Sortir des sentiers battus, casser les codes et suivre sa propre voie font définitivement partie des mots d’ordre de Brendan Wise, cavalier américain multi-casquette, qui a fait souffler un vent de fraîcheur sur la toile au printemps dernier. Outre-Atlantique, sur le circuit national de saut d’obstacles, il a présenté Lyric, un cheval avec lequel il se produit également en spectacle, en cordelette, sur des parcours jusqu’à 1,40m. Incitant à utiliser les meilleurs outils en fonction de chaque cheval, dans une démarche saine, viable et sécuritaire, celui qui a grandi, au sens propre comme figuré, entouré d’influences aussi diverses que variées, livre sa vérité et lève le voile sur un système qui détonne et fonctionne.
“J’encourage chacun à sortir des schémas classiques, à étudier et à progresser. Les consciences s’ouvrent et progressent et je pense que les gens ne devraient pas être effrayés à l’idée de prendre des risques, de travailler dur et de devenir la meilleure version d’eux même pour les chevaux, pour prendre plaisir à leurs côtés. J’ai redécouvert mon amour et ma passion pour les chevaux et ma compagne, Kaleigh Marie, a été une grande influence pour moi. J’aimerais encourager tout le monde, surtout les professionnels du monde équestre, à se battre pour la joie de ce métier, pour leur passion. Elle est si facile à perdre et cela est préjudiciable pour la façon dont on monte à cheval.” Brendan Wise n’évolue pas sur la scène internationale et n’est sans doute inconnu aux yeux de beaucoup d’Européens. Pourtant, cet Américain qui casse les codes est une véritable source d’inspiration pour ses pairs. En début d’année, le cavalier a fait sensation avec son sublime Villanueva Conrad (Covini x Country Man), plus connu sous son surnom, Lyric. Avec lui, il écrit des partitions sans fausse note et sans artifice jusqu’à 1,40m… en cordelette ! Ses parcours, tout en harmonie et finesse, déroulés, entre autres, au cœur du gigantesque World Equestrian Center (WEC) d’Ocala ont fait le tour d’internet. L’occasion de mettre en lumière une autre vision du sport et une ouverture d’esprit rafraîchissante.
Un coup de cœur au premier coup d’œil
Brendan Wise ne rentre dans aucune case. Aujourd’hui, il se décrit comme “principalement cavalier de saut d’obstacles et de dressage”, mais ses influences sont multiples. Le natif du Maryland a débuté dans le milieu western, pratiquant le reining et découvrant les bases du horsemanship, notamment pour faire face aux problèmes comportementaux de certains chevaux. Pourtant, rien ne le prédestinait vraiment à faire carrière auprès de ces derniers. Brendan grandit sur la côte est des Etats-Unis, avec ses parents et sa sœur, qui précipite son entrée au contact des équidés. “C’est ma sœur qui m’a propulsé dans le monde de l’équitation. Nous étions jeunes lorsque nous avons commencé. Je devais avoir plus ou moins huit ans. Nous venions de sortir du système scolaire traditionnel et ma famille nous faisait l’école à la maison. Dans notre cursus, ma sœur et moi avions besoin d’une activité physique. Ma sœur voulait prendre des cours d’équitation ; je voulais jouer au hockey sur glace. Enfant, mon rêve était de devenir gardien de but dans ce sport. Mais ma sœur avait la possibilité de faire un essai gratuit au centre équestre. Alors, je me suis dit ‘pourquoi pas monter à cheval !’. Cela me paraissait amusant et dès notre première leçon, j’ai adoré. J’aimais l’interaction avec les chevaux, le défi physique du sport en lui-même mais j’étais particulièrement intrigué par ces animaux”, raconte l’Etatsunien. “Je suis plutôt quelqu’un d'intellectuel, avec une approche analytique des choses, d’autant plus en ce qui concerne les chevaux. J’aime tout des chevaux, absolument tout, mais plus encore le puzzle qu’ils représentent. J’adore essayer de comprendre ce qui les motive, ce qui les fait progresser, devenir de meilleurs athlètes, de trouver les différentes approches que l’on peut employer, etc. C’est ce qui m’a captivé.”
Rapidement, Brendan, qui se décrit comme “un enfant plutôt athlétique”, se voit confier les chevaux dits difficiles, ceux sur lesquels il est plus délicat de rester en selle. “Par instinct de survie, on essaye de trouver comment mieux monter, comment rendre ces chevaux plus coopératifs avec l’humain. Cela m’a poussé à vouloir travailler avec des chevaux difficiles et, plus globalement, à trouver une meilleure façon de faire les choses”, expose-t-il. En toute logique, une voie professionnelle s’ouvre à lui. “Si on demandait à ma famille, je pense qu’elle dirait qu’elle a eu le sentiment que je deviendrais professionnel assez tôt, lorsque j’étais un pré-adolescent, ou un adolescent. C’est la direction dans laquelle je voulais aller, même si certaines distractions sont arrivées en cours de route. J’étais musicien et aimais beaucoup la musique : une carrière dans ce domaine était sur la table. J’étais aussi sérieusement intéressé par le domaine militaire et cela était une autre sérieuse option, que j’ai failli choisir. Quelques autres choses ont attiré mon attention, mais tout m’a toujours ramené aux chevaux”, complète Brendan.
“Peu importe la méthode, tant qu’elle est bonne pour le cheval, elle me convient”
Après ses débuts dans l’univers western, le jeune homme prend un grand plongeon dans l’équitation classique et s’intéresse de près au dressage, discipline pour laquelle il développe “une grande passion et un profond amour”. Gérant de sa propre structure et entraîneur, Brendan se découvre un autre intérêt, pour le saut d’obstacles cette fois, d’une manière plus ou moins fortuite. “Le saut d’obstacles est arrivé dans ma vie un peu par nécessité. Nombre de mes élèves étaient des cavaliers de saut d’obstacles ou de concours complets. Au départ, ils étaient simplement en quête d’amélioration pour leur travail sur le plat, avaient l’envie de progresser avec leurs chevaux. Puis ils ont commencé à me demander des cours de saut d’obstacles et je ne me sentais pas du tout qualifié pour répondre à leur demande. Alors, je me suis penché sur la discipline et l’ai étudiée. J’en suis tombé complètement amoureux”, résume-t-il. À partir d’ingrédients aussi variés que divers, Brendan a mis au point une recette qui semble aujourd’hui porter ses fruits. “Tout cela s’est transformé en quelque chose de beaucoup plus grand que ce à quoi je m’attendais ! J’ai toujours cherché le moyen d’avoir une meilleure communication et une meilleure connexion avec les chevaux, essayé de trouver une façon plus simple de faire les choses”, souligne le cavalier. “En dix ans, cette aventure a été passionnante et m’a fait passer par différentes directions. Cela a été important, et m’a apporté de nombreux points de vue dans mon approche. Plutôt que de me baser sur les principes d’une seule discipline, je peux appréhender les problèmes de différentes façons, sortir des sentiers battus. Peu importe la méthode, tant qu’elle est bonne pour le cheval, elle me convient : qu’il s’agisse d’utiliser un mors, un filet ou rien du tout, si cela fonctionne et respecte le cheval, cela m’intéresse.”
Parmi ses mentors, nombreux et issus d’autant d’univers, Brendan cite Andrew Ross, son entraîneur de saut d’obstacles, dont l’enseignement a été fondamental dans sa réussite actuelle. “Il m’a vraiment appris énormément sur mon propre équilibre au-dessus des obstacles et en parcours et continue à me transmettre énormément de savoirs. Sans son aide et son expertise, je ne serais pas en mesure de réussir le travail sans filet avec Lyric, d’être efficace et stable en selle. C’est quelqu’un de particulièrement humble, discret et un vrai sorcier du saut d’obstacles et de l’équilibre du cavalier et du cheval”, loue-t-il. Côté dressage, l’Américain souligne également le rôle clef de son ancienne instructrice, dont le mentorat lui a permis de changer son équitation, sa vision et son approche des choses. Les grands maîtres de la discipline, qu’ils soient français, allemands ou portugais ont aussi rempli son bagage, de même que son ex-épouse et associée, Melanie Ferio. “Melanie m’a grandement encouragé dans la création de ce système sans filet. Elle a été l’une de mes inspirations grâce à son travail avec son cheval, Wings. Ma compagne actuelle, Kaleigh, est extraordinaire, notamment dans tout ce qui concerne le travail en liberté et la connexion positive avec les chevaux. Au-delà des simples tours et spectacles, son lien avec les chevaux et sa philosophie dans la connexion avec l’animal ont été une source d’inspiration extrême pour moi”, martèle-t-il, sans oublier ses mentors d’origine, John et Josh Lyons, qui lui ont inculqué les premières bases de horsemanship. “Si je n’avais pas commencé avec eux, je serais bien loin d’où je suis aujourd’hui et j’aurai sans doute été incapable de développer ce système”, complète Brendan, qui reconnaît volontiers ses multiples inspirations.
La cordelette, un atout insoupçonné
De la pratique du western à celle du saut d’obstacles en cordelette, il y a un monde. Si ses rencontres passées ont forgé la philosophie de Brendan, d’autres événements l’ont poussé à aller encore plus loin dans cette démarche. “Au départ, le travail sans filet était surtout destiné aux spectacles, à l’amusement et à un complément d’entraînement pour les chevaux. Nous nous produisons dans des conventions et des salons, lors de rodéos ou autres événements. C’était très chouette de montrer du travail en cordelette à ces occasions, mais, pendant longtemps, je n’ai pas pris cela plus au sérieux”, entame l’Américain. “C’est seulement lorsque mon ex-épouse a rencontré des difficultés avec un cheval de saut d’obstacles très talentueux mais particulièrement anxieux et chaud en piste, que nous nous sommes davantage penchés là-dessus. Wings, qui a donné son nom à l’entreprise que nous avons fondée ensemble, a dû remplacer son autre cheval, qui est malheureusement décédé, lors d’un spectacle. En très peu de temps, Wings a commencé à mieux sauter, à être plus détendu lorsqu’il travaillait en cordelette que lorsqu’il évoluait avec un mors et un filet ! Son histoire et son parcours sont ce qui m’a véritablement poussé dans cette voie, dans l’idée de développer un système qui ne soit pas uniquement destiné à de l’amusement, mais qui soit aussi viable en compétitions, pour affronter des chevaux en filet. Pour Wings, cela était une nécessité : nous le montions ainsi car c’est ce qui lui convenait le mieux. Cela m’a donné beaucoup d'idées et m’a amené à réfléchir à une autre philosophie.”
Retirer mors et filets ne s’est toutefois pas fait au détriment des ingrédients essentiels à la pratique du saut d’obstacles. “Nous avons développé un système qui était de qualité suffisante pour être appliqué en compétition et avons conservé les mêmes standards que pour des chevaux en filets : l’incurvation, l’équilibre, la perméabilité aux aides, le rassemblé, etc. Tout devait être au point pour réussir les parcours”, reprend le natif du Maryland. Petit à petit, sa méthode se révèle nécessaire pour d’autres montures : “Nous avons trouvé que ce système fonctionnait très bien pour d’autres chevaux. Pour certains, c’était un bon complément du travail plus classique, pour d’autres, nous sommes passés exclusivement sur du travail sans filet et ils n’ont plus eu de mors dans la bouche ou quoi que ce soit sur leurs têtes depuis des années ! Je ne dis pas que cela convient à tous les chevaux et je n’ai aucune animosité envers les mors, sauf dans les cas où ils sont utilisés d’une manière néfaste pour les chevaux. Peu importe l’harnachement : tant qu’il est utilisé dans l’intérêt du cheval et d’une façon juste et agréable, je suis pour. Parfois, pour un cheval en particulier, tout retirer est la meilleure solution. J’aime avoir cette option.”
La seconde partie de cet article sera publiée dimanche sur Studforlife.com…
Photo à la Une : Brendan Wise et son cher Lyric. © Andrew Ryback Photography