Finaliste du championnat du monde des 7 ans, Cashpaid J&F (Casall x Chicago I Z x Concerto II) est le propre frère de l’étalon Cordial qui évolue désormais en France sous la selle de Mégane Moissonnier. Propriété du Haras des Rosiers, Cashpaid évolue sous la selle de Nathan Budd depuis son plus jeune âge et cette année, il a pris la seconde place de son tout premier Grand Prix international à St Tropez à seulement 8 ans. Autant de bonnes raisons de découvrir cet étalon toujours très démonstratif. Rencontre avec son propriétaire et son cavalier.
Comment avez-vous découvert Cashpaid ?
Herik Duran : « À la base, j’étais parti voir un trois ans chez Joris van Dijck. Nous l’avons fait sauter, c’était bien, puis il y avait un lot de huit poulains. Les huit poulains ont été lâchés dans le manège et sautaient une croix. Ils venaient de rentrer de prairie. Là-dedans, il y en a un qui a sauté et qui a attiré mon attention. J’ai été voir le poulain mais je n’ai rien dit. Ils ont tous à nouveau sauté une seconde croix et il a sauté de la même manière. Là, j’ai dit « ok, est-ce que ce poulain est à vendre ? » sans demander l’origine, Fleur Bussy m’a répondu que oui et m’a dit l’origine après… j’ai donc acheté le poulain ! Le problème, c’est que je ne voulais absolument pas acheter un poulain mâle d’un an. J’ai donc dû téléphoner à ma femme en lui disant : « écoute, c’est bien, j’ai vu le trois ans, je l’ai acheté… mais j’ai aussi vu un poulain mâle d’un an... et je pense que tu devrais l'acheter ! Je ne pouvais pas faire autrement. » Finalement, le trois ans n’a jamais passé la visite vétérinaire et je suis revenu avec le poulain. C’est une drôle d’histoire, vraiment une bête histoire ! »
Cashpaid J&F avec son cavalier Nathan Budd et son propriétaire, Herik Duran.
À quel moment est-ce vous vous êtes dit que c’était la vedette de l’écurie ?
H.D. : « Je l’aime beaucoup. Nous ne l’avons pas fait saillir ni à trois, ni à quatre ans car nous voulions d’abord voir comment il sautait. Déjà à cinq ans, il était pas mal mais même si je l’aimais bien, ce n’est pas pour ça que je lui aurais mis toutes mes juments. Nous avons un peu attendu de voir comment il évoluait et ce n’est qu’à six ans que nous lui avons mis nos juments, pas avant. »
Le Holsteiner Cashpaid J&F lors de son approbation à 3 ans au studbook sBs
L’engouement est arrivé néanmoins assez rapidement...
H.D. : « Oui, cela a été dur parfois de résister et de ne pas le vendre. À Lanaken, lorsqu’il avait cinq ans, nous avons reçu de belles propositions. Joris de Brabander m’a appelé le samedi en me disant « je voudrais te voir ». On s'est donc retrouvé le dimanche matin et il m'a dit : « écoute, j’ai vu des vidéos de ton cheval, il est vraiment très bien. Tu ne peux pas le vendre ! Je sais que tu dois avoir beaucoup d’offres, tu vas encore en avoir mais tu ne peux pas le vendre ou tu vas le regretter plus tard, même si c’est beaucoup d’argent. » Il m'a demandé : « as-tu besoin d’une plus grosse voiture ? » Non, « as-tu besoin d’une plus grosse maison ou d’une deuxième maison ? » Non, j'étais d'accord avec lui. Alors il m’a donné le nom de cinq éleveurs qui ont vendu leur étalon et qui l’ont tellement regretté que l’un d'entre eux s’est suicidé et qu'un autre a eu des ennuis avec le fisc. Il m’a raconté plein de petites histoires avec le nom de l’étalon qui s’y rapportait. C’est vraiment super sympa d’avoir quelqu’un comme cela qui vient vous trouver alors que d’autres essaient de t’arnaquer ; lui est venu me trouver en me disant, tu ne peux surtout pas vendre ton cheval, c’est beau, c’est intéressant. En fait, ce cheval c’est aujourd’hui surtout une magnifique aventure avec beaucoup de rencontres et de partages. »
Cashpaid lors du championnat du monde de Lanaken à 5 ans
Est-ce que conserver le cheval met néanmoins de la pression sur sa gestion ?
H.D. : « Non. À partir du moment où vous décidez de le garder, il doit arriver ce qu’il doit arriver. Cela reste un plaisir. On partage quand cela va bien mais on partage aussi lorsque cela va moins bien. C’est le sport. C’est très gai, j’aime beaucoup les poulains qu’il donne. Un jour, François Leiser, ancien propriétaire de Carlina, m’a dit : « le plus dur, ce n’est pas d’arriver aux Jeux Olympiques, c’est de refuser toutes les offres que tu vas avoir avant d’y arriver » et il a raison, c’est tout à fait vrai. Il y a aussi des gens qui ne comprennent pas pourquoi vous ne le vendez pas. Parfois des gens viennent vous trouver et font comme si vous n’aviez pas d’autre solution que de dire oui ! »
Cashpaid lors du championnat du monde des 6 ans
Le plus dur, c’est de gérer sa carrière d’étalon ou sa carrière sportive ?
H.D. : « On ne peut pas vraiment dire qu’on a géré sa carrière d’étalon. On a fait des paillettes et maintenant, celui qui en veut peut en avoir, celui qui n’en veut pas n’y va pas. Personnellement, je vais aux étalons qui me plaisent. L’an dernier, nous avons mal géré car le cheval n'est pas sorti avant le mois de juin, c’était trop tard. Peu de gens l’ont vu en fait mais je n’ai aucun regret. Nous avons fait des concours où il ne pouvait pas venir avec Cadix et il a quand même fait une très belle saison de sept ans, même si je ne veux pas me mettre la pression pour qu’il saute toujours bien. Je pense qu’il est important d’être bien conscient que, même si c’est très gai et qu’on évolue, cela doit rester un plaisir et des moments de partage avec Nathan même quand il y aura des moments plus difficiles. »
Cashpaid, finaliste malheureux du championnat du monde des 7 ans 2018
Y a-t-il des objectifs bien précis pour le cheval ?
H.D. : « Non, ici l’année des huit ans est encore une année où on doit le construire, le laisser grandir. Le cheval est très agréable, très gentil, il a très bon caractère et c’est donc gai de s’en occuper. »
En tant qu’éleveur, qu’est-ce que vous aimez chez ce cheval ?
H.D. : « Il a beaucoup de qualité et je me dis parfois que, quand je dois trouver un étalon et que je compare avec lui, j’ai du mal à trouver quelque chose de mieux ou avec les mêmes qualités qui s’accordent aussi bien. J’espère qu’il va remettre son coup de dos et sa force. Il donne des poulains avec des dos assez tendus et lègue beaucoup de sang avec de la taille et du chic, une belle sortie d’encolure et une petite tête. Nous avons sa mère depuis l’an dernier et je remarque assez de points communs avec son fils. Comme Joris de Brabander l'a dit lors de la présentation des étalons chez lui -puisqu’il le distribue depuis cette année- c’est un Casall sans tous les défauts des Casall. Quand il dit ça, il a raison. Nous avons eu six ou sept Casall ici et souvent, ce sont des chevaux assez timides qui ne mettent pas trop le postérieur. Il y a quand même d’autres bons Casall, j’en ai vu deux ou trois qui sautent magnifiquement en vidéo. »
Quel a été votre sentiment la première fois que vous vous êtes assis sur ce cheval ?
Nathan Budd : « Il a quelque chose. J’ai eu la chance de monter quelques très bons chevaux jusqu’à présent dans ma vie, comme Quabri de l’Isle, Venezia d’Ecaussines, Cornet d’Amour… J’ai tout de suite trouvé que Cashpaid avait la classe des chevaux de très haut niveau. C'est assez difficile à décrire mais on sent qu’ils ont quelque chose en plus que certains autres. Cashpaid a toujours eu un galop exceptionnel et s’est toujours déplacé de manière très impressionnante. »
Quand un cheval montre autant de qualité si jeune, la difficulté, c’est de le laisser vieillir tranquillement ?
N.B. : « Si l'on ne fait qu'attendre, on avance pas. Il y a toujours un travail de dressage de base qui est très important. Je crois qu’il faut réfléchir par rapport au cheval lui-même et non par rapport aux échéances et certainement pas par rapport à l’attente de certaines personnes. On a toujours essayé d’établir un programme en fonction du cheval avec la volonté de ne pas brûler les étapes. Parfois il a fallu prendre du temps, cela nous a contraint à des résultats plus décevants par rapport à ce qu’on attendait mais c’était un « moins » pour obtenir un « plus, plus » dans les semaines ou les mois à venir. Aujourd’hui, il a huit ans. C’est un âge où on commence à sortir des jeunes chevaux sans pour autant être prêt à faire une toute grosse épreuve… même si les moyens sont là, qu’il répond très bien aux sollicitations et que tout vous attire pour le mettre dans ce genre d’épreuve. Il faut leur laisser le temps, à cet âge, de bien terminer leur croissance, qu’ils prennent un peu plus de maturité sans brûler les étapes pour qu’ils puissent aussi briller sur la durée… même si avec un tel cheval, attendre est parfois difficile. Quand on sent un tel cheval en dessous de nous, on a tellement envie de sauter de plus grosses épreuves. Il ne faut pas céder car c’est vraiment important pour la suite. »
Le plus difficile, c'est d'attendre ou c’est la pression qui s’installe de l’extérieur et que l’on peut se mettre également ?
N.B. : « On ne peut pas dire qu’attendre soit « difficile », on aimerait juste parfois que ça passe un peu plus vite. La pression extérieure, elle est relative. J’ai la chance de vivre vraiment beaucoup de choses avec mon propriétaire. On connaît tous les deux le sport, on sait que cela reste des chevaux, que nous restons des humains également. Parfois, ils ont un coup de moins bien et que cela peut nous arriver aussi. En 2018, il a fait une très bonne saison et nous étions tous très contents. J’essaie de ne pas penser à la pression extérieure car je sais que quand on a un cheval comme ça, tout le monde regarde et tout le monde en parle mais j’ai un tel plaisir à le monter sur chaque parcours que cette pression est atténuée. Je le monte pour notre histoire du haras des Rosiers et en aucun cas pour l’histoire des autres. Je suis content de voir le cheval qui évolue, le haras qui évolue et ça, c’est plus important que ce que les autres peuvent dire ou penser. Je suis sûr que le cheval est très bon, alors l’avis de gens qui vont dire ou penser des choses avec une certaine pointe de jalousie ou qui ont juste envie que les choses ne marchent pas pour vous, j’essaie juste de ne pas y penser. »
Il y a eu un choix à faire entre la carrière d’étalon où les éleveurs veulent toujours voir une part de rêve et espérer une carrière d’un cheval de haut niveau ?
N.B. : « Oui, je me rends compte qu’il y a beaucoup d’éleveurs qui ne le connaissent pas encore et quand je parle de son programme à huit ans, je me rends compte que les gens aimeraient le voir sur de plus grosses épreuves mais je pense qu’il ne faut pas céder à cette tentation. Nous, on sait que le cheval est bon, on le connaît. On le sait plus que quiconque car on l’a tous les jours à la maison, on le travaille, on le fait sauter. Les gens attendent peut-être de le voir dans de plus grosses épreuves mais je suis persuadé qu’il va le faire et si ce n’est pas cette année, ce sera l’année prochaine. Il le fera quand il sera prêt et pour durer sur la longueur. »