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Avec l’élevage del Maset, l’Espagne franchit les obstacles

Imma et son père, Pedro Roquet, travaillent en famille pour faire prospérer l'affixe espagnol del Maset.
jeudi 26 juin 2025 Jocelyne Alligier

Habituellement, dans la découverte d’élevages de chevaux de sport performants, les regards se tournent vers le nord de l’Europe. Pour aller à la rencontre des porteurs de l’affixe del Maset, de plus en plus fréquents dans les palmarès, grâce à Iovana, complice de Jeanne Sadran, ou Icenta et Irivola, montées par leur naisseuse, Imma Roquet Autonell, il faut passer les Pyrénées ! Au nord de Barcelone, à Malla, fleurit l’un des meilleurs ambassadeurs du jeune stud-book du Cheval de Sport Espagnol (CDE) : l’élevage del Maset.

Et s’il existait un petit eldorado du cheval de sport en terres ibériques ? L’image de chevaux venus d’Espagne s’illustrant en compétitions internationales se dessine bien souvent autour d’un rectangle de dressage, arène où évoluent avec brio de nombreux représentants du stud-book Pure Race Espagnole. Pourtant, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, des éleveurs se sont organisés pour faire connaître leur travail en faveur de montures destinées à exprimer leurs qualités sur les terrains de jumping et de concours complet. Le stud-book du Cheval de Sport Espagnol, CDE, a été reconnu par la Fédération mondiale de l’élevage de chevaux de sport (WBFSH) en 2001 et dispose d’un site d’information et de promotion, qui montre l’émergence d’une production qualiteuse. Actuellement, le CDE pointe au dix-neuvième rang en saut d’obstacles et au quinzième en complet des classements de la WBFSH. Et le succès de nombreux jeunes chevaux, à l’instar de Valenza de Capellan (Valentino de Hus), lauréate du Grand Prix réservé aux chevaux de six ans en parallèle du CSI 4* de Cabourg Classic, ainsi que les sans-faute et la cinquième place dans cette même épreuve de Valquira de Capellan (Vidar), représentante de la souche de Fanny du Mûrier, toutes deux sous la selle de Santiago Nuñez Riva, augure une belle marge de progression pour le livre de race espagnol. 

En Espagne, l'élevage del Maset contribue à faire grandir le stud-book CDE. © Collection privée

Indret del Maset, un premier produit de rêve

L’élevage Del Masset, en plein développement en Catalogne, en est une des valeurs sûres. Imma Roquet Autonell assure la valorisation sur les pistes internationales de la Yeguada el Maset, créée il y a une trentaine d'années par son père, Pedro Roquet. Lors du CSI 4* de Mâcon, où elle a participé à plusieurs remises des prix, dont celle du Grand Prix 4* grâce à la septième place acquise aux rênes d’Irivola del Maset (Indret del Maset), elle est revenue sur les premiers pas de cet élevage, devenu aujourd’hui l’un des plus importants dans la production de chevaux de sauts d’obstacles en Espagne. “Mon père était cavalier de loisir. Ma sœur aînée et moi avons commencé à monter avec lui en promenade, puis nous avons été attirées par le saut d’obstacle. En Espagne, il n’y a pas d’élevage pour le jumping : ce n’est pas dans la tradition des éleveurs. Alors, nous sommes allés en Allemagne pour acheter une jument”, raconte-t-elle. “Lorsque nous l’avons essayé, tout était parfait. Mais, au bout de quelques temps, elle a commencé à s’arrêter. Nous avons fait l’acquisition d’une seconde jument, et il s’est passé la même chose ! Nous n’avions pas les moyens d’acheter un très bon cheval à l’étranger, donc mon père a décidé que nous allions le faire naître nous-mêmes. Nous avons une propriété située à une heure au Nord de Barcelone, où nous avons construit nous-mêmes nos premiers boxes. Notre objectif était d’élever des chevaux pour sauter 1,20 ou 1,30m. En croissant Quoretta, une fille de Cassini I, avec Indoctro, nous avons eu beaucoup de chance. Elle nous a donné Indret del Maset, qui est le cheval dont nous rêvions. Avec lui, j’ai été championne d’Espagne, alors que je n’avais que seize ans, puis à nouveau l’année suivante. J’ai remporté mon premier Grand Prix 2* à Barcelone avec lui, en 2009. Lors d’un stage avec Nelson Pessoa, il m’avait dit qu’il s’agissait d’un cheval de pointure olympique ! Malheureusement, il s’est blessé lors d’un transport et, malgré les soins, il n’était plus vraiment le même en concours. Nous l’avons conservé à l’élevage et il nous a quittés il y a deux ans, à l’âge de vingt-cinq ans. Au début, nous mettions nos meilleures juments à des étalons étrangers. Et puis, nous nous sommes aperçus que les plus beaux poulains étaient ceux d’Indret ! Alors, nous lui avons adressé nos meilleures juments.”

Dès ses années Junior et Jeune cavalier, Imma Roquet a présenté des chevaux de l'élevage familial, initié par son père, comme ici avec Catina del Maset. © Sportfot

Avec Indret, la Catalane a aussi participé à ses premiers championnats d’Europe Junior, en 2008, terminant cinquième par équipe, puis en 2009. Elle fut aussi du rendez-vous continental Jeune cavalier, d’abord avec Catina del Masset (Catano 10), un autre produit maison exporté par la suite, puis aux côtés d’Uvettas, qui a contribué à la sixième place collective de l’Espagne. Cette fille de Quidam de Revel avait aussi participé à la finale des championnats du monde des six ans à Lanaken, sous couleurs italiennes en 2010. Ensemble, Imma Roquet Autonell et Uvettas avait aussi participé à la deuxième place de l’équipe espagnole lors du CSIO 4* de Lisbonne en 2012. Mais c’est à l’élevage que la représentante du stud-book Holstein s’est le plus démarquée. Outre les jeunes, dont Emporio del Maset (Emilion), six ans et classée à 1,25m en début d’année à Vejer de la Frontera avec sa cavalière et naisseuse, trois de dix produits d’Uvettas en âge de concourir et enregistrés sur la base de données Horsetelex évoluent ou ont évolué à 1,60m. Tous sont issus de l’étalon maison Indret del Maset. Ivettus, désormais passé sous la selle d’une Junior espagnole, a concouru jusqu’au CSIO 5* avec son éleveuse, qui l’a également utilisé à l’élevage. Iovana, elle, a été acquise en 2023 par Ashford Farm, avant de rejoindre l’effectif de Jeanne Sadran quelques mois plus tard. Avec son amazone française, la jument de onze ans a obtenu quelques classements jusqu’à 1,50m et bouclé son premier Grand Prix 5* avec deux fautes, en janvier dernier. Enfin, Irivola del Maset, dix ans, continue de donner le sourire à Imma Roquet Autonell, avec laquelle elle a participé à la Coupe des nations CSIO 3* de Kronenberg, après avoir terminé septième du Grand Prix 4* de Mâcon. 

Uvettas, une jument Holsteiner, est à l'origine de quelques uns des meilleurs produits de l'élevage del Maset. © Sportfot



La recherche du bon mental

La réussite du croisement entre Indret del Maset et Uvettas n’étonne guère l’éleveuse. “Nous cherchons à produire des chevaux pratiques pour tout le monde, qui ont une bonne tête, car le marché espagnol est avant tout composé de cavaliers amateurs. Indret a apporté un super mental, tandis que Quidam de Revel, le père d’Uvettas, était aussi doté d’un excellent tempérament tout en étant un étalon très améliorateur”, analyse l’Espagnole. “Aujourd’hui, nous en sommes à la troisième génération des produits d’Indret. Nous savons comment les croiser. Le bon caractère qu’il lègue à ses descendants nous permet de les croiser avec Cornet Obolensky (né Windows vh Costersveld, le crack de Marco Kutscher a notamment donné Corisha del Maset, une petite-fille d’Indret, récente cinquième du Grand Prix des huit ans à Mâcon, ndlr), mais nous cherchons toujours à produire des chevaux que tout le monde peut monter. Pour cela, nous utilisons volontiers des étalons français, comme Diamant de Semilly par exemple. L’an dernier, nous avons aussi fait confiance à Ermitage Kalone. En revanche, nous n’utilisons pas un même étalon deux années de suite ; nous attendons de voir comment évoluent les poulains. Mon père passe beaucoup de temps à les observer et a un excellent coup d'œil. À un an, il est capable de repérer quels seront les meilleurs poulains ! Nous choisissons les étalons ensemble, en fonction de ce que je vois en concours, et nous passons beaucoup de temps sur Horsetelex pour étudier les croisements !”

Avec Jeanne Sadran, Iovana fait honneur à la production de son père, Indret del Maset. © Sportfot

Fort de ses premiers succès, l’élevage s’est développé avec du personnel, tout en gardant une ossature familiale. Outre le père d’Imma, Ignacio Casbestany, son mari, s’est greffé à l’aventure, tout en poursuivant d’autres activités professionnelles. Désormais, une vingtaine de poulains naît chaque année sur les hauteurs de la Costa Brava, où le climat est bien différent de celui de la Normandie.  Pourtant, les del Maset s’épanouissent. “Nous sommes en altitude, donc il ne fait pas trop chaud. À partir de juillet, nous devons distribuer du foin, car les prairies ne suffisent plus, mais cela fonctionne bien et nos chevaux vivent dehors toute l’année”, dépeint Imma Roquet Autonell. “En plus de nos installations pour le travail des chevaux, nous avons des boxes pour les poulinières et un laboratoire pour la reproduction. Nous avons huit juments poulinières et nous faisons des transferts d’embryons ainsi qu’un peu d’ICSI, pour les juments difficiles à remplir ou pour certaines qui concourent et que nous arrêtons pour cela en fin de saison. Au début, nous allions en Italie, à Avantea. Mais nous avons maintenant un très bon vétérinaire, qui nous permet de pratiquer l’ICSI ici. Il y a quelques éleveurs qui amènent des juments à nos étalons, comme à Tango del Maset, un sept ans par Tangelo van de Zuuthoeve avec une mère par Cardento et une grand-mère par Indret. Il avait gagné le concours de l’Ancades à trois ans. Nous présentons chaque année nos meilleurs poulains à ce concours, qui se déroule à Ségovia, et nous revenons toujours avec des prix !” 

Les chevaux de l’élevage del Maset débutent généralement la compétition à cinq ans, mais ne réalisent que peu de sorties à cet âge.  “Il y avait un circuit national pour les jeunes chevaux, mais faute d’un nombre de partants suffisant, il n’existe plus. Je débute les chevaux en CSI en fin d’hiver, à Oliva, Valence ou Vejer, parfois avec des chevaux différents sur les trois concours. Cependant, je n’engage pas les cinq ans dans ces compétitions, qui sont assez onéreuses. Comme il commence à y avoir d’autres éleveurs près de chez nous, qui ont de belles installations, nous nous organisons pour faire sauter nos jeunes chevaux chez eux, afin de leur faire prendre du métier”, explique encore l’éleveuse et cavalière. 

L’avenir en marche

Âgée de seulement trente-quatre ans et jeune mère de famille, Imma Roquet Autonell a choisi de devenir professionnelle après avoir mené des études en sciences économiques à l’Université de Barcelone et passé deux ans en Allemagne, chez Holger Hetzel. “Holger et moi avions été en contact lors de la vente, par son intermédiaire, d’une jument aux Etats-Unis. J’ai pu passer deux ans dans ses écuries, où je montais les chevaux destinés au commerce et où je m’occupais de préparer ceux voués aux ventes aux enchères. J’ai beaucoup appris et nous avons gardé de bons contacts, ce qui est important pour le commerce. Désormais, nous vendons une partie de nos jeunes chevaux en Espagne. Ceux que nous conservons après leurs sept ans sont destinés à une clientèle internationale”, précise l’éleveuse multi-casquettes. 

Irivola a donné le sourire à sa cavalière et éleveuse en se qualifiant pour le barrage du Grand Prix 4* de Mâcon, en mai. © Jean-Louis Perrier

Régulièrement, Imma Roquet Autonell porte les couleurs de son pays, comme lors de la victoire de l’Espagne lors de Coupe des nations du CSIO 3* de Deauville, en 2024. À cette occasion, elle avait signé un parcours à quatre points puis un sans-faute avec la complicité d’Incenta del Maset, une fille d’Indret del Maset. Cette année, c’est avec une autre fille de son étalon fétiche, Irivola del Maset, qu’elle a aidé l’Espagne à se qualifier pour la demi-finale du circuit de la Fédération équestre européenne (EEF), à Kronenberg. Dans le Grand Prix de ce même CSIO 3*, la trentenaire testait pour la première fois à 1,55m Elba del Maset (Eilan del Maset), neuf ans. Cette jolie baie foncée présente un inbreeding sur l’étalon de cœur de la famille Roquet, Indret del Maset, qui est à la fois le grand-père maternel de son père, Eilan del Maset, et le père de sa mère, Alba F, issue d’une souche KWPN. Les lignées maternelles de l’élevage catalan s’affirment aussi, comme en témoignent les bons résultats d’El Dandy del Maset, fruit du croisement d’Eldorado van de Zeshoek avec Iovana del Maset, dans les Grands Prix réservés aux chevaux de sept ans. Et il y a fort à parier que l’affixe aux accents du sud résonne de plus en plus dans les palmarès internationaux dans les années à venir.

Elba del Maset, qui présente un pedigree intéressant, incarne la relève des del Maset. © Jean-Louis Perrier

Photo à la Une : Imma et son père, Pedro Roquet, travaillent en famille pour faire prospérer l'affixe espagnol del Maset. © Jean-Lpuis Perrier