Visconti du Telman n’a peut-être (encore) jamais triomphé dans l’épreuve reine d’un CSI 5*, mais les émotions qu’elle fait vivre à Françoise Sanguinetti, sa co-naisseuse et propriétaire, n’ont pas de prix. La vaillante baie, seize ans cette année, continue d’épater son monde chaque semaine, à commencer par son cavalier, Kevin Staut, qui la monte depuis 2019. Ensemble, le duo a terminé troisième de la finale de la Coupe du monde Longines de Bâle, début avril. Présente sur place, sa bonne fée vendéenne, qui a partagé mille aventures à ses côtés depuis 2009, s’est confiée sur la très belle histoire que sa fille de Toulon lui permet d’écrire aux quatre coins du globe. Rencontre.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
Alors que Reynald Angot déménage en 2019, sa complice d’alors, Visconti du Telman, née chez Marjorie et Françoise Sanguinetti, s’apprête à croiser la route d’un certain Kevin Staut, qui ne tarde pas à venir l’essayer et l'emmène sur un premier concours, au Mans. “Comme Le Mans n’est pas très loin des Sables-d’Olonnes, je suis allée voir Visconti pour son premier concours avec Kevin. C’était la première fois que je le rencontrais, mais il était très décontracté et nous avons diné ensemble le soir même au restaurant. Là-bas, nous avons vécu notre première contradiction. Nous n’étions pas d’accord sur le choix du vin ! Kevin souhaitait déguster un vin alsacien, mais pas moi, d’autant plus avec du poisson !”, plaisante la propriétaire de la baie. Finalement, Kevin Staut ne tarde pas à lui donner une réponse positive pour la suite de l’aventure. Un choix qui s’est renouvelé et confirmé ces six dernières années. “Nous avons réussi à construire quelque chose de sympathique. Kevin est d’une très grande gentillesse avec les chevaux. C’est un amour. J’ai eu la chance de faire sa rencontre peu avant la période du Covid. Kevin était donc chez lui, hors de la frénésie des compétitions et de la mise en avant médiatique qu’il connaît habituellement. J’ai découvert un cavalier simple, gentil, attentionné et bon vivant. Sans cela, notre relation aurait peut-être été différente, mais j’ai eu l’occasion d’apprécier l’homme derrière l’athlète de haut niveau”, loue Françoise.
Joli moment de partage entre Visconti du Telman, sa co-éleveuse et propriétaire Françoise Sanguinetti, et Kevin Staut, son cavalier ! © Collection privée
L’osmose en bleu, blanc, rouge
Pour expliquer la réussite et la longévité du couple que forment Kevin Staut et Visconti, Françoise loue le respect que le premier a pour la seconde. “Si on ne la respecte pas, Visconti peut vite se montrer agressive, voire méchante. Kevin l’aime, la protège et accorde beaucoup d’importance à son bien-être. Si les bonbons qu’il lui propose ne lui plaisent pas, il lui en achète d’autres ! Elle apprécie d’ailleurs particulièrement les derniers qu’il a trouvés et il lui en a pris tout un stock. Il y a quelque chose qui s’est créé entre eux deux, une forme d’osmose”, constate avec bonheur la Vendéenne. “Je ne me fais aucun souci pour Visconti. Elle est chez elle chez Kevin, a son box, dans lequel il a spécialement fait installer des tapis en caoutchouc et de la paille en abondance et en bateau pour qu’elle puisse se coucher et dormir. Tous les matins, elle va au paddock à côté de Viking d’la Rousserie, avec lequel elle s’entend très bien.”
Kevin Staut et Visconti du Telman ont tissé une relation faite de complicité ces six dernières années. © Mélina Massias
Moment plein de douceur entre Visconti et Ludovic Escure, son premier groom lors de son arrivée chez Kevin Staut. © Collection privée
Désormais âgée de seize ans, Visconti de Telman continue de se bonifier et progresser, comme aime à le souligner son cavalier, de retour en grande forme ces dernières semaines sur la scène sportive. Après une période plus tumultueuse, notamment pour des raisons extra-sportives, le Normand réaffirme son statut. S’il a manqué la victoire dans le Grand Prix Coupe du monde de Madrid en 2023, pour avoir franchi le mauvais obstacle, et connu une mésaventure similaire lors de la Chasse de la finale de la Coupe du monde Longines de Riyad au printemps 2024, l’actuel numéro quinze mondial a plus que pris sa revanche en Suisse, à Bâle, début avril. Auteur de quatre parcours empreints de grande maîtrise, Kevin Staut s’est hissé sur la troisième marche du podium avec Visconti du Telman, sous les yeux, toujours fidèles, d’une Françoise aux anges. “Visconti a seize ans et Kevin souhaite lever un peu le pied avec elle, en choisissant ses concours. De toute façon, elle ne manque pas de métier. Certains cavaliers pourraient continuer à tirer sur la corde s’ils venaient à manquer de chevaux, mais Kevin ne fait pas cela avec elle et a un respect immense pour ses chevaux”, complète la propriétaire de la Selle Français. Dans les mois à venir, Visconti continuera de défendre les couleurs bleu, blanc, rouge qui lui siéent si bien, pour le plus grand bonheur de Françoise, qui ne cache pas sa fierté de voir sa protéger évoluer avec l’équipe de France.
Visconti a souvent porté haut les couleurs de l'équipe de France, et ne compte pas s'arrêter de si tôt ! © Sportfot
Byron et Israël font aussi briller la mémoire de Rohanne
Et si Visconti reste la star de son affixe, un autre “du Telman” a brillé au plus haut niveau. Récemment passé sous les couleurs autrichiennes de Josef Schwarz Jr., Byron du Telman a réussi de très bonnes performances avec Jérôme Hurel, allant jusqu’à s’imposer en Grand Prix 3* et se classer jusqu’à 1,55m sur la scène internationale. Le puissant bai brun est un fils de Lamm de Fétan et Rohanne du Telman, faisant de lui le frère utérin de Visconti. “Je suis à la fois très heureuse que les deux produits de Rohanne performent, car cela donne une bonne image de l’affixe et prouve qu’il y a bien une génétique intéressante côté maternel, que tout n’est pas le fruit du hasard, mais cela me rend aussi triste d’avoir perdue Rohanne de coliques… Elle n’a eu que deux poulains, puis a été opérée une première fois de coliques, avant de rechuter un mois et demi après. Elle a de nouveau subi une chirurgie, mais ne s’en est malheureusement pas sortie. J’adorais profondément cette jument, qui avait un côté très sensible”, se souvient l’éleveuse avec émotion.
Byron du Telman, frère utérin de Visconti, et Jérôme Hurel ont partagé de belles années sportives. © Sportfot
En hommage à sa chère Rohanne, qu’elle surnommait affectueusement Ronie, Françoise a baptisée la fille de Visconti Israël de Ronie ! “Comme j’ai eu des différends avec ma sœur, j’ai décidé de repartir sur une page vierge et un nouvel affixe avec Israël”, justifie-t-elle. “Israël adore sauter. Mentalement, elle est le portrait craché de sa mère. En revanche, physiquement, elle ressemble davantage à Rohanne qu’à Visconti. Elle est beaucoup plus masculine dans le modèle que sa mère.” Israël est une descendante d’Ensor van de Heffinck (Clinton x Heartbreaker), un puissant gris ayant concouru jusqu’à 1,55m, propre frère de RMF*Clinton Son et à l’origine d’une soixante de produits recensés sur la base de données Horsetelex, dont Bohysra d’Auzay, alias DMS*Enkidu, révélé au plus haut niveau par Nicola Pizarro, sixième du Grand Prix CSIO 5* de Bruxelles lors de sa courte association avec… Kevin Staut, et désormais confié aux rênes d’Andres Azcarraga depuis le début de l’année. Cette fois, ce n’est pas d’une photo que le choix de croisement de l’infirmière a découlé, mais bien d’une nouvelle plaisanterie made in Visconti. “En 2017, Reynald Angot partait en tournée pendant un mois et demi, sans Visconti. Je me suis dit que nous pourrions faire un transfert d’embryon durant son absence. Visconti était en chaleur. Je l’ai emmenée au haras, elle a été inséminée, mais nous n’avons pas eu d’embryon. On m’a dit de changer d’étalon, ce que j’ai fait. Cela n’a toujours pas fonctionné. Après plusieurs mois d’essais infructueux, nous étions arrivés début septembre ! Visconti était encore en chaleur, alors je l’ai emmenée chez Marc Spalart, à Equitechnic. Seulement, il n’avait plus d’étalon disponible en frais, sauf Ensor van de Heffinck. À ce stade, peu m’importait l’étalon, je voulais simplement qu’on fasse un dernier essai. Par le plus grand des hasards, j’ai donc utilisé Ensor !”, retrace Françoise, qui ne doit pas regretter cette décision imposée par le destin. Formée par Régis Lonchampt jusqu’à l’été dernier, Israël suit avec réussite le circuit réservé aux chevaux de sept ans sous la selle de Vincent Leboeuf, avec lequel elle enchaîne les classements et les clear rounds. Israël de Ronie du Telman poursuit sa formation et semble suivre les traces de sa chère mère, Visconti du Telman. © Agence Ecary
Israël de Ronie à deux ans. © Collection privée
Visconti, une jeune grand-mère
Pour l’heure, Israël est fille unique, même si son éleveuse, qui a ajouté, en guise de repère, “du Telman” à son nom, souhaiterait avoir une descendance plus nombreuse de sa Visconti. “Je devais faire une ponction ovocytaire cette année, mais j’ai finalement renoncé, par respect pour le travail de Kevin. Pourtant, j’avais acheté une paillette de Viking d’la Rousserie !”, dévoile-t-elle. C’est donc Israël qui assure, pour l’instant, l’avenir. “Nous avons eu un poulain d’Halifax vh Kluizebos et Israël cette année, un petit mâle, qui est né, comme Visconti, avec les membres en forme de X ! Dans les prochains jours, nous devrions avoir un produit de Tobago”, poursuit la Vendéenne, dont les jeunes chevaux sont hébergés près de Montpellier, son emploi du temps ne lui permettant pas, pour l’heure, de veiller sur eux elle-même. “J’ai choisi Halifax afin de réaliser un inbreeding sur Heartbreaker. Génétiquement, c’est assez intéressant. J’ai hâte de voir le résultat du croisement avec Tobago. Et puis, l’an prochain, je devrais avoir un poulain avec Vigo d’Arsouilles et Israël.” Les deux premiers produits d’Israël, et celui à venir en 2026, ont été conçus grâce à l’ICSI. “L’ICSI est pratique et Israël supporte très, très bien cette technique, ce qui est propre à chaque jument. La seule chose embêtante est que les ovocytes et les embryons transitent par Avantea, en Italie, avec qui la communication, du fait de la langue, n’est pas la plus simple. Je souhaitais utiliser Vigo d'Arsouilles et Viking d’la Rousserie sur Israël, mais ils n’ont mis que Vigo sur la vingtaine d’ovocytes prélevés”, souligne l’infirmière de profession.
Le très réussi fils d'Israël de Ronie et Halifax vh Kluizebos, premier petit-fils de Visconti ! © Collection privée
Dès que ses obligations professionnelles le lui permettent, Françoise Sanguinetti n’hésite pas à rejoindre Visconti du Telman en compétition. De Madrid à Abou Dabi en passant par La Baule, Saint-Tropez ou Bâle, la passionnée ne rate rien des performances de sa protégée et de son cavalier de cœur. “Tout ce que j’ai pu avoir jusqu’à présent est grâce à Visconti à Kevin. Quoi qu’on puisse penser de lui, Kevin reste quelqu’un d’extraordinaire à mes yeux”, insiste l’éleveuse et propriétaire. “J’admire ses qualités et je l’adore pour ses défauts. Il reste l’un des meilleurs cavaliers du monde et un garçon génial. Nous écrivons une histoire un peu hors du commun dans le monde équestre.” Une belle histoire à laquelle des pages supplémentaires devraient encore s’ajouter, avec Visconti, déjà, puis, pourquoi pas, avec sa fille, Israël de Ronie du Telman.
Visconti du Telman offre un bonheur inconditionnel à Françoise Sanguinetti. © Mélina Massias
Photo à la Une : Kevin Staut, Visconti du Telman et Françoise Sanguinetti à Genève. © Mélina Massias