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Chloe D. Reid, quand la passion rencontre la détermination et le talent (1/3)

Chloe Reid
mardi 12 mars 2024 Mélina Massias

Talentueuse, déterminée et les pieds sur terre, Chloe D. Reid incarne la nouvelle garde américaine. Devenue la plus jeune athlète américaine à être sélectionnée pour représenter son pays en 2012 sur la scène internationale, puis membre de son escouade sur les prestigieuses pistes d’Aix-la-Chapelle, Rome, Falsterbo ou encore Barcelone, la jeune femme, qui a réussi à mener à bien une brillante carrière scolaire en parallèle de ses ambitions équestres, entend bien poursuivre sur cette voie. Grâce notamment à Crossover 4, qu’elle monte depuis cinq ans, la native de Washington espère atteindre ses objectifs. À l’écoute de ses montures, qu’elle aime découvrir dès leur plus jeune âge et avec lesquelles elle souhaite avant tout former un couple, Chloe D. Reid a toutes les cartes en main pour briller dans les mois et années à venir. La tête bien faite, celle qui est diplômée de l’Université de Miami est également la co-organisatrice, aux côtés de son oncle, Chester Weber, grand champion d’attelage, du magnifique concours de Live Oak International, à Ocala, au sein des installations de sa grand-mère. Dans cette interview en trois parties, l’Américaine de vingt-sept ans retrace son parcours, la naissance de sa passion dévorante, évoque son piquet de chevaux, sa philosophie, mais aussi l’avenir des événements de tradition, menacés par les séries de compétitions organisées par d’immenses complexes sportifs. 

Bien que vous soyez désormais bien connue du haut niveau, pouvez-vous retracer votre parcours, votre histoire avec les chevaux ?

J’ai commencé à monter à poney lorsque j’avais quatre ans. Nous visitions l’écurie de ma grand-mère, à Ocala, en Floride. À l’époque, mon oncle, Chester Weber (figure phare de l’attelage à quatre chevaux aux Etats-Unis et multi-médaillé en grand championnat, ndlr), était en couple avec Lauren Hough. Tous les deux se sont dit que ce serait chouette de me mettre sur un poney. Ma maman s’est aussi dit que ce serait sympa pour moi d’enfiler d’autres habits et de prendre quelques photos. Par la suite, Chester et Lauren ont demandé s’ils pouvaient m'emmener au concours de Devon, pour une épreuve en main (Leadline, ndlr). Lauren, qui venait de récupérer sa veste des Jeux olympiques de Sydney, a guidé mon poney et nous avons même remporté un flot ! Cette épreuve, réservée aux jeunes enfants, est très disputée. Ça a été le début de la fin pour moi. Je n’ai jamais regardé en arrière depuis. À chaque fois que ma maman croise Lauren en concours, elle lui dit “si ce n’était pas à cause de toi, je ne serais pas sur un terrain de concours sous la pluie, tout est de ta faute” (rires). C’est une drôle d’histoire ; ma grand-mère avait des chevaux, mon oncle avait des chevaux, mais mes parents n’avaient aucun intérêt pour les équidés. Désormais, ils y sont un peu contraints, mais ils n’étaient pas du tout familiers avec ce milieu. C’est donc mon amour pour les chevaux et ma propre passion qui m’ont donné la motivation nécessaire. J’ai dû faire les choses moi-même.

Dès son plus jeune âge, Chloe D. Reid a rencontré beaucoup de succès, jusqu'à devenir la plus jeune cavalière américaine à être sélectionnée au sein de son équipe nationale. © Scoopdyga

Quelles personnes, quels entraîneurs ont influencé votre parcours en tant que cavalière ?

J’ai grandi à Washington DC. Lorsque j’étais toute petite, nous avons trouvé un centre équestre dans le coin. Mes parents ont ensuite réalisé que j’aimais l’équitation et que j’en voulais toujours plus. Nous avons alors rencontré plusieurs entraîneurs en Virginie et dans le Maryland. Mais tous impliquaient de faire deux heures de voiture aller-retour après l’école. Je pense que mes parents se sont dit que cela allait me décourager, mais il n’en a rien été. J’ai notamment travaillé avec Kimberly Prince, en Virginie, pendant trois ou quatre ans, avant de rejoindre l’écurie de Markus Beerbaum, en Allemagne, pendant huit ans. 



Aujourd’hui, bénéficiez-vous toujours du soutien et du regard d’un entraîneur ?

Il y a presque trois ans maintenant, en 2021, je suis tombée lors de mon dernier parcours de l’hiver à Wellington. Je me suis blessée au coccyx et je n’ai pas pu monter à cheval, ni faire quoi que ce soit d’autre, pendant six semaines. J’étais rétablie au milieu de l’été, date à laquelle j’étais censée me rendre en Europe, mais je n’avais pas monté depuis des semaines. Mes chevaux n’étaient pas prêts et j’ai préféré rester à la maison pendant cette période-là. Cela a signé le début de mon aventure solo en termes d’entraînement. C’est finalement arrivé un peu par accident ! J’ai toujours compté sur les Beerbaum, mais ils sont rentrés en Europe et je n’ai pas pu les suivre cette année-là. J’ai donc passé l’été à Ocala, où j’ai concouru sur le circuit national. Et même si je suis restée éloignée pour la première fois de ma carrière des grands événements, je pense avoir appris deux fois plus en faisant tout moi-même. Si quelque chose n’allait pas, je devais le corriger moi-même. Lorsqu’on travaille seul, personne n’est là pour monter notre cheval le matin et le mettre dans les meilleures conditions. Même si le niveau des épreuves n’était pas aussi élevé que celui auquel je suis habituée, j’ai appris de précieuses leçons. J'appelle toujours Markus si j'ai besoin de conseils. J’ai par exemple pris un cours avec Markus juste avant Aix-la-Chapelle en 2022, mais c’est surtout pour l’aspect mental. Markus est un super coach mental pour moi. Il a juste à me dire “tu peux le faire, ça va aller” et je suis plus déterminée que jamais ! Au-delà de cela, j’évolue seule depuis environ trois ans. Je trouve que passer le cap de travailler seul est difficile, mais je ne dirais jamais que je suis entièrement capable de faire cela toute seule. Je demande toujours de l’aide à Markus lorsque j’en ai besoin et j’ai la chance que mon petit-ami, Rene Dittmer, soit aussi cavalier. Nous parlons tous les jours des chevaux et je peux échanger avec d’autres cavaliers. Je partage une écurie avec Mario Deslauriers et je lui pose plein de questions. J’ai constamment envie d’apprendre des autres. En 2022, avant d’aller à Aix-la-Chapelle, Souper Shuttle et moi étions troisième d’un gros Grand Prix 5* à Wellington, puis nous avons été à Rome, Aix-la-Chapelle et avons remporté un Grand Prix 3* en Allemagne. C’était, je pense, ma meilleure saison de concours jusqu’à maintenant. Je pense que cela me rend encore plus fière de moi d’avoir fait ça sans entraîneur régulier.

Pendant plusieurs années, la jeune Américaine a bénéficier des conseils de l'Allemand Markus Beerbaum, sur lequel elle peut toujours compter aujourd'hui, mais vole désormais de ses propres ailes depuis plusieurs années. © Sportfot

Comment fonctionne votre système ?

J’essaye de garder les choses aussi simples que possible. Ma maman dit toujours que je suis la personne la plus patiente du monde. Lorsqu’on a un jeune cheval, on ne gagne pas d’épreuve le lendemain de son arrivée. Il faut penser au long terme. D’une manière générale, il me semble primordial d’être patient et indulgent avec les chevaux. On peut avoir un mauvais jour, mais ce n’est pas de leur faute. Il faut trouver ce qui n’a pas fonctionné et une solution pour avancer ensemble et revenir plus fort. Cela peut prendre un jour comme des semaines pour résoudre certaines choses. J’essaye d’offrir les meilleures chances à mes chevaux. À la maison, nous ne sautons pas beaucoup, d’autant que mes montures actuelles connaissent leur travail. Le plus gros du travail est de les garder en forme et en bonne santé. C’est le mieux que je puisse faire pour eux et nous permettre d’aborder les concours dans les meilleures conditions.



Vous avez été diplômée de l’Université de Miami en 2020. Avez-vous toujours su que vous vouliez devenir professionnelle dans le milieu équestre ?

Ne pas faire des études n’était pas une option pour mes parents. Je devais terminer l’école avant d’envisager la suite et je dois dire que j’adorais les cours. J’aurais continué et étudié davantage, mais il était tant d’obtenir mon diplôme et avancer. Je suis heureuse que mes parents m’aient incitée à aller à l’université. Cela m’a donné une très bonne éthique de travail et le goût du travail. Si je voulais continuer à monter, je devais avoir de bonnes notes. Si mes notes avaient baissé, l’équitation serait sortie de mon quotidien. Je devais donc travailler dur tant avec les chevaux qu’à l’école pour continuer à combiner les deux. Je pense que cela m’a rendue plus forte.

Comment avez-vous géré votre vie d’athlète en parallèle de vos études ? Comment avez-vous fait pour trouver le bon équilibre ?

Je ne pouvais jamais procrastiner ! On se dit souvent qu’on fera ses devoirs plus tard, samedi ou dimanche soir, mais lorsqu’on monte à cheval, on a un Grand Prix le samedi soir ou le dimanche après-midi. Donc on ne peut pas repousser son travail scolaire à la dernière minute. Avec la pratique, j’ai appris qu’il fallait que je ne devais laisser traîner aucune tâche. Les études ont été une bonne chose dans le sens où je ne pouvais jamais être trop distraite par le sport. J’ai une bonne anecdote à ce sujet : j’étais en plein milieu de mes derniers examens et je n’avais aucunement le temps d’être nerveuse pour les concours car je devais me concentrer sur mes révisions. C’était une bonne chose, peut-être la meilleure qui me soit arrivée, et cela m’a gardée occupée et ne pas laisser l’occasion de m’inquiéter. Si j’avais été à la maison, à penser au Grand Prix du jour, j’aurais été très nerveuse. Mais comme j’avais du travail pour l’école, je ne pouvais pas penser à grand-chose d’autre.

Crossover 4 est l'actuel cheval de tête de Chloe D. Reid. Tous deux comptent déjà plusieurs classements en Grands Prix 5*. © Sportfot

Votre piquet de chevaux est plus réduit que certains de vos homologues, dont certains ont tendance à concourir avec un nombre conséquent de montures chaque année. Est-ce un choix de votre part et à quel point cela peut-il vous conférer un avantage ?

J’adorerais agrandir mon piquet de chevaux, mais il est difficile de trouver de très bons chevaux. De plus, je ne souhaite compter que sur des chevaux avec lesquels j’ai une bonne connexion, un vrai lien et avec lesquels je peux former un couple. Comme j’ai commencé mon propre programme il y a environ trois ans, je souhaitais d’abord garder les choses à petite échelle, de façon à pouvoir les gérer facilement et faire un très bon travail avec tous mes chevaux, mes propriétaires et sponsors. Au fur et à mesure, j’espère pouvoir faire grandir tout cela. 

Ici en selle sur Charlotta II lors de l'épreuve réservées aux jeunes chevaux à Aix-la-Chapelle, Chloe D. Reid aime assurer la seconde partie de formation de ses montures avant de les guider vers le plus haut niveau. © Mélina Massias

Vous semblez très attachée au fait d’accueillir vos chevaux assez jeunes, puis à les conserver sur le long terme au sein de votre piquet. Lorsque vous êtes en quête d’un nouveau complice, qui plus est lorsqu’il est jeune, quelles qualités et caractéristiques recherchez-vous ?

À part ma première jument de Junior, tous les chevaux que j’ai eu avaient autour de sept ou huit ans lorsqu’ils m’ont rejoint. C’est un âge intéressant, où ils savent suffisamment de choses et ne sont plus véritablement des bébés, mais où ils cherchent tout de même quelqu’un pour continuer à leur apprendre des choses. Nous pouvons continuer à grandir ensemble, en évoluant sur de petites épreuves. De cette façon, ils poursuivent leur formation tout en créant un lien avec nous. Au moment où l’on atteint le haut niveau, on a déjà plusieurs années d’expérience ensemble. Cela rend notre couple plus fort et je pense que les chevaux nous apprécient aussi davantage en tant que partenaire lorsqu’ils ont évolué à nos côtés pendant plusieurs saisons. 

Je pense que tout le monde souhaite trouver chez un cheval les moyens et le respect, mais j’accorde aussi beaucoup d’importance à mon ressenti et à la connexion. Mon futur cheval va, avec un peu de chance, être mon partenaire dans des épreuves importantes. À mes yeux il faut donc avoir ce sentiment et voir si le cheval est en phase avec nous, s’il répond bien à notre corps et s’il nous convient. Je ne suis pas très grande, donc j’aime voir si les chevaux sont à l’aise avec ça. J’aime voir leurs caractères, s’ils sont courageux et s’ils acceptent mes erreurs ou non. On peut observer leurs capacités en vidéo, mais lorsque je vais les essayer, je veux sentir leur personnalité et s’ils seront en mesure de donner leur cœur pour moi. 

En 2022, à Aix-la-Chapelle toujours, Chloe D. Reid avait gratifié les spectateurs de très jolies détentes avec sa fidèle Souper Shuttle. © Mélina Massias



Crossover 4 (Cascadello I x Chacco-Blue) est votre actuel cheval de tête. Quelle est son histoire et comment l’avez-vous rencontré ?

Mon petit-ami Rene Dittmer montait Crossy au début de son année de six ans. Rene avait besoin d’un coup de main pour monter certains de ses chevaux sur le plat à la maison et j’aimais beaucoup Crossy. De fil en aiguille, j’ai commencé à sauter un peu avec lui à la maison et j’ai rapidement réalisé que je l’adorais. J’en ai donc pris les rênes assez naturellement et il est devenu mien ! En plus, il est super mignon. J’ai donc commencé à le monter à temps plein l’été de ses six ans. Il a aujourd’hui onze ans et cela fait donc quelques années que nous évoluons ensemble. C’est chouette que nous nous connaissions depuis si longtemps, parce que j’ai le sentiment que peu importe le parcours que nous allons affronter, nous avons déjà été dans cette situation par le passé. Nous avons pris part à plein de barrages ensemble. Dans la suite logique de notre progression, nous abordons désormais le niveau 5*. Nous avons beaucoup d’expériences communes et cela rend les choses moins effrayantes ! 

Crossover 4 a réalisé des débuts en Grand Prix 5* prometteurs l'été dernier. © Sportfot

Quels vont être vos objectifs avec lui pour cette saison ?

À la fin de l’été dernier, nous avons sauté trois Grands Prix 5* ensemble et avons été classés dans les trois (onzièmes à Rockwood, deuxièmes à Ottawa et cinquièmes à Traverse City après un parcours initial à deux points et deux doubles sans-faute, ndlr). C’était un grand accomplissement pour nous. J’ai toujours su qu’il avait beaucoup de talent, mais le prouver au monde entier sur un événement majeur était une vraie réussite. C’était une fierté pour moi d’avoir mené un jeune cheval de six ans jusqu’au niveau 5*. Je pense que Crossover a toutes les capacités que l’on peut souhaiter. Mes objectifs sont simplement de continuer sur cette vie-là et montrer à tout le monde à quel point il est incroyable. J’adorerais obtenir d’autres classements au niveau 5* et lui permettre d’obtenir la reconnaissance qu’il mérite. Crossy est tellement cool qu’il mérite d’avoir son nom écrit partout !

Le très plaisant Crossover 4 sait prendre la pose à la remise des prix ! © Sportfot

Avez-vous d’autres chevaux pour l’épauler à ce niveau ?

Oui, j’ai une jument que je monte depuis environ un an. Elle s’appelle Chelsea 179 (Cador 5 x Laudabilis) et vient juste d’avoir neuf ans. Elle est totalement mon style de cheval : une petite balle de feu. Je continue d'apprendre à la connaître. Elle n’est pas de tout repos et peut être très têtue parfois. Dans ces moments-là, si l’idée ne vient pas d’elle, elle est forcément mauvaise à ses yeux. J’essaye de lui donner envie de se battre avec moi en piste. Elle a pris part à son premier CSI 5* en tant que second cheval début février et a réalisé un sans-faute à 1,50m. J’étais trop lente et nous avons écopé d’un point de temps, mais il s’agissait de notre plus grosse épreuve jusqu’à maintenant. Je suis très contente. J’ai eu un très bon sentiment. Je pense que nous allons former une bonne équipe ensemble et c’est très excitant !

Chloe D. Reid nourrit de belles ambitions pour Chelsea 179. © Sportfot

Photo à la Une : Chloe D. Reid tout sourire en sortie de piste. Sportfot

La deuxième partie de cette interview sera disponible prochainement sur Studforlife.com...