“Avoir des chevaux dans ma vie a toujours été une source de bonheur”, Daniel Bluman (2/2)
Tête d’affiche de l’équipe israélienne de saut d’obstacles, Daniel Bluman a remporté pas moins de deux Grands Prix 4* et un 5* la saison passée. Pouvant compter sur quelques excellentes montures, à l’image de Gemma W, Ladriano Z, Ubiluc ou encore Cachemire de Braize, l’ancien Colombien révèle préférer se concentrer sur un groupe de montures restreint, afin de tisser de vraies relations avec chacun de ses complices. Rencontré dans le cadre du mythique CHIO d’Aix-la-Chapelle, où il a obtenu plusieurs classements, le père de famille s’est livré sur ses chevaux actuels et d’avenir, son système de travail, la déception d’avoir manqué ses troisièmes Jeux olympiques pour une question administrative, son équipe nationale ou encore les grands sujets d’actualité. Enclin à partager sa vision des choses sur n’importe quelle thématique, le jeune trentenaire n’a éludé aucune question. Deuxième et dernier volet de cet entretien.
La première partie de cette interview est à (re)lire ici.
L’an dernier, vous avez été privé d’une troisième participation aux Jeux olympiques, en raison d’un problème administratif avec Gemma W. Comment avez-vous dépassé cette déception, que vous aviez qualifiée, à chaud, d’un “rêve anéanti” ?
J’essaye de passer au-dessus de ce genre de choses rapidement et de m’adapter. Bien sûr, cela a été très décevant sur le coup, mais tout arrive pour une raison. Une chose est sûre : cela ne m’arrivera plus jamais et je ferai les choses différemment si je le dois. J’espère aussi que la FEI (Fédération équestre internationale, ndlr) changera des choses afin de s’adapter au sport moderne, en interprétant les règles à l’avantage des cavaliers et non pas contre eux. Mais, encore une fois, tout arrive pour une raison et maintenant, tout va bien. Nous avons pu nous concentrer sur d’autres choses, utiliser notre énergie pour d’autres objectifs et tout va super bien. Je regarde vers Paris. L’échéance approche à grands pas. J’espère que d’ici là nous aurons quelques bons chevaux, en mesure d’être performant au moment venu.
Avez-vous tout de même suivi ? Qu’en avez-vous pensé ?
Oui, j’ai suivi les Jeux. Je ne suis pas un grand fan du nouveau format en général, et j’aime encore moins le fait que le titre individuel soit décerné avant celui par équipe. Mais, encore une fois, la FEI décide de ce qu’elle veut faire. Elle peut de toute façon faire plus ou moins de qu’elle veut, alors c’est ainsi. Nous nous adapterons ; nous, cavaliers, voulons nous adapter. Peut-être que dans dix ans certains cavaliers ne se concentreront plus autant sur les Jeux olympiques. Les JO resteront importants, mais peut-être pas l’échéance la plus importante. Tout dépend de la gestion de la FEI vis-à-vis des Jeux olympiques et de ce qui se passera dans le futur. Pour l’instant, nous nous préparons simplement à ce qui se profile.
“Nous travaillons à élargir les effectifs d’Israël”
Il y a quelques semaines, votre coéquipière Dani G. Waldman a pris la décision de raccrocher les bottes pour se concentrer sur d’autres activités. Comment avez-vous accueilli la nouvelle et comment jugez-vous les forces en présence dans le clan israélien ?
Oui, en effet, elle a annoncé prendre du recul. Nous sommes une petite équipe. Nous n’avons pas un énorme effectif, mais nous travaillons constamment. Peut-être que nous ne sommes pas le collectif le plus fort à ce moment précis, parce que nous ne sommes pas nombreux, mais j’ai le sentiment que nous avons connu de grandes réussites. Certains de nos cavaliers ont accompli de grandes choses individuellement, ce qui, en fin de compte, bénéficie à notre pays. C’est quelque chose qui me rend toujours très fier. Nous travaillons à élargir nos effectifs, à avoir davantage de bons cavaliers avec de bons chevaux, afin d’être plus forts dans les épreuves par équipes. Mais c’est un processus ; nous sommes un petit pays et il devient de plus en plus difficile d’avoir les meilleurs chevaux du monde. Ce n’est pas simple, et ça l’est encore moins lorsqu’on n’a pas beaucoup de cavaliers. Il est donc difficile d’aligner quatre bons couples capables d’affronter les événements majeurs et les championnats. Toutefois, nous sommes très optimistes et je suis persuadé que nous avons un entraîneur et un chef d’équipe incroyables en les personnes de Hans Horn et Jeroen Dubbeldam. Ils ont déjà été formidables pour nous. Je ne peux même pas expliquer à quel point ils ont changé ma carrière et la vie de ma famille, et je suis certain que tous les cavaliers de l’équipe d’Israël seraient d’accord avec moi. Avoir l’opportunité de travailler avec ces deux légendes a changé beaucoup de choses dans notre programme et je suis très serein quant à l’avenir de notre équipe nationale. Cela prendra peut-être quelques années pour que tout se mette en place, mais nous sommes sur la bonne voie.
Sur votre compte Instagram, vous partagez diverses choses, allant de phrases inspirantes à des exemples d’exercices à reproduire à cheval. Est-ce important à vos yeux que les cavaliers s’ouvrent davantage à travers les réseaux sociaux ?
Les choses que je partage sur les réseaux sociaux sont celles que j’aurais aimé voir quand j’étais plus jeune, de la part de cavaliers que j’admirais et admire toujours aujourd’hui. Ces personnes restent mes idoles, même si je concours désormais contre eux. Ils m’inspirent toujours, parce qu’ils sont de grands athlètes et c’est un plaisir d’évoluer à leurs côtés. Mais voilà comment je gère mon compte Instagram. Je ne suis pas très actif personnellement, mais si nous pouvons partager des informations, des connaissances, des citations ou des moments, des situations qui nous font grandir en tant que cavaliers et personnes, on devrait le faire. Pourquoi ne pas s’en servir ? Si l’outil est à notre disposition et nous permet d’inspirer d’autres personnes, je ne vois pas de raison de ne pas le faire.
“Je crois que tout le monde essaye de faire mieux en matière de bien-être animal”
Les questions de bien-être animal sont au cœur des débats qui animent la sphère équestre depuis un certain temps. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
En règle générale, je crois que les chevaux sont très bien traités. Lorsqu’on y pense, ils sont vraiment aimés et choyés. Ils reçoivent les meilleurs soins possibles et ont beaucoup de choses. Si l’on compare les conditions dans lesquelles nos chevaux vivraient en dehors du sport, je crois que l’on peut dire qu’ils sont traités de façon incroyable dans notre sport. Bien sûr, nous voulons toujours encourager l’instauration de règles afin que le bien-être soit encore amélioré, plus protégé, et que l’on s’occupe encore mieux des chevaux. Cependant, nous ne devons pas oublier qu’en général, nous faisons très attention à nos chevaux, et ce dans plusieurs sens. Les cavaliers aiment leurs chevaux, qui sont aussi précieux. Ils ont une valeur financière importante et, pour cette simple raison, de nombreuses personnes prennent soin d’eux. Personnellement, j’aime les chevaux, j’aime mes chevaux. Ils sont pratiquement devenus des membres de ma famille. Être en mesure de tisser une relation avec mes chevaux, les aimer et les avoir dans ma vie a toujours été une source de bonheur pour moi. Je pense que c’est le cas pour beaucoup de cavaliers, amateurs comme professionnels. Je suis plutôt optimiste concernant le fait que le bien-être des chevaux va et continue d’aller dans la bonne direction.
Une récente étude, mise en ligne par Horse & Hound révèle que 20% du grand public est contre l’utilisation des chevaux dans le sport. Selon vous, qu’est-ce qui pourrait être mis en place pour améliorer l’opinion générale sur les sports équestres ?
Je leur dirais de mettre les choses en perspective. Si l’on regarde comment certains animaux sont traités, notamment ceux élevés pour la viande et destinés à la consommation, ou d’autres qui sont utilisés pour des activités de loisirs et que l’on compare cela à la façon dont nous prenons soins de nos montures, je crois que l’on comprend que nos chevaux bénéficient de meilleurs soins. On doit relativiser. Peut-on faire mieux ? Bien sûr. Sommes-nous en progrès ? Oui. Je crois que tout le monde essaye de faire mieux. Les personnes qui pensent que nous ne devrions pas utiliser les chevaux dans le sport et ce genre de choses doivent mettre les choses en perspective et comprendre que nous aimons vraiment nos chevaux et que nous nous occupons bien d’eux. Ils ont des vétérinaires et maréchaux-ferrants incroyables, la meilleure nourriture possible, etc. Dans une majorité de cas, ils bénéficient également de prés, où ils peuvent vivre une vie de cheval et être heureux. Et puis, une fois qu’ils ont terminé leur carrière sportive, ils rejoignent de super écuries pour leur retraite. Il est clair qu’il y a quelques rares situations où les professionnels ne prennent pas correctement soin des chevaux et ne les traitent pas avec le respect qu’ils méritent, mais ce sont des cas isolés. En général, les chevaux sont aimés et bien traités.
“On ne peut pas ignorer ce qui se passe dans le monde”
Vous intéressez-vous aux grands sujets de société ? Au réchauffement climatique, à la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis de révoquer le droit à l’avortement, à la guerre en Ukraine, etc ?
Oui, bien sûr. On ne peut pas ignorer ce qui se passe dans le monde. La situation en Ukraine est à peine croyable. Imaginer qu’une telle situation puisse se passer de nos jours est incompréhensible. Il y a tant d’innocents qui meurent… Mais cela relève de la politique mondiale et j’essaye de ne pas trop m’impliquer là-dedans. J’ai mes opinions, mais elles me sont propres. Chacun peut avoir ses idées en politique. C’est la même chose avec la loi sur l’avortement aux Etats-Unis. Je crois que c’est quelque chose de très personnel. Pour moi, les femmes doivent être respectées et avoir la possibilité de décider de ce qu’elles font de leurs corps. Pour accueillir un enfant sur cette Terre, il faut être prêt à lui offrir la meilleure vie possible, sinon, c’est assez injuste. Mais, encore une fois, c’est tout à fait personnel. Tout le monde a ses propres opinions, et je les respecte concernant la politique.
Les chevaux et les concours sont particulièrement chronophages. N’est-ce pas difficile de jongler entre votre vie de cavalier et celle de père de famille ?
Si, ça l’est, mais il faut définir clairement ses priorités. Il faut savoir ce qui passe en premier. Dans mon cas, ma famille passe en premier. J’ai pris très au sérieux le fait de devenir père. Au moment où j’ai pris cette décision, ce nouveau rôle est devenu le plus important pour moi. J’aime mes deux fils, j’aime ma femme, j’aime ma famille et le temps que nous passons ensemble. Nous avons la chance de pouvoir incorporer les chevaux et le sport à notre vie, à notre famille, mais je n’oublie pas l’ordre des choses. Je vais essayer de gérer cela du mieux possible, mais ma priorité est claire. Heureusement, les programmes de compétition et les événements actuels dans le monde nous permettent de pratiquer notre sport au plus haut niveau tout en étant proches de notre famille. Je passe la plupart des semaines de l’année aux côtés de mes enfants. Il y a forcément des week-ends où je suis loin d’eux, mais il n’y en a pas tant que cela. Alors, je pense que jusqu’à maintenant, nous nous en sortons bien.
En dehors des chevaux, avez-vous d’autres passions ou occupations ?
Non, en ce moment, nous n’avons pas trop de temps. Entre le sport et les enfants, nous sommes bien occupés ! Cependant, j’apprécie jouer au golf avec mon frère, Steven, lorsque nous en avons l’opportunité. Nous n’avons pas eu beaucoup d’occasions de le faire ces derniers temps, mais les chevaux et la famille remplissent bien nos journées.
Photo à la Une : Daniel Bluman et sa toute bonne Gemma W en sortie de piste à Knokke. © Sportfot