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Carnet de bord #3 : Kirsty Pascoe, groom de Jérôme Guéry

Tokyo 2020 dimanche 8 août 2021 Lea Tchilinguirian

Chefs d’écurie, grooms, photographes… Ils naviguent tous dans les allées des concours et sont indispensables à leur réussite. À l’occasion des Jeux Olympiques, Studforlife a décidé de leur donner la parole pour qu’ils nous racontent leur quotidien au cœur de cet événement singulier. Dans ce troisième volet, c’est au tour de Kirsty Pascoe d’expliquer en quoi consiste ses missions de groom aux côtés de Jérôme Guery et Quel Homme de Hus.

Lors de la finale par équipe, la Belgique a été couronnée de bronze, une récompense tant attendue de tous, cavaliers, grooms, propriétaires, passionnés,... Entre préparation mentale et physique, la groom de Jérôme Guéry, Kirsty Pascoe, nous plonge dans cette journée qui a clôturé les épreuves olympiques. 


7 août 2021,

6h45 : Mon réveil sonne, j’enfile mes habits pour rapidement rejoindre les écuries. Nous dormons sur place, à deux minutes à pied des chevaux.

7h15 : En arrivant, la première chose que je fais est d’aller voir Quel Homme avec un peu de stress, en me disant que c’est la journée où il faut être bon. Il va bien et a passé une bonne nuit. Les installations sont vraiment parfaites avec de grands boxes en dur climatisés, la température ambiante ne change jamais. Je commence par nettoyer son box, lui enlever les bandes puis je lui donne sa ration. Pendant ce temps je vais déjeuner.

8h : Je reviens auprès de Quel Homme. À ce moment-là, je lui change ses deux seaux d’eau puis commence à m’en occuper. Il avait sauté la veille - lors de la qualification par équipes -, donc je lui enlève l’argile et la graine de lin avant de partir à la douche pour tout retirer. Tous les matins, je me dirige vers le terrain en herbe avec lui. Cet espace servait d'entraînement pour les chevaux de concours complet mais nous pouvons aussi faire brouter les chevaux. J’en profite également pour le marcher. Comme à son habitude, il est frais et se roule trois fois, chose qu’il adore faire ! 

Quel Homme de Hus (Quidam de Revel) profite pleinement de ses moments en extérieur à Tokyo. © DR

9h : Je ramène Quel Homme dans son box puis je lui fais quelques soins comme lui mettre l'inhalateur. Je vérifie aussi s’il a des tensions et s’il a besoin d’un massage. Ce matin, il va très bien, rien à signaler. Après, j’en profite pour le laisser tranquille et rentrer dans ma chambre faire une petite sieste. Les épreuves sont le soir, nous finissons tard et nous levons tôt donc nous faisons souvent des siestes le matin.

11h30 : De onze heures à quinze heures, les chevaux ne peuvent pas sortir des écuries à cause de la chaleur. Je suis retournée voir Quel Homme pour lui nettoyer son box, changer son eau et lui donner son repas puis de nouveau, je le laisse tranquille. De midi à quinze heures, les lumières sont éteintes dans les écuries. C’est vraiment top, la plupart des chevaux se couchent et se reposent !

12h : Les jours d’épreuves, je ne fais pas la sieste l'après-midi. Aujourd’hui, j’en profite pour manger et jouer aux cartes avec les grooms françaises ! Dans ce genre de compétition, il n’y a aucune rivalité, nous sommes tous ensemble et nous nous entraidons.

15h : Jérôme a prévu de venir monter Quel Homme vers seize heures alors je retourne m’occuper du cheval un peu avant. Je commence par prendre de l’avance en lui faisant des tresses à la crinière. Ensuite, je lui remets l'inhalateur avant que Jérôme n’arrive, il est parti regarder les obstacles sur la piste.

16h : À cheval ! Jérôme et Quel Homme s’éloignent vers la piste de travail pour une petite détente. Je prends cinq minutes pour remettre au propre son box et son eau avant de les rejoindre. L’avantage de n’avoir qu’un cheval est que je peux vraiment le suivre à 100%,  j’aime voir l'attitude du cheval au travail. C’est très important de le voir bouger, je peux étudier sa forme, remarquer si quelque chose ne va pas et s’il a besoin d’un massage. En l'occurrence, Quel Homme va toujours bien, il a une super santé !

La préparation commence, douche et nattage au programme. © DR

16h30 : Après une petite séance de travail d’une demi-heure pour Quel Homme, nous rentrons tous au box. Une douche et une marche à l’extérieur des écuries pour le faire sécher s’imposent.

17h : L’épreuve est à dix-neuf heures alors je préfère donner à manger à Quel Homme avant, je lui laisse toujours deux heures pour digérer.

17h30 : Je continue à natter pour terminer les pions. Je me sens sereine, je n'ai aucun doute sur le cheval. Quel Homme est un cheval qui aime être natté, il n’est pas attaché dans le box et s’endort. C’est super de passer un moment tous les deux avant le début des épreuves, je trouve ça important. 

18h15 : Je termine la crinière puis le laisse tranquille avec la couverture massage pendant que Jérôme part marcher le parcours. Nous en parlons toujours rapidement une fois la reconnaissance faite. Il me dit plus ou moins si le parcours correspond au cheval. En l'occurrence là, il me dit que tout va bien, que ce n’est pas plus haut que la finale individuelle. Il me paraît plutôt confiant et souhaite regarder les premiers partants pour être sûr de ses contrats de foulées. La préparation commence avec des étirements pour Quel Homme. À ce moment, chaque groom belge fait son travail et connaît parfaitement son cheval avec son organisation adaptée. Nous ne changeons pas nos habitudes et nous ne nous adaptons pas aux autres. Après, s’il y a besoin d'entraide, nous sommes bien-sûr là pour les autres ! Simon s’occupe de Claire Z - monture de Pieter Devos - et Sylvain de Nevados S - cheval de Gregory Wathelet -. 

19h : L’épreuve commence, nous avons le numéro dix-neuf donc je pars à ce moment des écuries, en sachant qu’il n’y a qu’un cheval en piste à chaque fois donc les épreuves sont assez longues. Jérôme n’a pas besoin de plus de quinze chevaux pour détendre, il regarde les cinq premiers pendant que je marche Quel Homme. Quand je le mets à cheval, je me dis : “bon, ça y est ! Maintenant, il faut être bon”. Je n’ai pas un stress énorme, certes j’ai la boule au ventre, mais j’ai entièrement confiance en le cheval et son cavalier. Nous commençons à détendre et tout se passe bien.

19h50 : L’heure d’entrer en piste ! Plus nous nous approchons de la porte, plus je me dis que mon travail est fait et que le reste est entre les mains de Jérôme et Quel Homme. Je suis montée sur le “Kiss and Cry” avec Gaëtan Decroix, son propriétaire, Patricia Guery, la femme de Jérôme, et le staff belge. Je sens que le duo est à l’aise sur le parcours. Nous serrons les dents une ou deux fois pour que ça passe mais plus ils s’approchent du sans-faute, plus la tension monte. Lorsqu’ils passent les derniers obstacles, nous sommes tous tendus. Une fois la ligne d’arrivée traversée avec le parcours parfait, c’est un soulagement énorme ! Tout le monde se prend dans les bras.

Le “Kiss and Cry” en folie après le parcours sans-faute du couple belge. © Sportfot.com

19h52 : Je retrouve Quel Homme à la sortie de piste… je verse une larme. Cela fait deux ans que je suis aux côtés de Jérôme et nous travaillons chaque jour pour cet objectif. Ce double sans-faute dans l'épreuve par équipe est un rêve qui met aussi la Belgique en bonne position. Je récupère Quel Homme et nous rejoignons Simon qui était déjà rentré aux écuries avec Claire Z. Nous devons rester attentifs en vue d’un potentiel barrage puisque nous sommes trois équipes à quatre points après le passage des deuxièmes cavaliers. Avant que les derniers duos passent, il y a une pause donc j’en profite pour doucher mon cheval et faire redescendre la pression puis je reviens aux écuries, prête à repartir si besoin. Nos voisins néerlandais ont une télévision donc nous regardons les parcours. Lors du passage de Nevados S - qui fait deux fautes- , nous avons peur de descendre dans le classement. Avec Simon, nous n’y croyons plus et essayons de nous convaincre qu’une quatrième place, ce n’est pas grave. Lorsque Pénélope Leprevost est entrée en piste, nous doutons qu’elle puisse faire plus de trois fautes pour que nous puissions rester sur le podium. Chose improbable… elle est éliminée. Malchance de son côté mais qui est bénéfique pour les Belges puisque ça nous assure la médaille de bronze. Avec Simon, nous nous sommes pris dans les bras et sommes félicités. “C’est bon, nous avons la médaille !”. Je serre Quel Homme dans les bras et lui redonne encore pleins de carottes !

20h30 : Je selle le cheval pendant la pause précédant le barrage. Entre-temps, les cavaliers sont revenus aux boxes féliciter leurs chevaux ainsi que toute l’équipe.

Photo de famille avec le bronze autour du cou de Jérôme Guéry. © DR

21h : Nous voilà partis pour la remise des prix ! J’arrive pendant que le barrage se court entre les États-Unis et la Suède. Je suis également dans le paddock lorsque les Suédois remportent ces Jeux. Ce moment est exceptionnel, tout le monde se saute dans les bras et ces images vont rester gravées. Ce sont de beaux moments de sport où toutes les nations se félicitent entre elles.

21h10 : J’entre sur la piste à côté de Jérôme et Quel Homme pour la remise des prix. Je ressens du soulagement, nous attendions tellement cette médaille. Je me dis : “la médaille rentre à la maison !”. Je tiens mon cheval pendant que les cavaliers montent sur le podium avant d'effectuer le tour d’honneur. D’ailleurs, Quel Homme n’a pas eu meilleure idée que de déferrer pendant cette dernière galopade mais on ne lui en veut pas (rires) !

Retour au box pour Kirsty Pascoe avec son protégé. © Sportfot.com

21h30 : Il est difficile de rester concentrée pour faire les soins du cheval avec toute cette euphorie. Je prends plus de temps que d'habitude mais Quel Homme avait tout, bandes de zinc, bandes, argile sur les grassets, massage du dos, couverture massante, tous les soins possibles ! 

22h : Nous commandons des pizzas et du champagne pour tout le monde. Ça a été la fête dans les écuries avec toutes les personnes présentes sur place et qui ont participé à cette médaille. Tout le monde savait qu’il y allait y avoir une célébration dans l’écurie belge ! Les Pays-Bas se sont de suite joints à nous, les grooms et cavaliers des autres nations sont arrivés. Si certains étaient déçus de leurs performances, ils étaient quand même contents pour nous : c’est ce qui est beau dans ce sport !

23h : Les cavaliers prennent leur bus pour rentrer au village olympique et nous rentrons à notre immeuble. Les chevaux n’ont pas demandé à ce qu’on fasse la fête toute la nuit devant leurs boxes alors nous allons dans la salle commune où nous continuons !

4h30 : Je suis enfin dans mon lit après cette journée exceptionnelle ! La nuit va être courte…

Photo à la une : Sportfot.com