Année après année, le salon des étalons de Saint-Lô confirme son caractère incontournable, mais aussi convivial. Yann Adam, directeur du pôle hippique de Saint-Lô, co-organisateur de l’événement au côté du stud-book Selle Français, dresse le bilan de ce rendez-vous annuel tant attendu. Il revient sur les temps forts, les réussites, mais aussi les quelques axes de perfectionnement de trois jours que les éleveurs ne sauraient manquer avant de donner le coup d’envoi d’une nouvelle saison d’élevage.
La première partie de cette interview est à retrouver ici.
Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face pour organiser un rassemblement de l’ampleur du salon des étalons de Saint-Lô ?
La plus grosse problématique réside dans le regroupement, durant trois jours, de cent quatre-vingts mâles d’une valeur marchande cumulée inimaginable. Il s’agit de notre grand défi. De fait, les aspects sanitaires sont primordiaux pour nous. Je suis très heureux d’accueillir, depuis deux ans, le laboratoire d’analyses Labéo, qui nous apporte, à nous, organisateurs, mais aussi aux étalonniers, de la sécurité. Nous demandons à tous les étalons un test négatif à l’artérite virale équine ainsi qu’à la rhinopneumonie équine, ou une vaccination à jour. Pour les étalons qui ne le seraient pas, nous pouvons leur accorder l’accès aux boxes après les avoir placés à l’isolement et effectué des tests PCR sur place. Il est bien évidemment hors de question que nous ne respections pas et ne garantissions pas des conditions sanitaires irréprochables. Les boxes sont désinfectés, et un vétérinaire est présent à l’arrivée des chevaux, afin de contrôler leurs documents sanitaires et leur état physique. C’est primordial pour nous, et nous sommes aussi attendus sur ce sujet. Pour déplacer de grands sires à Saint-Lô, les étalonniers doivent pouvoir nous faire confiance. Certains étalons ne sortent plus de leur haras, où ils sont à la retraite sportive. Alors, il est plus que nécessaire de mettre en place des règles et de les tenir. La présence du laboratoire mobile Labéo Truck est une valeur ajoutée énorme pour nous. Au-delà du seul salon des étalons, je prône une amélioration constante des conditions sanitaires de nos équidés. Nous devons être exemplaires en la matière. Nous avons aussi mis en place des conditions de surveillance spécifiques. Lors des deux nuits de présence sur site des étalons, un steward est présent, afin de repérer les éventuels problèmes. S’il constate une anomalie, il appelle immédiatement le groom ou l’étalonnier responsable de l’étalon concerné. Il est également épaulé par un gardien, issu d’une société de sécurité classique, non spécialisé dans les chevaux. Ce sont des choses que l’on ne voit pas, mais qui sont essentielles pour accueillir tous ces grands étalons, dans des conditions garantissant leur sécurité, dans tous les sens du terme.
Grâce à Labéo Truck, les conditions sanitaires ont pu être respectées à la lettre pour tous les étalons. © Mélina Massias
L’ordre de passage des étalons a, comme chaque année ou presque, suscité quelques discussions du côté des étalonniers. Comment est établi le programme des présentations ?
Lors de l’inscription, nous demandons déjà aux étalonniers de nous indiquer leur préférence entre une présentation le samedi ou le dimanche, le vendredi était d’office réservé à la jeune génétique. Ensuite, la façon de présenter l’étalon, monté à l’obstacle, monté sur le plat ou en main, est prise en compte. Nous alternons les tableaux, de sorte à ne pas voir que des chevaux présentés en main ou sur le plat durant plusieurs heures et à conserver du dynamisme. Ces variables-là entrent donc en compte. Ensuite, obligatoirement, il faut qu’un étalon ouvre la journée et qu’un autre la conclue ! En fonction du nombre d’étalons présentés par chaque étalonnier, plus de vingt pour certains, et un seul pour d’autres, nous essayons d’harmoniser au mieux le programme. Aujourd’hui, notre problématique réside dans le fait que le vendredi et le samedi sont les deux journées les plus prisées, tandis que le dimanche perd de son attrait. Nous l’avons constaté par une baisse de fréquentation, de plus en plus marquée, sur cette journée et en particulier l’après-midi. Nous devons en tenir compte et nous adapter à ce changement. Avant, le dimanche était la journée la plus forte du salon. Désormais, les gens arrivent dès le vendredi midi, et repartent le dimanche, avant ou après le déjeuner. Cela s’explique par des raisons de transport : le public vient de plus en plus loin. Quoi qu’il en soit, tous les étalons ne peuvent pas être présentés le samedi soir à 19 heures ! Il faut l’accepter. Nous essayons de trouver un équilibre et nous n’avons aucun intérêt à placer tel ou tel étalon à tel ou tel moment. Nous voulons que tout le monde soit traité à la même enseigne et nous restons neutres à ce sujet, sans aucun intérêt partisan.
Plus de centre quatre-vingt mâles ont été présentés tout au long du week-end. © Mélina Massias
D’après vos estimations, la fréquentation a avoisiné les huit mille visiteurs, ce qui est plutôt très positif !
Oui, en cumulé nous estimons à huit milles le nombre de visiteurs. Nous tenons à ce que l’entrée au salon reste gratuite, donc ces chiffres restent une appréciation. Nous étions entre sept milles et sept mille cinq-cents visiteurs l’année dernière. La fréquentation est donc en légère hausse, bien que quasiment équivalente. On peut avoir du mal à jauger du nombre de personnes présentes en raison de la grandeur du site : beaucoup de gens sont aux boxes et non dans le manège. J’aime me référer au remplissage des parkings pour estimer l’affluence. Cette année, les gens se sont garés très loin, parfois dans d’autres endroits de Saint-Lô ! Samedi soir, les tables et la salle étaient combles. Notre traiteur a d’ailleurs été obligé de refuser deux cents couverts ! Le salon est vraiment un événement majeur. Cette date est devenue incontournable, à l’image des CSI 5* de Lyon, Bordeaux, La Baule ou Dinard, pour ne pas citer tous les endroits prestigieux où la filière se retrouve. À l’instar de la Grande semaine de Fontainebleau, le salon des étalons fait partie des grands événements du cheval de sport et d’élevage en France.
À ce sujet, je suis très satisfait du partenariat avec GRANDPRIX et Clipmyhorse pour la diffusion de l’événement. Tous les ans, au-delà des personnes présentes sur place, les connexions sur la retransmission vidéo sont équivalentes à celle d’un grand concours. D'où l’importance que l’élevage soit toujours valorisé. Pour moi, il est essentiel d’avoir cette couverture et cette visibilité, notamment pour celles et ceux qui n’ont pas la possibilité de venir sur place. Il y a un vrai engouement, et ce dans plusieurs pays européens, où le salon est très suivi. C’est aussi pour cela que nous avons densifié notre couverture, avec des commentateurs et plusieurs reportages en immersion avec Kamel Boudra. Cela a permis aux gens de vivre et de ressentir la proximité et la chaleur humaine qui émane de ce week-end, où l’on peut se balader dans les boxes, au milieu des étalons, et échanger avec tout le monde.
Samedi soir, le Grand Match a proposé un nouveau format, avec un affrontement entre deux équipes. Comment a été imaginée cette formule ? En êtes-vous satisfait ?
Nous avons une nouvelle fois changé la formule de cette épreuve. Nous étions partis sur des équipes d’étalonniers, puis étions passés sur une épreuve individuelle, avant de retrouver cette notion de Koh-Lanta, où les jaunes jouent contre les rouges. L’objectif reste de mettre les étalons en valeur ; il s’agit d’un show, non d’un concours. Nous avons également tenu à limiter le nombre de parcours, avec deux passages contre trois l’année dernière avec le barrage. Nous sommes en début de saison, certains chevaux ne sont pas encore totalement prêts à enchaîner et les étalons de sept ans en avaient encore six il y a seulement quelques semaines. Le format n’est pas encore complètement abouti, contrairement à celui des Masters des étalons de quatre, cinq et six ans, dont l’intérêt est de pouvoir constater l’évolution des jeunes. Là, avec des chevaux de sept ans et plus, on recherche davantage une mise en valeur. Par le passé, plusieurs étalons ont retrouvé de l’intérêt auprès des éleveurs, qui les avaient un peu oubliés dans la masse de reproducteurs, grâce au Grand Match. Nous devons confirmer cette formule, et allons continuer avec ce format type Critérium, avec un aspect collectif : ce n’est pas la victoire d’un étalon, mais d’une équipe, car il ne s’agit pas d’une compétition sportive. J’aime aussi beaucoup le fait de mélanger les poneys et les chevaux. Cela permet de souligner que nous sommes avant tout une filière. Le public s’est d’ailleurs largement intéressé aux poneys, qui ont couru le barrage à une vitesse incroyable avec leurs jeunes pilotes ! Ils étaient d’ailleurs plus rapides que les chevaux. Et puis, la remise des prix a été un très beau moment, où les jeunes cavalières d’une quinzaine d’années étaient les plus heureuses du monde d’être entourées de super étalons et cavaliers, comme Huricane de Champloué avec Grégoire Hercelin ou Dartagnan de Béliard et Thomas Carlile, pour ne citer qu’eux.
Les poneys aussi ont fait le show à Saint-Lô ! © Mélina Massias
En 2026, le salon des étalons de sport de Saint-Lô fêtera ses vingt ans. Quels vont être vos axes de travail pour cette prochaine édition ? Les spectateurs peuvent-ils s’attendre à des nouveautés, des surprises ?
Tout d’abord, nous allons continuer à renforcer la partie restauration, qui n’était pas suffisante les années passées. En 2025, je crois que nos food trucks extérieurs ont largement amélioré ce point. Nous allons donc continuer de travailler avec un village extérieur. Je pense que nous devons sortir du manège. Nous allons également devoir structurer davantage les extérieurs. Nous étions parfois à la limite dans certaines allées des écuries. À force de voir beaucoup de personnes, les étalons ont forcément ressenti une certaine fatigue. Ce vingtième anniversaire est également l’occasion de regarder dans le rétroviseur : tous les numéros un mondiaux sont venus à Saint-Lô (depuis 2012 et pour le saut d’obstacles, ndlr), de Diamant de Semilly à Baloubet du Rouet en passant par Chacco-Blue, Diarado, Kannan ou Contendro. Ils ont fait notre richesse et notre histoire. Nous n’allons pas oublier ni occulter notre passé glorieux, qui fait encore le présent. Tous ces étalons, dont la plupart sont morts aujourd’hui, sont encore présents dans les origines de nombre de grands compétiteurs. Nous allons donc mettre l’accent là-dessus et il s’agira d’un axe de travail important pour nous.
Nous pouvons toujours nous améliorer, et allons le faire avec le comité d’organisation, mais je crois que nous avons tout de même une bonne base. Nous allons apporter des ajustements, proposer de petites surprises pour des dates anniversaires comme celle qui arrive en 2026. Malheureusement, les tournées du soleil font que nous voyons moins les grands cavaliers français et internationaux lors du salon des étalons. C’est une petite frustration, mais nous le comprenons parfaitement et ne le reprochons à personne. Il faut simplement veiller à ce que les cavaliers ne se déconnectent pas de l’élevage. Car pour qu’ils puissent briller sur la scène internationale, il faut bien faire naître leurs chevaux. Et les éleveurs n’ont pas souvent l’occasion d’échanger avec les meilleurs mondiaux, qui montent leurs chevaux. Je trouve les initiatives de la SHF et du stud-book Selle Français, qui ont invité les naisseurs des chevaux olympiques à Versailles, très intéressantes. Il ne faut pas oublier les naisseurs, qui sont souvent dépossédés de leurs chevaux et ne peuvent, dans la plupart des cas, plus les suivre qu’à distance après les avoir vendus. Lorsque Raphaël Dulin retrouve Hello Vincent, ou plutôt Coquin de Coquerie, à Saint-Lô et qu’Anne Dafflon revoit Vancouver de Lanlore, aux côtés de sa propriétaire, qui l’a acheté aux ventes NASH, la boucle est bouclée. Ce sont de très belles histoires, de beaux moments. Connecter tous ces acteurs, et considérer la filière en tant que telle, est essentiel. Avec le Pôle hippique de Saint-Lô, nous sommes en quelque sorte aux racines de l’élevage, de l'ascension futures stars de demain. Et il ne faut pas oublier les racines. Sinon, on risque d’arriver dans un univers que l’on ne maîtrisera plus, où l’on ne saura plus d’où l’on vient. Quoi qu’il en soit, nous sommes déjà pleins d’entrain pour préparer 2026. La perspective du salon nous réjouit chaque année. Organiser des concours, peu importe le niveau, est toujours très agréable, mais le salon des étalons est totalement différent. Avoir créé un événement original, qui a aujourd’hui gagné ses lettres de noblesse et sa réputation, est une fierté, partagée avec tous les acteurs qui y ont contribué.
Photo de famille autour de Vancouver de Lanlore, en présence de sa naisseuse, Anne Dafflon, et de sa propriétaire, Danielle Vorpe. © Mélina Massias
Photo à la Une : Casall était la grande star de la dix-neuvième édition du salon et a permis de regrouper étalonniers et passionnés autour de sa légende. © Mélina Massias