Championnat de France 2007
Par Gustave Rihal
Ce championnat de France fut sans doute l'un des plus décriés qu'il y ait eu, ce à cause d'un plateau largement délaissé par les têtes de séries : aucun couple membre de l'équipe de Super League n'était présent, c'est pour dire !
Nous nous sommes alors rendus au Grand Parquet sans grande conviction. Ce championnat allait être stérile en spectacle, et nous pensions déjà avec nostalgie aux compétitions passées. Mais ce fut tout le contraire qui eu lieu. Certes, il n'y a pas eu de véritable suspense quant au nom du vainqueur, mais les trois marches du podium symbolisent parfaitement les conclusions que nous pouvions tirer d'une telle échéance.
Sur la troisième marche, Jérôme Debas Montagner et Idem de B'Neville confirment l'évolution du couple qui arrive à maturité et est maintenant prêt à jouer les premiers rôles.
Sur la seconde marche, Aymeric de Ponnat fit la démonstration d'un véritable cavalier talentueux, très ambitieux, et il sera à n'en pas douter un cavalier de rang mondial dans les années à venir.
Quant à la première place, comment ne pas être élogieux ? C'est ici une réaction à chaud, mais Eric Navet est tout simplement sur une autre planète ; son compagnon Hym d'Isigny*Lassergut, à la base destiné aux épreuves de 140cm, est devenu champion de France et cela grâce au « maître » selon Jérôme Debas Montagner, ou grâce au « meilleur cavalier du monde » selon Aymeric de Ponnat.Entre révélations et déceptions
Nous reviendrons plus en détails sur ces trois couples plus tard, il faut tout d'abord féliciter quelques autres prétendants au titre ayant fait belle impression en cette finale de dimanche.
Commençons par celle qui a frôlé le double sans faute en finale : Joelle Cairashi Dagut associée à Cycarlos L Z, un fils de Carthago de neuf ans qu'elle ne monte que depuis le début de la saison. Les résultats arrivent doucement, la cavalière du sud ouest termine quatrième à cause d'une chasse moyenne. Mais plus les hauteurs et les difficultés augmentaient, plus Cycarlos se montrait attentif et efficace. Nous pouvons donc qualifier ce couple comme étant la révélation de ce championnat.
Des déceptions, il n'y en eut pas beaucoup, mais on peut tout de même citer les 16 points en première manche de Julien Epaillard et Kanthaka de Petra. Les autres couples ont eu les résultats que l'on était en droit d'attendre sur des tracés de championnats et non de Grand Prix Pro1 comme on l'a craint. Bruno Rocuet et Gerfault d'Helby le prouvent d'ailleurs : très réguliers en pro1, ils finissent ce championnat avec 26 points. Mais revenons à nos trois médaillés…
La confirmation d'un couple
Jérôme Debas Montagner est déçu. Il termine certes derrière le « maître » et monte sur le podium, ce qui était son objectif avoué, mais « quelques fautes auraient pu être gommées ». Cependant le cavalier auvergnat se félicite de la régularité de son cheval Idem de B'Neville*HN, qui en est à son troisième podium en trois ans (médaille de bronze au championnat pro2 en 2005, et médaille d'or au critérium pro1 en 2006).
Cette place est donc la confirmation d'une évolution très rapide puisque deux ans auparavant, Jérôme était encore un cavalier pro2 et grâce au fils d'Apache d'Adriers il arrive maintenant au niveau international et y est très compétitif.
Le couple a donc réalisé un beau championnat, et ce malgré la nécessité de prélever le cheval très souvent (103 juments en 2006, 106 pour le moment en 2007), ce qui impose un calendrier impossible au cheval puisqu'il se classait dimanche dernier dans le Grand Prix de Franconville avant d'être prélevé lundi et mardi, puis de se rendre à Fontainebleau pour les championnats. Cependant « Cela n'a pas l'air de beaucoup le gêner» dira son cavalier, mais pour autant « nous allons travailler en collaboration avec Gilles Bertran de Balanda et les directeurs des Haras Nationaux afin d'améliorer ce calendrier l'année prochaine » ce qui sera certainement plus facile qu'avec First de Launay*HN dont la semence n'est pas congelable.
Ce couple se rendra ensuite aux CSI 3* de Vichy et de Royan, avant une éventuelle sélection en Super League mais « il faut voir cela avec l'entraîneur national ».
L'éclosion d'un futur Grand
Aymeric de Ponnat était celui qu'Eric Navet craignait le plus. S'il est « un peu frustré » il se félicite tout de même de cette seconde place qui sonne pour lui comme la confirmation des bons résultats de ces derniers mois. Mais cette réussite ne doit rien au hasard, elle est la suite logique de la collaboration entre le cavalier normand et les propriétaires des produits signés « D'Ouilly ».
Aymeric monte Jubilée depuis les jeunes chevaux, et avait même hésité à la rendre à ses propriétaires afin de la mettre à l'élevage en fin d'année de six ans tellement la fille de Palestro II se montrait difficile. Bien lui en a pris de persévérer : à huit ans, la jument remporte deux grand prix Pro1 et continue sa progression, se révèle dans les CSI indoor de St Lô et de Caen en 2006 où elle réalise de très beaux parcours. Le début de saison 2007 d'Aymeric de Ponnat est un véritable exemple de maturité et de réflexion. A partir du simple constat qu'il faut être opposé aux meilleurs pour progresser rapidement, Aymeric de Ponnat décide de se rendre aux CSI allemands ou néerlandais, ce qui est malheureusement très rare chez les cavaliers français.
De cette confrontation, Aymeric en a largement profité : « Ces cavaliers ne sont pas avares de conseils ». Il déplore le fait qu'en France, cela soit moins le cas. Jeroen Dubbledam l'a par exemple conseillé lorsqu'il avait tendance à fauter souvent sur le numéro 1. De plus, le niveau des CSI 3* dans ses pays n'a rien à voir avec les CSI français.
« Là bas, ils annoncent l'épreuve à 145cm mais en réalité elle est à 150cm. En France, c'est plutôt le contraire. Le niveau là-bas est bien plus élevé, on est en compagnie de gens qui font rêver, et le public est bien plus nombreux. Ce sont ces expériences qui m'ont permis de finir second » affirme Aymeric, qui n'oublie pas de souligner le fait que la deuxième manche de la finale de ce championnat était du niveau de ces CSI Allemands.
Il ne veut pas en rester là puisqu'il se rendra dans quinze jours au Pays Bas pour un CSI 4* après avoir déjà postulé pour les places de coupe du monde l'an prochain auprès de Gilles Bertran de Balanda.
Il entend profiter de sa jument qui arrive à son pic de forme, et ne montre aucune fatigue du fait qu'ils travaillent beaucoup le dressage afin que le cheval fasse moins d'effort en parcours et qu'il soit donc moins émoussé et par conséquent qu'il puisse concourir de neuf à dix sept ans, ce qui n'est malheureusement pas beaucoup le cas pour beaucoup de cavaliers Français. De plus il « peut travailler sur le long terme » et a « l'esprit tranquille », ses propriétaires ont déjà refusé de grosses offres pour leurs chevaux.
Ces résultats sont le fruit d'un véritable travail en équipe avec les propriétaires qui le suivent à chaque concours, sa femme tenant la place de groom ou encore avec Fabrice Fosse, son ostéopathe, qui « a fait des choses extra ».Un champion inespéré
Le talent d'Aymeric de Ponnat n'aura pas suffit pour battre Eric Navet, qui a surclassé ce championnat loin devant, seul sur sa planète. Malgré ce que l'on a pu entendre, le normand confirme ce qu'il nous disait il y a deux mois (cf. interview) : il a toujours un esprit de compétiteur farouche. « Si les couples de Super League avaient été présents ? On les aurait battu ». Rien ne l'arrête. « C'est la première fois qu'Hym d'Isigny*Lassergut saute un tel niveau d'épreuve. Je l'ai fait acheter à son propriétaire lorsqu'il avait sept ans. Il avait beaucoup de génie, il était intelligent, et à l'époque je pensais qu'il gagnerait énormément d'épreuves de 140 cm, pas plus ». Mais Eric Navet est un travailleur et ne laisse rien au hasard, l'année dernière il annonçait déjà vouloir faire passer un cap à Hym, et « il y a eu cette année un déclic ».Le fils de Qredo de Paulstra « se ballade, il survole les grand prix pro1 » à tel point qu'il en a déjà gagné quatre depuis le début de saison et a terminé deux fois second.
Quelle semaine pour ce cheval au grand c?ur ! Samedi dernier, il gagnait le Grand Prix de Cabourg, avant de gagner celui de Franconville dimanche puis de devenir champion de France une semaine plus tard, et sans toucher une seule barre de la semaine.
Qu'est ce qui pourra l'arrêter ? Même son cavalier ne sait pas répondre à cette question, s'il « ne veut pas se griser » il ne sait pas jusqu'où Hym pourra aller.
Ce qui est certain, c'est qu'il va déclasser le cheval et faire deux CSI 3* au Portugal avant de se rendre au CSI 5* de la Corogne. Mais comme il l'a toujours fait, « El Maestro » ne veut pas aller trop vite : « la Super League cette année, il n'en est pas question ».
Voilà, Monsieur Navet est pour la cinquième fois champion de France, et il en est toujours très heureux : « c'est une épreuve qui me tient beaucoup à c?ur, il y a ici une véritable émulation entre les cavaliers ». Bravo champion.
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Championnat de France des cavalières
Sans aucune surprise c'est Pénélope Leprevost (26 ans) qui conserve son titre de championne de France des cavalières, non plus avec Karatina mais avec Ichem de Servole. Les parcours n'étaient "pas très beaux" ( dixit la cavalière elle même) et cela est très comprehensible du fait de la blessure au pouce contractée par Pénélope au CSI de Deauville. Sur la seconde marche du podium on retrouve Florie Laure Etien ( 22 ans) et La Montagne du Gonge qui ont réussi une superbe remonté puisqu'elles étaient treizième avant la finale. Enfin la cadette de ce podium très jeune écope de la médaille de bronze, à dix huit ans Charlotte Mordisini réalise là son plus beau succés avec Kalimba Champeix (ex monture de Gilles Bertran de Balanda ) et apprend avec émotion sa sélection pour les championnats d'Europe jeune cavaliers.
La Montagne de Gonge Kalimba Champeix