Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

“Avec les chevaux, je me fie toujours à mon instinct”, Scott Brash (1/3)

Notamment grâce à Chadora Lady PS, Scott Brash a vécu une première moitié d'année 2025 remplie de succès.
samedi 31 mai 2025 Mélina Massias

D’une humilité rare pour un champion de son rang, Scott Brash fait pourtant bel et bien partie des plus grands de sa discipline. Champion olympique par équipe à Londres en 2012, ancien numéro un mondial, seul cavalier à avoir réussi le Grand Chelem Rolex de saut d’obstacles, l’Ecossais de trente-neuf ans s’est paré d’une nouvelle médaille d’or, l’été dernier à Paris. Épanoui et apaisé, ces derniers mois ont marqué son retour en état de grâce, en attestent ses deux victoires en Grand Prix 5*, à Doha et Shanghai, depuis le début de l’année. Après avoir dû composer avec les retraites de ses meilleures montures, les convalescences d’autres, le natif de Peebles s’est donné les moyens de former un nouveau groupe de chevaux d’exception. Avec Hello Mango, dont il pense le plus grand bien, Hello Folie, Hello Chadora Lady, Hello Valentino ou encore son fidèle Hello Jefferson, le sympathique pilote peut envisager sereinement les saisons à venir. En plus de sa carrière au plus haut niveau, celui qui n’a pas manqué de suivre son cher Hello Vincent, de retour en France pour la saison de monte 2025, par écran interposé lors du salon des étalons de Saint-Lô s’investit de plus en plus dans l’élevage. Des premiers pas de ses poulains, sous l'œil attentif de sa sœur et de toute l’équipe qui œuvre sur ses terres natales, en passant par leur débourrage jusqu’à leurs premiers pas sous la selle, Scott Brash ne rate aucune étape de leur éclosion, et contribue à chacune d’entre elles. Dans un riche et long entretien, il s’est confié avec passion sur son fonctionnement, sur le potentiel des premières perles qu’il a fait naître, son piquet de chevaux actuel, et d’autres sujets. Premier épisode.

L’an dernier, vous avez décroché l’or olympique avec l’équipe britannique de saut d’obstacles, pour la deuxième fois de votre carrière. Aux rênes d’Hello Jefferson (né Jerenmias vh Hulstenhof, Cooper vd Heffinck x Irco Mena), vous n’aviez pas droit à l’erreur lors de votre entrée en piste, pour l’ultime parcours de votre collectif. Comment êtes-vous parvenu à signer ce sans-faute inestimable ?

Comme j’ai déjà pu le dire, ce sans-faute est le fruit d’années de travail et de construction d’un couple avec Jefferson. J’ai le sentiment de très bien le connaître, et je pense qu’il en est de même dans l’autre sens. Cela nous a beaucoup aidés dans cette situation et a probablement été la clef de notre réussite collective à Versailles. Ben (Maher, ndlr) et Dallas (Vegas Batilly, Cap Kennedy x L’Arc de Triomphe, ndlr), Harry (Charles, ndlr) et Romeo (88, né Champion of Picobello, Contact vd Heffinck x Orlando, ndlr) et Jefferson et moi formions tous des duos expérimentés. C’est ce qui est ressorti à Paris. C’était une journée mémorable. 

L'été dernier, Scott Brash et Hello Jefferson ont scellé la médaille d'or acquise par l'Union Jack au terme d'un inestimable sans-faute dans la compétition collective. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Vous semblez presque toujours imperturbable dans les situations à hauts enjeux. Appréciez-vous de monter sous pression ?

Oui, je crois que cela fait ressortir le meilleur de moi-même. Dans un sens, plus l’enjeu est important, mieux je monte. Désormais, j'ai assez d’expérience et je sais appréhender ces situations. Je sais identifier quels sont les parcours qui comptent. Il faut essayer de faire abstraction du chahut extérieur, se concentrer sur soi et son cheval pour exécuter son plan aussi bien que possible pour livrer un parcours parfait. Lors des derniers Jeux olympiques, heureusement, cela a payé. 

"Je crois que la pression fait ressortir le meilleur de moi-même", estime l'Ecossais. © Dirk Caremans / Hippo Foto

“À sept ans, j’aimais déjà beaucoup Hello Folie, mais je m’interrogeais sur ses moyens et sa technique”

L’année 2025 a également très bien démarré pour vous, notamment grâce à une victoire dans le Grand Prix 5* de Doha, fin janvier, avec Folie de Nantuel, alias Hello Folie (Luidam x Diamant de Semilly). À quel point cette jument est-elle spéciale à vos yeux ?

Le fait que Folie remporte le premier Grand Prix 5* auquel elle participait a été assez incroyable ! J’ai toujours cru qu’il s’agissait d’une jument fantastique. Je l’avais vue à Fontainebleau lorsqu’elle avait sept ans. J’étais venu voir les jeunes chevaux, et je l’avais déjà beaucoup aimée, mais je m’interrogeais sur ses moyens et sa technique. Finalement, la vie est plutôt bien faite et débouche parfois sur des situations amusantes. Alors que je pouvais penser que des éléments l’empêcheraient de passer d’une très bonne à une excellente jument, quelques années plus tard, elle est quand même arrivée sous ma selle. C’est drôle de voir comment les choses évoluent parfois. Depuis que j’ai commencé à travailler avec Folie, je l’adore. Elle est formidable. Elle a un mental incroyable. Elle donne l’impression qu’elle irait au feu pour son cavalier. Elle a le courage d’un lion et, à mesure qu’elle a pris confiance, a gagné en moyens. Nous nous faisons confiance et les choses se mettent en place entre nous. Je pense qu’un avenir brillant l’attend.

Hello*Folie de Nantuel a remporté le tout premier Grand Prix 5* qu'elle affrontait, fin janvier 2025 à Doha. © Mélina Massias

Folie provient d’une excellente lignée maternelle. Cela est-il entré en ligne de compte lorsque vous l’avez achetée ?

Pour être franc, pas vraiment. Je savais qui était son frère, Candy de Nantuel, mais je n’ai pas prêté d’attention particulière à leur lignée maternelle au départ. Je ne suis pas aussi calé en la matière que bien des gens à ce sujet. Je n’avais pas pleinement conscience de la qualité de la souche de Folie. Maintenant, évidemment, je sais qu’il s’agit de la même origine maternelle que Foxy de la Roque et que nombre d’excellents chevaux proviennent de cette souche. Mais quoi qu’il en soit, je considère chaque cheval individuellement, pour qui il est, sans laisser ses origines m’influencer outre mesure. Avec les chevaux, je me fie toujours à mon instinct. C’est ce que j’ai toujours fait, à tort ou à raison. Je considère les très bonnes origines de Folie comme un bonus.



Vous avez acquis Folie auprès de Shane Breen, comme Entre Nous, alias Hello Vittoria (Kannan x Olisco) avant elle. Quelles sont vos relations avec lui ?

Shane et moi sommes de très bons amis. Nous vivons à quinze minutes l’un de l’autre. Shane a une grande écurie, élève beaucoup de chevaux et se rend régulièrement en France, où il déniche des chevaux. Nous échangeons tout le temps, notamment au sujet des chevaux. Parfois, il m’arrive de jeter un œil aux chevaux qui sont chez lui. D’autres fois, il m’en propose. Nous avons de très bonnes relations, et il a été super avec Folie. Il m’a laissé la prendre à l’essai pendant un mois. Il me fait confiance et il sait que je ferai toujours ce qu’il y a de mieux pour le cheval. Et, si cela n'avait pas fonctionné, nous aurions tout de même fait travailler Folie pendant un mois, ce qui, je l’espère, aurait été bénéfique pour elle. Le fait de pouvoir faire un essai à long terme procure plus de sécurité lorsqu’on achète un cheval. Nous sommes chanceux de travailler avec Shane. 

Hello*Folie de Nantuel a gravi les échelons les uns après les autres jusqu'à atteindre le plus haut niveau. © Mélina Massias

“Hello Mango sera probablement ma prochaine jument de championnat”

Hello Vittoria est une autre représentante du stud-book Selle Français au sein de votre piquet. Comment jugez-vous son potentiel et quels sont vos objectifs avec elle ? 

Vittoria s’est très bien comportée jusqu’à présent, puisqu’elle a notamment remporté la finale des jeunes chevaux à Aix-la-Chapelle (en 2022, ndlr). Elle est très respectueuse, mais n’a peut-être pas tous les moyens. Quoi qu’il en soit, peu importe le niveau auquel elle évoluera à terme, elle sera compétitive. Elle a un mental remarquable, un très bon comportement et est absolument adorable. Je pense qu’elle sera une très bonne gagnante et un atout pour l’avenir. Dans un piquet de chevaux, il faut pouvoir compter sur différents types de chevaux.

La compétitive Entre Nous, alias Hello Vittoria, poursuit sa progression. © Mélina Massias

En plus de Folie et Vittoria, vous avez également connu de beaux succès avec Coquin de Coquerie, alias Hello Vincent (Consul dl Vie x Fergar Mail), qui, même s’il est enregistré au stud-book Zangersheide, est né en France. Avez-vous un attrait particulier pour les chevaux français ? Trouvez-vous qu’ils ont quelque chose en plus par rapport aux autres ?

J’apprécie vraiment les chevaux français. Je trouve que la France est un très bon endroit pour trouver de bons chevaux. Le sport y est très populaire, et pratiqué par beaucoup de gens, et de bonnes lignées y ont été développées au fil du temps. J’aime les chevaux dits français, qui sont un peu plus en avant et modernes.

Scott Brash a connu de beaux succès avec plusieurs chevaux aux origines françaises. © Mélina Massias

Keswichtime HV, alias Hello Mango (Untouchable 27 x Numero Uno) et Hello*Chadora Lady PS (Chacco-Blue x Nintender) sont deux juments très prometteuses au sein de votre piquet. Que pouvez-vous dire sur ces deux pépites de dix et douze ans ?

Ce sont deux juments fantastiques. Je me sens très chanceux en ce moment. Ces dernières années, nous nous sommes attachés à former de nouvelles montures et cela a pris du temps. Folie et Mango sont à mes côtés depuis la fin de leur année de sept ans. Elles en ont désormais dix et nous travaillons donc avec elles depuis près de trois ans. Chadora Lady est arrivée plus récemment dans mes écuries (en août 2024, ndlr), mais je pense le plus grand bien d’elle. C’est une jument incroyable. Elle est extrêmement compétitive, respectueuse, rapide. Elle est très vive, réactive, mais aussi très douce et attachante. Dans un sens, elle ressemble un peu à Folie. Elle adore son travail : dès les premiers sauts, elle cherche déjà l’obstacle suivant. C’est un sentiment incroyable et sa plus grande qualité. Je crois qu’un grand avenir l’attend (interview réalisée le 15 mars dernier, avant la deuxième place du couple dans le difficile Grand Prix Rolex de Bois-le-Duc et sa victoire dans l’étape du Longines Global Champions Tour de Shanghai, ndlr). Hello Mango sera probablement ma prochaine jument de championnat. Je pense qu’elle a énormément de talent et de moyens. J’ai beaucoup de chance. Ces deux juments sont vraiment fantastiques et j’espère que de belles choses nous attendent.

Depuis toujours, Scott Brash fonde d'immenses espoirs en Keswichtime HV, alias Hello Mango. © Mélina Massias

Chadora Lady n’est pas sans rappeler votre ancienne crack, Hello M’Lady, née Gwindeline  (Indoctro x Baloubet du Rouet)...

Oui, effectivement. M’Lady est très légère, comme Chadora, délicate et sensible. Avec des juments comme elles, il faut se faire très discret et être patient, mais ce sont souvent des chevaux pétris de talent. 

L'ancien numéro un mondial a trouvé en Hello*Chadora Lady PS une remarquable complice ! © Mélina Massias

“Hello Valentino est sans doute le cheval avec lequel j’ai rencontré le plus de difficultés”

Quid de Hello*Valentino (Diamantino x Careful), qui était onzième de la finale de la Coupe du monde en 2024 ?

Valentino est sans doute le cheval avec lequel j’ai rencontré le plus de difficultés. J’ai le sentiment que sa perméabilité aux aides nous a parfois fait faux bond sur les parcours les plus techniques. Nous sommes encore en phase d’apprentissage tous les deux. Nous essayons de progresser, mais je n’ai pas le sentiment que nous soyons encore arrivés à destination. Il y a encore beaucoup de travail à effectuer. Valentino est très talentueux : il était génial lors de la finale de la Coupe du monde, ne manque pas de moyens et est respectueux. Notre couple n’exprime pas encore son plein potentiel. Avec lui, je me suis vraiment gratté la tête. Je peux encore améliorer ma façon de le monter, et lui peut aussi progresser dans sa manière de travailler avec moi. C’est difficile de dire jusqu’où nous irons, mais nous ne sommes pas encore un produit fini. 

Scott Brash le confesse volontiers, Hello*Valentino lui donne du fil à retordre. © Mélina Massias

Sur quels exercices axez-vous votre travail avec lui ?

La plupart de mon travail porte sur la maniabilité. Cela étant, Valentino travaille très bien sur le plat. À la maison, il est excellent, très disponible et capable de réaliser plein d'exercices de très bonne manière. Il est intelligent, mais j’ai l’impression que beaucoup de nos difficultés sont liées à l’adrénaline et arrivent dans le feu de l’action. C’est assez difficile de reproduire ces conditions et l’ambiance d’un grand événement à la maison pour travailler dessus… Il faut donc continuer à apprendre de chaque concours, même si ce n’est pas idéal. Il s’est très bien comporté à Doha, et il n’aurait pas dû sauter à Bois-le-Duc, mais certaines circonstances l’ont propulsé ici en dernière minute. Avoir retrouvé les pistes extérieures et revenir ici, dans cette atmosphère, n’était sans doute pas l’idéal pour lui. Nous devons peut-être établir de meilleurs plans pour lui (depuis cette interview, le hongre s’est imposé dans le Grand Prix 3* d’Oliva, fin avril, ndlr)



Comme Folie, Valentino provient d’une excellente lignée maternelle, celle de Fandi, alias Fibonacci 17, qui avait notamment brillé sous la selle de Meredith-Michaels Beerbaum puis Lillie Keenan. Retrouvez-vous des similitudes entre eux deux ?

Leur robe ? (rires) J’aimais beaucoup Fibonacci, qui s’appelait Fandi à l’époque. Et pour l’anecdote, j’avais demandé à ses propriétaires s’il était à vendre, lors d’un concours à Paris, où il était engagé dans les épreuves Jeunes cavaliers. Cela ne s’est pas concrétisé, mais, encore une fois, c’est assez drôle que nous ayons fini par acheter un cheval issu de la même lignée maternelle ! Comme Fibonacci, Valentino a des moyens et est respectueux. Il ne nous reste plus qu’à améliorer sa perméabilité aux aides et à mes demandes, et je pense que nous formerons un bon couple dans le futur ! 

Tarusa, la grand-mère de Hello Valentino, a notamment engendré les excellents Fandi, alias Fibonacci 17, et H&M*Crusador Ice. © Dirk Caremans / Hippo Foto

“J’espère qu’Hello Senator pourra retrouver le très haut niveau cette année”

Comment se porte votre champion olympique Hello Jefferson ?

Très bien ! Il a vécu une année assez intense et très importante en 2024. Ces dernières saisons, il a endossé seul, ou presque, le rôle de monture de tête dans mon piquet. Alors, je crois qu’il avait mérité une bonne période de repos durant l’hiver. Les concours intérieurs sont parfois délicats avec lui. L’ambiance peut le rendre tendu, tant il est vif et sensible. Les pistes extérieures sont plus adaptées pour le duo que nous formons. Ce sont les raisons pour lesquelles je lui ai accordé une pause durant la saison hivernale (absent depuis Genève, en décembre, le bai a repris le chemin de la compétition sous le soleil d’Oliva, en avril, ndlr). 

Après une fin d'hiver et un printemps allégé, Hello Jefferson a retrouvé la compétition en avril à Oliva et retrouvé les terrains 5* en mai, à Rome. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Genève a marqué le retour au niveau 5* d’un certain Everest, alias Hello Senator (Carambole x Indoctro), avec lequel vous aviez terminé deuxième du Grand Prix Rolex organisé sur cette même piste en 2019. Après une très longue période d’absence, entrecoupées de quelques brèves apparitions en compétitions, son retour doit vous ravir. Comment le vivez-vous et quelles sont vos ambitions avec lui ?

C’est très chouette que Senator soit de retour. C’est un cheval extrêmement talentueux, avec lequel je n’ai probablement jamais réussi à vivre une saison de compétition complète. Il a toujours été embêté par des blessures ci et là au cours de sa carrière. Il a désormais seize ans, mais n’a certainement pas eu la carrière qu’il aurait pu avoir. Si on parle purement de qualité, il est absolument fantastique : des moyens, respectueux, une bonne tête. Il coche beaucoup de cases. Il était deuxième du Grand Prix de Genève, troisième de celui de Stuttgart ; c’est un excellent complice. J’espère qu’il pourra retrouver le très haut niveau cette année. 

Longtemps embêté par des blessures, Everest, alias Hello Senator semble enfin prêt à briller à nouveau au plus haut niveau, comme il l'avait fait en 2019 notamment. © Mélina Massias

La deuxième partie de cette entretien sera disponible mercredi sur Studforlife.com...

Photo à la Une : Notamment grâce à Chadora Lady PS, Scott Brash a vécu une première moitié d'année 2025 remplie de succès. © Mélina Massias