Brianna Lobreau revient sur son incroyable championnat du monde, aux côtés de Quel Homme de Hus et Jérôme Guéry
Premier championnat, première médaille. Le bilan de Brianna Lobreau a de quoi faire rêver. tout au long des Mondiaux de Herning, dans l’ombre, la jeune femme a pris grand soin de son cher Quel Homme de Hus, à qui elle voue un amour sans faille. Au Danemark, la bonne fée de Jérôme Guéry a partagé le premier titre individuel glané par l’étalon de seize ans, déjà doublement récompensé par équipe, aux Européens de Rotterdam et aux Jeux olympiques de Tokyo. Couverte d’argent, la Française n’a pas caché son émotion depuis le kiss and cry du stade Stutteri Ask. Pour Studforlife, elle revient sur sa folle semaine, conclue de la plus belle manière.
Brianna Lobreau n’est pas près d’oublier ses premiers championnats du monde ! Arrivée dans les écuries de Jérôme Guéry en avril dernier, après avoir fait ses armes en tant que groom maison chez Grégory Wathelet, évolué outre-Atlantique puis arpenté la route aux côtés de Pilar Lucrecia Cordon, la jeune femme a largement contribué à la médaille d’argent décrochée à Herning par son cavalier et le charismatique Quel Homme de Hus. “Je n’arrive absolument pas à réaliser”, sourit-elle. “Sur le coup, la médaille était assez concrète, mais j’ai vécu assez normalement depuis. Alors, c’est encore un peu difficile de prendre conscience de cette performance.”
Pourtant, pas de doute. Le trio a bel et bien été récompensé par l’argent mondial, après un championnat parfait, où le fils de Quidam de Revel n’a pas renversé la moindre barre en cinq parcours ! “J’avais un peu de pression car je partais aux championnats du monde avec un cheval capable de ramener une médaille. Quel Homme est extraordinaire. Il avait toutes ses chances et méritait tellement d’avoir sa médaille que j’avais vraiment envie que cela arrive. Pour lui d’abord, parce qu’il est simplement incroyable, mais aussi pour Jérôme, qui est quelqu’un de formidable. J’ai essayé d’être très concentrée, sans me laisser déborder par le stress et de faire mon maximum pour mon cheval. Je crois que nous n’avons pas trop mal réussi ! (rires)”, reprend la Française.
Quel Homme de Hus, un crack parmi les cracks
Longtemps espérée, cette médaille individuelle est arrivée comme une délivrance pour le sublime Quel Homme de Hus. Du haut de ses seize ans, l’étalon a livré une véritable démonstration tout au long de la semaine à Herning. Déjà champion d’Europe par équipe à Rotterdam en 2019 et en bronze avec les Diables Rouges l’été dernier aux Jeux olympiques de Tokyo, l'Holsteiner a complété sa collection. “Quel Homme est extrêmement intelligent. C’est incroyable de s’occuper d’un cheval comme lui. Au départ, il est assez fermé lorsqu’on s’occupe de lui. Il ne veut pas trop laisser paraître ses émotions, ne veut pas trop qu’on le touche, qu’on soit avec lui. Il paraît un peu solitaire, mais, au fond, je pense qu’il ne l’est pas tant que ça. Il attend simplement de voir s’il peut nous faire confiance, si on sera là pour lui. Cette semaine, nous n’étions que tous les deux. Nous avons été très proches. Il est facile et tellement gentil. C’est extrêmement agréable de s’occuper de lui. Il donne énormément pour nous. Je crois que maintenant, je peux dire, après tout ce que nous avons vécu ensemble ces derniers mois, qu’il est l’un des chevaux qui fera partie de ma vie très, très longtemps”, s’émeut Brianna en évoquant son protégé. “Quand on se donne autant pour eux et qu’ils nous le rendent comme cela, c’est incroyable. Mes chevaux sont un peu comme mes enfants.”
Une semaine de grand sport
Arrivée à Herning sur les coups de 6 heures, samedi 6 août au petit matin, la bonne fée de Quel Homme de Hus a partagé les kilomètres séparant la Belgique du Danemark avec Tiffany Le Tallec, la groom de Katanga v/d Dingeshof, monture de Nicola Philippaerts. “Nous faisions partie des premiers camions de jumping à arriver sur place”, décrit Brianna. “Toute la délégation belge de saut d’obstacles est arrivée en même temps. En arrivant, nous avons été soumis à des prises de température. Nos boxes étaient déjà prêts, ce qui était vraiment appréciable. Nous n’avions plus qu’à mettre nos chevaux dedans. Avec un seul cheval, il faut dire que tout allait beaucoup plus vite qu’habituellement. Nous avons tout installé et laissé nos montures se reposer un peu, avant de les faire se dégourdir les jambes l’après-midi. Jérôme était en concours à Gesves ce week-end-là. Il est donc arrivé le dimanche soir en avion. J’ai donc fait travailler Quel Homme pendant son absence. Il était très, très bien. Les écuries étaient chouettes. Tous les cavaliers belges, de dressage et de jumping, étaient regroupés dans la même allée. Les boxes étaient très grands, 3mx4,50m, ce qui était super pour nos chevaux. Nous avions des carrières pour monter, beaucoup de douches à disposition, l’eau à proximité. Les infrastructures étaient très bien. Nous avions également assez d’espace pour faire marcher nos chevaux et surtout, de quoi les faire brouter. C’était génial. Cela devient de plus en plus rare sur les concours et c’est hyper important pour certains chevaux - dont Quel Homme - et leur moral. Samedi, entre les épreuves, nous avions un jour de repos. Quel Homme en a profité pour aller au spa, afin qu’il soit à 100% le lendemain pour la finale. Il y avait déjà été par le passé, et c’est vraiment bénéfique pour les membres des chevaux. C’était super d’avoir cela à disposition. Il y avait également un aquatrainer et un tapis avec un solarium. C’est très rare sur les concours ; le seul endroit où j’ai déjà vu un spa, c’est au Sunshine Tour. Pour les chevaux qui ont l’habitude de ces soins, cela permet également de conserver une certaine routine. Après la finale, nous sommes reparties dimanche soir, vers 21 heures, avec Tiffany. Je suis arrivée aux écuries Philippaerts le lundi matin. Quel Homme s’est reposé quelques heures dans son box là-bas, puis nous sommes rentrés à la maison. Il était très, très heureux de rentrer (rires).”
Une réussite partagée
Bien lancé dès la Chasse, Jérôme Guéry et son bai ont effectué une remontée progressive au classement général, au profit de nombreux parcours impeccables. Jamais en sursis, le duo s’est finalement arrêté sur une magnifique deuxième place, amplement méritée. Et cette réussite n’a pas été seulement celle des deux complices placés sous le feu des projecteurs, mais bien celle de toute une équipe. “Remporter cette médaille était assez fort. Les deux propriétaires de Quel Homme étaient là. Alexandre (Oancea, ndlr) était sur place toute la semaine, et Gaëtan (Decroix, qui est aussi son ancien cavalier, ndlr) nous a fait la surprise d’arriver dimanche matin. La femme et le fils de Jérôme ont également passé la semaine avec nous. Nous sommes un peu une grande famille. C’était très émouvant. Tout le monde était très heureux”, confie la groom.
Dimanche, à l’aube de la finale individuelle, l’équipe Guéry se trouvait à la troisième place individuelle. “Le matin, je me sentais assez bien. Nous avons observé le cheval avec Jérôme. Il l’a monté sur le plat et était très bien”, développe Brianna. “J’étais très stressée pour la première manche malgré tout. Le parcours était assez facile (quatorze des vingt un couples au départ sont sortis sans-faute de l’acte initial, ndlr) et nous craignons que le cheval commette une faute bête. Même si c’est très rare, cela peut arriver sur ce type de tracé. Nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas faire de bêtises, d’autant plus que nous étions déjà troisièmes. Nous touchions la médaille du bout des doigts et savions qu’avec deux parcours parfaits à la suite, nous serions forcément sur le podium. La pression était conséquente. J’étais énormément stressée pour le deuxième parcours. Jérôme, lui, était très concentré, et Quel Homme est toujours présent. Ce n’est pas un cheval qui stresse beaucoup, ce qui est chouette. C’était vraiment incroyable.”
Depuis le kiss and cry, espace depuis lequel les proches des couples en piste peuvent observer la compétition, la tension était à son comble au passage de Jérôme Guéry et Quel Homme de Hus. Une fois le second parcours en poche, une véritable effusion de joie s’est dégagée. Entre accolades, sauts de joie et larmes, il fallait réaliser qu’une médaille était sécurisée. Mais, de quel métal serait-elle ? Si Henrik von Eckermann, dernier à s’élancer, n’a pas craqué, Jens Fredricson, lui, n’a pu éviter trois fautes, faisant gagner une marche au clan belge. “En sortant de piste, nous sommes allés au contrôle des guêtres. Nous avons commencé par réaliser que nous avions une médaille autour du cou. C’était incroyable. Le temps de remonter au paddock, Jens avait commis une faute. En arrivant, plein de personnes ont commencé à venir vers nous et à crier pour nous dire que nous n’étions plus médaillés de bronze, mais d’argent ! Je n’ai pas tout de suite réalisé, puisque je venais juste de me dire que nous avions une médaille et j’étais déjà très émue”, complète la Française, aux anges.
Au Danemark, les grooms de l’ombre à la lumière
Aux Mondiaux, la place des grooms a été particulièrement saluée tout au long de la compétition. Une juste reconnaissance pour ces petites mains si précieuses et si souvent dans l’ombre. “Nous avons surtout été très reconnus en piste. Avoir nos noms et nos têtes à côté de celles des cavaliers et de nos chevaux était vraiment bien. Même si cela tend à s’améliorer, la reconnaissance du travail des grooms reste rare. Nous nous donnons corps et âme, parfois sept jours sur sept, et presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous passons nos journées avec nos chevaux. Alors, cette reconnaissance est forcément hyper importante pour nous”, apprécie Brianna. “Nous avons été nourris matin midi et soir, ce qui n’est pas le cas sur tous les concours, même au niveau 5*. Nous avions un lounge à disposition, avec des canapés, et où nous pouvions nous reposer. Pour le reste, l’organisation était plutôt bien pensée. On nous a aidé à décharger nos camions, etc. C’était très bien.”
Des rêves d’or ?
Passionnée par le métier de groom depuis l’adolescence, la jeune femme a toujours été “intimement convaincue” qu’elle en ferait son métier. Après avoir engrangé de précieuses expériences à travers la Belgique et la Floride, l'avènement est arrivé auprès de Jérôme Guéry. Cette médaille d’argent lui donne-t-elle des envies d’or ? “Oui, bien sûr. Mais avoir une médaille, peu importe la couleur du métal, est déjà incroyable. Nous rêvons tous d’or, mais nous sommes énormément à faire ce métier-là et très peu à obtenir une médaille. Je suis déjà plus que ravie d’arriver à cette concrétisation aussi jeune. Certains grooms n’ont jamais de médaille au cours de leur vie, alors c’est déjà incroyable. Mais nous espérons pouvoir aller à Paris avec Quel Homme. Et pourquoi pas ramener l’or ? Ce serait formidable”, répond-t-elle.
Avant de se projeter jusqu’en 2024, le crack du Holstein profitera bien sûr d’un peu de repos. “Quel Homme est actuellement en pleines vacances ! Il passe beaucoup de temps au paddock. Il va continuer sur ce rythme pendant deux, voire trois bonnes semaines, puis nous nous envolerons pour Calgary. C’était dans nos plans et il est encore en pleine forme. Bien sûr, nous n’oublions pas qu’il a seize ans, mais cette piste peut lui convenir. Il adore les grandes pistes en herbe, c’est vraiment son truc ! Jérôme avait très envie d’aller à Calgary, d’autant plus avec ce cheval-là. Je pense que c’est l’année pour le faire”, assure Brianna. “Ensuite, rien n’est encore sûr, mais en fonction de la forme de Quel Homme, nous serons peut-être au départ de la finale du circuit des Coupes des nations à Barcelone. Le dernier objectif de l’année sera Genève, en décembre. Après, Quel Homme rentrera chez Gaëtan cet hiver, pour se consacrer à la reproduction, faire des bébés et profiter de grandes vacances bien méritées !” Un programme à la hauteur du (vice)champion qu’il est.
Photo à la Une : Quel Homme de Hus et Brianna Lobreau au centre du stade Stutteri Ask. © Sportfot