeune, et c’est peut-être la raison pour laquelle j’ai pu me l’offrir. Voilà comment l’histoire a commencé.”
Ne jamais abandonner
La suite de l’aventure avec Hyazint demande une sacrée dose de courage et de résilience à Anna Christina. “Hyacint est restée avec Florian. Elle a un excellent papier, qui combine les sangs d’Heartbreaker, Indoctro, Faram et le Pur-Sang Pericles. J’étais là au bon moment pour l’acquérir et Florian l’a prise sous son aile pour la former. Malheureusement, elle s’est gravement blessée dans son box. C’était un accident improbable… Son état était très mauvais, et nous avons douté de sa capacité à survivre à cela… Elle était allongée et ne parvenait pas à se relever correctement. Avec l’aide d’un vétérinaire mexicain cher à mes yeux et avec lequel j’ai travaillé pendant des années (le Dr. Diego Ulibarri, ndlr), nous avons, par je ne sais quel moyen, réussi à trouver une clinique en Allemagne, où Hyacint a pu être conduite et sauvée. Quelques opérations plus tard, sa vie n’était plus en danger. Notre seul objectif était de la sauver ! Mon rêve était de disputer des Grands Prix internationaux avec elle, puis, plus tard, de l’utiliser à l’élevage. Ce second projet a finalement débuté plus tôt que prévu”, narre avec émotion la cavalière, qui évolue aujourd’hui jusqu’en Grand Prix 4*.
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Hyacint, qui n’est autre qu’une sœur utérine de la prometteuse Q Paravatti (Quality Time), complice de Jack Whitaker au plus haut niveau, et a elle-même évolué jusqu’à 1,25m, mettra au monde Chyazint (Casallco), après avoir engendré Coronation 9 (Clinton) avant son arrivée outre-Rhin, ainsi que Maverick K (Messenger). “Depuis dix-huit ans, je passe chaque année quelques mois en Allemagne. La famille de Florian est ma seconde famille. Il y a sept ans, nous avons donc discuté de l’étalon qui pourrait être un bon choix pour Hyacint. Je voulais essayer un mâle autre que les têtes d’affiches proposées par la maison Schockemöhle. J’ai sollicité l’avis de Florian et j’étais prête à suivre ses conseils. Il m’a parlé de quelques jeunes reproducteurs et nous avons finalement choisi un étalon que personne ne connaissait vraiment : Casallco. Ce croisement a donné Chyazint”, reprend Anna Christina.
L’œil de Paul Schockemöhle
Celle qui défrayera la chronique, six ans plus tard, en étant adjugée pour une somme à sept chiffres, naît le 25 mai 2016, à Herford, une ville de Rhénanie-du-Nord-Westphalie sise entre Hanovre et Münster. “Chyazint était une pouliche chic, assez bondissante”, se souvient sa naisseuse. “Elle est entièrement baie, avec une seule trace blanche sur l’un de ses pieds. Pendant ses trois premières années de vie, elle a toujours été très mignonne, mais nous ne pouvions pas vraiment l’attraper. Cela l’a d’ailleurs conduit à passer beaucoup de temps au pré à trois ans ! Elle était très à l’aise pour sauter en liberté ; c’était très facile pour elle, mais elle ne montrait rien de spectaculaire. Elle n’aimait pas que quoi que ce soit touche ses jambes. Si on la caressait sans la prévenir, elle s’éloignait de nous en vitesse. Ce n’était pas méchant, elle était juste très sensible. C’est ce qui la rend si douée.”
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Christoph, le frère de Florian, et un cavalier polonais prennent en charge l’apprentissage de Chyazint. Rapidement, Kylie Clarkson prend le relais. “Kylie est une très bonne amie à moi, qui vient des Etats-Unis. Elle est partie en Europe pour travailler chez Schockemöhle. Lorsqu’on commence, il faut d’abord être groom. Nous sommes tous passés par là. J’ai appelé Florian et lui ai dit que Chyazint avait quatre ans et qu’il fallait qu’elle soit montée. Je lui ai suggéré de la confier à Kylie, qui ferait un super travail. Il n’y avait pas de pression et Chyazint n’était pas à vendre. Malheureusement, je ne pouvais pas me rendre sur la place en raison de la pandémie. Kylie a commencé à faire sauter Chyazint et à aller en concours. Cela a suscité l’intérêt de l’équipe Schockemöhle”, révèle Anna Christina Gansäuer. “Ils voulaient absolument l’acheter et ont longtemps insisté en ce sens. Je ne voulais pas la vendre. Chyazint ressemble exactement à sa mère. Mais ce n’est pas tous les jours que quelqu’un comme Paul Schockemöhle veut acheter votre cheval. On doit le prendre en compte. Dans un premier temps, cela veut déjà dire que l’on a, au moins, un cheval correct. Sans cela, il n’en voudrait pas. Deuxièmement, soyons honnête, c’est un bon contact à avoir. Surtout, c’est un honneur qu’un tel nom, qui a tant fait pour le sport, s’intéresse à votre cheval. J’ai fini par céder.”
Vendue pour un prix sans précédent à la famille Auer, Chyazint, qui poursuivait jusqu’alors sa formation avec la Suédoise Ebba Johansson, a donné raison à Paul Schockemöhle. “Chyazint est un talent absolu. Les meilleurs cavaliers du monde ont essayé de la récupérer, et je suis certain qu’elle jouera bientôt un rôle au plus haut niveau sur la scène internationale et dans les grands championnats”, a d’ailleurs déclaré le géant allemand à l’issue de la vente. La suite appartient désormais à l’histoire.
Photo à la Une : Chyazint aux derniers championnats du monde des jeunes chevaux, à Lanaken, sous la selle d’Ebba Johansson. © Sportfot
Adriana van Tilburg