“Avec Floyd des Prés et Antoine Ermann, nous sommes sur un petit nuage”, Arnaud Bazire (2/2)

Après Béryl, Antoine Ermann a trouvé un autre représentant de l’affixe des Prés pour briller. Aux rênes de Floyd, un fils de Vigo Cécé, le jeune homme de vingt-trois ans est parvenu à décrocher sa place aux championnats d’Europe de La Corogne. Alors que le talentueux alezan n’a fait ses débuts en Grand Prix 5* qu’en janvier dernier, son éclosion au plus haut niveau a été remarquée, notamment grâce à son double sans-faute dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Rome. Si ce succès ravit évidemment le Tricolore, qui connaît le Selle Français depuis toujours et le monte depuis ses cinq ans, il fait aussi le bonheur d’Arnaud Bazire, qui l’a vu naître dans la Manche. Il faut dire que cette belle histoire résulte d’une amitié de longue date entre la famille d’éleveurs normands et la famille Ermann. Retour sur l’itinéraire d’un cheval taillé pour les sommets, dont le premier se dresse face à lui, cette semaine en Espagne.
La première partie de ce portrait est à (re)lire ici.
“À cinq ans, Floyd aurait dû être vendu”, avoue Antoine Ermann. “Vincent Goudin, son copropriétaire actuel, devait l’acheter avec un ami à lui, qui s’est finalement désisté. La vente a été annulée, mais Vincent a tout de même tenu à acheter la moitié du cheval. Aujourd’hui, nous sommes donc propriétaires de Floyd ensemble et nous nous entendons très bien, tant sur le plan sportif que commercial. Si Floyd avait été vendu à cinq ans comme cela était prévu, je pense que je ne le monterais plus depuis un moment ! Nous avons reçu beaucoup d’offres depuis l’année dernière, mais nous essayons de le conserver pour le sport. Il fait cela tellement bien qu’il nous fait rêver chaque week-end !”
À cinq ans, Floyd des Prés aurait pu être vendu et a bien manqué de quitter Antoine Ermann. © Sportfot
Une progression linéaire et studieuse
Le destin ayant décidé d’un avenir commun pour Floyd et Antoine, l’aventure se poursuit de façon classique. À six ans, le grand alezan gagne en maturité et, l’expérience aidant, se montre plus posé. “À partir de ce moment-là, il a commencé à passer de vrais caps”, souligne son cavalier. “Il nous a prouvé qu’il était encore plus impressionnant que nous pouvions le penser. Il a confirmé son potentiel et, plus ça allait, plus il nous montrait de belles choses.” Avec son crack en devenir, le jeune pilote a avant tout axé son travail sur le contrôle. “Floyd a énormément de force et un équilibre un peu horizontal. Comme il faisait souvent l’idiot, avec son gros galop et sa force, il m'arrivait d'être emmené vers le bas après les sauts”, détaille-t-il. “Le fait qu’il se rééquilibre, qu’il s’allège dans son avant-main et qu’il soit davantage sur les hanches a pris du temps. J’ai rencontré des difficultés jusqu’à la fin de son année de huit ans, mais, aujourd’hui, à dix ans, il a fini de grandir et tout a été peaufiné ces deux dernières saisons, au cours desquelles il a encore franchi un cap supplémentaire. Il fallait parvenir à doser sa puissance et son équilibre, qu’il se concentre sur ce que je lui demande et qu’il régule ses efforts, car il avait tendance à en faire trop.”
Avec le temps et l'expérience, Floyd des Prés est parvenu à canaliser ses qualités et à les exprimer de la meilleure manière. © Mélina Massias
Tout au long de la formation de son protégé, Antoine n’a jamais grillé les étapes. Petit à petit, tous deux sont montés en puissance. Après avoir suivi les circuits réservés à sa classe d’âge, Floyd a abordé son premier parcours à 1,50m en toute fin d’année 2023, avant de poursuivre sur cette voie en 2024, à neuf ans. Cinquième puis deuxième de deux Grands Prix 3* à 1,55m à Gassin en mai et en octobre, le fils de Vigo Cécé a foulé ses premiers 5* entre-temps, à Paris et Valkenswaard, bouclant la première manche de la Global Champions League avec deux fautes à chaque fois. Après un bon CSI U25 à Genève, avec une faute dans le Grand Prix, l’heure de la révélation sonne début 2025 pour le duo. À Doha, le Selle Français se classe dix puis troisième des deux premiers Grands Prix 5* de sa carrière. Et tout s’enchaîne : une très bonne prestation à Fontainebleau, avec une malheureuse faute sur le… premier obstacle du Grand Prix 5*, un double zéro dans les Coupes des nations CSIO 3* de Mannheim et surtout CSIO 5* de Rome, puis deux nouvelles bonnes prestations dans les temps forts des CSIO 5* de La Baule et Paris, conclus avec cinq et quatre points. Face à ces prestations régulières et solides, Edouard Coupérie tranche et offre une chance bien méritée aux deux complices, qui se connaissent depuis toujours.
En quelques mois, le fils de Vigo Cécé s'est imposé au plus haut niveau et sous les couleurs de l'équipe de France. © Sportfot
“Floyd a couru sa première épreuve à 1,60m et son premier Grand Prix 5* en début d’année. Il a toujours très bien fait, mais je ne pensais pas une seconde pouvoir prétendre aux championnats d’Europe, d’autant qu’il y avait de très bons couples français en lice ! J’ai avant tout pensé à donner de l’expérience à mon cheval, à lui proposer les bons parcours, aux bons moments. À Rome, il a vraiment fait une démonstration. Je pense que c’est cette prestation qui a tout fait basculer. Il a sauté les deux Coupes des nations, de Mannheim et Rome, d’une manière remarquable. Arriver jusqu’à une sélection aux championnats d’Europe avec un cheval que l’on connaît depuis toujours est loin d’être commun. Avoir fait tout ce chemin avec lui rend la chose encore plus extraordinaire. Il y a sûrement une part de chance. Jeune, Floyd sautait très bien et montrait des qualités extraordinaires, mais à ce moment-là, on ne pense pas au haut niveau et on ne sait jamais si on y parviendra. Nous savions que nous avions un bon cheval, mais nous ne nous doutions pas que nous serions un jour sélectionnés pour les championnats d’Europe”, avoue Antoine, désormais fin prêt pour l’échéance espagnole.
"Je pense que c'est la prestation de Floyd à Rome qui a tout fait basculer", estime Antoine Ermann. © Dirk Caremans / Hippo Foto
“Voir un cheval de son élevage double sans-faute dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Rome, lorsqu’on a un effectif aussi réduit que le nôtre, est magique !”
À La Corogne, Antoine Ermann et Floyd des Prés pourront s’appuyer sur leur complicité et leur talent pour affronter leur première grande échéance. “Floyd a plein de qualités. Autant il pouvait être sensible plus jeune, autant il n’a jamais regardé un soubassement et ne s’est jamais arrêté de sa vie. Sur ce point-là, il n’a peur de rien. Il a toujours été extrêmement respectueux, mais aussi courageux. Et il a des moyens. Il est intelligent, et est même devenu un peu fainéant à la maison ! À pied, il est très gentil. Il adore que l’on s’occupe de lui, et il n’y a pas de souci particulier avec lui. Il peut être un peu ronchon au box, notamment lorsqu’il est l’heure de manger. Il aime bien être tranquille dans ces moments-là, mais il reste facile au quotidien. Plus jeune, il fallait parfois faire attention en main. Il est arrivé qu’il ait peur et qu’on l’échappe une ou deux fois… Cela a été mon cas une fois à Oliva, mais, heureusement, il n’a rien eu. Aujourd’hui, il a bien évolué et que ce soit à pied ou monté, et il reste assez calme et pratique”, complète le cavalier de vingt-trois ans au sujet de son crack.
Associés depuis toujours ou presque, Antoine Ermann et Floyd des Prés peuvent compter sur leur bonne relation pour affronter leur premier grand rendez-vous, cette semaine à La Corogne. © Sharon Vandeput / Hippo Foto
Cette semaine, le fils de Vigo Cécé et son binôme humain recevront le soutien d’un fan bien particulier… Arnaud Bazire ! “Avec Floyd et Antoine, nous sommes sur un petit nuage”, s’enthousiasme l’éleveur normand. “Pouvoir voir son cheval sur de telles épreuves n’est pas donné à tout le monde. Nous nous rendons compte de la chance qui est la nôtre. Voir un cheval de son élevage double sans-faute dans la Coupe des nations du CSIO 5* de Rome, lorsqu’on a un effectif aussi réduit que le nôtre, est magique ! Nous n’avons pas pu être présents à Rome, mais nous sommes allés à Fontainebleau, La Baule et Paris et nous irons à La Corogne. Nous nous disons qu’il faut profiter de l’instant présent. Nous n’aurons peut-être jamais la possibilité de revivre des événements comme ceux-là. Alors, nous en profitons pleinement. Grâce à notre relation privilégiée avec Jean-Yves et Antoine, nous avons suivi toute l’évolution de Floyd et avons reçu régulièrement des vidéos, de ses premiers sauts en liberté à aujourd’hui. Et nous pouvons aussi échanger sur des choix de croisements ensemble, ce qui est très agréable”, loue-t-il, avant de poursuivre. “J’ai l’impression qu’Antoine et Floyd se sont trouvés. Ils se connaissent parfaitement et Antoine a su façonner le poulain qu’était Floyd pour en faire un cheval de sport de haut niveau. Nous sommes admiratifs du travail et de la qualité d’homme de cheval d’Antoine, qui n’a que vingt-trois ans ! Il est issu du sérail mais sait prendre le temps avec tous ses chevaux. On sent chez lui une grande maturité dans son approche des animaux. Il est vraiment à l’écoute de ses chevaux, ce qui lui permet d’établir une relation avec eux et de les faire progresser.”
"J'ai l'impression que Floyd et Antoine se sont trouvés", savoure Arnaud Bazire, l'éleveur du hongre de dix ans. © Mélina Massias
Après Déesse, la sœur utérine de Floyd, qui avait débuté le circuit des sept ans avant de disparaître prématurément, le compétitif Béryl (Popstar Lozonnais x Djalisco du Guet), un petit-fils de Sirène du Lys qui brille désormais avec l’Allemande Mia-Charlotte Becker, Chips (Tresor x Orgueil du Donjon), vendue à sept ans, le succès continue de s’écrire entre l’affixe des Prés et Antoine Ermann. À son tour, le jeune homme ne tarit pas d’éloges sur le travail de la famille Bazire. “Ce sont de vrais passionnés, qui ne font pas naître énormément de chevaux : ils ont à cœur de produire des chevaux de qualité et ont toujours réussi à le faire. Arnaud continue de développer une souche que son père avait trouvée et le fait d’une super manière. Ce sont des amis proches, avec lesquels nous travaillons tout le temps. Floyd est le meilleur cheval qu’ils ont fait naître jusqu’à présent et Arnaud le suit à fond !”, apprécie-t-il.
Avec passion, patience et abnégation, Arnaud Bazire espère bien produire d’autres stars… qui, peut-être, prendront la relève de Floyd des Prés dans quelques années sous la selle d'Antoine. Si, pour l’heure, tous les regards se tournent vers l’Espagne et la suite de la folle épopée du fils de Vigo Cécé et son prodige de pilote, l’avenir s’écrit déjà aujourd’hui. Cette année, un seul poulain a vu le jour sous les couleurs de l’affixe normand, lois de l’élevage obligent. Ces lois, parfois dures, et les aléas qui séparent un poulain du très haut niveau, Arnaud Bazire les connaît bien. “Nous produisons des chevaux pour le sport. Voir Floyd atteindre ce niveau est gratifiant, mais il y a tout un tas d’éléments qui entrent en jeu pour une telle carrière. Certains chevaux resteront plus anonymes, là où d’autres toucheront les sommets, comme Floyd. Si la famille Ermann avait eu ce cheval dix ou quinze ans en arrière, à une période de lourds investissements, ils l’auraient peut-être vendu. On ne maîtrise pas tout cela. Mais, aujourd’hui, il y a eu la rencontre d’un cheval et d’un cavalier. Et leur entente et leur travail les ont amenés à ce niveau”, philosophe-t-il. “À travers nos choix et notre élevage, nous essayons de produire des chevaux utilisables et pratiques. Cela n’est pas toujours évident. Mais quand on y parvient, cela est extrêmement réjouissant ! Nous pourrons peut-être le refaire demain, je ne sais pas. L’espoir est permis : c’est lui qui nous guide en élevage.” Et avec Insolente des Prés (Vagabond de la Pomme), dernière fille d’Osiris, dont elle a pris la relève à l’élevage, le rêve continue.
Avec Insolente des Prés, sœur utérine de Floyd, et sa pouliche, Ozzy des Prés, par Halifax vh Kluizebos, l'affixe d'Arnaud Bazire a de beaux jours devant lui ! © Collection privée
Photo à la Une : La belle histoire qu’écrivent Antoine Ermann et Floyd des Prés n’en est qu’à ses premiers chapitres. © Mélina Massias